La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/02941

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 avril 2022, 21/02941


ARRET







[E]





C/



S.A.S.U. W AUTOMOBILE SERVICES



























































copie exécutoire

le 28/04/2022

à

CABINET GILLES

SELAS BARTHELEMY

MVH/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 AVRIL 2022



*

************************************************************

N° RG 21/02941 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID5E



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 19 MAI 2021 (référence dossier N° RG F 20/00109)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [V] [E]

née le 02 Avril 1977 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

...

ARRET

[E]

C/

S.A.S.U. W AUTOMOBILE SERVICES

copie exécutoire

le 28/04/2022

à

CABINET GILLES

SELAS BARTHELEMY

MVH/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

*************************************************************

N° RG 21/02941 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ID5E

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 19 MAI 2021 (référence dossier N° RG F 20/00109)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [V] [E]

née le 02 Avril 1977 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

concluant par Me Jean-Marie GILLES de la SELEURL CABINET GILLES, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S.U. W AUTOMOBILE SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 5]

concluant par Me Mehdi CAUSSANEL HAJI de la SELAS INTER-BARREAUX BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 03 mars 2022, devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Mme Marie VANHAECKE-NORET indique que l'arrêt sera prononcé le 28 avril 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Marie VANHAECKE-NORET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 avril 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 19 mai 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Soissons, statuant dans le litige opposant Mme [V] [E] (la salariée) à son ancien employeur, la société W Automobiles services (SAS), a dit que la salariée n'a pas subi de harcèlement moral, en conséquence l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement nul, a constaté que l'employeur établit le caractère réel et sérieux des sanctions disciplinaires : avertissement du 28 octobre 2019, mise à pied disciplinaire du 9 mars 2020 et licenciement pour faute simple du 17 juin 2020, a débouté en conséquence Mme [E] de ses demandes de condamnation au titre d'un licenciement abusif, de la mise à pied du mois de mars 2020, des congés payés, l'a déboutée de sa demande tendant à la remise de documents de fin de contrat rectifiés ainsi que de ses demandes d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, de rappel de l'exécution provisoire de droit et de condamnation de la société aux dépens, a débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Vu l'appel interjeté le 7 juin 2021 par Mme [V] [E] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 27 mai précédent ;

Vu la constitution d'avocat de la société W Automobiles services, intimée, effectuée par voie électronique le 15 juin 2021;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022 par lesquelles la salariée appelante, soutenant avoir subi des agissements de harcèlement moral sur son lieu de travail, faisant valoir que son licenciement est nul, exposant à titre subsidiaire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, soutenant que le barème d'indemnisation issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 doit être écarté, faisant valoir que la mise à pied disciplinaire prononcée le 9 mars 2020 est infondée ce qui lui ouvre droit à un rappel de salaire, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'elle n'avait pas subi de harcèlement moral, constaté que l'employeur établit le caractère réel et sérieux des sanctions disciplinaires et du licenciement, l'a déboutée de toutes ses demandes, prie la cour statuant à nouveau de dire qu'elle a fait l'objet d'octobre 2019 à juin 2020 de harcèlement moral de la part de l'employeur et plus particulièrement de M. [L] [O], de dire le licenciement prononcé nul et de nul effet, subsidiairement le dire sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société W Automobiles services à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil les sommes reprises au dispositif de ses conclusions à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral (5000 euros), au titre du licenciement nul subsidiairement sans cause réelle et sérieuse (12 000 euros), au titre de la mise à pied disciplinaire du mois de mars 2019 (154 euros), des congés payés y afférents (15,40 euros), d'ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte, de débouter la société de l'ensemble de ses demandes, de condamner la société à lui payer une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2022 aux termes desquelles la société W Automobiles services, intimée, réfutant les moyens et arguments de la partie adverse aux motifs que les faits reprochés constitutifs d'insubordination sont établis et justifient le licenciement, que la salariée ne caractérise ni ne démontre quels auraient été les agissements de harcèlement moral dont elle aurait été l'objet, que les décisions critiquées par cette dernière sont objectivement justifiées, que la salariée ne produit aucun élément susceptible de démontrer l'existence et l'ampleur des préjudices allégués, que la mise à pied disciplinaire est justifiée, sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire prie la cour de réduire à de plus justes proportions les éventuels dommages et intérêts susceptibles d'être alloués pour harcèlement moral, pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tout état de cause prie la cour de condamner Mme [E] à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 février 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 3 mars suivant ;

Vu les dernières conclusions transmises le 31 janvier 2022 par l'appelante et le 15 février 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE LA COUR

Mme [V] [E], née en 1977, a été embauchée suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 mars 2016 par la société B2S en qualité de conseiller clientèle niveau II coefficient 160 et affectée au site de [Localité 5].

Elle a été ensuite transférée au sein de la société W Automobiles services, son lieu de travail et son emploi demeurant identiques.

La société W Automobiles services est une entité du groupe Welbhelp ; elle a pour activité la fourniture de services aux entreprises dans le domaine des relations clients outre la réalisation de prestations de conseil et de services s'y rapportant, la création, l'exploitation et la promotions de tous sites internet, supports publicitaires et bases de données.

Elle applique la convention collective nationale des prestataires de services du secteur tertiaire.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire mensuel brut de base de Mme [E] s'élevait à 1539,42 euros auxquels s'ajoutaient une prime de 13ème mois et une prime d'objectif.

Un avertissement lui a été notifié le 28 octobre 2019 puis une mise à pied disciplinaire de trois jours le 9 mars 2020.

Elle a été placée en arrêt de travail du 18 au 29 mai 2020.

Après entretien préalable du 11 juin 2020, Mme [E] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 juin 2020 motivée comme suit :

«'Vous avez été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, le 11 juin 2020, à 11 h, au Bureau de la Direction, [Adresse 2].

Vous avez été reçue par monsieur [L] [O], Responsable Ressources Humaines.

Vous vous êtes présentée à l'entretien, assistée de madame [B] [R], membre du CSE.

Les explications que nous avons alors pu recueillir, n'ont pas modifié notre appréciation des faits qui vous sont reprochés, et qui nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants.

En effet, le lundi 11 mai 2020, lors de la réouverture du site faisant suite au confinement imposé en raison de la pandémie du Covid 19, vous avez été informée par votre Responsable de Site ainsi que votre Responsable RH. des consignes sanitaires à respecter sur votre lieu de travail (gestes barrières), consignes qui vous sont rappelées sur un affichage apposé à votre poste de travail.

D'autre part, une note de service en date du 12 mai 2020, annexe au Règlement Intérieur, rappelant ces consignes, a été affichée sur le panneau de la Direction et publiée sur notre intranet.

Or, le Jeudi 14 mai 2020, notre chargé des Services Généraux, monsieur [A] [F], dont le bureau est à proximité du votre, a constaté à 3 reprises, que vous vous êtes levée de votre bureau, sans remettre votre masque, afin de discuter avec votre collègue, madame [H] [Z], par dessus la cloison de séparation des bureaux.

En procédant de la sorte, dans le cas où vous seriez porteuse du covid-19, vous pourriez potentiellement contaminer votre collègue et les collègues à proximité, ou dans le cas contraire, qu'elle vous contamine.

D'autre part, il s'agit d'un acte d'insubordination aux consignes sanitaires mise en place par la Direction pour préserver la Santé de ses collaborateurs.

De surcroit, notre chargé des Services Généraux a aussi constaté que vous vous êtes déplacée vers la photocopieuse en maintenant votre masque sur votre bouche avec une main, ce qui dégrade le masque et le rend inefficace.

II s'agit à nouveau d'un acte d'insubordination aux consignes sanitaires.

Notre Référente Hygiène, madame [D] [P], informée de votre non-respect des consignes sanitaires vous a alors fait un rappel le vendredi 15 mai 2020 afin que vous puissiez appliquer ces consignes sanitaires.

Ce rappel semble ne pas avoir eu l'effet escompté. Le mardi 2 juin 2020, votre Responsable RH, monsieur [L] [O], est venu distribuer les masques de protection à l'ensemble des collaborateurs présents sur le site. Une fois réalisé, il s'est arrêté discuter avec un Superviseur sénior, il vous a alors aperçu, vous lever une nouvelle fois, sans votre masque pour discuter par-dessus la cloison de séparation des bureaux.

II s'agit à nouveau d'un acte d'insubordination aux consignes sanitaires.

Vos actes d'insubordination répétés ne sont plus tolérables et mettent en danger la santé de nos collaborateurs.

Or, il ne s'agit pas là d'un fait isolé car vous avez déjà été averti par un courrier en date du 28 octobre 2019 ainsi que d'une mise à pied en date du 9 mars 2020 en raison notamment de votre non-respect du Règlement Intérieur de la société,

Ces éléments ne nous permettent pas de prolonger notre relation contractuelle et nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute simple.

La rupture de votre contrat de travail prendra donc effet à l'issue d'une période de préavis de 2 mois.

Cependant, nous vous dispensons de réaliser ce préavis qui vous sera rémunéré.

(...)'».

Contestant la validité et subsidiairement la légitimité du licenciement, invoquant avoir subi un harcèlement moral sur son lieu de travail, estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, Mme [V] [E] a saisi le 11 septembre 2020 le conseil de prud'hommes de Soissons qui par jugement du 19 mai 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la mise à pied disciplinaire

Mme [E] demande à la cour de lui allouer un rappel de salaire et de congés payés y afférents correspondant à la période de mise à pied disciplinaire faisant valoir que cette sanction disciplinaire, qu'elle a contestée, est infondée et repose à tout le moins sur des faits anecdotiques.

Convoquée à un entretien préalable fixé au 21 février 2020 par lettre du 13 février précédent, la salariée s'est vue notifier une mise à pied de trois jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 mars 2020 dont la teneur est la suivante :

'(') Lors de cet entretien, nous vous avons fait part de notre vif mécontentement en raison des faits fautifs suivants :

En effet, le 6 février 2020, vous avez adressé un mail à une concession qui demandait à votre service CCR, une nouvelle étude pour une prise en charge financière sur une réparation d'un véhicule. Cette concession automobile estimait qu'à l'étude des informations techniques du véhicule et des entretiens réguliers, le client ne pouvait pas être tenu responsable de la panne, et par conséquent il n'était pas normal de lui infliger une participation à 50 % du coût des réparations (1er réponse de votre service CCR).

Or, quelle fut la surprise de la concession à la lecture de votre mail dans lequel vous lui indiqué notamment : « Que le client ne soit pas satisfait, nous l'entendons, mais nous ne pouvons nous permettre de faire double travail, au vu du nombre de demandes SAGA quotidiennes (sur lesquelles nous avons des délais de traitement à respecter auprès de notre marque et que nous gérons en parallèle d'autres activités aux CCR) et nous ne revenons encore moins sur les études des collègues ».

Nous vous rappelons que votre service est spécialement dédié entre autres, aux études de prise en charge financière dans le cas de réparation sur sollicitation des concessions.

En l'espèce, vous refusez de traiter une demande client quand bien même nous sommes rémunérés par notre Donneur d'Ordre pour réaliser ce type d'opération.

Votre réponse est donc inappropriée et non professionnelle. Elle entache sérieusement la relation commerciale entre notre société et notre Client Donneur d'Ordre.

Sachez que votre Superviseur Sénior, madame [I] [K], a dû se justifier lors d'une réunion avec notre Client, quant à la réponse que vous avez faite.

Outre cela, le lundi 10 février 2020, votre Superviseur, monsieur [W] [G] a constaté que vous êtes arrivée en retard à votre poste de travail, à 8h32 alors que vous deviez être à votre poste de travail à 8h30.

Or, le lendemain, mardi 11 février, votre Superviseur constate dans son rapport quotidien de la veille, qui indique notamment les temps de connexion de chaque collaborateur, que vous étiez loguée à 8h30 alors que vous étiez arrivée en retard.

De toute évidence, vous avez demandé à l'une de vos collègues de vous loguer afin de dissimuler votre arrivée tardive au poste de travail.

En agissant de la sorte, vous contrevenez au Règlement Intérieur de la Société qui stipule dans son article 5.2 « ... chaque salarié est tenu d'utiliser son propre login personnel, celui-ci devant rester confidentiel ».

Votre comportement est inacceptable, il s'agit d'une man'uvre frauduleuse pour masquer votre retard.

Est-ce la première fois que vous avez recours à cette manigance ' le doute est permis.

Il est en résulte qu'en agissant de la sorte, vous entachez la relation de confiance que nous vous accordions.

Enfin, le jeudi 13 février 2020, en raison d'un manquement de saisie concernant les suivis quotidiens de production des équipes, monsieur [U] [J], Superviseur, est venu dans votre bureau et vous a sollicité afin que vous puissiez noter le nombre de vos productions de la veille. Or, vous étiez en ligne avec un réparateur agréé, et vous lui avez répondu très sèchement, que vous le feriez après votre appel.

Il faut avouer que sur le moment, monsieur [J] n'a pas compris votre manière de lui répondre.

Il s'est donc mis en retrait et en a profité pour solliciter certaines de vos collègues pour leur demander de compléter le suivi quotidien, ce qu'elles ont réalisé sans aucune difficulté,

Une fois votre appel terminé, monsieur [J] vous a alors simplement réitéré sa demande de compléter le tableau.

Or, dans un mouvement brusque, vous vous êtes levée face à lui et sur un ton très agressif, vous l'avez accusé de ne pas avoir pris votre défense lors de l'entretien managérial auquel il avait assisté en tant que témoin, le mardi 11 février 2020 avec votre Superviseur, monsieur [W] [G].

Choqué par votre comportement virulent, monsieur [J] vous a alors demandé de revenir à la raison et vous a proposé de sortir du bureau pour échanger, apaiser la situation et de discuter de votre attitude excessive.

Mais de plus belle, vous lui avez crié, tout en agitant furieusement la main vers le ciel : "de toute façon, tu n'es pas mon sup !! " et vous avez refusé de le suivre si vous n'étiez pas assistée d'un membre du CSE. Face à ces circonstances, monsieur [J] a préféré quitter votre bureau.

Or, il ne s'agit pas là d'un fait isolé car vous avez déjà été avertie par un courrier en date du 28 octobre 2019 en raison de votre état d'énervement et d'une attitude excessive, Au moment des faits, nous vous avions conseillé de trouver des solutions pour que ce type d'épisodes ne se reproduise plus.

De tout évidence, vous n'en avez pas tenu compte.

II est tout à fait anormal de prendre à parti un collaborateur de l'entreprise. Nous ne pouvons pas tolérer votre comportement agressif, de surcroit envers un Responsable d'équipe.

En agissant de la sorte, vous contrevenez une nouvelle fois au Règlement Intérieur de la Société qui stipule dans son article 5.6,1 « Chaque salarié est tenu ... d'avoir un comportement, une attitude, un langage respectueux avec toute personne appartenant à l'entreprise ... ».

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits et compte tenu de la gravité des faits avérés nous vous notifions par la présente lettre, une mise à pieds de 3 jours, les 11, 12 et 13 mars 2020.

(...)'».

Le salarié peut contester la mesure disciplinaire prise à son encontre par son employeur.

En application de l'article L.1333-1 du code du travail, le juge prud'homal apprécie en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, trois griefs sont articulés :

- Mme [E] a refusé de traiter une demande de prise en charge financière de réparations sollicitée par une concession représentant la marque (Audi) du donneur d'ordre (Volkswagen) alors que le service est spécialement dédié aux études de prise en charge financière,

- elle a demandé à une collègue de la loguer à 8h30 alors qu'elle est arrivée en retard,

- après avoir répondu séchement à un superviseur, elle s'est adressé à lui de manière vindicative.

S'agissant du premier grief la société produit aux débats la réponse négative litigieuse adressée par Mme [E] le 6 février 2020 à la concession qui avait demandé une réévaluation de la prise en charge financière offerte par la marque et les échanges de courriels suscités par cette réponse entre la concession, la société Volkswagen et la hiérarchie de Mme [E].

La cour relève au vu de ces éléments que la décision de refus opposée par la salariée et la pertinence des arguments techniques qu'elle avance, et qu'elle a repris dans son courrier de contestation, ne sont pas sérieusement remis en cause. Il apparaît en effet que la concession souhaitait une participation à hauteur de 100% (participation rarement accordée) car le client n'était pas satisfait des 50% accordés dans un premier temps. La teneur de la réponse de Mme [E], versée aux débats dans son intégralité, montre qu'elle n'a pas refusé de traiter la demande mais a refusé d'y accéder dès lors que le client ne remplissait pas les critères justifiant une réévaluation de la prise en charge financière (survenance de nouveaux symptômes, nouveau devis, âge et kilométrage du véhicule etc...), la cour retenant qu'il n'est pas démenti que la salariée a appliqué en celà les directives de son employeur et du donneur d'ordre.

Au vu des éléments produits, il ressort que c'est davantage la formulation de la justification figurant dans un des paragraphes de la réponse, celui repris in extenso dans la lettre de notification de la sanction, qui a suscité le mécontentement du donneur d'ordre ; cette formulation apparaît effectivement inappropriée au cadre professionnel, vis-à-vis de l'interlocuteur mais aussi du client en ce qu'elle pouvait laisser penser à ce dernier que sa situation n'avait pas été reconsidérée par principe et pour des motifs qui lui étaient extérieurs. Cependant, sur la masse des demandes de cet ordre que la salariée était amenée à traiter dans le cadre de ses fonctions, il n'est relevé à son encontre que cette réponse maladroite dans sa formulation.

Mais, s'agissant du deuxième grief, la salariée n'a pas contesté la matérialité des faits constitutifs d'une infraction au règlement intérieur. Bien que le retard soit minime, il apparaît ainsi qu'elle a demandé à une collègue de la loguer à l'heure à laquelle elle devait être à son poste.

Enfin, s'agissant du dernier grief, l'employeur produit aux débats le courriel de M. [J] rapportant les faits à la hiérarchie, confirmé par une attestation, éléments non contredits factuellement, dont il ressort que Mme [E] s'est adressée à son collègue superviseur de manière agressive, sur un ton que le comportement de M. [J] à son égard ne justifiait pas et alors qu'elle avait fait l'objet quelques mois auparavant d'un avertissement à la suite d'une altercation avec une collègue sur le lieu de travail.

Dans ces conditions, la sanction apparaît justifiée.

Il convient dès lors de débouter la salariée de sa demande.

Le jugement entrepris sera confirmé.

Sur le harcèlement moral

Mme [E], qui soutient avoir subi un harcèlement moral, expose à cet égard que ses conditions de travail se sont dégradées à compter d'octobre 2019, que l'employeur a multiplié en peu de temps les procédures disciplinaires injustifiées pour des motifs futiles, qu'ainsi elle s'est vue infliger un avertissement pour un motif insignifiant qu'elle a toujours contesté, qu'elle a été convoquée à un entretien préalable à la suite duquel une mise à pied disciplinaire lui a été notifiée, que l'employeur en dépit de sa contestation, a maintenu cette sanction, que la tension ainsi généré par l'entreprise a altéré son état de santé qui a nécessité un arrêt de travail. Elle invoque un 'acharnement' du responsable des ressources humaines, M. [O], à son encontre.

La société réfute tout harcèlement moral.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1du même code, le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu'ils émanent de l'employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d'un abus d'autorité, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Dès lors qu'ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par le salarié figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l'existence d'une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

En l'espèce, Mme [E] invoque et produit notamment, l'avertissement qui lui a été notifié le 28 octobre 2019, la convocation à entretien préalable à sanction du 13 février 2020, la lettre de notification de la mise à pied disciplinaire, le compte-rendu de son entretien avec Mme [C], référente prévention harcèlement au sein de l'entreprise, qu'elle a rencontrée le 20 février 2020, au cours duquel elle a évoqué les situations ayant donné lieu à la procédure disciplinaire et leur impact sur sa santé disant ressentir un stress quotidien et permanent, la lettre du 13 mai 2020 de M. [O] lui confirmant le maintien de la sanction de mise à pied, le certificat médical lui prescrivant un arrêt de travail à compter du 18 mai 2020, son signalement à la médecine du travail en date du 29 mai 2020.

Mme [E] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral en présence de laquelle il appartient à l'employeur de prouver que les décisions et faits qui lui sont imputés sont objectivement justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

La société produit le courriel de Mme [K], superviseur senior, en date du 4 octobre 2019 rapportant, sans être contredite en procédure, que le matin même elle avait été contrainte d'intervenir et d'isoler Mme [E] et une autre salariée Mme [Z] pour mettre un terme à une altercation verbale et à l'emportement de Mme [E] qui avait répondu de manière agressive à sa collègue à propos d'un mail à traiter et jeté sa souris dans un geste d'énervement. L'avertissement infligé à raison de cette attitude, qu'aucune circonstance particulière ne permet de justifier, repose sur des faits matériellements établis et n'est donc pas abusif. Il a été précédemment statué que la société produisait aux débats les éléments permettant de retenir que les manquements reprochés et sanctionnés par une mise à pied disciplinaire étaient établis, le choix de cette sanction, prévue par le règlement intérieur, étant proportionné dès lors que Mme [E] avait déjà été sanctionnée par un avertissement. Un délai de quatre mois sépare ces deux sanctions, ainsi que relevé par les premiers juges et il apparaît aussi que la salariée en dehors des entretiens préalables à sanction, a été reçue par sa hiérarchie pour s'expliquer et donner sa version des faits, qu'il lui a été ainsi laissé la possibilité de présenter ses observations et donner des précisions sur les reproches qui lui étaient adressés. Il est justifié aussi de la réunion du comité prévention du harcèlement, à laquelle ont notamment participé Mme [C], référente, et une représentante du personnel, qui examinant la situation de Mme [E] a écarté tout harcèlement moral ainsi que le confirme le document établi le 6 mars 2020 produit aux débats. Enfin et ainsi que l'employeur le souligne, il apparaît que ni le médecin du travail ni Mmes [R] (représentante du personnel) et [C], qui sont en copie du signalement que Mme [E] a envoyé, n'ont donné suite à celui-ci.

En conséquence, la société contredit les éléments de la salariée et justifie que les décisions et faits dénoncés ne sont pas constitutifs d'un usage abusif de son pourvoir de direction, de contrôle et de sanction mais sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Dès lors, il convient de débouter Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la validité du licenciement

Mme [E] expose qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et conclut 'A ce titre, le licenciement qui lui a été notifié est entaché de nullité'.

Il vient néanmoins d'être retenu que le harcèlement dénoncé ne pouvait être tenu pour établi, l'employeur ayant démontré que les agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En conséquence, le licenciement n'est pas nul sur le fondement invoqué.

Sur la légitimité du licenciement

Contestant l'existence d'une cause réelle et sérieuse, Mme [E] soulève d'abord que la note de service sur laquelle se fonde l'employeur n'a été adressée à l'inspection du travail et au conseil de prud'hommes que postérieurement aux faits reprochés, qu'elle ne pouvait dès lors lui être opposable de sorte que la répétition des manquements n'est pas juridiquement établie. Mme [E] souligne aussi que cette note de service ne prévoyait pas que les sanctions des obligations qu'elle imposait pouvaient aller jusqu'au licenciement.

Elle conteste aussi les faits reprochés.

La société oppose que le grief à savoir le non-respect répété des consignes sanitaires en vigueur relatives au port du masque est matériellement établi et justifie le licenciement.

Elle indique que cette consigne a été donnée aux salariés dès la réouverture du site, qu'une note de service a été communiquée à l'ensemble des salariés, que cette note rappelant les dispositions législatives et règlementaires en vigueur et notamment l'obligation de porter un masque ne constituait pas une adjonction au règlement intérieur, que pour autant elle a fait l'objet d'une consultation préalable des représentants des salariés et a été déposée à l'inspection du travail et au conseil de prud'hommes. La société précise que la note rappelait que tout manquement aux prescriptions qu'elle instituait était passible d'une sanction disciplinaire.

Elle souligne que Mme [E] s'est affranchie plusieurs fois de ces règles de sécurité, en dépit d'un rappel effectué par la référente hygiène.

Sur ce,

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties ; toutefois, le doute devant bénéficier au salarié avec pour conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, l'employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.

Les faits invoqués comme constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Par ailleurs, l'article L.1321-5 du code du travail prévoit que les notes de service ou tout autre document qui portent prescriptions générales et permanentes dans les matières qui relèvent du règlement intérieur sont considérées comme des adjonctions à celui-ci et sont donc soumis aux mêmes règles que le règlement intérieur. Cet article précise que lorsque l'urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate, ces prescriptions devant alors être immédiatement et simultanément communiquées au secrétaire du comité social et économique ainsi qu'à l'inspection du travail.

Les dispositions relatives au règlement intérieur édictent l'obligation d'effectuer les formalités de dépôt auprès du conseil de prud'hommes territorialement compétent.

En l'espèce, l'employeur verse aux débats la note de service établie le 12 mai 2020, dont il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'une consultation préalable du CSE qui a donné un avis favorable, intitulée 'obligations en matière d'hygiène et de sécurité pendant la période de covid-19" qui prévoit :

'La présente note de service fixe les règles générales en matière d'hygiène et de sécurité à respecter par les salariés en tout lieu de l'entreprise (...). Ces règles générales s'appliquent pendant toute la période d'état d'urgence sanitaire.

Rappel des gestes barrières (suit le message officiel de l'autorité Santé publique France).

Chaque salarié devra respecter les règles de distanciation sociale d'1 mètre minimum que ce soit dans les lieux de circulation que dans les lieux communs.

Il devra porter un masque pour tous ses déplacements sur le site (arrivée, départ, pauses...) et dans toute situation pour laquelle il ne peut pas respecter les règles de distanciation, notamment en cas d'interaction avec d'autres salariés/manager.

(...)

Cette note de service est une annexe au règlement intérieur de l'entreprise.

Tout manquement aux prescriptions instituées par la note de service est passible d'une sanction disciplinaire, dès lors que le collaborateur n'applique pas ces prescriptions, après avoir été sensibilisé / informé sur ces prescriptions dans un premier temps puis avoir été rappelé à l'ordre par son responsable sur la nécessité de respecter ces consignes sanitaires dans un second temps. (...)'

La note précise les obligations ainsi arrêtées, reçoivent, compte tenu de l'urgence, une application immédiate.

Cette note institue des obligations générales et permanentes, nouvelles puisque prises pour répondre aux prescriptions réglementaires du décret 2020-548 du 11 mai 2020, en matière d'hygiène et de sécurité lesquelles relèvent du règlement intérieur. Elle constitue donc une adjonction au règlement intérieur.

Si le contexte d'urgence dans laquelle elle a été établie ne fait pas débat, force est de constater que la société ne justifie pas de sa communication immédiate et simultanée à l'inspection du travail laquelle qui indique dans un courriel versé aux débats l'avoir reçue le 19 mai 2020 soit postérieurement aux premiers faits reprochés à Mme [E] (14 mai selon l'attestation de M. [F]), le récépisse de dépôt du conseil de prud'hommes ayant pour sa part été délivré le 25 mai.

Le guide de réintégration du site diffusé auprès de l'ensemble des salariés rappelle l'obligation du port du masque lors de chaque déplacement et indique qu'il n'est pas obligatoire au poste de travail.

Or la cour constate qu'au vu des témoignages fournis par l'employeur, le non port du masque a été essentiellement constaté par M. [F] et Mme [N] alors que la salariée était debout mais physiquement à son poste de travail, que si elle conversait avec sa collègue, cette dernière dont Mme [E] produit l'attestation témoigne en procédure que la distanciation physique d'un mètre était respectée.

Par ailleurs, si selon M. [F] écrit qu'un rappel des consignes sanitaires a été fait à la salariée par Mme [P], référente hygiène, la société ne justifie pas de la teneur de ce rappel ni de son effectivité et surtout que la salariée a été informée de la perte d'efficacité du masque s'il n'était que maintenu avec la main sur la bouche, ni la note de service ni le guide de réintégration du site n'en faisant état ou ne prohibant expressément ce procédé.

Enfin, la cour relève qu'il n'est pas justifié ni d'ailleurs allégué qu'un rappel à l'ordre a été vainement fait par un responsable de la salariée, Mme [P] n'ayant manifestement pas cette qualité vis-à-vis d'elle, alors que selon la note de service, les éventuels manquements aux prescriptions sont passibles de sanction, après une sensibilisation et un rappel à l'ordre du responsable, ce rappel à l'ordre préalable s'imposant à plus forte raison avant d'envisager le licenciement.

En conséquence de ces développements, l'insubordination telle que stigmatisée par la lettre de licenciement n'est pas caractérisée et la cause réelle et sérieuse doit être écartée.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Mme [E] peut dès lors prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au moment du licenciement prévoit qu'eu égard à son ancienneté (4 années complètes) et l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité à la charge de l'employeur doit être compris entre 3 et 5 mois de salaire brut.

Mme [E] demande que le barème d'indemnisation instauré par ces dispositions issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 soit écarté se référant à des décisions de juridications prud'homales qui se prononcent en faveur de l'inconventionnalité de ce barème tant au regard de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT que de l'article 24 de la charte sociale européenne et soutenant que l'indemnisation découlant de l'application des dispositions nationales critiquées ne serait pas de nature à l'indemniser intégralement.

La société oppose que Mme [E] ne produit aucun élément permettant d'étayer le préjudice allégué.

La salariée invoque les textes suivants :

- l'article 10 de la convention internationale du travail n° 158 de l'Organisation internationale du travail (l'OIT ci-après) dont il ressort que si les tribunaux «'arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d 'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée'»,

- l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, qui énonce «'En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaitre (...) :

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.'»

Le point litigieux est donc relatif au fait que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévus à l'article L. 1235-3 du code du travail ne constituent pas une indemnité adéquate au sens des articles 10 de la Convention internationale du travail n° 158 de l'OlT et 24 de la Charte sociale européenne.

L'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.

Lorsque des dispositions internes sont en cause, comme en l'espèce, le juge du fond doit vérifier leur compatibilité avec les normes supra-nationales que la France s'est engagée à respecter, au besoin en écartant la norme nationale en cas d'incompatibilité irréductible.

Les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée le 3 mai 1996 ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ; dès lors, la cour retient que ce texte ne peut être utilement invoqué par la salariée pour voir écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail.

L'article 10 de la Convention n° 158 précitée est d'application directe en droit interne.

A l'examen des moyens débattus, la cour retient que les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail prévoyant pour un salarié ayant quatre années complètes d'ancienneté dans une entreprise comportant au moins onze salariés, une indemnité d'un montant compris entre un montant minimal de trois mois de salaire brut et un montant maximal de cinq mois, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT au motif que :

- une indemnité dite adéquate ou une réparation appropriée n'implique pas, en soi, une réparation intégrale du préjudice de perte d'emploi injustifiée et peut s'accorder avecl'instauration d'un plafond

- le terme adéquat doit donc être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation, dont l'Etat français n'a fait qu'user en instituant des planchers et des plafonds d'indemnisation

- lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, comme c'est le cas en l'espèce, le juge peut proposer la réintégration et ce n'est que lorsque celle-ci est refusée par l'une ou l'autre des parties que le juge octroie au salarié une indemnité dans la limite du barème

- le barème est écarté en cas de nullité du licenciement en application de l'article L 1235-3-1 du code du travail.

En conséquence, le barème ne saurait être écarté sur les fondements invoqués.

Mme [E] ne produit pas d'élément sur sa situation postérieurement au licenciement.

Sa rémunération mensuelle au moment de la rupture illégitime de son contrat de travail s'élevait à 1879,16 euros.

En considération de sa situation personnelle, et eu égard notamment à son âge et son ancienneté, à ses capacités à retrouver un nouvel emploi ou suivre une formation, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 6000 euros laquelle offre une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi du fait du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise employant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et de condamner la société W Automobiles services à rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à Mme [E] depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient de condamner la société W Automobiles services à remettre à la salariée les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision sans qu'il y ait lieu à ce stade de la procédure de prononcer une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de première instance ayant débouté Mme [E] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'ayant condamnée aux dépens seront infirmées.

Succombant partiellement, la société W Automobiles services sera condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile à verser à Mme [V] [E] une indemnité que l'équité commande de fixer à 2500 euros pour la procédure de première instance et l'appel.

Partie perdante, la société W Automobiles services sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 19 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Soissons, sauf en ce qu'il a

- dit que l'employeur établit le caractère réel et sérieux du licenciement,

- débouté Mme [V] [E] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement illégitime et de remise de documents de fin de contrat conformes,

- débouté Mme [V] [E] de sa demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné Mme [V] [E] aux dépens ;

L'infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

Dit le licenciement de Mme [V] [E] prononcé par la société W Automobiles services dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société W Automobiles services à payer à Mme [V] [E] la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société W Automobiles services de remettre à Mme [V] [E] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Ordonne d'office à la société W Automobiles services de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à Mme [V] [E] depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;

Condamne la société W Automobiles services à payer à Mme [V] [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société W Automobiles aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02941
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.02941 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award