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28/04/2022 | FRANCE | N°21/03507

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 avril 2022, 21/03507


ARRET







[T]





C/



S.A.S.U. ISERBA



























































copie exécutoire

le 28/04/2022

à

Me DAIME

SELARL BENOIT

MVH/IL/SF





COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 AVRIL 2022



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N° RG 21/03507 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IE6Z



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 14 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 19/00273)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [M] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]



concluant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE



ET...

ARRET

[T]

C/

S.A.S.U. ISERBA

copie exécutoire

le 28/04/2022

à

Me DAIME

SELARL BENOIT

MVH/IL/SF

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

*************************************************************

N° RG 21/03507 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IE6Z

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 14 JUIN 2021 (référence dossier N° RG 19/00273)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [M] [T]

[Adresse 3]

[Localité 5]

concluant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. ISERBA

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

concluant par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l'audience publique du 03 mars 2022, devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Marie VANHAECKE-NORET indique que l'arrêt sera prononcé le 28 avril 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Marie VANHAECKE-NORET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 avril 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 14 juin 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Beauvais, statuant dans le litige opposant M. [M] [T] (le salarié) à son ancien employeur, la société Iserba (SAS à associé unique), a dit les demandes du salarié recevables et partiellement fondées, a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 058,46 euros, a condamné la société à verser au salarié les sommes précisées au dispositif de la décision à titre d'indemnité de licenciement (1 029,22 euros net), d'indemnité compensatrice de préavis (4 116,92 euros brut), au titre des congés payés y afférents (411,69 euros brut), à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire (1 878,55 euros brut), de congés payés y afférents (178,86 euros brut), au titre des indemnités de trajet (1 464,34 euros), à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (1 500 euros), a annulé l'avertissement du 1er février 2019 et a octroyé au salarié 1 euro de dommages et intérêts, a ordonné sous astreinte la délivrance des documents de fin de contrat conformes à la décision, a dit qu'il n'y avait lieu de condamner la société aux intérêts de retard ni d'ordonner l'anatocisme, a rejeté la demande d'exécution provisoire hors celle de droit, a débouté le salarié de ses autres demandes, a débouté la société de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la société aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté le 1er juillet 2021 par voie électronique par M. [M] [T] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 17 juin précédent ;

Vu l'avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel ;

Vu la constitution d'avocat de la société Iserba, intimée, effectuée par voie électronique le 18 août 2021 ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2021 par lesquelles le salarié appelant, soutenant qu'il était en droit de prétendre à la poursuite de son contrat de travail en tant que responsable d'antenne et à la rémunération correspondant à cet emploi à compter de la date à laquelle il l'a effectivement et réellement occupé, qu'il n'a pas été rempli de ses droits au titre des indemnités de trajet, qu'il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées, que les éléments constitutifs du travail dissimulés sont caractérisés, que le non-paiement de l'intégralité de la rémunération qui lui était due lui a causé un préjudice, contestant l'avertissement notifié le 1er février 2019, faisant valoir aussi que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, que le plafond d'indemnisation prévu par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté, prie la cour de le dire recevable et bien fondé en ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions sur les frais irrépétibles et en ce qu'il a annulé l'avertissement du 1er février 2019, de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande en illégitimité du licenciement et de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire de responsable d'antenne et de congés payés y afférents, d'indemnités de trajet, de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés incidents, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral, sollicite également l'infirmation du jugement entrepris sur le quantum des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour sanction disciplinaire illicite, prie la cour de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Iserba à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 400 euros net), d'indemnité de licenciement (1 470,92 euros net), d'indemnité compensatrice de préavis (5 422,77 euros brut), de congés payés y afférents (542,27 euros brut), d'indemnités de trajet (2 512,54 euros net), de rappel de salaire de responsable d'antenne (7 968,86 euros brut), de congés payés y afférents (796,89 euros brut), de rappel d'heures supplémentaires (10 044,95 euros brut), de congés payés incidents (1 044,50 euros brut), d'indemnité pour travail dissimulé (16 268,28 euros net), de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral (3 000 euros net), de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire illicite (1 000 euros net), d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (4 000 euros net), d'ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes, ce sous astreinte, de condamner la société aux dépens y compris les frais d'exécution, de condamner la société Iserba aux intérêts de retard à compter de la saisine, d'ordonner l'anatocisme, d'ordonner l'exécution provisoire, de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 711,38 euros brut, de débouter la société Iserba de ses demandes reconventionnelles ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2021 aux termes desquelles la société intimée et appelante incidente, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante aux motifs notamment que le salarié n'a pas effectué d'heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, que le travail dissimulé notamment dans son élément intentionnel n'est pas établi, que le salarié n'a pas occupé le poste de responsable d'antenne mais a été soumis à une période probatoire laquelle n'a pas été concluante, que la demande de rappel d'indemnités de trajet est mal fondée faute pour le salarié de justifier de la zone applicable, qu'aucune faute ni aucun préjudice n'étant établis, le salarié ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral, faisant valoir au soutien de son appel incident que l'avertissement du 1er février 2019 est justifié par les manquements matériellement établis du salarié à ses obligations contractuelles, que les griefs développés dans la lettre de licenciement sont établis et constitutifs d'une faute grave exclusive des indemnités de rupture et de la rémunération de la période de mise à pied conservatoire, exposant aussi subsidiairement que le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'article L.1235-3 du code du travail est conforme aux textes internationaux de sorte qu'eu égard à l'ancienneté du salarié le quantum des dommages et intérêts sollicités doit être réduit en de larges proportions, sollicite pour sa part l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ce qu'elle a octroyé à M. [T] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, un rappel de salaire et de congés payés pour la période de mise à pied conservatoire, en ce qu'elle a annulé l'avertissement et octroyé la somme d'1 euro à titre de dommages et intérêts, en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'un rappel d'indemnités de trajet ainsi qu'à une indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens, sollicite la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a débouté M. [T] du surplus de ses demandes et notamment de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de rappel de salaire de responsable d'antenne, de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral, prie la cour en conséquence et statuant de nouveau, de dire le licenciement justifié pour faute grave, de dire que M. [T] a été rémunéré en fonction du nombre d'heures réellement exécutées et qu'il n'a jamais été promu au poste de responsable d'antenne niveau 1, de débouter M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, de le condamner à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 février 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 3 mars suivant ;

Vu les conclusions transmises le 9 novembre 2021 par l'appelant et le même jour l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

M. [M] [T], né en 1987, a été engagé à compter du 10 avril 2017 en qualité d'agent de maintenance catégorie ouvrier niveau 2 coefficient 185 moyennant un salaire mensuel fixe de 2 048,62 euros brut incluant le rémunération de 13 heures supplémentaires au taux majoré de 25%.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire mensuel de M. [T] s'est élevé à 2 149,38 euros brut.

La société Iserba exerce en différents lieux du territoire national une activité d'entretien et dépannage d'équipements individuels au sein de logements situés dans des immeubles d'habitation appartenant principalement à des bailleurs sociaux.

Le salarié était rattaché à l'antenne de [Localité 6].

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des ouvriers du Bâtiment (entreprises occupant plus de dix salariés).

Lors de la rupture des relations contractuelles, la société Iserba occupait habituellement plus de 11 salariés.

Un avertissement a été notifié au salarié le 1er février 2019.

Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 avril 2019 par lettre du 22 mars précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 avril 2019, motivée comme suit :

'Vous avez été convoqué le 22 Mars 2019 par lettre recommandée avec AR, à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave, fixé au 5 Avril 2019, avec Monsieur [G] [V]. Par la même occasion, vous avez été informé de votre mise à pied à titre conservatoire.

Vous avez choisi de ne pas vous faire assister à cet entretien.

Vous occupez le poste d'Agent de Maintenance sous contrat à durée indéterminée depuis le 10 Avril 2017.

Les faits qui nous ont amenés à engager cette procédure disciplinaire sont les suivants:

° Défauts d'intervention & non-respect des process internes :

Le 6 Mars 2019, vous avez refusé une urgence qui avait été demandée par votre Manager opérationnel. Lorsque le chargé de clientèle vous a demandé d'intervenir à 14H00 au domicile d'une locataire qui avait une fuite importante, vous lui avez répondu: « ils ne me paient pas mes heures supplémentaires, donc je ne fais pas les urgences ». C'est avec étonnement que nous nous sommes aperçus que pour la journée du 6 Mars 2019, vous étiez parti de votre dernière intervention à 17H18 pour rentrer à votre domicile.

Or, vos horaires de travail sont de 8H00 à 12H00 puis de 13H30 à 17H30 du lundi au jeudi, puis de 8H00 à 12H00 puis de 13H30 à 15H30 le vendredi.

Vous pouviez largement intégrer cette urgence sans dépasser l'horaire collectif. Ce d'autant plus que vous n'avez pas assuré l'intégralité des dépannages qui vous avez été confiés lors du pilotage du matin. De surcroît, vous n'avez même pas pris la peine de vous déplacer [Adresse 8].

Le 7 Mars 2019, vous avez laissé à nouveau 3 DS en ATR. Vous n'avez prévenu ni le locataire ni votre hiérarchie.

Le 8 Mars 2019, vous avez laissé encore 4 DS en ATR. Vous n'avez prévenu ni le locataire ni votre hiérarchie.

Le 15 Mars 2019, le Centre de Relation Clientèle a enregistré deux appels téléphoniques de deux locataires lesquels se sont manifestés le 15 Mars 2019 au matin pour se plaindre que vous n'étiez pas passé la veille. Vous avez donc laissé 2 DS en ATR en date du 14 Mars 2019. Force est de constater que vous n'avez pas prévenu les locataires ni votre hiérarchie. II s'agissait d'une locataire basée à [Localité 9] et d'une autre à [Localité 7].

Nous déplorons que vous ne preniez pas le temps de prévenir les locataires.

Nous ne pouvons accepter que des clients, qui ont pris leurs dispositions pour être présents aux rendez-vous que nous avons fixés, se retrouvent à attendre en vain le passage de nos techniciens. Vous n'êtes pas sans savoir que l'insatisfaction des locataires est de nature à remettre en cause nos relations contractuelles avec les bailleurs.

En outre, vos défauts d'intervention demeurent injustifiés.

° Réclamations relayées par le bailleur social

Par courrier électronique, le correspondant local de notre bailleur social indiquait à votre manager opérationnel que le 20 février 2019 que vous vous étiez présenté au domicile d'une locataire dans le cadre d'une demande REL, sans robinet, juste avec un simple abattant. Alors que le locataire en place avait un robinet d'évier qui fuyait.

Notre interlocuteur précisait « que le contrat prévoit la vérification de toute la robinetterie et son remplacement le cas échéant, la pose d'un abattant ou encore le détartrage des sanitaires. Votre technicien a dit à la locataire qu'il la recontacterait, ce qui n'est toujours pas le cas» (deux jours après).

Après vérification, c'est bien vous qui vous êtes présenté au domicile de la locataire, sans la pièce nécessaire à votre intervention. Comme indiqué dans la définition de fonction que vous avez signée, il vous revient « d'organiser la tournée - matériel, préparation ».

De plus, par courrier électronique en date du 21 Mars 2019, le correspondant local de notre bailleur social remontait à votre manager opérationnel un nouveau dysfonctionnement, dans les termes suivants: « La semaine dernière, j'ai programmé 4 REL avec votre service dont 1 qui n'a pas été fait le 20 Février 2019. Pas d'avis de passage (ex-[J] [Adresse 2]), le 20 Février 2019 personne ne s'est présenté alors que j'étais au point d'accueil. Hier votre technicien est venu vers 16h30 et me dit à ma grande surprise qu'il ne peut faire qu' un REL sur les 4, car il a 1 seul abattant et pas de robinet, il me signale que le dépôt ne lui donne pas les robinets, abattant et autres suffisamment pour faire sa tournée, ce qui s'est produit hier et le 18 Février 2019 chez Madame [B] ».

Or, contrairement à vos dires, il y avait en quantité suffisante des robinets mais aussi des abattants. Le discours que vous vous permettez d'avoir est nuisible et mensonger.

° Problèmes de comportement

Vous êtes arrivé le 15 Mars 2019 en retard. En effet, vous vous êtes présenté à 8H25 alors que votre prise de poste est à 8H00. Vous êtes rentré dans le bureau sans vous excuser, ni même chercher à justifier votre retard.

Vous n'avez assisté qu'à la fin du pilotage d'équipe qui était prévu ce jour-là.

L'ensemble du personnel d'exploitation doit s'y soumettre. Notre métier et notre activité exigent le respect des horaires et des instructions de travail. Vous ne pouvez y déroger.

° Problème de discours

II est rappelé quotidiennement à l'ensemble des techniciens les procédures à respecter et notamment le fait de devoir appeler les locataires pour les interventions qu'il n'est pas possible d'honorer. Lorsque votre manager vous en a fait la remarque, et vous a demandé de vous corriger, vous lui avez répondu « je m'en tape!'»

Votre discours est totalement inadapté et contraire aux process SERVIR.

° Violation de la procédure sur la récupération des vieux métaux

En poste depuis le 10 Avril 2017, vous ne pouvez ignorer qu'il est demandé à chaque technicien de rapporter les vieux métaux à l'agence et de les mettre dans un bac de stockage à l'agence. II est strictement interdit de vendre à son initiative et pour son compte personnel les vieux métaux. ISERBA collecte les vieux métaux, qui ne peuvent être rénovés, dans l'objectif d'utiliser la somme récupérée par la vente des vieux métaux pour l'organisation d'un moment de convivialité pour tous les membres de l'agence.

Or vous ne rapportez pas les vieux métaux depuis plus de deux mois. Malgré les rappels réguliers de cette règle, vous ne respectez pas les consignes qui ont été données lors de pilotage d'équipe du 30/01/2018. Vous avez pourtant bien signé la feuille d'émargement.

En outre, vous avez été sanctionné le 1er Février 2019 en raison de l'état déplorable du véhicule de service qui vous a été confié dans l'exercice de vos fonctions.

Compte-tenu de l'ensemble des griefs que nous vous reprochons, nous ne souhaitons pas prendre davantage de risque avec vous.

Nous vous signifions par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif de tout droit à préavis et indemnité de licenciement qui sera effectif immédiatement.

La période non travaillée du 22 Mars 2019 (début de la mise à pied) à l'envoi de la présente, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne vous sera pas rémunérée.

(...)'.

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, M.[T] a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais, qui, statuant par jugement du 14 juin 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de rappel de salaire de responsable d'antenne et de congés payés y afférents

M. [T] poursuivant l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, expose en substance qu'en réalité depuis le mois de mars 2018, il a commencé à occuper les fonctions de responsable d'antenne sans que sa rémunération ne soit revue en conséquence et sans avenant actant cette modification, qu'un tel avenant a été pris en septembre 2018 puis que le versement de la prime qui permettait d'atteindre le salaire brut de 2 449 euros a cessé après novembre 2018 sans que l'employeur ne notifie dans les délais une rupture de la période probatoire, que la société ne pouvait dès lors le réaffecter au poste d'agent de maintenance, que cette réaffectation constitue une nouvelle modification unilatérale du contrat de travail, que la période probatoire n'était de surcroît pas justifiée dès lors qu'il occupait dans les faits le poste de responsable d'antenne depuis mars 2018, enfin que la rupture de la prétendue période probatoire est intervenue pour des raisons étrangères à l'évaluation de ses compétences professionnelles et au demeurant infondées.

Il soutient en conséquence avoir droit à un rappel de salaire de responsable d'antenne niveau 1, sur la base de 2449 euros, depuis le mois de mars 2018.

La société Iserba conteste que le salarié ait occupé les fonctions de responsable d'antenne.

Elle expose en substance qu'il a été envisagé de le faire évoluer sur ce poste à compter de septembre 2018, qu'il a ainsi été décidé de mettre en oeuvre une période probatoire pour apprécier ses compétences et ses capacités ce qui a été formalisé, qu'il n'a jamais été annoncé de manière ferme au salarié qu'il serait désormais responsable d'antenne et augmenté pour un salaire de 2449 euros, que ce dernier n'a pas montré de compétences pour occuper ce poste de sorte qu'il a été maintenu dans ses fonctions d'agent de maintenance.

Sur ce,

Il a été précédemment rappelé au titre des éléments constants du dossier que M. [T] a été recruté en qualité d'agent de maintenance.

Selon la fiche descriptive de poste intitulée 'définition de fonction' afférente à cet emploi, produite aux débats, il avait pour mission essentielle d'exécuter les visites d'entretien ou dépannages en veillant à la sécurité des usagers.

Selon la fiche 'définition de fonction' afférente au poste de responsable d'antenne niveau 1, un salarié recruté à ce poste a outre l'exécution des visites d'entretien ou dépannages, la mission de contribuer à l'optimisation de la production auprès des agents de maintenance qui lui sont rattachés ; du descriptif des activités inhérentes à ces missions, il ressort pour l'essentiel que le responsable d'antenne a pour fonction de faire appliquer par son équipe les objectifs, d'assurer le suivi du planning des visites d'entretien, de centraliser les besoins, de traiter les dysfonctionnements, de garantir la sécurité du dépôt et de veiller au respect des consignes de sécurité en matière de port des équipements de protection individuelle des agents de maintenance composant son équipe, en sus de tâches administratives comme l'établissement de la synthèse hebdomadaire de l'activité de l'équipe.

Des pièces versées aux débats, il ressort que seul M. [D], ancien salarié, atteste que M. [T] aurait occupé le poste de 'responsable d'agence' pendant environ un an. Cependant le témoin se borne à formuler cette affirmation sans décrire les tâches effectivement accomplies par M. [T] de sorte que cette attestation ne permet pas de confirmer que celui-ci a dans les faits à compter de mars 2018 concrètement et réellement exercé les missions, fonctions et responsabilités inhérentes au poste de responsable d'antenne telles qu'elles sont spécifiées dans la fiche dont la teneur vient d'être rappelée.

Par ailleurs, le salarié dénature l'écrit du 17 mai 2018 en affirmant qu'il s'agit d'une régularisation d'une situation antérieure et de la reconnaissance 'à demi-mot' (sic) de ce qu'il n'était plus seulement agent de maintenance en effet son auteur M. [U], qui est manager opérationnel, se cantonne à indiquer que le poste de M. [T] est évolutif et que de ce fait son salaire pourra (c'est la cour qui souligne) à fin septembre être de 2 449 €.

L'employeur ne conteste pas d'ailleurs avoir souhaité faire évoluer M. [T] sur un poste de responsable d'antenne. C'est ainsi qu'il a été convenu le 7 septembre 2018 aux termes d'un document signé par le salarié et l'employeur, produit aux débats, que jusqu'au 30 novembre 2018, celui-ci exercerait les fonctions de responsable d'antenne niveau 1 stagiaire au sein de l'agence de [Localité 6], qu'avant le terme de cette période qualifiée expressément de 'probatoire' soit mi-novembre un entretien avec le responsable hiérarchique serait organisé afin de faire le point et qu'il serait versé durant cette même période au salarié une prime mensuelle de 300 euros.

Des termes sans équivoque de cet avenant, il ressort que les parties ont convenu d'une période probatoire, limitée dans le temps.

La période probatoire se définit comme une période de "test" durant laquelle l'employeur évalue les capacités du salarié à occuper le poste et qui permet à ce dernier de s'assurer que ce poste lui convient.

N'ayant pas la nature juridique d'une période d'essai, sa rupture a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures. Si elle n'est pas concluante, l'employeur est fondé à y mettre un terme, sa seule obligation étant de réaffecter le salarié dans son emploi antérieur.

La période probatoire n'est pas interdite par la convention collective applicable. Elle a été acceptée par M. [T], les bulletins de paie confirment que la prime a été versée en septembre, octobre et novembre 2018 conformément à ce que convenu.

La société produit aux débats un document daté du 14 novembre 2018 dont il ressort que la confirmation de M. [T] sur le poste de responsable d'antenne n'a pas été validée par la hiérarchie.

Estimant le test non concluant, l'employeur était fondé, sans avoir à établir un nouvel avenant ni notifier une 'rupture' de la période probatoire au salarié puisqu'elle s'est poursuivie jusqu'au terme convenu soit le 30 novembre 2018 (le salarié ayant perçu intégralement la prime convenue), à le réintégrer dans ses fonctions antérieures d'agent de maintenance, cette réintégration ne constituant pas une rétrogradation ni une modification du contrat de travail. La cour retient également que le document du 14 novembre 2018, dont l'authenticité, la valeur et la portée ne sont pas sérieusement contestées, matérialise l'entretien que le salarié a eu avec sa hiérarchie, conformément à ce qui était prévu par l'avenant lequel ne prévoyait aucune autre formalité.

Contrairement à ce que laisse entendre M. [T], l'employeur a invoqué l'insuffisance des qualités professionnelles et des performances ne permettant pas d'entériner une progression sur un poste d'encadrement ce qui suffit à justifier sa décision, les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permettant pas de retenir que ce motif ne correspondait pas à la réalité.

En conséquence, l'employeur n'a procédé à aucune modification unilatérale du contrat de travail et il apparaît que la période probatoire n'ayant pas été concluante, il a replacé M. [T] dans ses fonctions antérieures.

La demande de rappel de salaire de responsable d'antenne est donc mal fondée.

Par confirmation du jugement entrepris, M. [T] doit être débouté.

Sur les indemnités de trajet

Invoquant les dispositions des articles 8.13 et 8.14 de la convention collective et l'accord collectif du 1er avril 2016, M. [T] fait valoir que rattaché à l'établissement de [Localité 6], il devait effectuer des déplacements sur le creillois soit une zone comprise entre 40 et 50 kilomètres lui ouvrant droit à une indemnité calculée sur une base unitaire de 7 euros et non 2,13 euros, taux appliqué par l'employeur qui selon lui ne conteste pas le périmètre de ses interventions.

Il fait valoir qu'il a pris en compte pour calculer le rappel dû des sommes déjà versées par la société.

La société oppose qu'il n'est pas mentionné par le salarié les lieux de situation des chantiers et les distances parcourues de sorte et que ce dernier ne justifie pas de la zone kilométrique des trajets accomplis qui le ferait relever de la zone revendiquée pour le calcul des indemnités de trajet.

Sur ce,

Au vu des moyens débattus, il apparaît que chacune des parties se réfère aux dispositions conventionnelles des articles 8.11 et suivants applicables aux petits déplacements dont le régime d'indemnisation prévoit une indemnité de trajet.

Il n'est pas contesté que M. [T] était de par ses fonctions un ouvrier non sédentaire et relevait de ces dispositions.

Ces dernières instituent un système de zones circulaires concentriques dont les limites sont distantes entre elles de 10 kilomètres mesurés au moyen d'un site internet reconnu de calcul d'itinéraire.

Le nombre de zones concentriques, permettant de déterminer les indemnités dues, est de 5. La première zone est définie par une limite de 10 kilomètres, mesurée selon les modalités rappelées ci-dessus, dont le centre est le point de départ des petits déplacements, en l'espèce [Localité 6], lieu d'implantation de l'établissement auquel était rattaché M. [T].

Selon ces dispositions, à chaque zone concentrique correspond une valeur de l'indemnité de trajet.

La cour constate qu'il résulte des propres éléments de l'employeur que M. [T] pouvait intervenir à [Localité 9] et [Localité 7] ; la lettre de licenciement évoque notamment ces localités qui sont distantes de [Localité 6] de plus de 40 kilomètres alors que selon les mentions figurant sur les bulletins de paie, les indemnités de trajet versées au salarié ont été de manière constante calculées selon le taux applicable à la zone 2 (de 10 à 20 kilomètres).

Ainsi l'employeur auquel il incombe d'établir qu'il s'est acquitté de ses obligations ne justifie pas avoir rempli le salarié de ses droits au titre des indemnités de trajet.

Dans ces conditions, le salarié peut prétendre à une indemnisation des trajets sur la base du taux applicable à la zone 5 (de 40 à 50 kilomètres) soit 7 euros et non à la zone 4 contrairement à ce que retenu à tort par les premiers juges.

Il convient de lui allouer la différence entre ce qu'il a perçu et ce qu'il aurait dû percevoir, en fonction du nombre de jours d'intervention.

Il y a lieu dès lors de condamner la société Iserba à lui verser la somme de 2 152,54 euros brut et non net (s'agissant d'un élément de salaire) à titre de rappel d'indemnités de trajet.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum de la condamnation

En outre, de nature salariale, la somme allouée doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires

Les parties s'opposent sur l'accomplissement par le salarié d'heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [T] expose que la société n'a jamais établi de documents comptabilisant la durée de travail. Il soutient verser aux débats des éléments suffisamment précis permettant de déterminer les heures de travail accomplies au service de la société qui pour sa part ne justifie pas du temps de travail réel. Il fait valoir qu'il a régulièrement travaillé au-delà du volume contractuel de 13 heures supplémentaires hebdomadaires et indique qu'en tant que responsable d'antenne, il travaillait au minimum 9h45 par jour du lundi au jeudi et 8h15 le vendredi, et en tant qu'agent de maintenance 9 heures par jour du lundi au jeudi et 7h30 le vendredi.

Il produit notamment des relevés d'heures hebdomadaires relatifs aux semaines 5 à 11 de l'année 2019 faisant figurer les heures de prise et de fin de service matin et après-midi pour chaque jour travaillé, le temps de travail quotidien hors temps de pause et de casse-croûte, précisant la nature des missions et le cumul d'heures de travail hebdomadaires. A l'examen de ces relevés portant sur la période du 28 janvier au 15 mars 2019, la durée hebdomadaire de travail ressort régulièrement comme supérieure à 40 heures pour atteindre parfois 45 heures. Il fournit aussi un tableau récapitulatif portant sur l'intégralité de la relation de travail mentionnant les horaires, le temps de repas, la durée de travail quotidienne et hebdomadaires, les cumuls d'heures supplémentaires, les jours non travaillés. Il verse également ses bulletins de paie sur lesquels ne figure le paiement d'aucune heure supplémentaire, hormis celles prévues au contrat de travail.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société Iserba qui assure le contrôle des horaires effectivement réalisés, que le salarié soit ou non soumis à un horaire de travail collectif, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments étant rappelé que le salarié n'a pas à justifier avoir réclamé à l'employeur au cours de l'exécution du contrat de travail le paiement d'heures supplémentaires.

Au vu des moyens débattus et des éléments produits de part et d'autre, la cour a la conviction que M. [T] a bien effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.

La cour constate en effet qu'il n'est pas factuellement démenti par la société Iserba que les fonctions du salarié l'amenaient à dépasser les horaires contractuels et que ces dépassements étaient rendus nécessaires par les interventions et dépannages qui lui étaient confiés parfois en des lieux éloignés de l'agence de [Localité 6].

Cependant, la cour retient que le volume d'heures supplémentaires est moindre que celui prétendu par le salarié. En effet ce dernier se réfère aux horaires qu'il aurait effectué en qualité de responsable d'antenne, emploi qu'il n'a pas occupé hormis pendant la période probatoire ainsi qu'il a été précédemment jugé ; en outre il est justifié qu'il bénéficiait d'une pause méridienne qu'il n'a parfois pas décompté ou dont il a significativement minoré la durée.

En conséquence, s'il convient de faire droit à la demande dans son principe, le montant du rappel de salaire et de congés payés incidents sera, eu égard aux éléments dont la cour dispose lui permettant d'évaluer l'importance des heures supplémentaires, limité au montant précisé au dispositif.

Les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a intégralement débouté le salarié.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral

M. [T] expose qu'il a été privé de son salaire de responsable d'antenne, de ses indemnités de trajet et de ses heures supplémentaires.

Toutefois, il a été précédemment jugé que la demande de rappel de salaire de responsable d'antenne était mal fondée. Par ailleurs, les éléments produits ne permettent pas de caractériser un préjudice distinct du retard de paiement des indemnités de trajet et des heures supplémentaires qui aurait été causé par la société de mauvaise foi et qui ne se trouve pas déjà compensé par l'allocation des intérêts moratoires.

La demande doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'avertissement

M. [T] conteste cette sanction disciplinaire qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er février 2019 ; il réfute les constats qui auraient été opérés sur le véhicule de service, soulève qu'aucun équipement de nettoyage n'était mis à sa disposition par l'employeur qui ne pouvait l'obliger à l'entretenir, souligne que cet avertissement injustifié est concomitant au courrier de l'employeur lui refusant sa confirmation dans ses fonctions de responsable d'antenne.

Il fait valoir que cet avertissement injustifié lui a causé un préjudice insuffisamment réparé par les premiers juges.

Aux termes de la lettre de notification, il est reproché au salarié de ne pas avoir entretenu le véhicule de service mis à sa disposition dans l'exercice de ses fonctions ce en violation des obligations mises à sa charge par le règlement intérieur et le contrat de travail, les faits ayant été constatés le 9 janvier 2019 par le manager opérationnel.

Le salarié peut contester la mesure disciplinaire prise à son encontre par son employeur.

En application de l'article L.1333-1 du code du travail, le juge prud'homal apprécie en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la société Iserba invoque et produit uniquement un jeu de clichés photographiques de l'intérieur d'un véhicule qui ne permet pas de se convaincre que le véhicule en question est celui mis à disposition de M. [T] ; les photographies ne sont pas datées, la plaque d'immatriculation n'est pas visible. L'employeur s'abstient de produire des éléments dont il ressort que le constat a été contradictoire ainsi que le témoignage du manager qui selon la lettre de notification aurait relevé l'état de saleté du véhicule.

Pour ces motifs, la sanction apparaît injustifiée et il convient par application des dispositions de l'article L 1333-2 du code du travail de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé son annulation.

Eu égard à la nature de la sanction, au fait qu'elle crée indûment un antécédent, le préjudice causé au salarié ne saurait être réparé par l'euro symbolique ; il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts la somme précisée au dispositif de l'arrêt laquelle, eu égard à sa nature indemnitaire, doit être assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur la somme de 1 euro et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Sur le travail dissimulé

M. [T] sollicite l'attribution de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 8223-1 du code du travail en cas de travail dissimulé en exposant que les bulletins de paie ne mentionnent pas l'intégralité des heures effectuées et que la société ne tient pas compte des horaires effectivement réalisés dont elle a connaissance.

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé notamment le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement :

- à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail,

- ou encore aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il s'évince de ces dispositions que la dissimulation d'emploi ne peut être caractérisée que s'il est établi que l'employeur a de manière intentionnelle mentionné un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué, et le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

L'attribution par une juridiction au salarié d'heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d'une dissimulation intentionnelle.

En l'espèce, il n'est pas démontré que c'est sciemment que la société Iserba a omis de payer des heures supplémentaires à son salarié.

Par confirmation du jugement entrepris, la demande doit être rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié à raison des fonctions occupées, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de licenciement énonce plusieurs griefs qu'il convient d'analyser successivement.

Le non-respect de la procédure de récupération des vieux métaux

L'employeur invoque et produit aux débats le compte rendu de réunion du 30 janvier 2018 au cours de laquelle les salariés dont M. [T] ont été sensibilisés à la procédure en vigueur relative à la récupération des vieux métaux, le livret d'accueil et une note établie antérieurement à l'embauche du salarié.

Néanmoins ces pièces n'établissent pas que M. [T] s'est dispensé, en dépit de rappels, de rapporter les métaux collectés par la société.

Les éléments de l'employeur ne sont pas propres à étayer ce grief.

Les défauts d'intervention et le non respect des process internes

La société Iserba produit aux débats le courrier électronique adressé par M. [S] à M. [V] le 6 mars 2019 à 14h03 signalant que M. [T], dont l'intervention était requise en urgence dans l'après-midi pour une fuite importante chez un locataire, a refusé d'effectuer ce dépannage et un second courriel dont il ressort qu'il ne s'est pas présenté la veille chez deux locataires pour des interventions programmées sans prévenir ces derniers.

M. [L] confirme sans être factuellement démenti qu'un rappel régulier était fait auprès du salarié sur la nécessité de prévenir les locataires si une intervention ne pouvait être honorée.

Ces éléments non sérieusement contestés matérialisent le grief.

M. [T] ne saurait exciper d'une inexécution par l'employeur de ses propres obligations notamment en matière d'heures supplémentaires.

En effet, il apparaît ces interventions non honorées par le salarié pouvaient être effectués dans la limite de la durée contractuelle de travail sans dépassement.

Le grief est établi étant relevé qu'il appartenait à M. [T], qui avait été replacé dans ses fonctions antérieures d'agent de maintenance, d'organiser et optimiser ses tournées, exécuter les interventions ou les dépannages, rendre compte de chaque intervention et informer des interventions non achevées ainsi qu'il ressort de la fiche descriptive de poste qui lui avait été remise. Les faits, matériellement établis, sont donc constitutifs de manquements professionnels.

Les réclamations relayées par le bailleur social

La société Iserba produit aux débats deux courriels de M. [E] correspondant local du bailleur social CDC Habitat adressés au manager opérationnel de l'agence de [Localité 6] dont il résulte que M. [T] s'est présenté chez une locataire sans avoir le matériel nécessaire pour effectuer l'intervention demandée par le client, qu'il a récidivé un mois après en ne se munissant pas du matériel adéquat alors que les interventions étaient programmées, qu'il ne s'est représenté chez la première locataire que plus d'une semaine après.

Si le salarié affirme qu'il ne disposait pas du matériel nécessaire du fait de son employeur, il lui appartenait néanmoins d'organiser ses tournées ce qui inclut la préparation du matériel et la fixation de l'ordre chronologique des interventions comme le précise la fiche descriptive de son poste. Force est de constater qu'il n'a pas saisi sa hiérarchie à cette occasion d'un problème de manque de matériel.

Le grief est établi.

Les problèmes de comportement et de discours

La société produit le témoignage de M. [L], non factuellement contredit par les éléments du salarié, qui atteste que celui-ci s'est présenté avec un retard de 25 minutes à la réunion du 15 mars 2019 sans formuler d'excuse ni justifier ce retard ; ce témoin rapporte également les propos de M. [T] ('je m'en tape') lorsqu'il lui a été rappelé la nécessité de prévenir les locataires en cas d'intervention non honorée.

Ces faits, mêmes ponctuels, illustrent à tout le moins que le salarié a pris ses obligations contractuelles avec une grande désinvolture.

En conséquence de ces développements, les griefs adressés au salarié (hormis le non-respect de la procédure de récupération des vieux métaux) sont établis.

Si leur accumulation est de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'apparaît cependant pas qu'ils aient revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis au regard de l'ancienneté du salarié, de l'absence d'antécédent disciplinaire (ayant été précédemment statué que l'avertissement n'était pas justifié) et de la nature des griefs.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

M. [T] doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime mais peut en revanche prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, augmentée des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité légale de licenciement.

M. [T] fait valoir que ces indemnités doivent être calculées sur la base d'un salaire de 2 711,38 euros (moyenne des trois derniers mois de salaire) expliquant qu'il convient d'intégrer la rémunération de responsable d'antenne.

Cependant il s'évince de ce qui a été précédemment jugé qu'il ne peut prétendre au salaire du responsable d'antenne, le chiffrage de ses prétentions repose donc sur un salaire erroné.

L'indemnité compensatrice de préavis est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.

Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, le préavis de M. [T] était de deux mois.

Au vu des éléments du dossier, son salaire augmenté des heures supplémentaires et de l'indemnité de trajet, qui est un élément de la rémunération soumise à cotisations sociales, ressort à 2 202,63 euros.

Ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents seront précisés au dispositif de la décision.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum des sommes allouées mais aussi en ce qu'il a retenu un salaire mensuel de 2 058,46 euros et fixé la moyenne des trois derniers mois à hauteur de cette somme.

S'agissant d'une créance de nature salariale, les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

M. [T] demande à la cour de lui allouer la somme de 1 470,92 euros net à titre d'indemnité de licenciement.

Les premiers juges ont condamné la société à ce titre au paiement de la somme de 1 029,22 euros.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [T] avait une ancienneté supérieure à huit mois ; il y a donc lieu à l'application de l'article L.1234-9 du Code du travail et à l'octroi d'une indemnité légale de licenciement ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise, sur la base d'1/4 de mois ; son montant est majoré à partir de 10 ans d'ancienneté.

L'ancienneté pour le calcul de l'indemnité est celle dont justifie le salarié à la fin du délai de préavis ; en l'occurrence le délai a expiré le 11 juin 2019.

L'ancienneté de M. [T] était donc de deux ans et deux mois.

La moyenne des trois derniers mois de salaire (moyenne la plus favorable au salarié) ressort à 2 202,63 euros.

Il convient de condamner la société Iserba à lui verser la somme de 1 284,87 euros net à titre d'indemnité de licenciement, qui doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Le jugement entrepris sera infirmé sur le quantum.

En l'absence de faute grave, la retenue de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire n'est pas justifiée.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à ce titre à un rappel de salaire et de congés payés.

Il sera ajouté que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte

Il convient de condamner la société Iserba à remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le prononcé d'une astreinte ne s'imposant pas pour garantir l'exécution de la décision.

Sur la demande d'anatocisme

Par application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur la demande d'exécution provisoire

La présent arrêt n'étant pas susceptible d'un recours suspensif, il n'a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance seront confirmées.

Succombant en cause d'appel, la société Iserba sera condamnée à payer à M. [T] en application de l'artile 700 du code de procédure civile une somme que l'équité commande de fixer à 1 500 euros pour la procédure d'appel.

Partie perdante, la société Iserba sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Beauvais en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement de M. [M] [T] prononcé par la société Iserba en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de rappel de salaire de responsable d'antenne et de congés payés y afférents, de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral,

- condamné la société Iserba à payer les sommes de 1 878,55 euros brut et 178,86 euros brut à titre de rappel de salaire et de congés payés pour la période de mise à pied conservatoire,

- annulé l'avertissement notifié à M. [T] le 1er février 2019,

ainsi qu'en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens ;

L'infirme sur le quantum de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement, du rappel d'indemnités de trajet, des dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée et pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Condamne la société Iserba à payer à M. [M] [T] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes :

- 2 152,54 euros brut à titre de rappel d'indemnités de trajet,

- 2 234,11 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 223,41 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 4 405,26 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 440,52 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 1 284,87 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

Condamne la société Iserba à verser à M. [M] [T] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'avertissement injustifié, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 14 juin 2021 sur la somme de 1 (un) euro et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [T] à 2 202,63 euros ;

Ordonne à la société Iserba de remettre à M. [M] [T] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêt ;

Condamne la société Iserba à verser à M. [M] [T] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'exécution provisoire ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne la société Iserba aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03507
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.03507 ?
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