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28/04/2022 | FRANCE | N°22/00013

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 28 avril 2022, 22/00013


ORDONNANCE

N°





du 28 Avril 2022













A l'audience publique des référés tenue le 10 Mars 2022 par Mme BERTOUX, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 13 décembre 2021



Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.



Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00013 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IKOV du rôle général.





ENTRE :



Monsieur [R] [N]

[Adresse 4]

[LocalitÃ

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Assignant en référé suivant exploit de la SCP CICUTO et GERMAIN, LEPOLARD, GROUSELLE, Huissier de Justice, en date du 12 Janvier 2022, d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de CR...

ORDONNANCE

N°

du 28 Avril 2022

A l'audience publique des référés tenue le 10 Mars 2022 par Mme BERTOUX, Président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d'Appel d'AMIENS en date du 13 décembre 2021

Assistée de Madame PILVOIX, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 22/00013 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IKOV du rôle général.

ENTRE :

Monsieur [R] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Assignant en référé suivant exploit de la SCP CICUTO et GERMAIN, LEPOLARD, GROUSELLE, Huissier de Justice, en date du 12 Janvier 2022, d'un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de CREIL le 05 Juillet 2021.

Représenté, concluant par Maître REMOISSONNET, avocat postulant au barreau de Senlis et plaidant par Maître Laurent DOUCHIN, avocat au barreau de Paris.

ET :

Madame [Z] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

DÉFENDERESSE au référé.

Représentée, concluant et plaidant par Maître Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de Paris.

Madame la Présidente après avoir constaté qu'il s'était écoulé un temps suffisant depuis l'assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

- en ses assignation et plaidoirie : Maître DOUCHIN, conseil de M. [N],

- en ses conclusions et plaidoirie : Maître LECRUBIER, conseil de Mme [J].

L'affaire a été mise en délibéré au 28 Avril 2022 pour rendre l'ordonnance par mise à disposition au Greffe de la copie.

Mme [Z] [J] a été engagée en qualité de secrétaire (assistante juridique) par contrat à durée indéterminée le 13 novembre 2006 dans le cabinet juridique de M. [N]. Elle percevait un salaire de 3 508,59 € pour 108,32 heures par mois.

En date du 7 février 2020, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, faisant grief à M. [N] de ne pas lui avoir réglé le salaire de décembre 2019 et le 13e mois versé à la même date, ni de lui avoir versé le complément de salaire de janvier 2020.

Dans la notification de la prise d'acte, Mme [J] précise dans les manquements graves inhérents à l'obligation de l'employeur le défaut d'application de la prise en charge de la mutuelle à 50 %, l'absence de visites médicales et le maintient d'un prélèvement mensuel de 44 € au titre de tickets restaurant non remis depuis 2018.

Le 22 octobre 2020, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Creil dans sa formation de référé pour le règlement du rappel de salaire de décembre 2019 et du 13e mois et les congés payés y afférent, le complément de salaire de janvier 2020 ainsi qu'une demande de dommages et intérêts pour l'absence de remise de documents sociaux.

M. [N] s'était engagé à la barre à régler les sommes de 4 245,02 € correspondant au salaire de décembre et 2 331, 95 € au titre du salaire de janvier 2020 avant le 15 novembre 2020. Mme [J] avait abandonné les chefs de demandes de dommages et intérêts pour absence de remise des documents sociaux et l'astreinte incombant à la remise de ces documents.

Mme [J] n'a jamais perçu les sommes auxquelles M. [N] avait été condamné à lui régler.

Saisi par Mme [J], par acte du 14 janvier 2021, d'une demande tendant à voir requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes, le conseil de prud'hommes de Creil, par jugement rendu le 5 juillet 2021, a notamment :

- dit que la prise d'acte de Mme [J] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné M. [N] à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 7 007, 18 € d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 700, 10 € de congés payés y afférent ;

- 7 149, 55 € d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 14 014, 36 € d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 15 000 € d'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 503, 59 € de rappel de salaire du mois de décembre 2019 ;

- 350, 35 € au titre des congés payés afférents ;

- 3 503, 59 € de prime de 13e mois ;

- 1 314, 33 € de rappel de salaires de janvier 2020 et du 1er février au 7 février 2020 ;

- 131, 43 € au titre des congés payés afférents ;

- 1 056 de rappel de salaires pour les tickets restaurant non remis ;

- 1 422 € de dommages et intérêts de non affiliation à la mutuelle ;

- 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [N] aux entiers dépens y compris les frais d'exécution éventuels de la décision à intervenir.

M. [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 21 juillet 2021.

Par acte d'huissier du 12 janvier 2022, actualisé par conclusions du 24 février 2022, M. [N] a fait assigner Mme [J] devant la première présidente de la cour d'appel d'Amiens, au visa des articles 517-1, 514-3 et 514-5 du Code de procédure civile, aux fins de voir :

- recevoir M. [N] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, le dire bien fondé et arrêter l'exécution provisoire du jugement rendu le 5 juillet 2021 par le conseil de prud'hommes de Creil ;

- débouter Mme [J] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, la dire mal fondée ;

- condamner Mme [J] aux dépens de l'instance.

Au soutien de ses demandes, l'appelant fait valoir que :

- il existe des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision entreprise dans la mesure où :

- les motifs de retard dans les paiements des salaires ne sont pas sérieux puisqu'il n'y avait pas de retard lorsque Mme [J] a manifesté sa décision de rompre et que se sont ouvertes des discussions autour d'une rupture conventionnelle entre le 1er janvier 2020 et le 7 février 2020 ;

- Mme [J] qui avait opté pour la création d'une auto-entreprise, souhaitait ' en opportunité des avantages attendus de pôle emploi- s'y consacrait assidument;

- Mme [J] aimait à se positionner dans un registre relationnel complexe caractéristique du syndrome de Clérambault, le défaut de réciprocité l'a finalement persuadée d'être l'objet de malveillances imaginaires et a alimenté un désir de vengeance ;

- les faits invoqués par la salariée ne sont, soit pas démontrés, soit ne justifient pas l'impossibilité de poursuite du contrat de travail ;

- la suspension d'exercice affectant M. [N] n'empêche pas la poursuite du contrat ;

- les quelques erreurs reconnues comme le paiement des tickets restaurant sont bénignes et n'ont jamais fait l'objet de réclamations auparavant ;

- en 15 ans, Mme [J] n'a jamais manifesté le moindre grief, ni former la plus petite réclamation ou le plus insignifiant reproche ;

- l'exécution de la décision dont appel entraînerait des conséquences manifestement excessives dans la mesure où :

- M. [N] est dans l'incapacité de régler la somme exigée par Mme [J] au titre de l'exécution provisoire ;

- des mesures de contraintes excessives le conduiraient à une situation funeste et irrémédiable d'état de cessation des paiements, son insolvabilité serait alors définitive ;

- la reprise d'activité de son nouveau cabinet tarde à venir, notamment à cause de la crise sanitaire ;

- M. [N] subvient seul aux loyers, études et contribution de ses quatre enfants ;

- M. [N] a dû quitter son domicile, ne dispose plus de véhicule et vit dans un modeste appartement en location ;

- sa situation financière est fragile ;

- la survenance de procédures judiciaires de divers créanciers agrège sa reprise économique fragile ;

- l'ordonnance de référé dont Mme [J] dit qu'elle a condamné M. [N] est en réalité un jugement de donner acte, lequel ne peut pas faire l'objet d'un appel;

- la saisie attribution tentée à son préjudice n'a permis l'appréhension que de 412 euros ;

Mme [J] ne présente aucune garantie justifiant être en mesure de restituer les sommes litigieuses.

Par conclusions en réponse du 4 février 2022 actualisées par conclusions du 10 mars 2022, Mme [J] demande à Mme la première présidente de bien vouloir :

- débouter M. [N] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 1 250 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [J] affirme pour l'essentiel :

- que M. [N] n'a toujours pas réglé ses salaires ;

- que le jugement est particulièrement bien motivé et rend compte des manquements de l'employeur à ses obligations ;

- que, par conséquent, la réformation du jugement est loin d'être acquise ;

- que l'ensemble des difficultés invoquées, y compris celles liées à des remboursements de prêts étaient préexistantes à la décision de première instance;

- que Mme [J] a désormais un salaire régulier et présente toutes les garanties pour restituer, le cas échéant, les sommes à recouvrer.

À l'audience du 10 mars 2022, Me Douchin, représentant M. [N], explique que Mme [J] avait 15 ans d'ancienneté au cours desquelles aucun reproche n'a été formulé ; qu'il rencontre une période de vie compliquée,(divorce, problèmes professionnels); qu'une rupture conventionnelle a été convenue ; que c'est Mme [J] qui a rompu le contrat ; qu'il est actuellement en période de reconstruction ; que s'il paye maintenant la somme de 56.000 € qui lui est réclamée, il «'met la clé sous la porte.'»

Me Lecrubier, représentant Mme [J] fait valoir qu'à l'audience d'octobre 2020, M. [N] s'était engagé à payer les salaires, il ne l'a jamais fait; qu'il n'a pas fait appel sur les salaires ; qu'elle ne supportait plus de travailler avec M. [N] en raison de ses pratiques douteuses avec ses clients ; que M. [N] a des difficultés, Mme [J] aussi ; qu'elle ne touche rien ; qu'elle a retrouvé un emploi pour mai 2022.

L'affaire a été mise en délibéré au 28 avril 2022.

SUR CE,

Sur le droit applicable,

Dans son jugement du 5 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Creil a «'ordonné l'exécution provisoire de l'intégralité du ['] jugement sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile'» ancien.

Or les dispositions applicables de l'article 515 du code de procédure sont celles en vigueur depuis le 01er janvier 2020, l'instance ayant été introduite par acte d'huissier de justice en date du 22 octobre

2020 qui dispose que «'Lorsqu'il est prévu par la loi que l'exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d'office ou à la demande d'une partie, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la décision'»

Par conséquent, il convient d'apprécier si les conditions cumulatives de l'article 517-1 du Code de procédure civile applicable en l'espèce sont réunies.

L'article 517-1 du Code de procédure civile dispose que : «'Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi ;

2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522.

Le même pouvoir appartient, en cas d'opposition, au juge qui a rendu la décision lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.'»

Sur les moyens sérieux de réformation de la décision et les conséquences manifestement excessives attachées au jugement dont appel,

M. [N] procède par allégations sans toutefois justifier de leur caractère probant, qui ne peuvent dès lors constituer des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision entreprise tel le comportement de Mme [J] vis-à-vis de M. [N], lequel ne remet pas en cause le jugement rendu par le conseil de prud'hommes. En effet, ce dernier s'est fondé sur des manquements objectifs caractérisant dès lors, dans son appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, une prise d'acte pouvant être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans la mesure où M. [N] a reconnu devant le conseil de Prud'hommes devoir des salaires à son ancienne salariée et reconnaît dans ses conclusions n'avoir jamais versé les tickets restaurant dûs malgré un prélèvement mensuel systématique sur le salaire de Mme [J], il ne peut faire valoir que ces éléments sont des «'erreurs bénignes et n'ont jamais fait l'objet d'une réclamation'» afin de caractériser les moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision exigés par le texte susmentionné.

Quant aux conséquences manifestement excessives, M. [N] échoue à démontrer une réelle impossibilité de payer les condamnations prononcées à son encontre ou une situation irrémédiablement compromise par le paiement des sommes auxquelles il est condamné et dont il n'a montré aucune volonté de commencer à s'acquitter. Rappel doit être fait que les inconvénients inhérents au paiement d'une condamnation ne suffisent pas à caractériser une conséquence manifestement excessive.

Enfin, s'agissant de l'argument selon lequel Mme [J] ne pourrait rembourser les sommes dues en cas d'infirmation des jugements, il ne saurait prospérer davantage puisque Mme [J] justifie avoir retrouvé un travail en CDI tandis que M. [N], en revanche, ne justifie pas d'une impossibilité réelle de recouvrer les sommes en cas d'infirmation ; rappel devant être fait qu'un simple risque de non recouvrement ne suffit pas à caractériser une conséquence manifestement excessive.

Les conditions de l'article 517-1 du Code de procédure civile n'étant pas réunies, M. [N] sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et frais irrépétibles,

M. [N], succombant à l'instance, supportera la charge des entiers dépens.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] à qui il est donné gain de cause les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour les besoins de la présente instance, M. [N] doit en conséquence être condamné à lui verser la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

DEBOUTONS M. [R] [N] de sa demande de suspension des mesures provisoires attachées au jugement rendu le 5 juillet 2021 par le conseil de prud'hommes de Creil ;

CONDAMNONS M. [R] [N] à payer à Mme [Z] [J] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNONS M. [R] [N] aux dépens de la présente instance.

A l'audience du 28 Avril 2022, l'ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par Mme BERTOUX, Présidente et Mme PILVOIX, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Referes 1er pp
Numéro d'arrêt : 22/00013
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;22.00013 ?
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