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04/05/2022 | FRANCE | N°21/03349

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 mai 2022, 21/03349


ARRET







S.A.S. SAS SOREDIS





C/



[H]



























































copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELARL MCMB

Me RUBAUDO

FB/IL/SF



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 MAI 2022



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N° RG 21/03349 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEUH



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT QUENTIN DU 31 MAI 2021 (référence dossier N° RG 19/00153)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



SAS SOREDIS

31, Rue du Val Clair

51100 REIMS



représentée, concluant et plaidant par Me Franck MICHELET de la ...

ARRET

S.A.S. SAS SOREDIS

C/

[H]

copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELARL MCMB

Me RUBAUDO

FB/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/03349 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IEUH

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT QUENTIN DU 31 MAI 2021 (référence dossier N° RG 19/00153)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SAS SOREDIS

31, Rue du Val Clair

51100 REIMS

représentée, concluant et plaidant par Me Franck MICHELET de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS

Me Anthony CONTANT, avocat au barreau de LAON, avocat postulant

ET :

INTIMEE

Madame [O] [H]

née le 29 Août 1970 à SAINT-QUENTIN

de nationalité Française

11, rue des Ateliers

02100 OMISSY

représentée, concluant et plaidant par Me Rémy RUBAUDO, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 09 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme [X] [R] en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme [X] [R] indique que l'arrêt sera prononcé le 04 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [X] [R] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 31 mai 2021par lequel le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant Mme [O] [H] à son ancien employeur, la société Soredis, a dit abusive la clause de non concurrence liant les parties, a prononcé la nullité de la clause, a débouté la société de ses demandes reconventionnelles, l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros à la salariée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 24 juin 2021 par la société Soredis à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 5 juin précédent ;

Vu la constitution d'avocat de Mme [H], intimée, effectuée par voie électronique le 19 juillet 2021 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant que la clause de non- concurrence est licite et que la salariée a violé son obligation de non concurrence, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme [H] à lui payer la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaires pour violation de la clause de non-concurrence jusqu'au 30 octobre 2019 inclus et, à titre subsidiaire, la somme de 55 000 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaires pour violation de la clause de non-concurrence jusqu'au 23 août 2019 inclus ainsi que la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021 aux termes desquelles la salariée intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, soutenant la nullité de la clause de non-concurrence contenue au sein de son contrat de travail, considérant en tout état de cause n'avoir commis aucune violation de l'obligation de non concurrence, précisant enfin que la clause pénale contenue dans la clause de non concurrence est disproportionnée, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée, demande à la cour de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes et de condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 mars 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 9 mars 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 26 janvier 2022 par l'appelant et le 24 novembre 2021 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Soredis est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros (commerce interentreprises) de boissons. La société emploie plus de 12 salariés et applique la convention collective nationale des distributeurs conseils hors domicile.

Mme [H] a été embauchée par la société Soredis en qualité de responsable clientèle, statut agent de maîtrise, aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 novembre 2013.

Par courrier en date du 22 février 2019, Mme [H] a démissionné de son poste.

Par courrier en date du 27 février 2019, l'employeur a accusé réception de la démission de la salariée, lui a rappelé l'existence du préavis de deux mois. La fin de la relation contractuelle a été fixée au 25 avril 2019.

Par courrier en date du 13 mars 2019, l'employeur a rappelé à la salariée l'existence d'une clause de non concurrence au sein de son contrat de travail.

Soutenant que la salariée avait violé sa clause de non concurrence, la société Soredis a assigné celle-ci devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin.

Par ordonnance en date du 4 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Saint- Quentin, statuant en référé, a condamné la salariée à régler à la société Soredis la somme de 10 euros par jour ouvrable à compter de la date du prononcé de la décision au titre de la clause pénale jusqu'à la fin des 12 mois prévus contractuellement et non rétroactifs, a prononcé l'exécution provisoire de l'ordonnance, a débouté la société Soredis du surplus de ses demandes, a débouté Mme [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné à Mme [H] l'application du jugement à compter du prononcé et sur la base de jours ouvrables, a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

Sur appel interjeté par Mme [H], la cour d'appel d'Amiens, par arrêt en date du 15 octobre 2020 a confirmé l'ordonnance de référé sauf en ce qu'elle a condamné la salariée à régler à la société Soredis la somme de 10 euros par jour ouvrable à compter de la date du prononcé de la décision au titre de la clause pénale jusqu'à la fin des 12 mois prévus contractuellement et non rétroactifs, et par voie de conséquence en ce qu'elle a ordonné à Mme [H] l'application du jugement à compter du prononcé et sur la base de jours ouvrables, y ajoutant, a débouté la société Soredis de ses demandes actualisées, a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société Soredis aux entiers dépens de première instance et d'appel. La cour a notamment jugé que les premiers juges avaient fait application de la clause pénale prévue à l'article 12 du contrat de travail alors que cette condamnation ne constituait pas une mesure qui ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ou que justifiait l'existence d'un différend au sens de l'article R 1455-5 du code du travail ni une mesure conservatoire ou de remise en état qui s'imposait soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. La cour a également constaté que l'obligation de payer la clause pénale se heurtait à une contestation sérieuse.

Parallèlement, considérant nulle la clause de non concurrence mentionnée au sein de son contrat de travail, Mme [H] a saisi le 19 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin au fond, qui, statuant par jugement du 31 mai 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la clause de non concurrence

Pour juger nulle la clause de non concurrence contenue au sein du contrat de travail de la salariée, les premiers juges ont constaté que l'employeur n'avait pas réglé la clause de non concurrence à compter du premier jour qui a suivi le départ de la salariée, date de paye de l'ensemble du personnel ; a indiqué que les intérêts de la salariée n'avaient pas été pris en compte ; que la salariée avait exprimé son désaccord sur le montant minimal calculé par l'employeur en retournant le chèque correspondant au calcul de l'employeur ; que la clause ne s'étendait pas à la zone de chalandise de Saint-Quentin selon les critères de l'INSEE et de l'enquête des flux commerciaux réalisée tous les 3 ans par les chambres de commerce, mais à 7 départements ; que Mme [H] n'exerçait exclusivement son activité que sur un secteur restreint du département de l'Aisne, représentant exactement la zone de chalandise déterminée par l'étude des flux commerciaux ; que cette clause doit être limitée dans le temps et dans l'espace : la clause de non concurrence devant être limitée pour ne pas entraver le principe de liberté du travail du salarié et correspondre à la zone géographique de la salariée ; qu'il ne serait pas logique comme le prétend la société Soredis, que Mme [H] prospecte sur des secteurs géographiques où des commerciaux de la même société sont déjà en charge de la clientèle ; que la société Soredis n'apportait pas la preuve d'un quelconque préjudice correspondant à l'activité nouvelle de Mme [H] ; qu'il appartenait au juge du fond d'apprécier le caractère 'raisonnable ' de cette clause de non concurrence.

La société Soredis reproche aux premiers juges d'avoir fait référence à la zone de chalandise soutenant que le secteur géographique de la clause de non concurrence doit s'apprécier à l'aune du secteur dans lequel l'exercice d'une activité professionnelle par le salarié serait de nature à faire réellement concurrence au précédent employeur.

La société soutient la clause de non concurrence licite en ce qu'elle est limitée dans le temps, dans l'espace, que la contrepartie financière prévue ne présente pas un caractère dérisoire.

Mme [H] conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle considère que la clause de non concurrence n'est pas valable au regard du secteur géographique imposé précisant qu'elle n'exerçait son activité professionnelle que sur une zone réduite du département de l'Aisne.

En outre, la salariée soutient que la contrepartie financière prévue est d'un montant dérisoire et qu'au surplus celle-ci n'a pas été intégralement versée par l'employeur.

Sur ce ;

En l'espèce, l'article 12 du contrat de travail de Mme [H] contient une clause de non concurrence rédigée comme suit:

'Compte tenu de la spécificité des fonctions de Mme [H] [O] et pour préserver les intérêts de la SAS Soredis Vendis Saint Quentin en cas de rupture du contrat de travail pour quelque motif que ce soit Madame [H] [O] s'engage à compter de la rupture du présent contrat à ne pas entrer au service d'une entreprise concurrente ni à collaborer directement ou indirectement à des activités pouvant concurrencer les activités de la SAS Soredis Vendis Saint Quentin ( vente en gros, négoce).

Les activités susmentionnées ne pourront être exercées pendant 1 an à compter de la date de rupture effective du contrat sur le territoire suivant: Aisne et département limitrophes.

Pendant la durée d'application de cette interdiction de concurrence et en contrepartie de son respect absolu par Madame [H] [O], la SAS Soredis Vendis Saint Quentin versera une indemnité mensuelle brute de 15% de sa rémunération mensuelle brute calculée sur la moyenne des trois derniers mois dans l'entreprise.

En cas de violation de cette interdiction de concurrence, Madame [H] [O] s'exposera, outre à la cessation du paiement de la contrepartie financière ci-dessus mentionnée, au paiement, par journée concurrentielle constatée, d'une indemnité forfaitaire de 1 000 euros, le paiement de ces sommes n'étant pas exclusif du droit que la SAS Soredis Vendis Saint Quentin se réserve de poursuivre Madame [H] [O] en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de son activité commerciale.

La SAS Soredis Vendis Saint Quentin se réserve le droit de libérer Madame [H] [O] de l'interdiction de concurrence sans que celui-ci puisse prétendre au paiement d'une quelconque indemnité. Elle devra dans ce cas notifier sa décision de renonciation à l'application de la présente clause dans les 30 jours de la notification de la rupture quel qu'en soit l'auteur, par lettre recommandée avec accusé de réception.'

Il ressort des éléments du dossier que par courrier en date du 13 mars 2019 la société Soredis a rappelé à la salariée son souhait de maintenir et appliquer la clause de non concurrence.

Une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

En l'espèce, la société Soredis a pour activité la commercialisation de boissons auprès de professionnels.

Mme [H] exerçait au sein de la société Soredis, les fonctions de responsable de clientèle.

Ces fonctions au sein de la société lui ont donné une parfaite connaissance des clients de la société, des attentes spécifiques de ceux-ci mais également de la stratégie commerciale et tarifaire de son ancien employeur.

Il ressort ainsi qu'elle avait un contact privilégié avec les clients de la société, qu'elle avait accès à des informations commerciales et économiques de celle-ci ainsi qu'à l'identité des partenaires et clients de l'entreprise.

La société Soredis disposait ainsi d'un intérêt légitime à protéger ses parts de marchés vis à vis de ses concurrents directs en interdisant à son ancienne salariée de reprendre un emploi dans le même domaine d'activité.

Pour être licite, la clause de non concurrence doit également répondre à une double condition en ce qu'elle doit être limitée dans le temps et l'espace.

En l'espèce, la limite temporelle d'une année fixée à la salarié n'apparaît pas d'une durée excessive eu égard à la nécessité d'assurer la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.

Cette clause est géographiquement limitée au département de l'Aisne ainsi qu'aux départements limitrophes ce qui comprend les départements du Nord (59), de la Somme (80), de l'Oise ( 60), de la Seine et Marne (77), de la Marne (51) et des Ardennes (08).

Mme [H] soutient ne jamais avoir travaillé dans un autre département que celui de l'Aisne, précisant que d'autres commerciaux, salariés de la société Soredis travaillaient sur ces secteurs d'activité.

Elle affirme en outre ne jamais avoir eu accès aux éléments de politique commerciale appliqués sur les territoires limitrophes. Au vu de ces éléments, elle considère que le secteur géographique imposé par la clause de non concurrence est manifestement trop large.

L'employeur, qui observe que dans le cadre de son nouveau contrat de travail au sein d'une entreprise concurrente a accepté une clause de non concurrence portant sur 13 départements, indique que la salariée a eu connaissance de la politique commerciale de la société, qu'elle a disposé des outils lui permettant de prospecter et que le secteur géographique doit être apprécié à l'aune de la zone au sein de laquelle le salarié, par son activité professionnelle, serait de nature à faire réellement concurrence au précédent employeur.

La clause de non-concurrence doit, compte tenu des spécificités de l'emploi occupé, être justifiée par l'intérêt de l'entreprise. Cette exigence doit conduire l'entreprise à s'interroger, salarié par salarié, ou fonction par fonction, sur son intérêt ainsi que sur la réalité et l'importance du risque économique et commercial encouru en cas d'exercice d'une activité concurrente par le collaborateur concerné.

Le niveau hiérarchique et les responsabilités du salarié ne suffisent pas à eux seuls à justifier ou à exclure une obligation contractuelle de non-concurrence Ce qui compte avant tout, c'est la réalité du préjudice susceptible d'être subi par l'entreprise, apprécié à l'aune des fonctions du salarié, notamment de son savoir-faire ou des informations stratégiques auxquelles il a pu avoir accès ou des liens privilégiés noués avec la clientèle.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la salariée était directement en relation avec la clientèle, qu'elle avait connaissance d'informations stratégiques de l'entreprise et notamment de la politique commerciale de cette dernière. Le fait que Mme [H] n'ait pas spécifiquement développé son activité sur d'autres départements que celui de l'Aisne ne démontre pas qu'elle n'avait pas accès à la politique commerciale de l'entreprise sur ces départements, et ce, d'autant qu'il n'est ni soutenu ni établi que cette politique commerciale ait été différente selon les départements concernés.

La clause de non concurrence doit être limitée aux lieux géographiques dans lesquels le salarié est susceptible de concurrencer son employeur.

Au regard de la nature de l'activité de l'entreprise ( vente de boissons aux entreprises), des spécificités des fonctions de responsable de clientèle qu'occupait Mme [H], de sa qualification professionnelle, de son savoir-faire, des connaissances techniques confidentielles auxquels elle avait eu accès au niveau commercial, il y a lieu de considérer que la délimitation géographique de la clause de non concurrence ne portait pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté de travail de la salariée.

Mme [H] n'était ainsi pas empêchée de travailler au motif que les limitations de la clause de non concurrence lui permettaient suffisamment de travailler soit dans le secteur de la vente de boissons mais en dehors des départements mentionnés soit au sein d'une entreprise qui n'avait pas pour activité la vente de boissons aux entreprises.

La salariée soutient que la contrepartie financière fixée était de nature dérisoire.

Elle indique que la société en a évalué son montant en mai 2019 à la somme totale de 3 946,20 euros soit 1,8 mois de salaire, rappelle qu'elle n'avait pas le statut de cadre mais celui d'agent de maîtrise.

Elle constate que la société Soredis, a augmenté le montant de la contrepartie financière dans ses nouveaux contrats de travail pour le porter à 30%.

L'employeur considère que la contrepartie pécuniaire doit s'apprécier à l'aune de la qualification effective de la salariée. Il rappelle que la salariée bénéficiait d'une ancienneté de 5 années au sein de l'entreprise, considère qu'elle aurait pu mettre à profit les deux mois de préavis pour augmenter son activité et ses revenus, la base de calcul de l'indemnité étant les 3 derniers mois de salaire.

Il considère qu'au regard de ses éléments, la contrepartie financière n'était pas dérisoire.

Une contrepartie financière dérisoire à la clause de non concurrence contenue dans un contrat de travail équivaut à une absence de contrepartie.

En l'espèce, le moyen soulevé par l'employeur relatif à l'ancienneté de la salariée doit être considéré comme inopérant, le contrat de travail contenant la clause de non concurrence étant par définition signé à l'origine de la relation contractuelle et ayant vocation à s'appliquer quelle que soit l'ancienneté de la salariée au jour de la rupture du contrat.

Si la salariée soutient que sa rémunération était uniquement constituée d'une partie fixe, il y a lieu de constater que ses allégations sont contredites par ses bulletins de paie qui mentionnent l'existence de versements de 'primes sur objectifs' de 'prime gratification proratisée' et font état de montants de salaires différents d'un mois sur l'autre.

La contrepartie financière fixée à 15% du salaire brut calculé sur les 3 derniers mois n'apparaît pas dérisoire en ce que le salaire brut de base de Mme [H] s'élevait, hors prime, à la somme mensuelle moyenne de 2 175 euros au regard de la lecture de ses derniers bulletins de salaire.

Il sera constaté qu'au sein de son nouveau contrat de travail, la salarié a accepté le principe d'une clause de non concurrence prévoyant une interdiction d'exercice sur 8 départements moyennant le versement d'une contrepartie financière de 20% de la moyenne des salaires perçus au cours des 12 derniers mois, sans qu'il ne soit établi le caractère plus favorable de ces dispositions.

Au regard des limitations géographique et temporelle prévues, de l'emploi occupé par Mme [H], la contrepartie financière ne présente pas de caractère dérisoire. Si la salariée allègue le contraire en indiquant dans ses conclusions des pourcentages de rémunérations plus importants prétendument versés par la société Soredis à l'occasion de la conclusion des nouveaux contrats, elle n'en justifie pas et elle ne produit pas d'éléments relatifs notamment aux limitations géographiques et temporelles désormais prévues.

Mme [H] soutient que la société Soredis n'a pas rempli ses obligations quant au règlement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

Elle considère avoir été libérée de son obligation en raison de l'absence de règlement de cette contrepartie.

Ainsi, la salariée considère que la société aurait dû lui verser la contrepartie à compter du 25 avril 2019, qu'elle s'en est abstenue en ne commençant à lui verser cette somme qu'à compter du 1er mai 2019.

En outre, elle conteste le quantum de la somme versée par l'employeur considérant qu'une somme mensuelle de 330,70 euros par mois lui était due alors que la société ne lui a réglé que la somme de 328,85 euros. Elle indique que le montant de la contrepartie financière aurait dû été calculé sur la base des trois derniers mois de salaires soit février, mars, avril 2019.

L'employeur considère qu'il appartient à la salariée d'apporter la preuve de qu'elle a respecté sa clause de non concurrence.

Il précise que Mme [H] n'a respecté son obligation qu'une seule journée puisque le contrat de travail a été rompu le 25 avril 2019, qu'elle a été embauchée en qualité de commerciale par la société Rouquette, principal concurrent de la société Soredis à compter du 29 avril 2019, la déclaration préalable à l'embauche ayant été effectuée dès le 26 avril 2019.

En outre, il soutient que le montant de  la contrepartie financière a été calculé sur la base des trois derniers mois de salaires complets versés à la salariée soit les mois de janvier, février, mars et que le calcul effectué n'est pas erroné.

La cour rappelle que l'obligation de paiement de la contrepartie financière est liée à la cessation d'activité du salarié et au fait que celui-ci respecte la clause de non-concurrence.

La violation de l'interdiction de non concurrence est caractérisée lorsque le salarié exerce une activité hors les limites fixées par la clause, qu'il s'agisse des limites temporelles ou géographiques ou des limites liées à l'exercice de l'activité concurrente.

C'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve d'une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié. La violation d'une clause de non-concurrence n'est caractérisée qu'à la condition que les actes de concurrence soient matérialisés.

Pour déterminer s'il y a eu violation de l'interdiction de non-concurrence, la portée de la clause doit s'apprécier par rapport à l'activité réelle de l'entreprise.

En l'espèce, la société appelante a pour activité le commerce de boissons aux entreprises.

Il résulte des éléments produits que le 29 avril 2019, Mme [H] a été embauchée par la société Rouquette, dont le siège social est situé à Chelles (77), dont l'activité est également la vente de boissons aux entreprises.

Madame [H] a été embauchée par la société Rouquette en qualité de commerciale alors qu'elle occupait en dernier lieu, au sein de la société Soredis, les fonctions de responsable de clientèle. Ses fonctions sont ainsi identiques.

En outre, elle exerce ses fonctions dans un périmètre visé par l'interdiction de non concurrence, la société Soredis versant aux débats des attestations de ses commerciaux précisant que leur ancienne collègue a démarché certains clients communs.

Par conséquent, il résulte de l'ensemble de ces circonstance que Mme [H] a méconnu l'obligation de non concurrence stipulée au contrat de travail dès le 29 avril 2019 soit 3 jours après la rupture de la relation contractuelle la liant à la société Soredis , de sorte qu'elle ne peut légitimement soutenir en avoir été libérée par son employeur en raison du non paiement de la contrepartie financière .

Au vu de ces éléments, par infirmation du jugement entrepris, il sera désormais jugé que la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail de la salariée est licite et qu'elle a été méconnue par la salariée.

Sur la demande reconventionnelle de la société Soredis

La société Soredis demande à la cour de faire application de l'article 12 du contrat de travail de la salariée et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence jusqu'au 30 octobre 2019 inclus et subsidiairement la somme de 55 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence jusqu'au 23 août 2019 inclus.

L'employeur soutient qu'à compter du 29 avril 2019, Mme [H] a exercé ses nouvelles fonctions au sein de la société Rouquette, son concurrent. La société Soredis affirme avoir subi un préjudice en ce qu'elle établit que Mme [H] a démarché ses clients 'Aux bons enfants', 'Le Jubilé', 'L'Auberge de l'Ermitage, '4D', certains d'entre eux ayant fait le choix de ne pas renouveler leur relation commerciale avec la société Soredis et de contractualiser un nouveau partenariat commercial avec la société Rouquette.

L'employeur soutient que toute disproportion de la clause pénale devra être écartée dès lors qu'il est produit aux débats les pièces afférentes au préjudice commercial subi par l'entreprise à hauteur de 232 305 € HT correspondant à la perte de quatre clients.

Mme [H] rappelle que l'indemnité n'est due, au terme du contrat de travail, que par journée concurrentielle constatée. Elle rappelle qu'elle ne travaille ni le samedi, ni le dimanche, qu'elle dispose de 5 semaines de congés payés.

En outre, elle soutient l'existence d'une disproportion de la demande et du montant de l'indemnité fixé à 1 000 euros par jour et demande à la cour, en application de l'article 1231-5 du code civil, de réduire le montant de la pénalité.

Elle conteste le montant du préjudice commercial prétendument subi par la société Soredis aux motifs que la société ne fait état que de la perte de 4 clients, qu'elle ne verse pas de contrat d'approvisionnement la liant à ces clients, qu'elle n'apporte aucune précision sur sa marge brute et que les clients attestent avoir quitté la société Soredis non pas en raison de son propre départ de la société mais à la suite de multiples insatisfactions.

Sur ce ;

La cour rappelle que clause pénale est une clause qui, conformément à l'article 1152 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, fixe à l'avance le montant des dommages-intérêts qui seront dus par celui qui n'exécutera pas son obligation. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

La clause pénale stipulée au contrat de travail de Mme [H] est ainsi libellée :

'En cas de violation de cette interdiction de concurrence Madame [H] [O] s'exposera, outre à la cessation du paiement de la contrepartie financière ci-dessus mentionné, au paiement, par journée concurrentielle constatée, d'une indemnité forfaitaire de 1 000,00 €, le paiement de ces sommes n'étant pas exclusif du droit que la SAS Soredis Vendis Saint Quentin se réserve de poursuivre Madame [H] [O] en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de son activité commerciale.'

En l'espèce, la société intimée fait état d'un détournement de clientèle et produit des pièces et attestations permettant d'établir la captation d'une partie de la clientèle en raison du démarchage de Mme [H] pour le compte de son nouvel employeur.

Ainsi, il est établi que Mme [H] a démarché les clients de la société Soredis.

Le fait que les sociétés Auberge de l'Ermitage, '4D' et Le Jubilé attestent en faveur de la salariée en affirmant avoir pris de leur plein gré contact avec la société Rouquette et cessé leur partenariat avec la société Soredis ne limite en rien la responsabilité de Mme [H] en ce qu'il résulte des attestations produites par la société Soredis qu'elle a personnellement démarché ces entreprises alors qu'elle était liée à son ancien employeur par une clause de non concurrence.

Cependant, la société Soredis qui évalue son préjudice commercial à la somme de 232 305 euros HT ne produit pas d'éléments suffisants tendant à établir la pertinence de son chiffrage.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que les pénalités stipulées à la clause pénale sont manifestement excessives. En effet, alors que la contrepartie financière était fixée à la somme totale de 3 946,20 euros, soit 1,8 mois de salaire, les pénalités mises à la charge de la salariée en cas de violation de l'obligation de non concurrence s'élèvent à une somme totale de 180 000 euros, soit plus de 80 mois de salaire.

En conséquence, la cour condamne Mme [H] à verser à la société Soredis une somme au titre de l'indemnité forfaitaire instituée par la clause pénale fixée à 5 000 euros.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.

Il convient en l'espèce de condamner Mme [H] succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

Le jugement entrepris qui a condamné la société Soredis au paiement d'une indemnité de procédure est infirmé de ce chef.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [H] les frais irrépétibles exposés par elle.

Il y a également lieu de condamner Mme [H] aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 31 mai 2021 ;

Statuant à nouveau :

Dit licite la clause de non-concurrence contenue au contrat de travail liant Mme [O] [H] à la société Soredis ;

Dit que Mme [O] [H] a méconnu l'obligation de non-concurrence stipulée au contrat de travail ;

Condamne Mme [O] [H] à payer à la société Soredis la somme forfaitaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence ;

Condamne Mme [O] [H] à payer à la société Soredis la somme de 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [O] [H] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03349
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.03349 ?
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