La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2022 | FRANCE | N°21/03600

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 mai 2022, 21/03600


ARRET







[N]

[V]





C/



[G]



UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA DE TOULOUSE



























































copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELAS BARTHELEMY

Me [G]

SCP ANTONINI

FB/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
<

br>

ARRET DU 04 MAI 2022



*************************************************************

N° RG 21/03600 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFEB



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 07 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 20/00047)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTS



Maître [W] [N]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA A...

ARRET

[N]

[V]

C/

[G]

UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA DE TOULOUSE

copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELAS BARTHELEMY

Me [G]

SCP ANTONINI

FB/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/03600 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFEB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 07 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 20/00047)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Maître [W] [N]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA ARCADIE SUD OUEST

222 place Ernest Granier, Arche Jacques Coeur

34000 MONTPELLIER

représenté, concluant et plaidant par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Annabelle MOLLET, avocat au barreau de LILLE

Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant

Madame [R] [V]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA ARCADIE SUD OUEST

2 rue Saint Côme

34000 MONTPELLIER

représentée, concluant et plaidant par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Annabelle MOLLET, avocat au barreau de LILLE

Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant

ET :

INTIMES

Monsieur [Y] [G]

né le 28 Mars 1966 à PONTARLIER

de nationalité Française

3 allée des Bois

02760 FRANCILLY-SELENCY

représenté, concluant et plaidant par Me Sylvie RACLE-GANDILLET, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA DE TOULOUSE

1, rue des Pénitents Blancs - CS 81510

31015 TOULOUSE CEDEX 6

représentée, concluant et plaidant par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de LAON

DEBATS :

A l'audience publique du 09 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme [B] [Z] en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme [B] [Z] indique que l'arrêt sera prononcé le 04 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [B] [Z] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 7 juin 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant M. [Y] [G] à Me [N] et Me [V], liquidateurs judiciaires de la société Arcadie Sud Ouest et à l'AGS de Toulouse, a dit que M. [G] a été victime de harcèlement moral et que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est requalifiée en licenciement nul, a fixé la créance de M. [G] dans la procédure collective de la société Arcadie Ouest à diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral (148 429 euros), au titre de la nullité du licenciement (89 352 euros), à titre de paiement de la mise à pied (2793 euros), du préavis (37 107 euros) et des congés payés afférents (3092 euros), de l'indemnité conventionnelle de licenciement (29 784 euros) et de l'article 700 du code de procédure civile (3000 euros), a déclaré les créances opposables à Me [N] et Me [V] en qualité de mandataires judiciaires de la société Arcadie Sud Ouest, a rappelé les termes et plafonds de la garantie du CGEA de Toulouse, a débouté M. [G] de ses autres demandes et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;

Vu l'appel interjeté le 8 juillet 2021 par Me [N] et Me Dauverchain, liquidateurs judiciaires de la société Arcadie Sud Ouest à l'encontre de cette décision qui leur a été notifiée le 23 juin précédent ;

Vu la constitution d'avocat de M. [G] effectuée par voie électronique le 26 juillet 2021 ;

Vu la constitution d'avocat de l'AGS effectuée par voie électronique le 31 aout 2021 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 février 2022 par lesquelles les liquidateurs judiciaires appelants, invoquant à titre liminaire la nullité du jugement entrepris pour violation du respect du principe du contradictoire, faisant valoir au fond que le salarié n'a pas subi de harcèlement moral et que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est pas justifiée en l'absence de manquements graves de l'employeur, contestant enfin les demandes indemnitaires du salarié, demandent à la cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [G] de ses autres demandes, statuant à nouveau d'annuler le jugement pour défaut de respect du contradictoire en vertu de l'article 16 du code de procédure civile, à défaut par dévolution du litige de débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes, à titre reconventionnel de le condamner à verser à la société Arcadie Sud Ouest des sommes au titre de l'indemnité de préavis (37 107 euros) et de l'article 700 du code de procédure civile (2 000 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2021 aux termes desquelles l'AGS demande à la cour de la dire recevable et bien fondée, à titre principal d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire de réduire ses demandes à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder six mois de salaire, de fixer l'éventuelle créance de ce dernier dans la procédure collective de la société Arcadie Sud Ouest et déterminer les sommes dont elle devra garantir le paiement dans la limite des dispositions et plafonds légalement imposés, de rappeler les limites et plafonds de sa garantie et d'employer les dépens de l'instance en frais de procédure collective ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2022 aux termes desquelles le salarié intimé, réfutant les moyens et l'argumentation des appelants aux motifs notamment que le principe du contradictoire a été respecté et que le jugement n'encoure pas la nullité, soutenant qu'il a subi un harcèlement moral de la part de son ancien employeur, que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est justifiée par des manquements graves de son employeur, sollicite de la cour de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, de confirmer dans son intégralité le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes, de débouter les liquidateurs judiciaires de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui verser une somme (5000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 mars 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 9 mars 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 3 février 2022 par les appelants et les 20 octobre 2021 et 24 février 2022 par les intimés auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel;

SUR CE, LA COUR

M. [G] a été employé par la société Arcadie Sud Ouest aux termes d'un contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2012 en qualité de directeur commercial.

Trouve à s'appliquer la convention collective nationale des coopératives et SICA bétail et viande. Au jour de la rupture du contrat de travail, M. [G] avait une ancienneté de 8 ans et l'entreprise Arcadie Sud Ouest employait au moins onze salariés.

Le salarié était titulaire d'un mandat de conseiller du salarié du département de l'Aisne.

Par courrier en date du 9 octobre 2019, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable et a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 25 octobre 2019, la société Arcadie Sud Ouest a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute grave.

Par décision en date du 23 décembre 2019, l'inspection du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. A la suite de ce refus, le salarié a sollicité sa réintégration au sein de la société le 27 décembre suivant.

Le 30 décembre 2019, il s'est vu signifier une nouvelle mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 6 janvier 2020, M. [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

« Je vous informe, par la présente, de ma décision de prendre acte de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui nous liait depuis le 2 janvier 2012.

Cette décision est motivée au regard des manquements contractuels qui sont les vôtres.

En effet, depuis votre prise de fonction en qualité de Directeur Général du groupe ARCADIE Sud-Ouest, je suis confronté à votre acharnement de vouloir rompre le lien contractuel nous unissant.

Ces man'uvres ont débuté dès le 10 juillet 2018. A cette date, vous aviez missionné le président Monsieur [T] [U] et Monsieur [H] [E] pour m'expliquer qu'il fallait que l'on envisage une rupture conventionnelle.

Dès nos premiers contacts, vous m'avez renvoyé l'idée selon laquelle, vous ne vouliez pas de notre collaboration.

Du 26 au 30 janvier 2019, je tiens le stand ARCADIE Sud-Ouest au salon SIRHA à Lyon en compagnie de mon collègue [I] [P] responsable commercial surgelé. Les 28 et 29 janvier 2019 vous êtes présent sur le stand, ne m'adressez pas la parole, m'ignorez devant les équipes et vous adoptez un comportement très humiliant envers moi.

Le 1er août 2019, par courriel, vous programmez pour le 21 août 2019 à 14h00, sur le site de BRIVE, une réunion des directeurs de site accompagnés de nouvelles recrues (notamment dans le domaine commercial).

Je suis totalement écarté de ce rendez-vous : «Réunion de cadrage de stratégie Commerciale».

Clairement, ce jour-là, vous avez présenté un organigramme segmentant la fonction de Direction Commerciale. Des noms (avec de nouvelles recrues) apparaissent et celui de [Y] [G] disparaît purement et simplement.

Lorsque mes collègues vous interrogent sur l'absence de nom sur le poste de Directeur Commercial, après un blanc d'une vingtaine de secondes vous répondez « la Direction Commerciale c'est moi ».

Dans le positionnement que vous avez exposé en mon absence le 21 août 2019, vous nommez pour la « GMS » [O] [S] responsable grands comptes et pour la « RHD, l'Industrie Frais et congelé » respectivement responsables grands comptes [A] [F] et [K] [J].

Clairement, avec ces trois personnes vous avez pour objectif de leur faire occuper le poste dont j'ai la responsabilité depuis le 2 janvier 2012 et ainsi de m'écarter totalement.

Je n'ai pas été convié à cette réunion du 21 août 2019 à BRIVE, qui concernait la mise en 'uvre de la stratégie commerciale avec votre nouvelle équipe. Ainsi, vous m'avez placé sciemment en dehors des décisions et des orientations de la politique commerciale.

Sans concertation dès le début septembre 2019, vous avez « personnellement demandé à [O] [D] de prendre rendez-vous » avec la centrale Carrefour.

Aussi, le 9 septembre 2019, vous avez diffusé un courriel aux collaborateurs les informant que vous me déchargiez totalement des dossiers Système U et [L] au profit de [O] [S].

J'ai donc subi de votre part des agissements répétés qui ont eu pour objet et pour effet, une dégradation de mes conditions de travail.

Il s'agit d'atteintes à mes droits et à ma dignité compromettant ma santé et mon avenir professionnel.

Dans le droit fil de votre stratégie destinée à m'évincer à tout prix de l'entreprise, vous avez cru bon devoir me notifier une mise à pied à titre conservatoire le 9 octobre 2019.

A l'issu de l'enquête contradictoire, le 23 décembre 2019, Madame l'inspectrice du travail vous a notifié par courrier recommandé avec AR sa décision de refuser mon licenciement.

Le 27 décembre 2019, après une conversation téléphonique avec Monsieur [E] qui m'indique que vous avez reçu la décision, je vous sollicite par courriel à 10h56 pour vous demander d'organiser ma réintégration en me restituant mes outils de travail.

Le dimanche 29 décembre 2019 à 16h15, je reçois un courriel de Monsieur [H] [E] notre DRH me confirmant que vous aviez pris connaissance de la décision de refus de mon licenciement et en raison du recours hiérarchique que vous alliez opérer, il me demandait de me mettre en congés.

Quelques heures après mon refus de me placer en congés, vous avez subitement envoyé un courriel le 30 décembre 2019 à 9h47 pour me notifier une deuxième mise à pied à titre conservatoire.

Vous refusez de me rétablir dans mes fonctions malgré la décision administrative du 23 décembre 2019 n'autorisant pas mon licenciement et ma demande de réintégration immédiate.

Il s'agit d'une violation de mon statut protecteur s'analysant en un manquement en vos obligations contractuelles.

Je constate que vous n'entendez nullement tirer les conséquences de la décision administrative de refus alors que les dispositions légales prévoient l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire et le versement des salaires dus au titre de cette période.

Alors que vous aviez l'obligation de maintenir mon emploi et mes conditions de travail nonobstant votre recours hiérarchique, vous m'infligez de surcroît une nouvelle mise à pied conservatoire.

Cette procédure abusive constitue un nouveau délit d'entrave à mes fonctions et ainsi vous persistez à me priver de travail et de salaire.

Effectivement, le 4 janvier 2020, je reçois mon bulletin de paie de décembre 2019 sur lequel figure une absence de salaire témoignant ainsi de votre refus de me régulariser les salaires et primes qui me sont dus et ce malgré ma demande.

Je relève donc un nouveau manquement avéré à vos obligations d'employeur.

Aussi, au regard de l'ensemble des éléments susvisés, je vous adresse ma prise d'acte de rupture du contrat de travail en raison de l'inexécution fautive de vos obligations contractuelles.

Je vous rappelle expressément que ce courrier ne constitue aucunement une démission mais une prise d'acte s'analysant et produisant les effets d'un licenciement nul. »

Le 7 janvier 2020, M. [G] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin qui, le 3 mars 2020, a jugé qu'il n'y avait pas lieu à référé et invitait le salarié à mieux se pourvoir.

Sollicitant que la prise d'acte de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul, invoquant notamment un harcèlement moral et sollicitant diverses créances indemnitaires, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin au fond le 29 avril 2020 qui, par jugement du 7 juin 2021 dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

La société Arcadie Sud Ouest a été placée en redressement judiciaire par jugement du 1er juillet 2020 du tribunal de commerce de Montpellier.

La liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 1er octobre 2020.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

Poursuivant la nullité du jugement, les appelants font valoir en substance que dès l'audience devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Saint- Quentin, le conseil du salarié Me [G] n'avait pas transmis à leur conseil les pièces annoncées dans sa requête, que lors de l'audience de conciliation Me [G] soutenait avoir communiqué ces dernières directement auprès de l'ancien employeur de son client et époux mais ne présentait ni la preuve de leur envoi, ni celle de leur réception. Ils ajoutent qu'en dépit de courriers qui lui ont été adressés et d'un courrier écrit au conseil de prud'hommes le 10 juillet 2020, seules les premières pièces numérotées de 1 à 25 ont été communiquées à la date du 13 juillet alors qu'elles auraient dû l'être avant l'audience devant le bureau de conciliation ayant eu lieu le 12 juin 2020. Ils précisent que la violation du principe du contradictoire s'est poursuivie puisque lors de l'audience devant le bureau de jugement du 12 avril 2021, Me [G] a communiqué une nouvelle pièce correspondant à une attestation établie le jour même en soutenant faussement qu'elle l'avait déjà adressée avant l'audience. Enfin les liquidateurs soutiennent que malgré une note en délibéré, le conseil n'en fait pas état dans sa décision et ne précise pas avoir rejeté les pièces incriminées, ce dont il résulte qu'il a rendu sa décision en se basant sur des pièces qui n'avaient pas été communiquées à toutes les parties.

S'opposant à ces moyens et à cette argumentation, M. [G] soutient que l'employeur a été destinataire de l'ensemble des pièces, que les pièces 26 à 28 ont été communiquées aux autres parties comme en atteste le justificatif d'envoi au conseil du CGEA, que le conseil de prud'hommes a respecté le principe du contradictoire du fait que l'employeur a produit une note en délibéré et que le seul fait que le conseil n'en fasse pas état dans sa décision n'illustre pas une violation du principe du contradictoire. Il affirme que la sanction dans ce type de situation n'est pas la nullité du jugement mais l'exclusion des pièces prétendument non communiquées.

L'AGS ne formule aucune demande de ce chef.

Sur ce,

Il résulte de l'article 15 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En outre, en vertu de l'article 16 de ce même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, les conseils des appelants établissent avoir écrit à Me [G] conseil du salarié par courriel du 26 mai 2020, puis lui avoir adressé des courriers les 12 juin 2020 et 3 juillet suivant pour lui demander de bien vouloir communiquer toutes les pièces visées à l'appui de sa requête initiale, précisant que l'employeur n'en avait pas davantage été personnellement destinataire.

En outre, les appelants justifient que leur conseil a écrit par courrier au conseil du prud'hommes de Saint-Quentin le 10 juillet 2020 afin de préciser que leurs différentes sollicitations auprès de Me [G] étaient restées sans réponse et qu'ils n'avaient pas été destinataires des pièces du salarié.

Me [G] produit pour seule réponse un courriel adressé au conseil des appelants le 13 juillet 2020 aux fins de communiquer ses pièces 1 à 25.

Les appelants précisent toutefois que les pièces 26 à 28 ne leur ont pas été communiquées.

Enfin, par une note en délibéré du 28 avril 2021 produite par les liquidateurs, leur conseil rappelait qu'au jour de l'audience Me [G] avait produit une attestation du Docteur [M] sans la lui avoir communiquée préalablement et qu'elle avait plaidé en se rapportant à des pièces qui n'avaient jamais été portées à sa connaissance. Aux termes de ce courrier, les conseils des appelants sollicitaient que cet incident fasse l'objet d'une inscription au plumitif par la greffière et que toutes les pièces numérotées au delà de la pièces 25 soient rejetées.

Force est de constater que le conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé sur le rejet des pièces sollicité aux termes de son jugement. Aucune mention relative à la note du 28 avril 2021 n'apparaît au jugement.

Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'employeur démontre suffisamment que des pièces ne lui ont pas été communiquées dans le cadre de la première instance, notamment les pièces 26 à 28, que le salarié n'apporte pas d'élément permettant de contredire utilement cette affirmation et qu'en l'absence de mention dans le jugement, la cour n'est dès lors pas en mesure d'avoir la certitude que le conseil de prud'hommes n'a pas statué au regard de pièces qui n'avaient pas été communiquées aux liquidateurs.

Par conséquent, il y a lieu de juger que le principe du contradictoire a été méconnu et d'annuler le jugement rendu le 7 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin.

Il résulte de l'application des articles 561 et 652 du code de procédure civile, que lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.

Il y a lieu en conséquence de statuer au fond sur l'ensemble des prétentions des parties.

Sur le harcèlement moral

Soutenant avoir été victime d'un harcèlement moral, M. [G] fait valoir en substance que M. [X], futur directeur général, souhaitait travailler avec une approche du commerce différente sans directeur commercial et que l'employeur lui a alors proposé une rupture conventionnelle le 10 juillet 2018. Il prétend qu'à la suite de son refus et à compter du 1er octobre 2018, M. [X] devenu directeur général a tout mis en 'uvre pour l'évincer de ses fonctions notamment en lui reprochant sa stratégie commerciale dès le 18 octobre suivant sans aucune connaissance des dossiers, ou en lui demandant de mettre en place une nouvelle vision commerciale au 1er novembre suivant. M. [G] ajoute que dès le début de l'année 2019, une offre d'emploi pour un poste de chef des ventes a été émise par l'entreprise dont la description permet de constater son éviction, qu'il n'a pas été convié à plusieurs réunions commerciales afin de lui faire perdre toute crédibilité envers son équipe, que M. [X] s'est rendu à un rendez-vous commercial pendant ses congés alors même qu'il avait été en premier lieu sollicité par le client et qu'il avait à plusieurs reprises sollicité M. [X] sur ses disponibilités, en vain. M. [G] prétend encore que ses fonctions ont été vidées de leur substance, M. [X] ayant présenté en mars 2019 un nouvel organigramme qu'il souhaitait mettre en place sans le consulter et en ne le mentionnant plus dessus, en recrutant notamment des salariés relevant directement de sa direction sans l'en avertir au préalable, en lui retirant des dossiers notamment Système U et [L] dont il avait la charge pour les confier à M. [D] nouvellement recruté sans son information. Enfin M. [G] affirme que poursuivant sa stratégie d'éviction, l'employeur lui a notifié une mise à pied conservatoire le 9 octobre 2019, qu'à la suite de son refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement il lui a été demandé de se mettre en congés le 29 décembre suivant alors qu'il sollicitait sa réintégration dans l'entreprise, pour enfin lui notifier une seconde mise à pied conservatoire le 30 décembre suivant.

S'opposant à cette demande, les liquidateurs appelants soutiennent que tout au long de la période au cours de laquelle M. [G] invoque ces agissements, il ne s'est pas plaint d'un harcèlement moral, qu'il ne lui a aucunement été proposé de signer une rupture conventionnelle, que nombre des agissements relatés par le salarié ne sont étayés par aucune pièce, qu'il n'établit pas l'offre d'emploi de chef de vente dont il se prévaut et que plus largement le salarié extrapole le contenu des courriels desquels il déduit une mise à l'écart. Les appelants affirment en outre que les attestations de salariés ne démontrent nullement la véracité des accusations de M. [G].

L'AGS fait valoir que le harcèlement moral n'est pas établi par le salarié.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, applicable en matière de discrimination et de harcèlement, le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers et à tout harcèlement.

Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu'ils émanent de l'employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d'un abus d'autorité, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Si des méthodes de gestion peuvent être constitutives de harcèlement moral, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de ce harcèlement. La seule dénonciation d'un climat de travail tendu ou de méthodes de management agressives et inadaptées au sein de l'entreprise ne peuvent valoir, en l'absence de faits précis concernant le salarié, qualification de harcèlement moral.

Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par le salarié figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

En l'espèce, M. [G] produit notamment :

- une demande du 23 décembre 2019 de réintégrer l'entreprise à la suite de la décision de refus de son licenciement et la réponse de l'employeur du 29 décembre suivant lui proposant de rester en congés jusqu'à nouvel ordre,

- un courriel envoyé à son employeur le 10 octobre 2019 relatif à un retrait de ses outils de travail,

- un courrier du 28 janvier 2020 de sa banque relatant les inquiétudes de M. [G] du fait du non paiement de son salaire,

- une demande de paiement de son salaire au titre de la mise à pied du 9 octobre 2019 et de la prime de 13ème mois ainsi qu'un courrier adressé à l'inspection du travail faisant état d'un refus de paiement des salaires.

- une attestation de M. [P] salarié de l'entreprise dans laquelle il affirme que M. [X] a totalement ignoré M. [G] lors d'un salon à Lyon,

- un certificat du Docteur [M] du 9 septembre 2019 constatant une symptomatologie anxio-dépressive sévère et inhibitrice occasionnant un handicap important dans les différents aspects du quotidien et rapportant les dires de M. [G] sur son lien avec une pression professionnelle.

- plusieurs courriels envoyés par M. [X] relatifs à des réunions professionnelles dont il n'apparaît pas destinataire alors qu'il occupait les fonctions de directeur commercial lors de leur déroulement.

Au vu des éléments versés par le salarié, la cour considère que celui-ci présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe à l'employeur de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Or, les liquidateurs échouent, d'une part, à contredire les affirmations du salarié selon lesquelles il a été évincé de plusieurs réunions intéressant pourtant la politique ou stratégie commerciale de la société, alors même qu'en sa qualité de directeur commercial, il était concerné au premier chef. Ainsi en va-t-il notamment de la réunion de cadrage du 21 aout 2019 et de la réunion sur la stratégie opérationnelle du 13 mars 2019. M. [G] démontre qu'il n'était pas destinataire des courriels de convocation ou relatifs à ces rencontres.

D'autre part, alors que certains échanges évoquent de nouveaux recrutements qui ne sont pas sérieusement contestés et dont l'existence ressort notamment du courriel du 1er aout 2019 expédié par M. [X] à ses équipes, les appelants n'établissent pas que M. [G] ait été consulté ni même informé de ces initiatives alors qu'il aurait dû l'être en sa qualité de directeur commercial.

Tel est le cas du recrutement de M. [D] en qualité de responsable commercial annoncé par courriel du 13 aout 2019 par M. [X] à une liste de destinataire où n'apparaît pas M. [G], ce courriel proposant d'ailleurs un plan d'intégration n'intégrant pas la présence de ce dernier.

En outre la cour constate que M. [D] s'est vue confier la gestion des dossiers [L] et System U comme annoncé par M. [X] dans son courriel du 6 septembre 2019 alors que M. [G] indique qu'il en avait la charge et a écrit à M. [X] pour s'en plaindre dès le 9 septembre suivant, les appelants ne contestant pas cet état de fait mais n'apportant ni réponse de M. [X] à ce courriel, ni élément permettant de remettre en cause les dires du salarié.

Dans le même sens, M. [C], interlocuteur de l'enseigne Carrefour partenaire de la société Arcadie Sud Ouest, soulignait dans un courriel envoyé à M. [D] le 13 septembre 2019 qu'il n'envisageait pas d'entrevue sans la présence de M. [G] alors désigné comme un intervenant principal dans le cadre de leurs relations commerciales.

Enfin, M. [G] justifie d'une détérioration de son état de santé par la production d'un certificat du Docteur [M] du 9 septembre 2019 constatant une symptomatologie anxio-dépressive sévère et inhibitrice occasionnant un handicap important dans les différents aspects du quotidien et précisant son origine que M. [G] impute à une pression professionnelle.

Dès lors et sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres agissements invoqués par le salarié au soutien de sa demande, la cour juge que le harcèlement moral caractérisé par une mise à l'écart manifeste de M. [G] et un retrait de ses fonctions est établi.

M. [G] sollicite la somme de 148 429 euros à titre de dommages et intérêts sans justifier cette évaluation de son préjudice résultant des faits de harcèlement moral.

La cour juge que la somme à même de réparer le préjudice subi par le salarié doit être évaluée à 5 000 euros. Le salarié sera débouté du surplus de ses demandes de ce chef.

Sur la prise d'acte de la rupture

La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de ce dernier qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les manquements invoqués et leur gravité ayant empêché la poursuite du contrat qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner
les manquements de l'employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En cas de doute, il profite à l'employeur.

En l'espèce, il résulte de la lettre de rupture du salarié qu'il reproche à l'employeur les manquements suivants : un harcèlement moral, la violation de son statut protecteur et le non-paiement des salaires.

Les liquidateurs estiment que la prise d'acte n'est pas justifiée au regard soit de l'absence de matérialité des griefs invoqués, soit de leur caractère tardif.

La cour a précédemment jugé que M. [G] avait été victime de faits de harcèlement moral qui se sont poursuivis à tout le moins jusqu'en octobre 2019 au regard des éléments versés aux débats, à la suite desquels l'employeur a mis en 'uvre à son encontre une procédure de licenciement initiée le 9 octobre qui s'est soldée par un refus d'autoriser son licenciement le 23 décembre 2019.

M. [G] justifie en outre qu'à la suite de ce refus, il a demandé à son employeur par courriel du 23 décembre 2019 de réintégrer l'entreprise, lequel lui a répondu le 29 décembre suivant qu'il lui proposait de rester en congés jusqu'à nouvel ordre.

Enfin il est établi que M. [G] a fait l'objet d'une nouvelle mise à pied conservatoire le 30 décembre 2019 à la suite de son refus de se mettre en congés jusqu'à nouvel ordre.

Or, M. [G] a effectivement pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 janvier 2020 en reprochant à son employeur notamment des faits de harcèlement moral, au soutien desquels il soulève également l'acharnement de son employeur à tenter de l'évincer de l'entreprise. Sa prise d'acte constitue dès lors la suite immédiate du contexte de harcèlement moral et de méconnaissance de son statut protecteur, manquements graves de l'employeur.

Il justifie au surplus sans que les appelants le contestent sérieusement ne pas avoir été réglé de ses salaires au titre de la seconde mise à pied conservatoire qui n'est pas justifiée.

Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée par les manquements de l'employeur et notamment par un harcèlement moral produisant ainsi les effets d'un licenciement nul.

Sur les créances du salarié au titre de la rupture

La prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement nul, le salarié peut par conséquent prétendre aux indemnités de rupture (indemnité de préavis et de licenciement le cas échéant) mais également à des dommages et intérêts à raison du caractère illicite du licenciement.

A titre liminaire, les parties s'opposent sur la détermination du salaire moyen du salarié, ce dernier y incluant une prime de déplacement de 1 200 euros par mois, les appelants soutenant au contraire que cette prime correspond au remboursement de frais de location d'un appartement à Toulouse et que les remboursements de frais professionnels ne constituent pas des éléments de rémunération pour calculer la rémunération moyenne mensuelle. Sur ce dernier point, M. [G] n'articule aucun argument.

Le salarié se prévaut d'un salaire mensuel moyen de 12 369 euros et les liquidateurs appelants de 11 169 euros.

La cour constate au regard des bulletins de paie versés par le salarié pour les 12 mois précédant la rupture de son contrat de travail qu'aucune somme ne correspond à une « prime de déplacement » à hauteur de 1200 euros par mois tel que le présente M. [G] dans le calcul de son salaire mensuel moyen.

En revanche apparaissent des sommes variables à titre de remboursement de frais, qui ne sont d'ailleurs pas versées chaque mois, et qui à ce titre ne constituent pas des éléments de rémunération qui doivent être pris en compte dans la détermination du salaire mensuel moyen pour le calcul des droits du salarié.

Par conséquent, la cour retient que le salaire mensuel moyen de M. [G] s'élève à la somme de 11 169 euros.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Il y a lieu de relever que dans sa requête devant le conseil de prud'hommes, M. [G] réclamait simultanément une «indemnité pour caractère illicite de la rupture du contrat de travail» de 74 214 euros, et une «indemnité pour nullité du licenciement d'un salarié protégé» de 111 321 euros. Or ces demandes ont la même nature et visent à obtenir indemnisation du fait de la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, étant observé que M. [G] ne sollicite pas de paiement de salaires au titre de la période de protection, de sorte qu'il ne saurait lui être allouée une double indemnisation.

Sur ce,

Selon l'article L.1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, « l'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [G], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [G] doit être évaluée à la somme de 89 352 euros, soit 8 mois de salaire.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents

Il y a lieu de constater que les parties s'accordent sur la détermination de la durée du préavis auquel était soumis M. [G] et sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents soit trois mois de salaire équivalente à la somme de 37 107 euros outre 3092 euros de congés payés sur préavis. La cour précise néanmoins que M. [G] serait bien fondé à solliciter la somme de 3710 euros à titre de congés payés afférents mais qu'il limite sa demande à la somme de 3092 euros.

En conséquence, la créance du salarié dans la procédure collective de la société Arcadie Sud Ouest sera fixée aux sommes de 37 107 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3092 euros à titre de congés payés afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

M. [G] sollicitait en première instance la somme de 119 567 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En cause d'appel, il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 29 784 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et ne sollicite pas une autre somme.

Les appelants font valoir que si la cour la juge due, l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être fixée à la somme de 29 784 euros.

En l'espèce, l'article 38 de la convention collective nationale des coopératives et SICA bétail et viande dispose : « Indépendamment du préavis, tout ingénieur ou cadre ayant au moins 3 ans de présence effective dans l'entreprise recevra, s'il est licencié, une indemnité égale à un mois de salaire augmentée d'un tiers de mois par année au-delà de 3 ans. La date prise pour le calcul des indemnités sera celle de l'entrée dans l'entreprise. Cette indemnité ne sera pas due si le licenciement a pour cause une faute grave du salarié.
En aucun cas l'indemnité de licenciement versée au salarié ne pourra être inférieure à l'indemnité légale de licenciement. »

Conformément à ces dispositions, et contrairement au calcul établi par M. [G] qui applique un mois de salaire par année d'ancienneté auquel il ajoute un tiers de mois par année au-delà de 3 ans, l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à la somme de 29 784 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale de licenciement.

Sur la demande de rappel de salaire du 30 décembre 2019 au 6 janvier 2020

M. [G] soutient qu'en raison du refus de licenciement par l'inspecteur du travail, l'employeur doit lui verser le salaire correspondant à la période du 30 décembre 2019 au 6 janvier 2020 à hauteur de 2 793 euros.

Les liquidateurs judiciaires soulignent sans plus de précision que M. [G] n'est pas fondé à demander le paiement de la mise à pied conservatoire prononcée le 30 décembre 2019.

Or, M. [G] a établi au moyen d'échanges de courriel qu'à la suite de la décision de refus de le licencier rendue par l'inspecteur du travail, il a demandé le 27 décembre 2019 à son employeur d'organiser sa réintégration au sein de l'entreprise et qu'en réponse, ce dernier lui a proposé de se mettre en congé jusqu'à nouvel ordre le temps d'engager un recours hiérarchique. M. [G] justifie également avoir refusé cette mise en congés payés forcée et qu'en retour, le 30 décembre suivant, l'employeur lui notifiait une nouvelle mise à pied conservatoire dont la procédure n'a pas été poursuivie. M. [G] a alors pris acte de la rupture de son contrat de travail justifiée par les manquements de son employeur le 6 janvier 2020.

Par conséquent, la cour juge que les salaires du 30 décembre 2019 au 6 janvier 2020 lui sont dûs, les appelants n'en contestant pas spécifiquement le montant.

La créance de M. [G] sera fixée à la somme de 2793 euros à titre de rappels de salaires pour la période du 30 décembre 2019 au 6 janvier 2020 étant observé que le salarié ne forme aucune demande au titre des congés payés afférents.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient de dire le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Toulouse et de rappeler que la garantie de l'AGS n'est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D. 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à L.3253-24 du code du travail.

Il convient également de dire que l'AGS ne garantit pas les sommes allouées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, en présence d'une procédure collective intéressant la société Arcadie Sud Ouest, la cour doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Eu égard à la solution de l'instance, il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [G] et d'allouer à celui-ci, pour l'ensemble de la procédure, une indemnité de 2 500 euros.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles exposés par eux.

Les liquidateurs judiciaires seront condamnés aux dépens de l'ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Annule le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 7 juin 2021,

Statuant au fond,

Dit que M. [G] a été victime de harcèlement moral,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [G] produit les effets d'un licenciement nul,

Fixe les créances de M. [G] dans la procédure collective de la société Arcadie Sud Ouest aux sommes suivantes qui seront inscrites sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 89 352 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 37 107 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3092 euros de congés payés afférents,

- 29 784 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2 793 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 30 décembre 2019 au 6 janvier 2020,

Déboute M. [G] du surplus de ses demandes,

Déclare la décision opposable à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Toulouse venant aux droits du CGEA de Toulouse qui sera tenue à garantie, toutes créances avancées pour le compte du salarié, dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L.3253-17, D.3253-2 et D. 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l'étendue de sa garantie à savoir les articles L.3253-8 à L.3253-13, L.3253-15 et L.3253-19 à L.3253-24 du code du travail ;

Condamne Me [N] et Me [V] ès qualités à verser à M. [G] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne Me [N] et Me [V] ès qualités aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03600
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.03600 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award