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04/05/2022 | FRANCE | N°21/00292

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 04 mai 2022, 21/00292


ARRET







[Y]





C/



S.A. MACC



























































copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELARL FILIPIAK

SCP TEN FRANCE

FB/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 04 MAI 2022



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N° RG 21/00292 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H62F



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 14 DECEMBRE 2020 (référence dossier N° RG F18/00613)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [E] [Y]

né le 24 Mai 1980 à REIMS (51100)

de nationalité Française

77, rue Saint Fuscien, appt C11

80000 ...

ARRET

[Y]

C/

S.A. MACC

copie exécutoire

le 4/05/2022

à

SELARL FILIPIAK

SCP TEN FRANCE

FB/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 04 MAI 2022

*************************************************************

N° RG 21/00292 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H62F

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AMIENS DU 14 DECEMBRE 2020 (référence dossier N° RG F18/00613)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [Y]

né le 24 Mai 1980 à REIMS (51100)

de nationalité Française

77, rue Saint Fuscien, appt C11

80000 AMIENS

représenté, concluant et plaidant par Me Richard FILIPIAK de la SELARL FILIPIAK, avocat au barreau de POITIERS

Me Antoine CANAL, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

ET :

INTIMEE

S.A. MACC

9 Rue des Frères Lumière, BP 427

86100 CHATELLERAULT

représentée, concluant et plaidant par Me François-Xavier CHEDANEAU de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l'audience publique du 09 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Mme Fabienne BIDEAULT en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Mme Fabienne BIDEAULT indique que l'arrêt sera prononcé le 04 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Fabienne BIDEAULT en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 04 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 14 décembre 2020 par lequel le conseil de prud'hommes d'Amiens, statuant dans le litige opposant M. [E] [Y] à son ancien employeur, la société Macc, a dit non fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur, a dit que le licenciement du salarié pour inaptitude sans possibilité de reclassement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et notamment de sa demande d'expertise, l'a condamné au paiement d'une indemnité de procédure (200 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 8 janvier 2021 par M. [Y] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 29 décembre précédent ;

Vu la constitution d'avocat de la société Macc, intimée, effectuée par voie électronique le 19 janvier 2021 ;

Vu l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 20 octobre 2021 constatant le désistement de la procédure d'incident de M. [Y] et son dessaisissement et condamnant M. [Y] aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2022 par lesquelles le salarié appelant demande à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable et bien fondé ;

- En conséquence:

Infirmer le jugement en ce qu'il :

- a dit non fondée la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- a dit et jugé son licenciement notifié par courrier en date du 20 juin 2019 pour inaptitude sans possibilité de reclassement fondé par une cause réelle et sérieuse ;

- l'a débouté de ses demandes ;

- l'a condamné au paiement de la somme de 200 euros à la société Macc en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamné aux dépens.

- Et statuant à nouveau, demande à la cour de :

Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et dire et juger que la résiliation produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Condamner la société Macc à lui verser:

- 25 632,68 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ( 3 mois) et 2 563,27 euros brut au titre des congés payés afférents,

- mémoire € d'indemnité de clientèle ou à titre subsidiaire, 205 061,44 euros d'indemnité de clientèle ( 2 ans de commissions selon usage),

- 76 898,04 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 9 mois),

Dire et juger recevables et bien fondées l'action relative :

- à la prise en charge des frais professionnels,

- à la prise en charge du véhicule professionnel,

- au rappel de salaire pour application de la clause ducroire,

- à l'absence de congés payés,

- la violation de l'article L 4121-1 du code du travail,

En conséquence :

Condamner la société Macc à lui verser :

- mémoire € de dommages et intérêts pour la charge des frais professionnels,

- mémoire €, ou à titre subsidiaire, 10 714,29€ de dommages et intérêts pour la charge du véhicule professionnel,

- mémoire € brut au titre des pertes de salaire liées à l'application de la clause ducroire, outre les congés payés afférents,

- 27 327,78 euros de dommages intérêts pour l'absence de congés payés,

- 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l'article L 4121-1 du code du travail,

Ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de :

- convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé réception,

- se faire remettre sans délai par les parties ou par tous tiers détenteurs les pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée,

- évaluer l'indemnité de clientèle,

- évaluer sur 24 mois les pertes financières liées aux prises en charge des frais professionnels et du véhicule professionnel,

- évaluer sur 36 mois les pertes de salaire liées à l'application de la clause ducroire,

- déposer un rapport sur l'ensemble des constatations et conclusions après avoir adressé aux parties un pré rapport et leur avoir laissé un temps suffisant pour répondre aux dires éventuels ;

Surseoir à statuer dans l'attente des demandes en attente du rapport d'expertise ;

Réserver les demandes relatives à :

- l'application d'un taux d'intérêt légal à l'ensemble des indemnités,

- la délivrance sous astreinte des documents établis en conformité avec les condamnations,

Subsidiairement :

Assortir l'ensemble des indemnités d'un taux d'intérêt légal, avec anatocisme, courant à compter du prononcé du jugement ;

Enjoindre à la société Macc de délivrer sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter du prononcé du jugement, les documents établis en conformité avec les condamnations à savoir : le certificat de travail, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi, le bulletin de paie ;

Condamner la société Macc à lui verser 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2022 aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, demande à la cour de

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en ce qu'il a

- dit non fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] à ses torts,

- dit et jugé que le licenciement de M. [Y] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné M. [Y] à lui payer la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- faire droit à son appel incident et condamner M. [Y] à lui verser la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- en tout état de cause, condamner M. [Y] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 janvier 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 2 février 2022 ;

Vu le renvoi contradictoire ordonné à l'audience du 9 mars 2022 à la demande du conseil de l'une des parties ;

Vu les conclusions transmises le 3 janvier 2022 par l'appelant et le 14 janvier 2022 par l'intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Macc est spécialisée dans la conception et la distribution de produits et outils à destination des professionnels du bâtiment. Elle emploie environ 130 salariés et applique l'accord national interprofessionnel (ANI) des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

M. [Y] a été embauché par la société Macc en qualité de VRP aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 mai 2009.

Estimant que son employeur avait gravement manqué à son égard à ses obligations légales et contractuelles, M. [Y] a saisi le 26 décembre 2018 le conseil de prud'hommes d'Amiens d'une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail avec tous les effets attachés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 28 mai 2019 le médecin du travail a rendu l'avis suivant : 'Inapte au poste de VRP selon l'article R 4624-42 du code du travail. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Etude de poste et des conditions de travail réalisée le 13/05/2019".

M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 mai 2019 par lettre du 3 juin 2019 puis licencié pour inaptitude par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 juin 2019 motivée comme suit:

' Nous vous avions convoqué à un entretien le lundi 17 juin 2019 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Nous vous informons de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude à la reprise de votre poste antérieur, constatée le 28 mai 2019 par le médecin du travail et en raison de l'impossibilité de vous reclasser. En effet figure dans l'avis du médecin du travail, la mention expresse que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 20 juin 2019. Vous n'effectuerez donc pas de préavis. (...)'

Le salarié a contesté à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Statuant par jugement du 14 décembre 2020, dont appel, le conseil de prud'hommes d'Amiens s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal, M. [Y] demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

A titre subsidiaire, il conteste la légitimité du licenciement prononcé.

Sur ce ;

En cas d'action en résiliation judiciaire suivie en cours d'instance d'un licenciement, l'examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable, dans la mesure où si la résiliation du contrat est prononcée, le licenciement ultérieurement notifié par l'employeur se trouve privé d'effet. L'examen de la légitimité du licenciement n'a donc lieu d'être opéré qu'en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire.

En l'espèce, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 26 décembre 2018. Il a été licencié par courrier en date du 20 juin 2019, de sorte que l'examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le salarié invoque l'absence de prise en charge par l'employeur du véhicule professionnel et des frais professionnels, la possibilité pour l'employeur de modifier unilatéralement son contrat de travail, le décommissionnement sur impayés, l'absence de congés payés, la renonciation à l'indemnité de clientèle.

Sur ce ;

La voie de la résiliation judiciaire n'est ouverte qu'au salarié et à lui seul. Elle produit, lorsqu'elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtu une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie.

Des griefs anciens dont le salarié a tardé à se saisir pour introduire son action en résiliation judiciaire peuvent faire apparaître qu'ils n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la résiliation judiciaire du contrat.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Sur le manquement relatif à l'absence de prise en charge du véhicule professionnel et des frais professionnels

M. [Y] indique avoir été contraint d'acheter le camion nécessaire à son activité professionnelle pour un montant de 15 000 euros et avoir contracté pour cela un crédit de 10 000 euros. Il soutient qu'il appartenait à l'employeur de lui fournir les moyens d'accomplir son activité, qu'il n'aurait pas dû être contraint de 'payer pour travailler'.

En outre, le salarie prétend que si le contrat de travail prévoit que les frais professionnels sont inclus dans les commissions dans une proportion de 30% de leur montant, le coût réel de ces frais dépasse les 30%. Il précise que la société impose aux salariés de distribuer aux clients des gadgets ou goodies (type briquet), que la direction refacture à ses salariés ces gadgets, de sorte que les frais engagés pour les besoins de son activité demeurent à sa charge.

L'employeur conteste la réalité de ce manquement et observe, à le supposer établi, que la stipulation contractuelle contestée par le salarié date de la signature du contrat et qu'elle s'applique depuis 10 ans.

Il soutient que les parties se sont accordées sur un pourcentage de commissions qui inclut la prise en charge par l'employeur des frais professionnels, cette stipulation contractuelle étant licite.

Il observe que le salarié ne produit aucun élément de nature à justifier que ces frais professionnels auraient été supérieurs à 30%.

Concernant le fourgon utilisé par le salarié dans l'exercice de ses fonctions, l'employeur indique que le contrat de travail prévoit que la société met à la disposition du représentant ce fourgon puis qu'il est convenu des modalités d'acquisition de ce véhicule par le VRP qui non seulement de ce fait patrimonialise mais également peut procéder à la revente du bien.

Il observe que M. [Y] a fait le choix de ne pas acquérir le camion via la Macc mais a acheté le camion à un ancien salarié.

Sur ce ;

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés.

L'employeur doit prendre à sa charge les frais professionnels exposés par le VRP. Cette prise en charge s'effectue, au choix des parties :

- soit par voie d'indemnisation versée en sus des commissions ;

- soit par inclusion dans les commissions pour un montant forfaitaire fixé à l'avance, à condition que la rémunération du travail proprement dite reste au moins égale au minimum conventionnel ou, à défaut, au S.M.I.C.

La part des commissions correspondant aux frais professionnels n'est pas fixée par les textes. Elle peut être prévue soit par accord des parties soit, en cas de litige, par les tribunaux.

La fourniture d'un véhicule de société, substituée à l'inclusion des frais professionnels dans les commissions dues au VRP, est un avantage en nature.

En l'espèce, le contrat de travail du salarié précise :

'Les frais professionnels sont inclus dans lesdites commissions dans une proportion de 30% de leur montant. Le taux de commission comprend l'indemnité de congés payés, à raison de 1/10ème de leur montant net, c'est à dire, déduction faite des frais professionnels.'

Concernant le véhicule professionnel, il est prévu au contrat de travail :

'Pour les besoins de sa prospection, Macc met à la disposition du représentant un fourgon spécialement aménagé, équipé et assuré par ses soins.

Pendant la période d'essai de trois mois Macc retient sur les commission du représentant une participation mensuelle fixée à 781 € TTC pour l'année 2009 et indexée sur le prix d'achat du véhicule ainsi que sur le tarif des réparateurs automobiles.

A partir du quatrième mois, le représentant a le choix entre deux possibilités :

- soit commander un véhicule neuf par l'intermédiaire du service logistique de Macc. (...)

- soit reporter la commande du véhicule pendant un délai maximum de huit mois.

Le montant de la location sera de :

*si la commande intervient au plus tard le huitième mois :

- 781€ TTC du 4ème mois à la livraison

*si la commande intervient après le huitième mois :

- 781€ TTC du 4ème mois au 12ème mois

- 1 075 € TTC du 13 ème au 15 ème mois.

Etant précisé :

- qu'en cas d'acquisition le représentant bénéficie d'une aide de la société, dans les limites et conditions précisées à l'annexe II qui fait partie intégrante de ce contrat

- que pendant l'utilisation du véhicule prêté par Macc ( c'est à dire avant l'acquisition d'un véhicule neuf), le représentant continuera à payer ladite participation forfaitaire retenue à la fin de chaque mois du calendrier civil.(...)'

En l'espèce, il sera constaté que si le salarié soutient que ces clauses ne sont pas conformes et lui sont préjudiciables, il n'en sollicite pas la nullité.

Au titre de ses demandes, M. [Y] sollicite à titre principal la condamnation de la société au paiement de dommages et intérêts pour la charge des frais professionnels qu'il chiffre 'pour mémoire'. Il demande à titre principal que son ancien employeur soit également condamné à titre principal à lui verser des dommages et intérêts pour la charge de son véhicule qu'il chiffre 'pour mémoire' et, à titre subsidiaire, à la somme de 10 714,39 euros.

Il demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise aux fins notamment d'évaluer sur 24 mois ses pertes financières liées aux prises en charge des frais professionnels et du véhicule professionnel.

Pour justifier de sa demande, M. [Y] produit un simple feuillet sur lequel figure pour les années 2016, 2017 et 2018 le montant du salaire reçu, le correctif des charges déduites, le pourcentage des frais et l'excédant non pris en charge par son employeur étant observé que le salarié indique au titre de son salaire moyen la somme de 8 544,23 euros brut, somme supérieure au minimum garanti.

Ce document ne suffit pas à établir la réalité des frais professionnels qu'il prétend avoir engagés pour le compte de son employeur.

En application de l'article 146 du code de procédure civile, il n'appartient au juge de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.

M. [Y] ne peut dès lors solliciter des sommes au titre du remboursement de ses frais professionnels, alors qu'il ne justifie pas des frais qu'il prétend avoir engagés. Il doit en conséquence être débouté de sa demande par confirmation du jugement entrepris.

Ce manquement n'est pas établi.

En outre, il sera rappelé qu'à le supposer établi ce manquement a perduré pendant près de 10 années et n'était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et donc à justifier la résiliation judiciaire du contrat.

Sur le manquement tiré de la possibilité pour l'employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail

M. [Y] soutient que dans le contrat de travail l'employeur se réserve le droit :

- de modifier l'attribution territoriale

- d'inclure, de retirer, de modifier la répartition des critères pour l'obtention des primes et la périodicité de leur versement,

- d'inclure, de retirer ou de modifier un palier et de réviser la répartition quadrimestrielle de ces paliers,

alors qu'il s'agit d'éléments substantiels du contrat de travail d'un VRP qui ne peuvent être modifiés sans son accord.

Il indique qu'il est choquant qu'un contrat de travail prévoit expressément des dispositions contraires au code du travail et à l'ordre public.

Il observe qu'il a bénéficié d'un avantage en nature en juin 2018 qui n'a pas été reconduit.

L'employeur indique que quels que soient les reproches faits à la rédaction des clauses contractuelles, il y a lieu de constater qu'elles n'ont pas été appliquées dans les faits, au cours de la relation contractuelle.

En outre, il soutient que contrairement aux mentions du contrat de travail, la modification des secteurs d'activités des VRP ne se fait qu'après discussion entre le VRP et la société aux termes d'un avenant.

Il constate que le salarié ne sollicite pas la nullité des clauses contestées.

Enfin, il observe qu'au regard du temps qui s'est écoulé entre le dernier avenant signé en 2013 par le salarié et sa demande de résiliation judiciaire, M. [Y] ne peut soutenir que l'éventuelle faute commise par la Macc serait d'une gravité telle qu'elle rendrait impossible le maintien du contrat de travail.

La société indique que la somme allouée en juin 2018 au salarié provient de ses résultats à un challenge organisé par l'employeur intitulé 'en route pour 2018" sans aucun lien avec une modification éventuelle de son contrat de travail.

Sur ce ;

Les clauses contractuelles indiquant que « la maison représentée se réserve la faculté de modifier et/ ou réduire cette attribution territoriale sans que le représentant puisse se prévaloir d'un dommage quelconque', 'l'entreprise représentée se réserve le droit d'inclure, de retirer, de modifier la répartition des critères pour l'obtention des primes et la périodicité de leur versement, d'inclure, de retirer ou de modifier un palier et de réviser la répartition quadrimestrielle de ces paliers' sont en contradiction avec la soumission volontaire des parties au statut d'ordre public.

Il est cependant constaté que le salarié ne demande pas spécifiquement à la cour de prononcer la nullité de ces clauses.

L'application du statut professionnel de VRP est subordonnée à l'existence d'une zone stable de prospection précisément définie ainsi qu'à la stabilité des règles relatives au versement des primes. Mais, il ne suffit pas que le contrat réserve à l'employeur, comme en l'espèce, le droit de changer de secteur ou de modifier les règles d'attribution des primes. Il importe qu'il soit vérifié dans les faits que le secteur dans lequel l'intéressé a prospecté, a subi effectivement des modifications, que les règles relatives au versement des primes aient été effectivement modifiées.

En l'espèce, le secteur de M. [Y] a subi des modifications en 2010, 2011, 2012 et 2013, mais à la suite d'un accord entre les parties, concrétisé par des avenants signés par elles les 23 septembre 2010, 22 juin 2011, 15 octobre 2012, 4 mars 2013, 15 mars 2013 et comprenant des retraits ou ajouts de villes. Cette modification du secteur était possible car consentie expressément par le salarié.

Il n'est donc pas établi par les faits que l'employeur ait modifié unilatéralement le secteur de M. [Y].

Il ne ressort pas davantage des éléments produits que l'employeur ait modifié unilatéralement les conditions d'obtention et de versement des primes, la société Macc établissant que le versement de la somme de 160 euros en juin 2018 qualifiée d'avantage en nature correspondait à l'attribution d'un avantage ponctuel en lien avec un concours.

Il ressort de ces éléments que le manquement reproché à l'employeur n'est pas établi.

Sur le manquement lié au décommissionnement sur impayés

M. [Y] soutient que son contrat de travail comporte une clause de ducroire qui doit être déclarée illicite. En tout état de cause, il considère que la clause prévue au contrat de travail est une clause potestative qui doit être déclarée nulle.

Le salarié affirme avoir droit au versement d'une commission dès passation de la commande. Il verse aux débats des documents prouvant l'existence de retenues sur impayés et sollicite la condamnation de son ancien employeur à lui verser 'mémoire brut' au titre des pertes de salaires liées à l'application de la clause ducroire outre les congés payés afférents'.

Il demande que soit ordonnée une expertise judiciaire afin notamment d'évaluer sur 36 mois les pertes de salaires liées à l'application de la clause ducroire.

L'employeur conteste l'existence au sein du contrat de travail d'une clause de ducroire. Il soutient que la clause prévue est une clause de bonne fin, licite.

Il conteste le caractère potestatif de la clause tel qu'allégué par le salarié et considère que ce dernier est dans l'impossibilité de justifier de ce que des commissions dues sur certaines commandes ne lui auraient pas été versées.

Sur ce ;

Toute clause de ducroire aux termes de laquelle le VRP se porte personnellement garant, même seulement pour partie, du paiement des commandes qu'il transmet à son employeur, est nulle et de nul effet notamment en application de l'article 5-3 de l'ANI du 3 octobre 1975.

Le contrat de travail peut subordonner le versement au salarié de sa part variable du chiffre d'affaires généré par un contrat signé avec un client à l'encaissement par l'entreprise des sommes correspondantes. Une telle clause, dite « clause de bonne fin », est licite dès lors qu'elle ne prive le salarié que d'un droit éventuel et non d'un droit acquis au paiement d'une rémunération.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [Y] stipule:

' Ces mêmes commissions ne seront pas dues sur les commandes facturées et non réglées par le client pour des causes indépendantes du fait du représenté.

A cet effet, le représenté se réserve le droit de débiter au représentant le montant des commissions correspondant à des impayés ( y compris les frais engagés) lorsque son service contentieux n'aura pu obtenir le règlement d'une facture pour quelle que cause que ce soit (insolvabilité, faillite, décès) et, ce, dans un délai maximum de 6 mois du jour de la facturation.'

Il ne ressort pas de cette clause que le VRP se porte garant, vis à vis de son employeur du paiement des factures de ses clients en cas de défaillance de ces derniers.

Cette clause s'analyse en une clause de bonne fin.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise destinée, selon le salarié, à évaluer les pertes de salaire liées à l'application de la clause de ducroire.

Le salarié soutient que cette clause est potestative en ce que l'absence de règlement des factures est liée à une faute de l'employeur.

Il verse aux débats un compte rendu de réunion du CSE aux fins d'établir que l'employeur a mis en oeuvre un protocole strict visant à s'assurer d'une part de la solvabilité des clients et d'autre part à garantir le paiement de factures et en déduit que l'absence de règlement des dites factures est nécessairement de la responsabilité de la société Macc.

En outre, il soutient que dès lors que le client a recours à l'organisme de crédit Locam, le contrat est effectivement réalisé puisque la société Macc perçoit le règlement des factures par la société Locam, ce dont il déduit que son employeur doit lui verser une commission.

M. [Y] verse aux débats deux documents relatifs à l'existence de retenues sur impayés.

Il ressort cependant du contrat de travail que l'employeur s'engage à régler le montant de la commission dans l'hypothèse où il serait responsable du non paiement de la facture.

Le salarié ne peut déduire de façon générale du fait que la société ait mis en place un protocole aux fins de vérifier la solvabilité de ses clients l'existence d'une faute de sa part lorsque ces derniers n'honorent pas leurs factures.

En outre, l'employeur établit par la production du contrat le liant à l'organisme de crédit Locam ( Sircam) que pour les dossiers enregistrant des impayés, la Macc s'engage, à première demande de Sircam, à rembourser le financement consenti à l'emprunteur.

Si le salarié verse aux débats deux documents relatifs à des retenues sur commissions en lien avec des impayés des clients en 2017 et 2018 pour des montants respectifs de 255,43 et 151,18 euros, il ne produit aucune pièce relative aux circonstances dans lesquelles ont été constatés ces impayés, n'établit pas que la responsabilité de ceux-ci incombaient à son employeur.

Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [Y], la clause litigieuse dont il conteste la licéité n'est pas potestative dans la mesure où elle ne fait pas dépendre le versement des commissions de la seule volonté de la société Macc.

En outre, il ne ressort pas des éléments produits que l'employeur, par sa faute, a empêché le versement de commissions.

Ce manquement n'est en conséquence pas établi.

Sur le manquement relatif à l'absence de congés payés

M. [Y] soutient qu'il n'existe aucun décompte de congés payés sur ses bulletins de paie, que la société Macc applique la règle du 'dixième' et utilise l'intégralité de l'indemnité de congés payés dans les commissions, ce qui lui est extrêmement défavorable par rapport au versement de l'indemnité normale et le dissuade de prendre des congés payés et ne garantit pas son droit au repos.

Il sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement de la somme de 27 327,78 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de congés payés.

L'employeur rappelle que le taux de commission comprend l'indemnité de congés payés et affirme que le salarié ne subit aucun préjudice financier pendant sa période de congés payés.

En outre, la société verse aux débats un tableau de bord aux fins d'établir que M. [Y] prenait de manière effective des congés.

Sur ce ;

Le droit au repos et à la santé ayant valeur constitutionnelle, il appartient à l'employeur de le garantir et de s'assurer de son effectivité.

La société Macc verse aux débats le tableau de bord mensuel de M. [Y] ainsi que des demandes formées par ce dernier concernant l'octroi de périodes de congés payés.

A la lecture de ces pièces, il apparaît que le salarié a régulièrement posé des congés. Ainsi, il ressort du tableau de bord d'octobre 2018 que pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 octobre 2018, le salarié a bénéficié de 25 jours de congés.

En outre, l'employeur établit l'existence de congés sollicités par le salarié au cours de l'été 2011 ( 1er au 22 août), l'été 2015 (du 17 juillet au 17 août), l'été 2017 ( du 14 juillet au 15 août) et de l'été 2018 ( du 16 juillet au 20 août).

Il ressort de ces éléments que le droit au repos du salarié a été garanti par l'employeur.

En principe, l'indemnité de congés payés doit faire l'objet d'un paiement séparé. Toutefois, il est admis qu'employeur et VRP prévoient d'un commun accord dans le contrat de travail une rémunération mensuelle forfaitaire incluant l'indemnité de congés payés. Cette faculté ne doit pas conduire pour le VRP à un résultat moins favorable que le versement de l'indemnité selon les règles applicables en la matière. Une majoration du taux de commissions doit donc être prévue afin que le VRP bénéficie bien de ses droits.

En l'espèce, le contrat de travail du salarié prévoit: 'le taux de commission comprend l'indemnité de congés payés, à raison de 1/10 ème de leur montant net, c'est à dire, déduction faite des frais professionnels.' sans aucune référence à une majoration.

L'employeur ne verse pas d'élément permettant de valider le calcul retenu, ni de démontrer le paiement des congés.

L'examen des fiches de paie versées aux débats par le salarié jusqu'au 1er juin 2018 ne permet pas plus de connaître le taux de majoration des commissions correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés. En effet, se trouve indiqué sur ces documents le montant des commissions et de l'abattement de 30% pour frais professionnels VRP, sans allusion aux congés payés ce qui ne permet pas au salarié de vérifier le mode de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés et encore moins de l'accepter.

A compter de juin 2018, les bulletins de paie mentionnent une ligne 'dont congés payés acquis' sans référence à une quelconque majoration du taux des commissions, ce montant apparaissant équivalent à 10% du montant net des commissions.

Si l'employeur soutient que la rémunération des congés payés de M. [Y] est assurée, sur la totalité de l'année, par l'effet d'une majoration du taux de commission et par la rémunération qu'il perçoit sur des temps d'activité, il n'en justifie pas.

En conséquence, il sera désormais jugé qu'il n'est pas établi que le salarié ait été intégralement rempli de ses droits au titre de ses congés payés.

La cour constate que M. [Y] ne forme pas de demande de paiement de congés payés mais une demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi à raison de l'absence de congés payés.

Au vu des éléments précédemment exposés, du fait que le salarié a effectivement bénéficié d'une partie de ses congés payés, il y a lieu de condamner la société Macc à verser au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Si la société Macc a commis un manquement, il y a lieu de constater que celui-ci est ancien en ce qu'il trouve son origine dès le début de la relation contractuelle et qu'il n'a pas empêché la poursuite du contrat de travail, le salarié n'ayant pas formulé d'observations particulières au cours de l'exécution de celui-ci.

En conséquence, ce manquement ne saurait justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur le manquement tiré de la renonciation à l'indemnité de clientèle

M. [Y] indique que la société lui a fait expressément renoncer à l'indemnité de clientèle, ce qui est une atteinte au statut de VRP.

Il observe que l'employeur ne conteste pas l'illicéité de la clause contractuelle, rappelle que cette indemnité est d'ordre public, que le manquement de l'employeur est donc d'une réelle gravité.

L'employeur soutient que la mention de cette clause dans le contrat de travail n'est pas de nature à justifier le prononcé d'une résiliation judiciaire en ce que son application est postérieure au contrat de travail et qu'il n'est pas possible de retenir un manquement postérieur à la rupture du contrat de travail pour légitimer la résiliation judiciaire.

Il observe que le salarié, qui soutient avoir été trompé lors de la conclusion du contrat, n'en demande pas l'annulation pour dol notamment.

En outre, l'employeur constate que le salarié, sur lequel repose la charge de la preuve de l'existence même d'une indemnité de clientèle ne fournit aucun élément laissant penser qu'il pourrait bénéficier d'un droit à clientèle, qu'il n'appartient pas au juge de suppléer sa carence en ordonnant une mesure d'instruction.

Sur ce;

La résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée qu'en raison des manquements de l'employeur à ses obligations légales ou contractuelles constatés au cours de l'exécution du contrat de travail, ces manquements rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle.

La nullité d'une clause au sein du contrat de travail qui ne trouve à s'appliquer qu'après la cessation d'activité du salarié ne fait pas obstacle à la poursuite du contrat de travail et ne peut constituer un manquement de l'employeur de nature à justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

En l'espèce, la clause illicite relative à la renonciation à l'indemnité de clientèle présente au contrat de travail de M. [Y] n'avait vocation à s'appliquer que postérieurement à la rupture de la relation contractuelle.

Elle ne peut légitimer le prononcé d'une résiliation judiciaire.

M. [Y] demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise aux fins, notamment, d'évaluer l'indemnité de clientèle.

L'article 146 du code de procédure civile dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Il y a lieu de constater que le salarié, qui dispose de l'ensemble des éléments relatifs aux clients démarchés, ne produit aux débats aucune pièce à l'appui de sa demande. Il forme une demande subsidiaire au dispositif de ses écritures à hauteur de 205 061,44 euros sans s'expliquer précisément sur son mode de calcul.

En conséquence, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande d'expertise.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les griefs formulés par le salarié ne sont pas établis ou ne revêtent pas une gravité suffisante rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la demande de résiliation judiciaire doit par confirmation du jugement entrepris être rejetée.

Sur le licenciement

Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, M. [Y] affirme d'une part que le comportement de l'employeur est à l'origine de son inaptitude et, d'autre part, reproche à la société Macc d'avoir méconnu les obligations prévues par l'article L 1226-10 du code du travail en n'ayant pas consulté le CSE, considérant que cette consultation revêt un caractère obligatoire même en cas de dispense de recherche de reclassement.

L'intimé soutient que le salarié ne démontre pas une faute de l'employeur à l'origine de son inaptitude. Il précise que les arrêts maladie du salarié et son inaptitude sont concomitants à la création par M. [Y] d'une société 'Océan de Bière' dont il est le président et au sein de laquelle il travaille.

En outre, l'employeur considère que la consultation du CSE n'est pas d'ordre public, que l'article L 1226-10 du code du travail n'a pas vocation à s'appliquer puisque l'inaptitude n'est pas d'origine professionnelle et qu'en tout état de cause si l'employeur doit consulter le CSE sur les possibilités de reclassement du salarié, la loi du 8 août 2016, applicable au 1er janvier 2017, a créé la possibilité pour le médecin du travail de dispenser l'employeur de toute recherche de reclassement, ce dont il s'évince qu'en pareille hypothèse, la réunion du CSE n'a plus de justification.

Sur ce ;

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, M. [Y] qui ne conteste pas spécifiquement l'origine de son inaptitude, soutient que celle-ci a pour cause le comportement fautif de l'employeur. Il affirme que les manquements de l'employeur ont un effet anxiogène, que ses conditions de travail ont affecté sa santé au point d'avoir été plusieurs fois en arrêt de travail.

Il considère qu'il existe un lien direct entre sa maladie et ses conditions de travail observant qu'il a été licencié après avoir fait sommation à son employeur de lui communiquer l'étude de poste réalisée par le médecin du travail ainsi que le document unique d'évaluation des risques.

M. [Y] verse aux débats un feuillet récapitulant ses arrêts de travail mais ne les produit pas, ce qui ne permet pas à la cour de connaître le motif de ces arrêts.

S'il a été précédemment jugé que l'employeur avait manqué à ses obligations légales en ne rémunérant pas intégralement le salarié au titre de ses congés payés, en faisant figurer au sein du contrat de travail une clause illicite, le salarié n'expose pas en quoi le comportement de son employeur au cours de la relation contractuelle a nuit à son état de santé et a été à l'origine de son inaptitude.

Si le médecin du travail constate que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans son emploi, M. [Y] ne verse aux débats aucun élément relatif à son état de santé.

Au vu des pièces produites, le salarié, sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas que son inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Selon l'article L.1226-2 du code du travail lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'article L. 1226-2-1 alinéa 2 du code de travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dispose que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Tel est le cas en l'espèce. La lettre de licenciement reprend en effet les mentions de l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 28 mai 2019 selon lesquelles « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi».

Si les dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail imposent la consultation des délégués du personnel avant la formulation de proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de toute possibilité de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du code du travail.

A cet égard, aucun autre texte ne prévoit la consultation des délégués du personnel au cours de la procédure d'inaptitude. Cette obligation de consulter les délégués du personnel n'a plus d'objet si l'avis du médecin du travail est que le reclassement est impossible.

Il résulte des dispositions susvisées du code du travail que lorsque le médecin du travail mentionne expressément, comme en l'espèce, que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, l'employeur peut rompre le contrat de travail sans être obligé de rechercher le reclassement du salarié.

En conséquence, la société Macc au regard de l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail était dispensée d'une recherche de reclassement et pouvait dès lors engager la procédure de licenciement dès la réception de l'avis d'inaptitude, sans avoir à consulter les délégués du personnel. Il n'est aucunement établi que l'employeur aurait manqué à ses obligations dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Au vu de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de juger légitime le licenciement prononcé.

M. [Y] doit en conséquence être débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Par voie de conséquence, le salarié doit également être débouté de sa demande de remise des documents de fin de contrat sous astreinte.

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

M. [Y] demande que l'employeur soit condamné à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 4121-1 du code du travail.

Il indique que ses conditions de travail ont affecté sa santé au point d'avoir été plusieurs fois en arrêt de travail.

L'employeur conclut au débouté de la demande au motif que le salarié ne démontre pas l'avoir alerté sur la détérioration de sa santé en lien avec ses conditions de travail. Il indique que le simple fait pour le salarié d'avoir été placé en arrêt de travail n'est pas de nature à justifier de l'existence d'une faute de la société Macc.

Sur ce ;

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

Au soutien de sa demande, le salarié ne verse aux débats qu'un récapitulatif de ses arrêts de travail sans produire ceux-ci.

Il ne précise pas en quoi l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [Y] de sa demande.

Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive

La société Macc demande que le salarié soit condamné à lui verser 1 euro à titre de dommages et intérêts en raison du caractère manifestement abusif de la procédure, ne serait ce qu'au regard de l'instrumentalisation manifeste de celle-ci puisqu'il travaille dans une structure qu'il a créée.

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Le droit d'agir ou de se défendre en justice constitue un droit et ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

En l'espèce, l'employeur ne caractérise pas la malice, la mauvaise foi, l'erreur équipollente au dol ou la légèreté blâmable du salarié.

En conséquence, le jugement déféré qui a débouté l'employeur de sa demande doit être confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation respective des parties ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties pour l'ensemble de la procédure.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens du 14 décembre 2020 sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre des congés payés et en ce qu'il a condamné la société Macc au paiement de frais irrépétibles et des dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Macc à verser à M. [E] [Y] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de congés payés ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

Rejette toute autre demande ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/00292
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;21.00292 ?
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