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28/04/2022 | FRANCE | N°21/02683

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 28 avril 2022, 21/02683


ARRET







S.A.S.U. SULZER ENSIVAL MORET FRANCE





C/



[I]























































copie exécutoire

le 28 avril 2022

à

Me Morlot,

Me Dusseaux

CB/MR



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 28 AVRIL 2022



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****************************************

N° RG 21/02683 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDMX



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 19/00146)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S.U. SULZER ENSIVAL MORET FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant léga...

ARRET

S.A.S.U. SULZER ENSIVAL MORET FRANCE

C/

[I]

copie exécutoire

le 28 avril 2022

à

Me Morlot,

Me Dusseaux

CB/MR

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

*************************************************************

N° RG 21/02683 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDMX

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 19/00146)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S.U. SULZER ENSIVAL MORET FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et concluant par Me Anny MORLOT de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau de NANCY substituée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS

ET :

INTIME

Monsieur [X] [I]

né le 29 Août 1966 à [Localité 4] (77)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté et concluant par Me Virginie DUSSEAUX de la SCP DUSSEAUX-BERNIER-VAN WAMBEKE, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Virginie BERNIER - VAN WAMBEKE de la SCP DUSSEAUX-BERNIER-VAN WAMBEKE, avocat au barreau D'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 24 février 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.

Madame [T] [B] indique que l'arrêt sera prononcé le 28 avril 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [T] [B] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 28 avril 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [I] a été embauché le 28 mars 2011 en contrat à durée indéterminée par la société Ensival Moret France, en qualité d'ingénieur technico-commercial itinérant « responsable sucre et dérivés ».

La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

La société emploie plus de onze salariés.

Le 1er février 2017, la société Ensival Moret France a été rachetée par la société Sulzer.

Par courrier en date du 1er mars 2019, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 13 mars 2019.

Par courrier en date du 19 mars 2019, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats dans les termes suivants :

Nous faisons suite à notre entretien préalable à licenciement du mercredi 13 mars 2019 à 10 heures, entretien au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [H] [L], membre du Conseil Economique et Social. Nous avons le regret de vous informer de notre décision de vous licencier pour cause réelle et sérieuse, liée à une insuffisance professionnelle et une insuffisance de résultats.

Les faits que nous vous reprochons et qui ont motivé notre décision sont les suivants:

1) Sur la partie exécution de votre mission, nous déplorons un niveau de performance insuffisant caractérisé par une non atteinte de l'objectif financier de prise de commandes au titre de l'année 2018.

a. Au global, vous avez réalisé 1,557 million d'euros contre un objectif à 1,820 million, soit seulement 85,5% de l'objectif.

b. Sur le montant réalisé, il est à noter qu'une partie vous est attribuée par transfert interne à l'intérieur du groupe Sulzer sans que vous n'ayez réalisé une intervention ou implication significative (182 k euros ). Sur la partie qui relève uniquement de votre responsabilité (export Sénégal et Maroc sur l'agro-industrie) vos résultats ont été uniquement à hauteur de 69% de vos objectifs.

c. Vous justifiez ces mauvais résultats par le fait que vous auriez reçu instruction de la part de votre responsable hiérarchique de ne plus vous rendre au Maroc à compter du mois de mars 2018, et que vous avez eu la permission d'y retourner seulement en décembre 2018.

d. Votre responsable [Z] [S] ne confirme pas votre version lors de l'entretien et a précisé qu'il souhaitait que vous soyez accompagné par le bureau local de Sulzer Maroc mais qu'à aucun moment il ne vous a interdit de vous y rendre.

e. Vous précisez également - pour tenter de justifier les mauvais résultats que vous ne contestez pas - que pour le secteur géographique du Sénégal, les investissements sur le marché sucrier ayant été réalisés en 2017, vous ne pouviez pas avoir de commandes sur 2018. L'historique montre cependant un niveau de commande consolidé Sulzer + Ensival Moret nettement inférieur en 2018 par rapport à chacune des années 2015, 2016 et 2017.

f. Votre fonction de commercial- qui plus est expérimenté comme vous l'avez-vous même souligné - vous engage à mettre en 'uvre les moyens et l'engagement personnel nécessaires pour obtenir des commandes, ce que vous n'avez pas démontré.

2) Sur le plan des procédures et consignes du groupe SULZER:

a. Nous déplorons le non-respect de règles internes SULZER essentielles, comme les

règles d'autorisation d'export sur les pays sensibles (affaire SOMDIAA avec destination finale au Congo). Lors de notre entretien vous nous avez dit ne pas avoir été formé sur le sujet. Après vérification vous avez suivi deux formations sur ce sujet essentiel pour Sulzer, dont une formation en salle à St Quentin le 21 avril 2017 après-midi, et une formation Internet le 3 octobre 2018. Vous aviez donc tous les éléments pour mesurer le risque pour Sulzer d'un non-respect des règles d'export vers des pays soumis à des embargos ou restrictions internationales.

b. Nous vous reprochons également le non-respect de la délégation d'autorité (DOA) Sulzer qui définit les validations hiérarchiques nécessaires pour les offres clients en fonction du pourcentage de rabais par rapport aux prix Tarifs (GLP).

i. Lors de notre entretien vous n'avez pas pu donner le niveau à partir duquel une validation hiérarchique est nécessaire, citant de manière erronée le seuil de" 0,45 (ce seuil est en réalité de 0,525 comme mentionné dans le document « Industry BU DOA »).

ii. Nous citerons en exemple de ces manquements la commande Q461802976, devis EMI 1801966 d'un montant de 69264 €, pour laquelle, il n'y a pas eu de revue conjointe ou d'autorisation, ni au stade du devis, ni au stade de la négociation, et ni au stade de la commande. Votre responsable hiérarchique confirme que plusieurs autres dossiers que vous avez traités ne lui ont pas été communiqués pour validation.

iii. Vous donnez comme explication que vous avez l'autorisation jusqu'à 50.000 euros par commande pour pouvoir traiter seul, et que vous saviez jusqu'où vous pouviez descendre en terme de taux de marge sans avis autre. Vous vous contredisez cependant au cours de l'entretien car n'ayant pas connaissance des seuils applicables, comment savoir jusqu'où descendre sans validation.

c. Au niveau des offres, le principe de la double signature n'est pas non plus respecté, et les offres que vous envoyez au client sont assez souvent sans aucune signature. Les

règles SULZER sont établies pour être identiques à toutes les équipes et se doivent d'être respectées. Or, II n'est pas possible de déroger sans autorisation écrite. Vous n'avez pas cette autorisation et vous ne signez pas les offres de manière conjointe comme demandé.

i. C'est par exemple le cas pour l'offre SOMDIAA envoyée le 13 février 2019, référence CIV.0034-EMI-19.0116-FO pour un montant de 307 890 E.

ii. C'est également le cas de l'offre COSUMAR envoyée le 31 janvier 2019, référence MAR.0591-EMI.190044-FO pour un montant de 9 346 E.

iii. C'est également le cas de l'offre à SOMDIAA du 18 février 2019 référence FRA.2471-EMI.19.0162-FO pour un montant de 19751 E.

3) Pour coordonner les activités de son équipe commerciale export, votre responsable hiérarchique demande à ce que chacun fournisse un rapport d'activité mensuel appelé MBR (Monthly Business Report), afin de donner une visibilité sur les opportunités commerciales. Vos rapports sont incomplets, succincts, voire incohérents d'un mois sur l'autre. Votre responsable vous a d'ailleurs écrit à ce sujet (mail du 2 octobre 2018) pour vous demander de corriger ces points.

Les rapports de visites clients sont parfois non réalisés et souvent incomplets, et ne permettent donc pas de partager efficacement les informations commerciales.

4) Vos prévisions commerciales (RFC) sont également souvent incohérentes ou non-exploitables.

Votre responsable vous écrit le 5 décembre 2018 pour pointer plusieurs incohérences sur les prévisions de septembre, octobre et novembre 2018.

5) Vous ne répondez ni aux appels téléphoniques, ni aux messages téléphoniques, ni aux demandes de discussion électronique (Skype) de votre hiérarchie certains jours complets. Nous citerons ici à titre d'exemple votre absence du 20 juin 2018, non justifiée. De même lorsque vous n'êtes pas au bureau, vous devenez très difficilement joignable alors que vous n'êtes pas en déplacement professionnel à l'étranger.

a. Vous argumentez sur le fait que vous n'avez pas la nécessité de vous connecter au réseau chaque jour ou de venir sur site car vous travaillez mieux depuis votre domicile car vous n'êtes pas dérangé, et que vous n'avez plus de bureau attitré.

b. Nous vous confirmons qu'une présence sur site en dehors de vos déplacements à l'étranger est profitable d'autant plus que vous habitez à proximité du site de SaintQuentin (15 kms environ), et que plusieurs bureaux sont disponibles sur le site afin de pouvoir vous isoler si nécessaire.

c. Une connexion au réseau mais aussi un contact direct avec les autres équipes et en

particulier vos collègues commerciaux impliqués sur les mêmes offres permet une meilleure efficacité professionnelle, de mieux appréhender les outils de cotation et de

vous former à leur utilisation. Vous confirmez ce point -en vous contredisant même puisque vous nous dîtes rencontrer parfois des soucis de connexion au réseau depuis votre domicile, démontrant bien qu'une présence sur site serait bénéfique pour préparer vos offres, avec l'appui des équipes locales.

6) L'un de vos trois objectifs personnels annuel 2018 était de devenir autonome sur le logiciel commercial STARS et sur le matériel Sulzer. Suite au bilan annuel votre manque important d'autonomie sur l''outil informatique, plus particulièrement sur le logiciel STARS, est préjudiciable au traitement des demandes clients car vous n'êtes pas en mesure de produire des offres de manière autonome.

a. Vous critiquez l'outil en précisant qu'il sort des offres en langue anglaise alors que vous avez des clients francophones. Il est exact que les pages de gardes sont en partie en anglais, mais facilement modifiable avec des outils informatiques. Vous nous précisez avoir sollicité des formations avec d'autres collaborateurs et vous précisez que ces formations vous ont été refusées.

b. Votre responsable confirme que la formation officielle a eu lieu du 24 au 27 avril 2018 mais que vous étiez en congés à ce moment-là.

c. Cependant, vous aviez toute latitude pour vous former localement auprès notamment de votre collègue [D] [V], lui-même formé sur l'outil et qui plus est fait de la même équipe commerciale. Vous n'avez pas montré de volonté de vous investir sur ces nouveaux outils, pourtant indispensables pour mener à bien votre mission. Pour vous former, vous devez être présent et pratiquer avec vos collègues. Or au cours de l'année 2018 vous avez été extrêmement peu présent sur le site, préférant travailler seul de manière isolée à votre domicile.

d. Ce point impacte également la performance globale de l'équipe commerciale dirigée par votre responsable.

7) Parmi vos objectifs personnels annuels il était également prévu d'améliorer le taux de conversion des devis en offre, et donc de mesurer l'indicateur correspondant. Le jour de votre entretien annuel avec votre hiérarchique le 19 février 2019 vous n'aviez aucune donnée sur cet indicateur qui n'a donc manifestement pas été suffisamment suivi. Par ailleurs votre manque d'autonomie sur les outils, avec des offres seulement partiellement faites sur nos logiciels d'offre Smartquote ou Stars dégradent l'indicateur et nuit à l'efficacité de l'équipe.

8) Parmi vos objectifs personnels annuels il était également prévu un niveau de marge sur affaire supérieur à 18%. De manière similaire le jour de votre entretien annuel avec votre hiérarchique le 19 février 2019 vous n'avez aucun élément à partager sur ce sujet. Lorsque vous avez été interrogé lors de votre entretien annuel par votre responsable sur le taux de marge théorique sur Les affaires vendues, vous n'étiez pas en mesure de répondre car vous ne connaissiez pas, même de manière approximatif le taux des principales affaires vendues

a. Vous expliquez pour vous dédouaner qu'il est impossible d'avoir une information sur le niveau de marge au moment où l'affaire est vendue, que ce n'est qu'à la fin de l'affaire que l'on peut connaitre le prix de revient de l'affaire.

b. Ce point n'est pas exact, le fichier « Industry DOA » donne bien pour une affaire les niveaux de marge brute théorique du bureau de vente et de l'usine de fabrication suivant le niveau de rabais appliqué.

c. Nous confirmons donc que vous prenez des affaires sans analyser leur niveau de marge théorique, engageant l'entreprise sans contrôle suffisant, ce qui confirme nos précédents griefs (délégation d'autorité non respectée suivant le niveau de rabais et donc de marge théorique) car vous agissez seul, sans délégation, et sans validation de votre hiérarchie.

L'ensemble des faits et manquements ci-dessus montrent que vous n'avez pas su tenir compte des retours qui vous ont été formulés par votre responsable hiérarchique au cours des mois précédents et nous amènent à mettre fin à votre contrat de travail. »

Par requête du 6 décembre 2019, M. [I] a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 5], qui par jugement du 19 avril 2021, a :

- dit et jugé que la procédure de licenciement a été respectée,

- dit que le licenciement de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France à régler à M. [I] les sommes de :

- 75 292,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

- ordonné à la société Sulzer Ensival Moret France le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois,

- débouté la société Sulzer Ensival Moret France de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France aux entiers dépens de l'instance.

Ce jugement a été notifié à la société Sulzer Ensival Moret France qui en a relevé appel le 19 mai 2021.

M. [I] a constitué avocat le 18 juin 2021.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 novembre 2021, la société Sulzer Ensival Moret France prie la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin en date du 19 avril 2021en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France à régler à M. [I] les sommes de :

- 75 292,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Sulzer Ensival Moret France le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois,

- débouté la société Sulzer Ensival Moret France de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin en date du 19 avril 2021 en ce qu'il a :

- dit et jugé que la procédure de licenciement a été respectée,

- débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes et de toute nouvelle demande à hauteur de cour,

- débouter M. [I] de ses demandes de la voir condamner au sommes suivantes :

' 5 897 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

' 141 528 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande à titre subsidiaire à hauteur de 75 292,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

' 35 382 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

' 2 000 euros au titre de la prime sur objectifs année 2017.

- débouter M. [I] de sa demande de la voir condamner à la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux dépens frais et dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 décembre 2021, M. [I] prie la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin en date du 19 avril 2021 en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [I] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France à régler à M. [I] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sulzer Ensival Moret France à régler à M. [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Sulzer Ensival Moret France le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois,

- débouté la société Sulzer Ensival Moret France de sa demande reconventionnelle,

- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance.

- l'infirmer pour le surplus en ce qu'il a :

* dit et jugé que la procédure de licenciement était respectée,

* limité à la somme de 75 292,60 euros les dommages et intérêts alloués au salarié au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* débouté M. [I] du surplus de ses demandes notamment au titre du préjudice moral et de la prime sur objectifs 2017,

- condamner la société Sulzer Ensival Moret France à lui verser :

* 5 897 € au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

*141.528 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement à cet égard, si la cour n'entendait pas lui allouer une indemnité au-delà du barème dit Macron : maintenir la condamnation de l'employeur à régler à M. [I] l'indemnité maximale prévue au titre de l'article L.1235-3 à hauteur de 13,5 mois de salaire, soit la somme de 75 292,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et débouter l'employeur de sa demande visant à limiter ladite indemnisation à l'indemnité minimale dudit barème.

* 35 382 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 2 000 euros au titre de la prime sur objectifs année 2017,

- débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes et de toutes nouvelles demandes à hauteur de cour,

- condamner la société Sulzer Ensival Moret France à lui régler la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 er l'affaire fixée pour plaider le 24 février 2022.

MOTIFS

Sur l'insuffisance professionnelle

M. [I] conteste les griefs reprochés dans la lettre de licenciement exposant qu'il a été salarié de l'entreprise pendant 16 ans, qu'il a travaillé pour la société Ensival de 1995 à 2003 puis est parti travailler pour la concurrence mais qu'elle l'a débauché en mars 2011 pour revenir travailler pour elle en reprenant son ancienneté initiale, que la société Sulzer est donc mal venue d'invoquer qu'il avait été licencié pour non-respect des objectifs en 2002.

Il fait valoir qu'au vu des résultats qu'il avait obtenu il a été nommé en janvier 2017 responsable grand compte des clients sucriers à l'export devant se consacrer à deux grands comptes en France et au Maroc avec la société Somdiaa et au développement du portefeuille de clientèle du Sénégal ; qu'il est incorrect de soutenir comme l'employeur le fait qu'il s'agissait d'une simple réorganisation du service commercial sans que son poste ne soit modifié ni qu'il ait eu de changement de rattachement hiérarchique invoquant d'une part que si le contrat de travail n'a pas été modifié, l'organigramme de janvier 2017 le désigne comme key account manager et non plus simple commercial et d'autre part que le document ne date pas de 2015 avant l'intégration de la société au groupe Sulzer car la signature du document est celle de M. [M] directeur commercial du groupe Sulzer.

Il argue qu'il a été engagé en mars 2011 en qualité d'ingénieur commercial responsable sucre et dérivés France, qu'il est devenu en 2014 ingénieur commercial responsable sucre et dérivés France et Belgique, puis en 2017 key account manager, qu'il verse des pièces et notamment un mail établissant ce changement de poste ; qu'en outre il a vu son salaire augmenté au fur et à mesure de ses promotions.

Le salarié reprend les différents reproches de la lettre de licenciement :

- sur le niveau de performance insuffisant : il soutient avoir atteint 86,90 % de ses objectifs, taux reconnu par l'employeur, qu'il s'agit bien d'un bilan annuel définitif et non provisoire, que le transfert interne invoqué par l'employeur pour minorer ses résultats n'est pas établi car, il rapporte être à l'origine des commandes passées début 2018, que les commandes avec Somdiaa et Siph sucrivoire ont été conclues grâce à son activité, ce dont il affirme justifier.

Il précise n'avoir pu atteindre les objectifs en raison des difficultés dans certains pays, qu'au Maroc Sulzer s'était séparée de son agent commercial en mars 2018, un nouveau directeur ayant été nommé en septembre 2018 et des commerciaux pour vendre du matériel neuf en décembre 2018, ce qui a nécessairement impacté le chiffre d'affaire potentiel à réaliser puisqu'il n'a pu s'y rendre qu'en décembre 2018, qu'il a rédigé un rapport à cet effet et justifie des échanges par voie facebook pendant le confinement d'avril 2020 avec le directeur des achats de la société Consumar.

Concernant le Sénégal, M. [I] conteste les dires de l'employeur invoquant de bons résultats sur 2018 par rapport à 2015 et 2016, l'année 2017 étant exceptionnelle, qu'il a pris ses fonctions au Sénégal en septembre 2017 que les tableaux comparatifs produits par l'employeur sont tendancieux ne prenant pas en compte le fait qu'après 2018 le secteur est devenu Sulzer Ensival Moret alors que jusqu'en 2018 il représentait Ensival Moret seulement pour les sucreries.

- Sur le non-respect des procédures notamment les règles applicables aux pays sensibles, il conteste ce grief soutenant que les échanges de courriels prouvent qu'il a bien respecté la procédure alors qu'un autre service ne l'a pas fait.

- Concernant les formations il fait valoir que la formation du 21 avril n'était qu'une simple présentation, qu'il n'a pu suivre celle du 3 octobre 2018 étant en réunion par ailleurs ce dont il justifie, qu'il prouve s'être connecté mais pour suivre une formation sans rapport avec l'export contrôle.

- Sur le non-respect de la délégation d'autorité DOA : il explique que le jour de l'entretien préalable il a donné le seuil au-delà duquel une autorisation doit être donnée par le supérieur hiérarchique ce dont atteste son représentant ; que pour la commande pour laquelle il lui est reproché de ne pas avoir respecté la procédure il prouve avoir respecté le seuil de marge si bien qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir l'accord hiérarchique.

- Sur le non-respect de la double signature il indique que le principe est la double validation mais pas la double signature, qu'il produit d'autres offres qui en attestent.

- sur l'absence de transmission de rapports d'activité mensuels ou de rapports incomplets, succincts ou incohérents : il soutient produire les rapports de janvier 2018 à mars 2019 auxquels le responsable n'a apporté aucune remarque ce qui aurait été le cas si le rapport était inexploitable, affirmant produire de nombreuses pièces contredisant les allégations de l'employeur.

- Sur l'absence de réponse aux appels téléphoniques, mails et demandes de discussion électronique : il conteste l'unique reproche du 20 juin 2018 puisqu'il travaillait en home office, qui justifie n'avoir plus de bureau dans l'entreprise et devoir travailler à son domicile ne passant qu'une journée, plus si nécessaire dans les bureaux.

- Sur le manque d'autonomie sur les logiciels commerciaux et le matériel Sulzer : il rapporte que le jour de la formation il était en congés, qu'il a vainement tenté de suivre une formation y compris locale mais s'est heurté à un refus du fait de la surcharge de travail, que l'attestation de M. [A] est à prendre avec précaution l'intéressé étant toujours salarié, qu'en outre certaines commandes ne pouvaient pas être faites avec le logiciel.

- Sur l'indicateur du taux de conversion des devis : le salarié expose qu'il avait sollicité en vain une formation à l'outil informatique dédié, qu'il a demandé un complément d'entretien annuel à son responsable hiérarchique.

- Sur l'un des objectifs personnels annuels tenant à un niveau de marge supérieur à 18 % : il explique qu'il est impossible de définir le taux de marge au moment de la vente de façon précise, ce que confirme son propre responsable, qu'il ne peut lui être reproché de ne pas analyser le niveau de marge en agissant seul, sans délégation sans validation de sa hiérarchie.

Il affirme que le licenciement trouve son origine non dans une insuffisance professionnelle mais dans la situation financière dégradée de l'entreprise.

La société Sulzer Ensival Moret France soutient que M. [I] avait été licencié en septembre 2002 pour non-respect des objectifs par la société Ensival Moret et qu'il n'a pas bénéficié d'une quelconque promotion en janvier 2017, l'organigramme produit étant celui de 2015 avant l'intégration de la société Ensival Moret au groupe Sulzer, que son salaire n'avait pas connu d'augmentation au 1er janvier 2017, qu'aucun commercial ne lui est rattaché et que le certificat de travail mentionne toujours ingénieur commercial itinérant conforme à son ébauche initiale.

Sur les griefs invoqués dans la lettre de licenciement :

- sur le non-respect des procédures et consignes du groupe Sulzer : elle indique qu'il est impératif de respecter les règles relatives à la réglementation sur les pays sensibles notamment le Congo soumis à embargo, que sa pièce 18 prouve ce non-respect le salarié finissant par se résoudre à demander l'autorisation hiérarchique après avoir insisté à 3 reprises pour s'en passer, que ce motif à lui seul aurait pu justifier le licenciement pour faute grave, que le salarié avait pourtant une formation à cet effet et non une présentation comme il l'affirme , qu'il avait suivi une formation en ligne le 3 octobre 2018 relative à la législation en matière d'export, qu'entre janvier et décembre 2018 il a mis la société en danger en ne respectant pas une législation stricte que les autres salariés respectaient contrairement à ses dires car sa responsabilité couvrait les pompes neuves mais aussi les rechanges.

- Sur le non-respect de la délégation d'autorité : elle fait valoir que le salarié ne sollicitait pas son supérieur hiérarchique pour valider des offres clients au-delà d'un certain pourcentage de rabais, que la marge de 62 % invoquée par le salarié pour le devis EM 1801966 n'est pas de 62 mais de 38 % selon ses propres pièces et qu'au final elle a calculé une marge de 6,5 %, que le salarié ne produit qu'une seule demande de validation alors qu'il garde copie de toutes les offres effectuées ;elle ajoute que lors de l'entretien préalable il n'a pas indiqué le seuil au-delà duquel la validation hiérarchique est requise.

- Sur la double signature manuscrite des offres : elle soutient que le salarié envoyait des offres aux clients sans aucune signature y compris pour des montants élevés alors qu'il n'est pas possible d'y déroger, qu'il n'est pas prouvé l'existence d'une pratique visant à s'en dispenser.

- Sur la médiocre qualité des rapports mensuels : elle fait valoir que les rapports étaient incomplets voire incohérents et ce malgré un mail envoyé le 2 octobre 2018 pour le corriger, que les pièces produites par l'employeur ne sont pas des rapports mensuels mais des prévisions de commande.

- Sur les prévisions commerciales incohérentes ou inexploitables : elle argue que des prévisions apparaissent puis disparaissent sans raison, qu'il n'y a pas de suivi rigoureux des offres perdues, que les pièces produites par le salarié démontrent ce manque de rigueur.

- Sur le manque de disponibilité : elle soutient que M. [I] ne répond ni aux appels téléphoniques, ni aux messages téléphoniques ni aux demandes sur Skype de sa hiérarchie, que le 20 juin 2018 il a été absent sans justification, qu'il n'était ni en télétravail sauf une heure le matin ni en visite chez un client ; qu'il peut venir travailler au bureau de [Localité 5]

- Sur l'absence d'autonomie pour réaliser des offres avec le logiciel Stars ou Smartquote : elle prétend que l'un des trois objectifs pour 2018 était de devenir autonome avec ces logiciels et le matériel Sulzer, que le salarié a refusé des offres de formation bien qu'il ait été soutenu par des collègues, M. [A] en attestant, que lors de l'entretien de progrès M. [I] n'a pas formé de demande à ce titre de manière urgente, alors qu'il n'a pas atteint ses objectifs.

- Su l'absence de suivi du taux de conversion des devis en offres : elle expose qu'il était prévu aux objectifs annuels un niveau de marge de 18 %, que le salarié ne connaissait pas le taux des principales affaires vendues que la détermination du taux de marge est essentiel à la rentabilité de la société, que le fichier Doa donne pour une affaire donnée le taux de marge brute théorique du bureau de vente et de l'usine de fabrication suivant le taux de rabais appliqué, que le salarié n'en tenant pas compte a validé des commandes à marge négative.

- Sur le niveau de performance insuffisant caractérisé par l'absence d'atteinte des objectifs financiers de prise de commandes en 2018 : elle rapporte que sur le pourcentage d'objectifs réalisés trop faible il ne doit pas être tenu compte d'une partie des contrats qui ont été attribués à M. [I] alors qu'ils étaient la résultante de transfert interne entre entités juridiques du groupe Sulzer, la négociation commerciale n'étant passée par M. [I], que comme boîte aux lettres, qu'il a négligé le client Somdiaa, les mails s'adressant à son collègue.

Elle souligne concernant le Maroc, que l'ancien agent commercial est parti en mai 2018 et non en mars, qu'il y a eu des commerciaux pour du matériel neuf avant décembre 2018, qu'il ne lui avait pas été interdit de se rendre sur place et que les échanges sur Facebook ont lieu non avec le directeur des achats mais avec un cadre en achat d'investissement.

Concernant le Sénégal l'employeur argue que l'évolution des prises de commandes s'est dégradée, qu'en 2018 elles ont chuté de 28 % par rapport aux deux années précédentes et sont en nette hausse depuis le départ de M. [I], que le marché du Sénégal ne concerne pas uniquement le sucre mais aussi la chimie, que les chiffres fournis par le salarié sont donc biaisés.

La société nie les difficultés financières invoquées par le salarié, difficultés qui n'étaient plus d'actualité lors du licenciement et soutient qu'elle a renoué avec la rentabilité en 2019 et a recruté du personnel, que seul le site belge est en difficulté mais sans lien avec le présent litige car les deux entités sont gérées de façon autonomes.

Sur ce,

La cause du licenciement doit être réelle, ce qui implique notamment que la cause doit être exacte, c'est à dire que le grief allégué doit être la véritable raison du licenciement. Lorsque les faits ne constituent qu'un prétexte pour dissimuler une cause inavouable, le licenciement est illégitime.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

En ce sens, pour établir ou non la réalité de l'insuffisance professionnelle d'un salarié, il doit être tenu compte de l'ensemble de son activité.

L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle résulte des échecs, des erreurs ou autres négligences imputables au salarié, sans pour autant revêtir un caractère fautif.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs et être imputable personnellement au salarié.

Il ne doit pas s'agir d'une défaillance passagère.

Enfin, l'employeur doit assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leurs capacités à occuper un emploi compte tenu de l'évolution des technologies, des organisations et des emplois ; il doit leur proposer les actions de formation nécessaire, à savoir une formation adéquate et un temps de formation correcte leur laissant un laps de temps suffisant pour s'adapter à un nouveau matériel ou à de nouvelles fonctions ; l'employeur ne peut donc invoquer l'insuffisance professionnelle que si tous les moyens ont été donnés au salarié pour qu'ils puissent faire ses preuves, en temps et en formation.

La fiche de poste s'appliquant à M. [I] prévoit les missions suivantes :

- Maintien des relations commerciales avec la clientèle existante (telle que définie ci- dessous),

- Prospection de nouveaux clients dans ce même domaine,

- Information du service cotations de [Localité 5] sur les tendances client,

- Présence aux réunions de clarifications des offres avec l'assistance du service cotation,

- Responsabilité de la partie commerciale de l'offre,

- Présence au kick off meeting avec le client en collaboration avec le suiveur d'affaires,

- Aide au service suivi d'affaires si nécessaire après commande,

- Renseigner le service marketing sur niveau de prix et type de pompe offerts par la concurrence que la commande soit obtenue ou perdue, ainsi que sur les nouveaux process éventuels,

- Assistance au responsable suivi d'affaires pour la réception éventuelle de clients venant inspecter des fournitures.

La fiche prévoit aussi que Monsieur [X] [I] représentera les gammes des pompes du groupe à la clientèle suivante :

Sucrerie France, Sucre dérivé, Distillerie, Déshydratation, Ingénierie liée à l'activité sucre et alcool. (AJINOMOTO, CARGILL, CHAMTOR, EUROASPARTAME, ROQUETTE, SYRAL, RYSSEN, CRIST ANOL, BENP, etc ..... )

La cour observe que M. [I] est employé depuis 16 ans, sur deux périodes distinctes.

S'il est acquis aux débats qu'il a été licencié pour non-respect des objectifs en 2002, toutefois son ex employeur est revenu pour le débaucher alors qu'il avait retrouvé un emploi auprès de la concurrence.

Dès lors l'argument d'un manquement chronique d'insuffisance professionnelle ne peut être retenu puisque l'employeur s'est ravisé après le licenciement.

M. [I] a été recruté à nouveau en mars 2011 en qualité d'ingénieur technico-commercial au salaire mensuel de 3800 euros + 13eme mois et prime d'objectif.

Il assure à compter de février 2014 la coordination pour le métier du sucre en France et en Belgique. Le directeur commercial indiquant que « [I] prend une dimension supplémentaire. »

Son salaire était alors augmenté à 4234 euros brut.

Cet élément démontre un changement de poste en 2014.

Il prétend avoir été promu en janvier 2017 au poste de « responsable grands comptes clients sucriers à l'export » ou « key account manager » ce que l'employeur dénie en faisant état d'une simple réorganisation de la société.

Il est constant que M. [I] n'a pas signé d'avenant au contrat de travail sur un changement de poste en avancement.

Le salarié a adressé un mail le 20 février 2017 à M. [E], directeur commercial de la société Ensival Moret. Il mentionne sa qualité de key account manager, fonction reprise sur son mail professionnel (pièce 51).

L'organigramme de la société daté du 9 janvier 2017 le désigne comme « key account manager » du service « sugar- Agro-industry », le service cotations étant composé de 3 salariés.

La cour observe que tant les fiches de paie que le solde de tout compte indiquent que M. [I] est ingénieur technico-commercial itinérant.

Selon la fiche descriptive du poste de key account manager, le salarié qui occupe ce poste assure le suivi d'un ou plusieurs clients clés pour l'entreprise pour des produits et en assure la fidélisation ; il gère donc les grands comptes de la société tout en restant ingénieur commercial.

Au vu des éléme,ts du dossier, tel est le cas de M. [I] qui est devenu ingénieur commercial référent pour l'export (pays d'Afrique) et clients tels Somdiaa et Cosumar.

La cour observe encore que le salaire de M. [I] a augmenté régulièrement, notamment en février 2014 et en janvier 2017, l'augmentation ne peut s'expliquer autrement que par des responsabilités plus importantes.

Ces éléments permettent de considérer qu'à tout le moins jusqu'en 2017, M. [I] donnait satisfaction à l'employeur.

L'employeur invoque plusieurs griefs à l'appui du licenciement qu'il convient d'examiner afin de déterminer s'ils procèdent d'une insuffisance professionnelle justifiant la rupture du contrat de travail.

1) sur le non-respect des procédures et consignes du groupe

a) sur le non-respect de la réglementation export vers les pays sensibles

L'employeur produit aux débats des courriels échangés les 17 et 18 décembre 2018 (pièce 18) entre M. [I] et une collègue technico commerciale aux termes desquels il conteste la nécessité de solliciter le service export car le client est français. La société stigmatise ce comportement, selon elle habituel de la part du salarié.

Toutefois le salarié produit aux débats en pièce 26 les courriels échangés avec le service export control datés du 20 décembre 2018 par lequel celui-ci donne son assentiment au contrat.

Le salarié a donc appliqué la procédure adéquate.

M. [I] a versé aux débats un courriel de M. [A], autre commercial de la société Sulzer par lequel ce dernier demande un prix pour une commande à destination du Congo, M. [I] étant en copie, l'offre était régularisée avec la mention « sans export control », il n'apparaît pas que M. [A] ait régularisé une demande d'autorisation alors que la destination faisait partie des pays désignés comme sensibles par l'employeur. De ce constat, il s'évince que la procédure n'était pas systématiquement appliquée au sein de la société.

Par ailleurs l'employeur fait état d'une formation sur la conformité à l'export du 21 avril 2017 à laquelle la moitié des salariés dont M. [I] a participé.

L'employeur soutient qu'il s'agissait d'une formation. Or il ne verse aux débat que 9 pages du document servant de base à l'intervention, ce qui ne permet pas d'établir avec certitude qu'il s'agissait d'une formation approfondie et efficiente. En outre le salarié n'a pas suivi en présentiel la formation du 3 octobre 2018 mais son absence était justifiée par une réunion notée à son agenda, ce que ne conteste pas l'employeur.

S'il l'a suivie par internet, il n'apparaît pas toutefois au vu des pièces soumises à l'appréciation de la cour, que cette formation traitait spécifiquement de la conformité à l'export.

Le grief n'est donc pas établi.

b) sur le non-respect de la délégation hiérarchique au-delà d'un certain montant

La lettre de licenciement fait mention sur ce grief d'un devis pour lequel le salarié n'aurait pas sollicité la validation hiérarchique de l'offre, ce qui aurait abouti à une marge négative.

Ce document se présente sous forme d'une seule ligne avec la référence de la commande, le total facturé et la marge. (Pièce 48).

M. [I] produit une pièce 29 soutenant qu'il s'agit d'une demande de validation de la commande ; la cour relève toutefois que ce document a trait aux négociations commerciales.

En revanche, il apparaît que la revue du contrat pour ce client « Consumar », établit la prise de commande avec mention du prix de vente et la pièce 31 permet de déterminer le prix de revient de la marchandise. En comparant les deux il s'avère que le taux de marge n'est pas négatif.

Lors de l'entretien préalable l'employeur soutient que le salarié a été dans l'incapacité d'indiquer le niveau à partir duquel la validation hiérarchique était requise.

Le salarié produit toutefois le compte rendu de l'entretien de licenciement établi par M. [L] conseiller du salarié, il indique que M. [I] a mentionné le bon chiffre tel qu'indiqué par l'employeur.

En matière prud'homale la preuve est libre et l'employeur ne conteste pas les autres notes de ce compte rendu et notamment le fait que le supérieur hiérarchique du salarié lui avait donné un accord verbal pour les commandes inférieures à 50 000 euros.

Au regard des éléments, il apparaît qu'il est arrivé que le salarié ne sollicite pas la validation hiérarchique. Toutefois la cour observe que ce manquement n'a pas été régulier, il n'est établi que trois incidents de ce type sur la période d'emploi ce qui est anecdotique.

c) sur le non-respect de la double signature électronique des offres

L'employeur produit des offres ne mentionnant pas de double signature arguant qu'en sa qualité de responsable commercial M. [I] devait s'assurer du respect de la procédure et non déléguer cette tâche à ses collègues.

M. [I] produit aux débats des offres émanant du service market support mentionnant deux noms, soutenant que la pratique vise à déterminer deux noms et non deux signatures.

La pratique invoquée par le salarié est établie par les pièces qu'il produit et l'employeur qui ne pouvait l'ignorer ne justifie pas avoir rappelé la nécessité d'une double signature.

2) Sur l'absence de rapports mensuels

L'employeur produit le rapport de juillet 2018 qui est particulièrement succinct.

Le salarié verse aux débats les rapports qu'il a adressés sur la période comprise entre février 2018 et février 2019.

L'employeur lui reproche de ne pas détailler et ne comprendre sauf exception que les tableaux de prévisions de commande.

La cour observe que les rapports d'avril et mai 2018 ne comprennent que des tableaux prévisionnels de commande mais cependant au mois de mai le salarié était en congés. La cour constate que les autres rapports sont plus détaillés et suffisaient à rendre compte de l'activité étant relevé que la société ne produit pas de rapports établis par d'autres salariés occupant des fonctions similaires afin de permettre une comparaison.

Au regard de ces éléments le grief n'est pas établi.

3) Sur les prévisions commerciales incohérentes ou inexploitables

L'employeur verse deux devis pour lesquels il relève des incohérences s'agissant de prévisions de commandes notées en octobre 2018 mais disparaissant en novembre pour être finalisées en janvier 2019, ce qui révèle un manque de rigueur et de discipline dans le travail quotidien selon lui.

Le salarié verse pour sa part aux débats en pièce 37/11 le tableau prévisionnel qui reprend la commande qui aurait disparue mais qui en réalité a été réduite ainsi que le rapport de visite au Maroc de décembre 2018 lequel confirme cette diminution du montant de la commande.

Par ailleurs pour l'autre devis, la cour observe encore sur les pièces 62/1 et 62/3 du salarié que la référence apparaît bien sur le prévisionnel des mois d'août et septembre 2018.

Il est reproché par l'employeur en février et en juillet 2018 des incohérences car le tableau prévisionnel reprenait des commandes effectives qui n'apparaissaient pas sur l'enregistrement.

La cour relève qu'il n'est pas contesté que les commandes réalisées et reprises dans le tableau du salarié n'ont pas été enregistrées comme définitives.

Cependant il n'est pas établi que M. [I] aurait dû les enregistrer, la cour retenant qu'à l'époque son supérieur hiérarchique ne lui a formulé aucun reproche à ce sujet.

Ces griefs ne sont donc pas établis.

4) Sur l'absence de disponibilité certaines journées de travail

L'entreprise reproche à son salarié de ne pas être assez disponible ni présent sur le site et produit le courriel de son supérieur hiérarchique qui n'a pas pu le contacter le 20 juin 2018 alors qu'il n'était pas en télétravail entre 7 et 8 H puis les soirs pendant 15 minutes.

M. [I] produit des courriels daté du 20 juin 2018 tôt le matin vers 7 heures puis vers 18 heures.

Il est constant que M. [I] travaillait en partie de son domicile. En outre son contrat de travail stipule qu'au regard de sa classification il a toute liberté dans l'organisation de son temps de travail et a une grande autonomie dans son organisation.

Enfin les échanges de mails (pièce 39 du salarié) prouvent qu'en mars 2018 une réorganisation des bureaux a entrainé la perte par le salarié de son bureau dédié dans les locaux de l'entreprise.

Le fait reproché en outre n'a été relevé qu'une seule fois, le 20 juin 2018, ce qui relève de l'anecdote.

5) Sur le manque d'autonomie sur les logiciels commerciaux stars et le matériel Sulzer

L'employeur produit aux débats le témoignage de M. [A], collègue de M. [I], qui expose qu'il l'a personnellement aidé à formaliser des offres et des révisions d'offres, que Mme [K] avait formé le salarié pendant une 1/2 à une journée sur le logiciel Smartquote/stars, qu'il a ensuite utilisé l'outil.

L'employeur ne peut reprocher au salarié de ne pas avoir suivi la formation du 24 au 27 avril 2018 puisqu'il était en congés à cette période.

Il argue d'une pièce 41 dont on ne comprend pas en quoi elle caractérise la réticence à utiliser le logiciel, s'agissant d'un mail sur un accès à « Plaza ».

La cour rappelle en outre qu'elle n'est pas tenue de faire traduire des documents intégralement rédigés en anglais.

Il en de même pour la pièce 42 pourtant invoquée par l'employeur à l'appui du grief.

Il est versé un mail du 12 septembre 2018 par lequel M. [I] se plaint de ne pouvoir régulariser une offre via le logiciel et demande qui pourrait l'aider, son supérieur hiérarchique le renvoyant alors vers le « market support ».

La cour constate que le salarié avait demandé lors de son évaluation de progrès de 2017 à être formé sur le nouveau logiciel, demande renouvelée en 2018.

Il est établi par les pièces produites que la salarié s'est rapproché de sa collègue, Mme [K] avec qui il a passé une journée à se former. Il justifie par la production d'un courriel avoir aussi sollicité un autre collègue, M. [F], market support manager, sans succès, celui-ci indiquant qu'au vu de la charge de son équipe ils ne pouvaient l'aider, il lui a cependant adressé un lien pour apprendre l'utilisation de l'outil

L'aide à la formation a donc été très limitée contraignant le salarié à solliciter des collègues dont la charge de travail était conséquente et qui ne disposaient pas nécessairement de temps pour le conseiller ou l'aider.

Enfin l'entretien annuel de 2018 précise que les zones couvertes par le salarié portent sur des pompes non configurées sur stars ou Smartquote d'où le faible pourcentage de réalisation sur Stars.

Surtout la cour relève que le salarié a su se prendre en main puisque M. [A] indique qu'il a ensuite utilisé l'outil.

Le grief n'est pas caractérisé.

6) Sur l'absence de suivi du taux de conversion des devis en offre

L'employeur soutient que l'un des objectifs du salarié était de mesurer le taux de conversion des devis en offre mais que le jour de l'entretien annuel avec sa hiérarchie il n'avait apporté aucun élément permettant de le déterminer.

Il apparaît toutefois que M. [I] a après cet entretien adressé des chiffres actualisés sur ce taux de conversion (pièce 44).

7) Sur l'objectif personnel tenant à un niveau de marge de 18 %

L'employeur produit un tableau détaillant le niveau de marge par rapport à un prix donné et soutient que M. [I] ne vérifiait pas le taux de marge, il reprend la même argumentation que sur le grief n°1 b.

La cour a dit précédemment que le contrat avec Consumar n'était pas à marge négative (contrat Q461802976).

Le grief du non-respect du taux de marge n'est pas établi.

8) Sur l'insuffisance du niveau de performance par non atteinte des objectifs de l'année 2018

L'employeur soutient que le salarié n'a pas réalisé les objectifs fixés pour 2018, que le taux de 86,90 % revendiqué par M. [I] est erroné. Il fait état de commandes gérées par M. [C] qui sont reprises dans le chiffre réalisé par M. [I].

Les pièces produites aux débats relativement au contrat conclu avec Sored mines attestent que la demande initiale avait été transmise à M. [A] qui a transmis à M. [I] qui lui a même a transmis à M. [S] son supérieur hiérarchique puis à M. [C] pour chiffrage.

Si M. [C] a chiffré, M. [I] a vérifié les autres conditions de réalisation et d'expédition du matériel, d'ailleurs l'offre est signée conjointement par M. [C] et M. [I].

Le contrat avec le client Ics est géré par M. [I] ainsi que l'établit les pièces communiquées (mail de demande du 11 décembre 2017, M. [C] ayant là encore chiffré l'offre qui a été transmise par lui avec M. [I] en copie).

Enfin, concernant les contrats Somdiaa, Spih et Capva, il apparaît qu'ils ont été conclus par le service de M. [I] avec certains de ses collègues ( M. [O] et [C]), il apparaît en copie même s'il n'est pas à l'origine de la commande.

Il ne peut être déduit de l'envoi de courriels à ces collaborateurs du service export que le salarié montrait peu d'implication dans son travail.

Les éléments ci-dessus rappelés ne permettent pas de considérer qu'une partie du chiffre d'affaire de 2018 n'aurait pas été réalisé par M. [I], la collaboration avec son service étant l'essence même d'un service commercial.

Concernant l'activité sur le Maroc la cour relève que l'agent commercial présent sur place est parti, en mars selon le salarié, en mai selon l'employeur. Cette différence de temps est sans incidence sur le fait qu'il a fallu attendre décembre pour en retrouver un ainsi qu'il ressort du dossier. L'employeur prétend sans l'établir que M. [I] aurait refusé de travailler avec d'autres commerciaux pour faire des visites. Il est constant qu'il est allé au Maroc en décembre 2018, ce déplacement ayant lieu à la suite de l'embauche de deux nouveaux commerciaux.

M. [I] n'est pas responsable du retard pris dans le recrutement de commerciaux sur site et il est établi que le supérieur hiérarchique de M. [I] lui avait déconseillé de s'y rendre avant qu'un recrutement soit opéré.

L'employeur prétend que le rapport de décembre sur la visite au Maroc est tellement succinct qu'il démontre le manque d'implication.

Toutefois l'échange par facebook avec M. [P] [W] daté du 2 avril 2020 démontre le lien avec M. [I], que celui-ci soit directeur des achats ou cadre en achat d'investissement chez Cosumar (un client habituel gérant 7 sucreries au Maroc) de l'entreprise ne change pas le fait qu'il s'agit à l'évidence d'un interlocuteur habile à passer des commandes puisqu'il indique qu'il gère les achats projet et supervise les achats équipements. Il précise en outre qu'il n'est pas satisfait des prix et de la technicité des nouveaux collaborateurs au Maroc, ce dont à l'évidence M. [I] n'est pas responsable et qui peut expliquer la chute des commandes.

Concernant le Sénégal, l'employeur argue de la dégradation des résultats depuis 2018 qu'il impute à M. [I]. Il produit un tableau des évolutions de commandes de 2015 à 2019 qui matérialise cette dégradation.

Il n'est pas sérieusement contesté que M. [I] a été désigné référent de cette zone en septembre 2017. Ses explications ne sont pas de nature à remettre en cause la baisse observée étant relevé qu'il parvient avec ses calculs à un résultat sensiblement équivalent.

Il en ressort que M. [I] n'a pas atteint ses objectifs globaux pour l'année 2018.

De ces développements, il ressort que certains des griefs ne sont pas établis.

Pour les autres, la cour constate que les faits reprochés au salarié se sont produits sur un laps de temps court, alors qu'il est en poste au titre de son second contrat depuis 2011. Les reproches en outre sont concomitants au rachat de l'entreprise par le groupe Sulzer.

Il a été précédemment rappelé l'évolution des responsabilités du salarié au sein de l'entreprise et il apparaît que l'employeur depuis 2011 n'avait pas formulé de reproche envers le salarié.

Si l'objectif chiffré pour 2018 n'est pas atteint, la cour retient qu'il demeurait très honorable puisque le taux d'atteinte était de 85 %. En outre, l'employeur ne produit pas d'éléments sur les résultats 2018 des autres salariés, placés dans une situation similaire, et qui auraient permis d'effectuer une comparaison des taux d'atteinte et de réalisation des objectifs

Il a aussi été précédemment retenu que certains faits étaient ponctuels et anecdotiques.

Les griefs sont soit infondés soit ne peuvent être constitutifs d'une insuffisance professionnelle de nature à justifier un licenciement.

Au regard de l'ensemble de ces éléments la cour dit, par confirmation du jugement, que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [I] n'est pas fondé et qu'il a été prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

M. [I] sollicite le paiement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base d'une ancienneté de 16 ans et 3 mois telle que reprise sur ses fiches de paie ; il demande à la cour de lui allouer une indemnité équivalente à 24 mois de salaires en écartant le barème d'indemnisation afin d'assurer une réparation adéquate et appropriée de son préjudice.

L'employeur réplique que l'ancienneté du salarié est de 8 ans et 5 mois car il faut tenir compte de la date d'embauche du 1er juillet 2011, faute pour lui de rapporter la preuve de l'existence d'une clause de reprise d'ancienneté, que peu importe la mention indiquée sur les fiches de paie.

Il soutient que la jurisprudence considère qu'en cas de contrats successifs il n'y a pas lieu de prendre en considération l'existence des contrats antérieurs.

Elle prétend que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice car il avait indiqué à l'audience du conseil des prud'hommes qu'il avait retrouvé un emploi, qu'il ne peut lui être accordé que l'équivalent de 3 mois de salaires.

Sur ce

Une mention de date d'ancienneté figurant sur le bulletin de paie « vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur d'apporter la preuve contraire ».

En l'espèce si le contrat de travail ne mentionnait pas la reprise d'ancienneté la mention figurant sur les bulletins de paye et dont la teneur n'est pas écartée par l'employeur vaut présomption de reprise d'ancienneté.

L'article 10 de la convention nationale collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose que « Pour l'application des dispositions de la présente convention, on entend par présence le temps écoulé depuis la date d'entrée en fonction, en vertu du contrat de travail en cours, sans que soient exclues les périodes de suspension de ce contrat.

Pour la détermination de l'ancienneté, on tiendra compte non seulement de la présence au titre du contrat en cours, mais également de la durée des contrats de travail antérieurs dans la même entreprise, ainsi que de l'ancienneté dont bénéficiait l'intéressé en cas de mutation concertée à l'initiative de l'employeur, même dans une autre entreprise.

Pour la détermination de l'ancienneté, il sera également tenu compte de la durée des missions professionnelles effectuées par l'intéressé dans l'entreprise avant son recrutement par cette dernière. »

La cour retient dans ces conditions que M. [I] avait au moment du licenciement une ancienneté de 16 ans et 3 mois.

La cour retient que M. [I] ayant au jour du licenciement une ancienneté de plus de 2 ans, il est en droit d'obtenir en vertu de l'article L.1235-3 du code du travail, entre 3 et 13,5 mois de salaires bruts dès lors que la société Sulzer Ensival Moret emploie plus de 11 salariés, et cela en sus des indemnités de rupture.

La cour rappelle que le barème d'indemnisation doit s'appliquer sauf en cas de licenciement nul ce qui n'est pas le cas de l'espèce.

Le salaire mensuel de M. [I] s'élevait à la somme de 5577 euros.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer de manière adéquate et appropriée le préjudice de M. [I] doit, par confirmation du jugement, être évaluée à la somme de 75 292 ,60 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Sulzer Ensival Moret à payer à M. [I] la somme de 75 292 ,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande tirée de l'irrégularité de la procédure suivie

M. [I] sollicite l'indemnisation de l'irrégularité de la procédure de licenciement. Il soutient que l'entretien préalable s'est transformé en enquête rapportant qu'étaient présents le responsable des ressources humaines, le chef de zone et le directeur, tous trois responsables et supérieurs hiérarchiques.

La société Sulzer Ensival Moret s'y oppose répliquant que le responsable export était le seul supérieur hiérarchique de M. [I], que le rapport d'entretien préalable ne fait pas apparaître un détournement de cette étape de la procédure, que M. [I] était assisté de M. [L].

Elle ajoute que le salarié ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il aurait subi du fait de la présence de trois personnes dont il avait été auparavant informé de la présence à l'entretien préalable.

Sur ce

L'indemnité due au salarié, dont le licenciement est irrégulier en la forme, ne peut être accordée que si le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas d'absence de cause réelle et sérieuse, l'éventuelle irrégularité de la procédure se trouve réparée par l'indemnité allouée pour licenciement illégitime. Les deux indemnités ne se cumulent pas.

En l'espèce le licenciement est attaqué tant sur la forme que sur le fond, le salarié ne peut donc obtenir qu'une seule indemnisation.

Dans ces conditions, l'employeur de M. [I] ayant été condamné à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité qui pourrait lui être versée en réparation du préjudice lié à une irrégularité de la procédure ne peut lui être accordée.

Pour ce motif, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande d'indemnisation pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Sur la demande de rappel de prime d'objectif 2017

M. [I] sollicite le paiement d'une prime d'objectif pour l'année 2017 qui ne lui a pas été payée intégralement ; il expose qu'il verse une pièce 49 l'établissant alors que l'employeur produit selon lui un tableau inexploitable.

La société Sulzer Ensival Moret s'y oppose rétorquant que le salarié a perçu plus que ce qu'il aurait dû recevoir car il n'avait pas réalisé les objectifs de 2017.

Sur ce

L'article « rémunération » du contrat de travail de M. [I] stipule « qu'en rémunération de ses services, la Société versera à Monsieur [X] [I] un traitement annuel brut (y compris le mois) de 49 400 (3800 x 13) Euros auquel pourront s'ajouter :

La participation légale, éventuelle,

L'intéressement aux résultats de l 'Entreprise,

Une prime de vacances,

Une prime sur objectif suivant les prises de commandes réalisées par la clientèle dont il a la charge par le service Commercial de la Société.

Si cet objectif est atteint en fin d'année civile, cette prime annuelle est égale à 3 000 euros.

Si l'objectif atteint est supérieur ou égal à 110%, cette prime sera de 6 000 euros.

Si l'objectif est égal ou inférieur à 95%, cette prime sera de 0 euro.

Entre 95% et 100% d'une part et entre 100% et 110% d'autre part de l'objectif, cette prime est calculée au prorata des 100% de l'objectif. « .

L'employeur a produit aux débats un tableau reprenant les résultats sur l'année 2017 qui aboutit à un taux d'atteinte des objectifs de 98,3%.

M. [I] produit des tableaux reprenant l'ensemble des contrats réalisés pendant l'année 2017 et les courriels de réclamation qu'il a adressé à la société.

Il détaille l'objectif (2 110 000 euros) et la réalisation à hauteur de 2 158 000 euros en fin d'année.

Contrairement aux éléments de l'employeur, les données du salarié sont fouillées et précises quant aux dates de réalisation des contrats, aux clients concernés et aux montants pour chacun d'eux. Ces éléments ne sont pas contredits utilement par ceux de l'employeur.

La cour retient que la prime de réalisation est due.

En vertu des stipulations contractuelles si l'objectif est atteint en fin d'année civile, la prime annuelle est égale à 3 000 euros.

Toutefois la demande su salarié porte sur un doublement de la prime qui n'est dû qu'au cas où l'objectif atteint est supérieur ou égal à 110%, ce qui n'est pas le cas au vu des chiffres relevés.

Il n'est pas contesté que l'employeur a versé une prime de 3000 euros et même plus puisqu'il a versé en tout 4000 euros alors que n'ayant pas atteint 110% des objectifs le salarié ne pouvait réclamer le paiement d'une prime de 6000 euros qui n'est due qu'au cas de réalisation d'objectifs à hauteur de 110%.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [I] de cette demande.

Sur la demande de réparation du préjudice moral

M. [I] fait valoir qu'il a été licencié à 53 ans, a connu pour la première fois de sa vie Pôle Emploi, que l'employeur a reconnu que le motif principal tenant à l'insuffisance d'objectifs ne méritait pas un licenciement.

La société Sulzer Ensival Moret s'y oppose répliquant que le préjudice n'est pas établi.

Sur ce

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile il appartient à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, le préjudice moral est pris en compte au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [I] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte illégitime de l'emploi et qui se trouve déjà réparé.

La demande doit être rejetée ; le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Eu égard à la solution donnée au présent litige, il convient de confirmer les dispositions de première instance sur les frais irrépétibles.

Il apparait inéquitable de laisser la charge de M. [I] les frais qu'il a exposés pour la présent procédure d'appel. La société Sulzer Ensival Moret sera condamnée à lui verser une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sulzer Ensival Moret succombant est déboutée de sa demande au même titre.

Elle est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort mis à disposition au greffe

Confirme le jugement rendu le 19 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint Quentin en toutes ses dispositions

Y ajoutant

Condamne la société Sulzer Ensival Moret à payer à M. [X] [I] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Déboute la société Sulzer Ensival Moret de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;

Condamne la société Sulzer Ensival Moret aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02683
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.02683 ?
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