La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2022 | FRANCE | N°21/01797

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 mai 2022, 21/01797


ARRET







S.A.S. FLIXIDIS





C/



[M]



























































copie exécutoire

le 04 mai 2022

à

Me Amouel

Me Hamel

LDS/MR/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 MAI 2022



******************************

*******************************

N° RG 21/01797 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBXF



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 10 MARS 2021 (référence dossier N° RG 19/00070)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. FLIXIDIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

ZAC des...

ARRET

S.A.S. FLIXIDIS

C/

[M]

copie exécutoire

le 04 mai 2022

à

Me Amouel

Me Hamel

LDS/MR/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/01797 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBXF

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 10 MARS 2021 (référence dossier N° RG 19/00070)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. FLIXIDIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

ZAC des Hauts du Val de Nièvre

80420 FLIXECOURT

représentée et concluant par Me Nathalie AMOUEL de la SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Emilie DECROOS, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMEE

Madame [V] [M] épouse [E]

née le 29 Août 1961 à AMIENS (80000)

de nationalité Française

11 Rue du Contay

80260 HERISSART

représentée et concluant par Me Christine HAMEL de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 30 mars 2022, devant Mme Laurence DE SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Laurence [R] indique que l'arrêt sera prononcé le 04 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Laurence [R] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence DE SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence DE SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [E], née le 29 août 1961, a été embauchée par la SAS Flixidis (la société ou l'employeur) à compter du 2 novembre 2005 par contrat à durée indéterminée, en qualité de conditionneuse boucherie et volailles. Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste d'employée libre-service.

Son contrat est régi par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

L'effectif de la société est supérieur à 10 salariés.

Elle a été victime le 27 mars 2017 d'un accident du travail pris en charge par son organisme social au titre de la législation sur les risques professionnels, en raison de « troubles psy ». Elle a été déclarée consolidée le 15 novembre 2018.

Elle a ensuite formulé une demande de reconnaissance de sa pathologie psychiatrique au titre d'une maladie professionnelle hors tableau qui a fait l'objet d'une décision de rejet après avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le 11 décembre 2019, lors de la visite de reprise, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

La salariée a été convoquée le 20 décembre 2019 par la SAS Flixidis à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Par courrier du 10 janvier 2020, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Amiens, le 26 février 2019, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat travail aux torts exclusifs de la société Flixidis.

Le conseil de prud'hommes d'Amiens par jugement du 10 mars 2021, a :

- constaté que la société Flixidis avait procédé à une modification unilatérale du contrat de travail de Mme [E] tant vis-à-vis de sa qualification que de sa rémunération ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts exclusifs de la SAS Flixidis ;

- dit que la rupture était intervenue le 10 janvier 2020 et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit et jugé que la SAS Flixidis avait modifié unilatéralement la rémunération de Mme [E] en lui retirant ses primes ;

- condamné la SAS Flixidis à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 102,26 euros à titre de congés payés sur indemnité de préavis ;

- 24 613,56 euros à titre de rappel de salaire sur primes ;

- 2 461,35 euros au titre des congés payés afférents ;

- dit et jugé que Mme [E] ne bénéficiait pas d'une reconnaissance de maladie professionnelle ;

- dit et jugé qu'à la date de la rupture de son contrat de travail, Mme [E] ne bénéficiait pas du statut d'accident du travail ;

- dit et jugé que de ce fait, Mme [E] ne pouvait bénéficier de la protection liée aux salariés reconnus en maladie professionnelle, ni de celle des salariés placés en accident du travail ;

- débouté Mme [E] de sa demande en nullité du licenciement entrepris par la SAS Flixidis ;

- dit que Mme [E] n'apportait aucun élément venant corroborer des faits de harcèlement moral ;

- dit que de ce fait, la SAS Flixidis n'avait pas manqué à son obligation de résultat en matière de santé au travail ;

- débouté de ce fait, Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- constaté que Mme [E] n'apportait aucun élément venant mettre en avant qu'elle aurait subi une perte de salaire liée à ses arrêts de travail ;

- débouté Mme [E] de sa demande de rappel de salaire du jour de sa demande de résiliation à la date de ladite résiliation judiciaire ;

- ordonné à la SAS Flixidis de communiquer à Mme [E] une attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et bulletin de salaire conformes à la décision, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification du jugement ;

- dit que le conseil se réservait le droit de liquider ladite astreinte ;

- condamné la SAS Flixidis à payer à Mme [E] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [E] de sa demande au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Flixidis aux entiers dépens ;

- débouté la société Flixidis de sa demande reconventionnelle.

Par conclusions remises le 21 mars 2022, la SAS Flixidis, qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 10 mars 2021 en ce qu'il a :

- constaté que la société Flixidis avait procédé à une modification unilatérale du contrat de travail de Mme [E] tant vis-à-vis de sa qualification que de sa rémunération ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts exclusifs de la SAS Flixidis ;

- dit que la rupture était intervenue le 10 janvier 2020 et produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit et jugé que la SAS Flixidis avait modifié unilatéralement la rémunération de Mme [E] en lui retirant ses primes ;

- condamné la SAS Flixidis à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 102,26 euros à titre de congés payés sur indemnité de préavis ;

- 24 613,56 euros à titre de rappel de salaire sur primes ;

- 2 461,35 euros au titre des congés payés afférents ;

- ordonné à la SAS Flixidis de communiquer à Mme [E] une attestation Pôle Emploi, un solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la décision, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification du jugement ;

- dit et jugé que le conseil se réservait le droit de liquider ladite astreinte ;

- condamné la SAS Flixidis à payer à Mme [M] épouse [E] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle.

- débouter purement et simplement Mme [E] de l'ensemble de ses prétentions ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer les prétentions de Mme [E] légitimes et bien fondées,

1- Dans l'hypothèse d'une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur :

- dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- réduire à de plus juste proportions le montant des indemnités sollicitées ;

- dire que Mme [E] a été intégralement remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement ;

2- Dans l'hypothèse d'une nullité du licenciement pour inaptitude :

- réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicitées ;

- dire que Mme [E] a été intégralement remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement ;

3- Dans l'hypothèse de l'absence de consultation des représentants du personnel :

- réduire à de plus juste proportions le montant des indemnités sollicitées ;

- dire que Mme [E] a été intégralement remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement ;

En tout état de cause,

- débouter purement et simplement Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral ;

- débouter purement et simplement Mme [E] de ses prétentions au titre d'un rappel de salaires et de primes ;

- dire, au surplus, prescrite la demande de rappel de primes formulée sur la période antérieure au 1er février 2016 ;

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 22 mars 2022, Mme [E] demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 10 mars 2021 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Flixidis et dire que cette résiliation devra produire les effets d'un licenciement nul.

- condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal à lui payer :

- 36 920,34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 9 650,99 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

- 24 613,56 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant du jour de la saisine en résiliation judiciaire au jour de la rupture du contrat ;

- 2 461,36 euros au titre des congés payés afférents ;

A titre subsidiaire,

- dire que son licenciement en date du 10 janvier 2020 nul pour inaptitude consécutive à des faits de harcèlement moral ;

- condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal à lui payer :

- 36 920,34 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 4 102,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 410,22 euros à titre de congés payés sur préavis ;

- 9 650,99 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que son licenciement en date du 10 janvier 2020 a été prononcé en violation des dispositions des articles L1226-10 et suivants du code du travail ;

- condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal à lui payer la somme de 24 613,56 euros à titre de dommages et intérêts en violation des dispositions de l'article L1126-10 du code du travail.

- condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal à lui payer :

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 4 102,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 410,22 euros à titre de congés payés sur préavis ;

- 9 650,99 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

A titre très infiniment subsidiaire,

- dire que son licenciement en date du 10 janvier 2020 a été prononcé en violation des dispositions des articles L1226-12 du code du travail ;

- condamner la société Flixidis, sur le fondement des dispositions de l'article L.1226-15 du code du travail, à lui payer la somme de 24 613,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

- condamner la société Flixidis à lui payer :

-4 102,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-410,22 euros à titre de congés payés sur préavis ;

-9 650,99 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement dont appel et condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal à lui payer :

- 18 750 euros à titre de rappels de salaires ;

- 1 875 euros à titre de congés payés sur rappels de salaires ;

- 24 613,56 euros à titre de rappels de salaires sur la période courant de janvier 2019 au 10 janvier 2020 ;

- 2 461,36 euros au titre des congés payés y afférents ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 10 mars 2021 en ce qu'il a ordonné la remise, sous astreinte non comminatoire de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de paie conformes à la dite décision ;

- débouter la société Flixidis de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 10 mars 2021 en ce qu'il a condamné la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal au paiement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Flixidis prise en la personne de son représentant légal au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la cour d'appel et dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la première saisine du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 26 février 2019 ;

- débouter la société Flixidis de toute demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la première saisine du conseil de prud'hommes d'Amiens du 19 février 2019.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

I- Sur la demande de résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul :

La voie de la résiliation judiciaire est ouverte au salarié qui invoque que l'employeur a gravement manqué à son égard à ses obligations contractuelles, légales ou conventionnelles.

 

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie et produit, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ou nul et avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsque, à cette date le contrat de travail est toujours en cours.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

En l'espèce, au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, Mme [E] invoque la modification imposée de son contrat consistant en une rétrogradation, la suppression de ses primes et la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat résultant d'un harcèlement moral. Il convient donc d'examiner tour à tour ces griefs.

- Sur la modification du contrat de travail et la suppression des primes :

Mme [E] expose que sa carrière a évolué au gré de différents avenants, qu'ainsi avant le 16 septembre 2013, elle était responsable des rayons boucherie libre-service et volaille libre-service mais qu'à l'issue de l'avenant du 16 septembre 2013, elle a été rétrogradée au poste d'employée commerciale N3, perdant la qualité de responsable des rayons susvisés ainsi que les primes liées aux marges et au chiffre d'affaires des rayons boucherie libre-service et volaille libre-service, qu'elle n'a pas signé cet avenant qui lui a été imposé et qu'il s'agit d'une modification unilatérale de son contrat de travail. Elle dénie sa signature sur l'exemplaire de l'avenant produit par la société, faisant remarquer qu'il n'a pas été produit en première instance. Elle ajoute que, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, elle n'a pas accepté cette situation à propos de laquelle elle a multiplié les réclamations, qu'elle en a souffert et que ce manquement justifie la résiliation du contrat de travail.

L'employeur soutient que le changement de fonction de Mme [E] a été acté par un avenant qu'elle a signé ainsi qu'il ressort de l'exemplaire qu'elle produit, qu'elle a depuis le 16 septembre 2013 exécuté ses nouvelles fonctions sans émettre la moindre contestation pendant plus de trois ans, que la Cour de cassation considère que la dénonciation par le salarié de faits anciens qu'il reproche à l'employeur et n'ayant pas empêché la poursuite du contrat de travail ne permet pas de caractériser des faits d'une gravité suffisant permettant de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, que la salariée ne justifie pas du grave préjudice qu'elle invoque, l'avenant n'ayant eu aucune incidence tant sur sa qualification professionnelle que sur sa rémunération et l'état de grande fragilité psychologique alléguée à la date de l'avenant ne résultant pas des pièces qu'elle produit.

La cour rappelle que la modification du contrat de travail et de la rémunération requièrent l'accord exprès du salarié. Par ailleurs, par application des articles 287 et 288 du code de procédure civile si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge est tenu de vérifier l'écrit contesté au vu des éléments dont il dispose.

Il est établi que, par avenant au contrat de travail du 16 septembre 2013, Mme [E] a perdu la fonction de responsable des rayons boucherie libre-service, charcuterie traiteur saucissonnerie libre-service et volaille libre-service de même que les primes liées aux marges et au chiffre d'affaires des rayons boucherie libre-service et volaille libre-service à compter du 23 septembre 2013. L'exemplaire du contrat de travail produit par la salariée ne comporte pas sa signature contrairement à celui versé au débat par l'employeur. Les pièces de comparaison dont dispose la cour, à savoir les signatures figurant sur le contrat et les précédents avenants, permettent de retrouver suffisamment de points communs, en particulier (la forme du B et du O et l'orientation des lettres) pour attribuer de façon certaine à Mme [E] la signature figurant sur l'avenant litigieux.

La signature n'est pas précédée de la mention " Lu et approuvé », toutefois tel n'a pas été le cas pour l'avenant du 1er septembre 2007 que la salariée n'a pas contesté.

Il ne saurait donc être retenu que la modification du contrat de travail et de la rémunération n'a pas été consentie par Mme [E].

Au surplus, la cour constate que l'avenant a été exécuté pendant 3 ans et 6 mois sans que la salariée justifie avoir émis de contestation, sa première réclamation en ce sens résultant d'une lettre adressée à l'employeur le 6 mai 2017. Il s'en déduit que le grief invoqué n'a pas empêché la poursuite de la relation contractuelle. C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a fondé sa décision de résiliation du contrat de travail sur ce manquement allégué.

- Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de direction mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [E] soutient que lorsqu'elle a eu 50 ans elle est devenue manifestement indésirable ; qu'elle a été violemment rétrogradée au poste d'employée de vente et que ses conditions de travail se sont particulièrement dégradées en raison des agissements de ses collègues qui ont mal perçu son retour ; que l'ambiance s'est encore dégradée lorsque, au mois de janvier 2017 son directeur, M. [J], bénéficiant toujours à ce jour de la présomption d'innocence a été écarté de ses fonctions en raison d'une procédure pénale en cours ce qui a provoqué chez elle et ses collègues un véritable choc psychologique ; qu'un grand nombre de salariés a alors quitté l'entreprise en raison de « l'inqualifiable management » dont la société a fait preuve au préjudice de ses salariés ; que la société a d'ailleurs été condamnée pour fraude ; que, parfaitement informée de la situation intolérable dans laquelle elle se trouvait de par ses nombreuses dénonciations et son placement sous le régime de l'accident du travail, la société n'a pris aucune mesure pour l'en protéger et l'a privée de ses indemnités journalières en raison du refus de transmission des attestations modèle 53 ; qu'elle l'a harcelée pendant son hospitalisation en la sommant par SMS du 27 décembre 2018 de se rendre à une visite de reprise fixée au lendemain tout en lui reprochant faussement de ne pas avoir justifié de ses absences ; qu'elle l'a soumise à des contrôles médicaux ; que le refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels fait actuellement l'objet d'un recours ; qu'elle a développé un important syndrome de stress anxiodépressif nécessitant un traitement lourd et des hospitalisations en psychiatrie et pour lequel elle se trouve en affection de longue durée ; que son état de santé est directement lié à ses conditions de travail et non à des difficultés personnelles et que, par conséquent, la violation par l'employeur de son obligation de sécurité étant patente, la résiliation judiciaire du contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul.

Elle s'appuie notamment sur les pièces suivantes :

- le courrier du 5 octobre 2018, d'un médecin pour un rendez-vous afin de pratiquer une contre-visite médicale à l'initiative de l'employeur,

- une lettre adressée au directeur du magasin, le 6 mai 2017, pour dénoncer son déclassement en tant qu'employé libre-service sans motif légitime, en septembre 2013, et le fait qu'en réalité elle a repris les fonctions de responsable 6 mois plus tard, sans rétablissement de la prime correspondante et de la mention de ce poste sur ses bulletins de paie,

- une notification de prise en charge d'un accident du travail du 27 mars 2017, par la caisse primaire d'assurance-maladie,

- plusieurs pièces médicales faisant état d'un syndrome dépressif évoluant depuis le 27 mars 2017 dans un contexte très compliqué au travail, d'un suivi psychologique et psychiatrique et d'hospitalisations en psychiatrie,

- le dossier de la médecine du travail, rempli par le Dr [N], reprenant les doléances de la salariée depuis 2015, où apparaît en 2017 la problématique liée aux démêlés de l'ancien directeur avec la justice ayant généré un sentiment d'injustice et en 2018, le fait que cette la salariée se dit « embêtée par les autres bouchers » qui n'apprécient pas « son travail de contrôle »,

- une lettre recommandée adressée à M. [J], le 25 octobre 2016, par le Dr [N], attirant son attention sur le fait que dans le cadre des visites médicales plusieurs salariés lui ont rapporté des faits laissant supposer une détérioration importante des relations de travail et de l'environnement de travail susceptibles à terme de porter atteinte à leur santé et finalement à la performance de l'entreprise et le rappelant à ses obligations à cet égard,

- le registre unique du personnel produit par l'employeur,

- les procès-verbaux d'auditions menées dans le cadre de l'enquête de la caisse primaire d'assurance-maladie sur sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle d'où il ressort que M. [U], employé du rayon boucherie, a reconnu qu'il avait pu y avoir quelques querelles entre Mme [E] et d'autres bouchers et qu'elle n'allait pas bien et que Mme [L], manager frais, relate qu'en août 2018, à son retour de congé Mme [E] n'a pas fait état de problèmes relationnels au rayon boucherie mais de problèmes de traçabilité qui ont conduit à un avertissement général qui n'a donné lieu à aucune observation de sa part, qu'elle a eu connaissance d'un différend entre elle et M. [U] pour lequel elle est intervenue et qu'elle a constaté qu'elle pleurait souvent sans donner d'explication,

- une attestation rédigée par ses soins aux termes de laquelle elle relate une dispute qu'elle a eue le 8 septembre 2018 avec le chef boucher qui l'accusait d'être « faillotte » pour avoir fait remonter des problèmes de traçabilité et le malaise physique qui s'en est suivi,

- des documents concernant la mise en place d'un suivi psychologique le 7 février 2017 pour faire face aux conséquences de la procédure pénale engagée contre le directeur mis en examen et écroué pour viols aggravés sur des salariées du magasin,

- un article de journal du 29 août 2019 montrant que le même directeur a été condamné pour avoir contraint des salariés à lui restituer en espèces une partie de leur indemnité versée dans le cadre d'une procédure de rupture conventionnelle,

- un SMS du 27 décembre 2018 lui disant qu'en l'absence de justificatif depuis le 15 décembre, il avait été demandé une visite médicale de reprise pour le 28 décembre suivant, la convocation devant l'ASMIS étant jointe,

- des documents concernant le refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa dépression dont l'avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles en l' « absence d'objectivation de dégradation des conditions de travail, de charge de travail supplémentaire de pression temporelle, de manque d'autonomie » et « l'existence de facteurs confondant pouvant expliquer les troubles psychiatriques actuelles et, partant, de l'impossibilité de retenir le lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle », et dont la notification de la confirmation du rejet de sa demande de prise en charge par la commission de recours amiable,

- des avis d'arrêt de travail et de placement sous le régime de l'affection de longue durée,

- une lettre adressée à l'employeur, le 9 novembre 2018, à propos du règlement du 13e mois et l'informant que partant en maison de repos elle ne reprendra pas tout de suite de travail,

- la fiche médicale de préreprise du 9 octobre 2019 mentionnant que son état de santé est incompatible avec sa reprise au poste de travail tel qu'il existe,

- des messages échangés en décembre 2018 avec la caisse d'assurance-maladie à propos du versement de ses indemnités journalières d'où il ressort que le montant de ses indemnités journalières est correct, que la caisse réclame « ce jour » à l'employeur l'attestation de salaires au risque maladie et l'invite à se rapprocher de celui-ci pour qu'il adresse le document dans les meilleurs délais,

- une attestation d'une amie selon laquelle ses pensées suicidaires ont connu une recrudescence après l'appel du directeur du Super U de Flixecourt du 25 octobre 2019.

- une attestation de Mme [C], ancienne déléguée du personnel du magasin, selon laquelle elle a envoyé par e-mail un courrier à l'inspection du travail pour lui faire part des différents problèmes rencontrés dans le magasin en septembre 2018 et une autre, par laquelle elle fait part de ce que, à plusieurs reprises, la salariée est venue la voir pour des problèmes en boucherie.

Il a déjà été dit que la salariée avait consenti à la modification de son contrat de travail consistant à lui faire perdre la qualification de responsable de rayons.

Mme [E] ne démontre pas non plus de carence de l'employeur dans la mise en place de ses droits à indemnités journalières.

Les autres faits présentés par Mme [E], matériellement établis, pris et appréciés dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur fait valoir en substance que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et affirme que la maladie psychiatrique de la salariée trouve sa cause certainement dans la procédure pénale engagée début 2017, contre l'ancien directeur auquel elle était très attachée et dont elle est persuadée de l'innocence comme d'autres collaborateurs. Il soutient qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour permettre à la salariée de surmonter ce traumatisme par la mise en place d'un suivi psychologique notamment. Il ajoute que des difficultés personnelles peuvent également expliquer la pathologie de Mme [E]. À son dossier figurent une lettre écrite par Mme [E] le 15 mars 2017 pour prendre la défense de M. [J], se montrant persuadée de son innocence et faire part de la souffrance qu'a provoquée chez elle son éviction, se félicitant du soutien apporté par le nouveau directeur, ainsi que la fiche d'incident traumatisant et du document de restitution des entretiens et de la visite de diagnostic de gestion de crise de l'organisme Cris-up saisi à la suite des événements concernant M. [J].

À l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l'employeur démontre que ces faits ne sont pas constitutifs de harcèlement moral.

En effet, les documents versés aux débats, notamment l'enquête menée par la caisse primaire d'assurance-maladie à la suite de la déclaration de maladie professionnelle et les attestations de la déléguée du personnel, ne permettent pas de mettre en évidence « des conditions de travail intenables », « de querelles particulièrement destructrices » et un climat particulièrement dégradé au sein de la boucherie créé et entretenu, depuis 2013 par l'employeur, dont la salariée aurait été particulièrement la victime directe mais d'une seule dispute entre Mme [E] et un collègue, M. [U] à propos de la traçabilité de la marchandise.

Par ailleurs, s'il est certain que les accusations de viol proférées par certaines salariées à l'encontre d'un ancien directeur suivies de la mise à l'écart et de la mise en examen de ce dernier, ont créé dans l'entreprise un climat difficile ayant nécessité une prise en charge psychologique, et que ce même directeur s'est rendu coupable de malhonnêteté aux dépens de salariés, ces faits ne constituent pas des agissements répétés visant spécialement Mme [E]. À cet égard, l'employeur justifie de ce qu'il a saisi un organisme indépendant pour gérer la crise provoquée par le scandale de l'incarcération de son directeur qui a consisté en des entretiens individuels, la mise en place d'un numéro de téléphone d'écoute dédié et la prise en charge psychologique des salariés le désirant dont Mme [E]. Il est à souligner que le syndrome anxiodépressif dont est affecté la salariée est concomitant à cet événement, celle-ci n'ayant pas fait état de souffrance psychologique auprès de la médecine du travail auparavant et les documents médicaux étant postérieurs à cette époque.

De plus, l'organisation d'une visite de préreprise le 27 décembre 2018 répond à une obligation de l'employeur.

Le fait d'avoir sollicité une contre-visite médicale après une longue absence pour maladie de la salariée procède de l'exercice normal de ses prérogatives et, au demeurant, constitue un fait isolé.

Il y a lieu de constater au surplus, que si le médecin du travail a alerté l'ancien directeur en 2016 sur la dégradation des relations de travail, aucune mention concernant cette époque ou une époque antérieure ne figure sur le dossier de la médecine du travail de Mme [E] de sorte qu'il n'est pas possible de rapprocher cette alerte de doléances de cette dernière.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de dire que Mme [E] ne justifie pas des manquements qu'elle impute à la société au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail et de la débouter de l'ensemble de ses prétentions de ce chef.

II- Sur les demandes au titre de la nullité du licenciement :

Mme [E] soutient que son inaptitude a pour cause le harcèlement moral dont elle a été victime de sorte qu'il est nul par application de l'article L. 1152-1 du code du travail. Elle reprend l'ensemble des manquements invoqués au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.

La société fait remarquer à juste titre que ces griefs n'ayant pas été retenus au soutien de sa demande principale, ne sauraient davantage légitimer sa demande en nullité de son licenciement pour inaptitude.

Il y a donc lieu de rejeter les demandes présentées de ce chef.

La cour observe que Mme [E] ne formule pas de demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse mais seulement au titre du licenciement nul.

III- Sur l'application des dispositions de l'article L. 1226- 14 du code du travail :

Mme [E] soutient que son licenciement est consécutif à une inaptitude d'origine professionnelle puisqu'elle relevait du régime de l'accident du travail et de la maladie et qu'un recours étant pendant devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens, l'employeur était tenu d'appliquer les dispositions protectrices des victimes d'accidents de travail prévues à l'article L. 1226- 14 du code du travail.

L'employeur le conteste en faisant valoir que l'accident du travail a été déclaré consolidé le 15 novembre 2018, que sa demande de prise en charge au titre de la maladie professionnelle a été rejetée par la caisse et qu'il appartiendra à la salariée de justifier de la décision du pôle social du tribunal judiciaire qu'elle indique avoir saisi.

L'article L1226-14 dispose : «La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L1234-9.»

Compte tenu de l'autonomie du droit du travail par rapport à celui de la sécurité sociale l'application des règles protectrices du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie par un organisme de sécurité sociale.

Les règles protectrices sus-visées ne s'appliquent qu'à la double condition que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins en partie pour origine l'accident ou la maladie professionnelle et que l'employeur a eu effectivement connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement étant précisé que c'est au salarié qu'il appartient d'établir cette connaissance, laquelle peut résulter des circonstances de fait.

L'employeur qui est informé, au moment du licenciement, qu'une procédure avait été engagée par le salarié pour faire reconnaître le caractère professionnel de son accident ou de sa maladie doit mettre en 'uvre la législation professionnelle.

En l'espèce, la salariée n'invoque au soutien de sa demande que le critère du régime de l'accident du travail et de la maladie professionnelle. Or, à la date du licenciement, elle ne bénéficiait plus du régime de l'accident du travail puisqu'elle avait été déclarée consolidée le 15 novembre 2018 et sa demande de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels avait été rejetée par l'organisme social. Il lui incombe donc de rapporter la preuve de ce que l'employeur était informé de ce que cette décision de rejet faisait l'objet d'un recours. Tel n'est pas le cas, étant observé que la société n'est pas partie à la procédure qui l'oppose à la caisse primaire d'assurance-maladie et pour laquelle une ordonnance avant dire droit a été rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'Amiens le 27 février 2020.

En conséquence, Mme [E] apparaît mal fondée en sa demande d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis prévues à l'article L. 1226-14, le jugement étant confirmé de ce chef.

IV- Sur le défaut de consultation des délégués du personnel et la violation des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail :

- Sur la consultation des délégués du personnel :

L'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose : « lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

(...) Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. (...) ».

Il résulte de la lecture de ce texte que l'avis des membres du comité social et économique est requis pour l'examen des propositions de reclassement formulées par l'employeur, par conséquent, dès lors que ce dernier n'est pas soumis à l'obligation de procéder au reclassement du salarié, il est également dispensé de consultation du comité.

En l'espèce, le médecin du travail a déclaré que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi ce qui dispensait l'employeur à la fois de procéder à des recherches et de consulter le comité social et économique. Ce moyen doit par conséquent est écarté.

- Sur la violation alléguée des dispositions de l'article L.1226-12 du code du travail :

L'article L. 1226- 12 du code du travail impose à l'employeur qui est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié de lui faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent reclassement.

Mme [E] allègue qu'en application de ce texte, la société était tenue de lui exposer très clairement les motifs qui s'opposaient à son reclassement et ainsi de lui rappeler les mentions visées au sein de l'avis d'inaptitude et que, n'ayant pas rempli cette obligation, il est tenu de lui payer des dommages et intérêts par application de l'article L. 1226- 15 du code du travail.

L'employeur répond à juste titre qu'il était dispensé de cette formalité en raison de l'avis du médecin du travail selon lequel l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Ce moyen est donc également inopérant.

V- Sur la demande de rappel de prime :

Mme [E] sollicite un rappel de prime d'intéressement à hauteur de 250 euros par mois pour la période du 1er octobre 2013 au 10 janvier 2020 invoquant l'illégitimité de l'avenant du 23 septembre 2013. Elle fait valoir que sa mise en demeure du 6 mai 2017 fait obstacle à la prescription de sa demande.

L'employeur répond que la prime dont il s'agit est une prime sur objectif qui n'a pas le caractère de constance d'un usage devenu un élément de la rémunération contractuelle de la salariée, que celle-ci a accepté l'avenant litigieux et invoque la prescription pour la période antérieure au 1er février 2016.

En application de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en répétition ou en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, Mme [E] ayant été licenciée le 10 janvier 2020, elle n'est recevable à réclamer le paiement d'un arriéré de prime qu'à compter du 10 janvier 2017,

La lettre du 6 mai 2017 par laquelle la salariée demande à l'employeur s'il est possible « de faire quelque chose en sa faveur » à propos de sa prime de 250 euros par mois n'a pas d'effet interruptif de la prescription dès lors qu'il ne s'agit pas d'une demande en justice.

Sur le fond, la salariée ne peut réclamer le paiement de sommes auxquelles elle a renoncé en signant l'avenant à son contrat de travail. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une somme à ce titre.

VI- Sur les demandes accessoires :

L'intimée, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens de l'ensemble de la procédure.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie les frais engagés non compris dans les dépens de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société à payer à la salariée une somme de ce chef et les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande de nullité du licenciement, de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du chef du harcèlement moral et de rappel de salaire du jour de la demande de résiliation à la date de ladite résiliation,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande au titre du rappel de prime pour la période antérieure au 10 janvier 2017,

Déboute Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,

Déboute la société Flixidis de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/01797
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.01797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award