ARRET
N°192
Association ADAR FLANDRE METROPOLE
C/
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
CM
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 28 AVRIL 2022
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N° RG 19/08559 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HSV6
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE EN DATE DU 13 novembre 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Association ADAR FLANDRE METROPOLE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
7 rue de Versailles CS 30447
59650 VILLENEUVE D'ASCQ
Représentée et plaidant par Me Pascal LABBEE, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0075
ET :
INTIME
URSSAF DU NORD PAS-DE-CALAIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
293 Avenue du Président Hoover
BP 20001
59032 LILLE CEDEX
Représenté et plaidant par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Janvier 2022 devant Mme Chantal MANTION, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [L] [Y]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [W] [G] en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 28 Avril 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.
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DECISION
L'association d'aide à domicile aux retraités (ci-après ADAR) a fait l'objet d'un contrôle de l'Urssaf Nord-Pas -de-Calais de l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.
A l'issue du contrôle, l'URSSAF a notifié à l'ADAR une lettre d'observations en date du 18 octobre 2013 comportant 10 chefs de redressement.
Tenant partiellement compte des remarques formulées par l'ADAR, l'URSSAF a maintenu plusieurs chefs de redressement et notifié à l'association une mise en demeure pour un montant de 385 519 euros, soit 329 139 euros de cotisations et contributions et 56 380 euros de majorations.
L'ADAR a saisi la commission de recours amiable et, à défaut de réponse de la commision, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille dont le contentieux a été transféré au tribunal de grande instance de Lille.
Le 26 mai 2016, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l'ADAR.
Par jugement en date du 13 novembre 2019, le tribunal a :
- confirmé le redressement,
- condamné l'ADAR à payer à l'URSSAF la somme de 385 519 euros en cotisations et majorations initiales de la mise en demeure du 17 septembre 2013,
- condamné l'ADAR aux entiers dépens.
Le jugement lui ayant été notifié le 25 novembre 2019, l'ADAR a formé appel par déclaration reçue le 19 décembre 2019 au greffe de la cour.
Les parties ont comparu à l'audience de la cour du 20 janvier 2022, lors de laquelle elles ont développé leurs conclusions écrites préalablement communiquées.
L'ADAR demande à la cour de la recevoir en son appel et infirmant le jugement:
- annuler la mise en demeure de l'URSSAF outre les majorations de retard y afférent,
- annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF
du Nord Pas-de Calais,
- ordonner l'annulation du redressement envisagé,
- dire et juger que l'activité contrôlée de l'ADAR d'aide à domicile et de service à la personne doit être présumée entièrement consacrée à l'activité de l'aide à domicile et service à la personne et dire dès lors que la masse salariale des personnels aidants et administratifs dédiés doit être exonérée de cotisations patronales, comme le sont les structures à 'activité exclusive',
Subsidiairement, dans l'éventualité où la cour prononcerait l'exonération au 'prorata' dire et juger que la masse salariale des personnels administratifs de l'ADAR sera exonérée de prestations à hauteur de l'activité dédiée aux personnes 'fragiles' et au cas présent à hauteur de 93,73%,
- condamner l'URSSAF aux dépens.
L'URSSAF demande à la cour, au visa des articles L.242-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de:
- confirmer le jugement,
- débouter l'ADAR de ses demandes contraires,
- condamner l'ADAR à payer à l'URSSAF la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'ADAR aux entiers dépens.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
Motifs:
Aux termes de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige: 'Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire'.
La contestation de l'ADAR en appel porte sur quatre postes de redressement qui seront examinés successivement.
1°) Sur les salaires versés dans le cadre d'une conciliation prud'homale ( point n°4 de la lettre de redressement):
Au soutien de son appel, l'ADAR fait valoir que l'une de ses salariés ayant saisi le conseil des Prud'hommes d'un litige, les parties ont été amenées à se concilier, en particulier s'agissant de l'ADAR, pour éviter les coûts liés à une procédure, l'acceptation de la transaction ne traduisant nullement la reconnaissance de sa part d'un droit de la salariée à un rappel de salaires.
L'URSSAF réplique que la réclamation de la salariée devant le conseil des Prud'hommes portait sur un rappel de congés payés outre une indemnité de procédure et que s'agissant de l'indemnité transactionnelle sur laquelle les parties se sont entendues, son caractère forfaitaire ne permet pas d'exclure la nature de salaire qui justifie la réintégration dans l'assiette du calcul des cotisations.
En effet, il ressort du contrôle de l'URSSAF que l'association ADAR a versé à son ancienne salariée la somme de 2300 euros à titre d'indemnité qu'elle n'a pas soumise à cotisations, alors que la réclamation portait initialement sur un rappel de congés payés de 2084,53 euros et de 1000 euros de frais de procédure.
Or, si les dommages intérêts sont exonérés de cotisations, le caractère forfaitaire de la transaction ne permet pas de retenir que les sommes allouées ont bien un caractère indemnitaire.
Dès lors, c'est à juste titre que l'URSSAF a réintégré le montant des sommes versées à hauteur de 2084 euros dans l'assiette du calcul des cotisations, le redressement étant justifié.
2°) Sur la CSG/CRDS Rupture du contrat de travail- limite d'exonération, indemnité pour licenciement irrégulier ( point 5 de la lettre d'observations):
Au soutien de son appel, l'ADAR fait valoir que l'indemnité pour licenciement irrégulier est de nature indemnitaire et qu'avant le 1er janvier 2011, de telles indemnités étaient exonérées de cotisations de sécurité sociale dans leur intégralité et de CSG et CRDS dans la limite du montant maximum prévu par la loi, soit trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale visée à l'article 80 duo decies du code général des impôts qui dispose que toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable sous réserve notamment des indemnités mentionnées aux articles L.1235-2 ( procédure irrégulière) L.1253-3 ( licenciement sans cause réelle et sèrieuse) et L. 1235-11 à L.1235-13 (irrégularité dans la procédure de licenciement pour motif économique) du code du travail.
Ainsi, il ressort de ce qui précède que les indemnités de rupture du contrat de travail ne sont pas soumises à cotisations et contributions dans la limite de six mois de salaire en cas d'indemnité accordée par le jugement au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté que l'ADAR avait versé à une salariée une somme équivalente à huit mois de salaire en exécution d'une condamnation prud'homale au titre d'un licenciement abusif.
En conséquence, l'inspecteur du recouvrement a réintégré dans l'assiette de la CSG CRDS la fraction d'indemnité dépassant la limite d'exonération de six mois de salaire, le redressement étant justifié.
3°) Sur les prestations délivrées par le comité d'entreprise (point n°6 de la lettre d'observations):
S'agissant des bons d'achat objet de l'appel, l'ADAR se prévaut de la lettre ministérielle du 11 octobre 1980 et de l'instruction du 17 avril 1985 relatives à la définition des prestations servies par les comités d'entreprise et susceptibles d'être comprises dans l'assiette des cotisations sociales dont il ressort, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux et à moins qu'une mesure législative ou règlementaire en dispose autrement, qu'il n'y a pas lieu de soumettre à cotisation les prestations en espèces ou en nature versées à des salariés ou anciens salariés lorsqu'elles se rattachent directement aux activités sociales et culturelles des comités d'entreprise.
Selon les termes de la lettre circulaire, n'ont pas lieu d'être réintégrées dans l'assiette des cotisations, les sommes versées en raison de l'état de besoin des bénéficiaires et les avantages destinés, sans discrimination, à favoriser ou améliorer les activités extra-professionnelles, sociales ou culturelles des salariés et de leur famille.
En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a relevé que les informations relatives aux avantages accordés aux salariés dans le cadre des activités sociales et culturelles ont été obtenues lors de l'audition de Madame [U] [J], trésorière et secrétaire du comité d'entreprise pour les trois années contrôlées (2010 à 2012), aucun document écrit relatif aux conditions d'attribution pour chacune de ces trois années n'ayant pu être produit.
Or, les conditions d'attribution des bons d'achat se sont avérées identiques à celles ayant fait l'objet d'une réintégration en 2007 et 2008, l'inspecteur de l'URSSAF ayant relevé que les principes d'attribution ont fait l'objet d'une précision dans le procès-verbal du mardi 4 septembre 2007 de la réunion exceptionnelle du comité d'entreprise en ces termes : ' P. [N] demande une précision quant aux critères d'attribution aux CDD et aux CDI des bons d'achat. N.[J] indique qu'il sera donné aux CDI et aux CDD d'un an et plus une feuille de choix. Pour les CDD qui sont là depuis juin jusqu'à l'attribution des bons d'achat, ils auront un bon Auchan'.
L'inspecteur de l'URSSAF a également relevé que dans le formulaire 2008 intitulé 'Bons d'achat' figure l'indication suivante: 'Afin de préparer les commandes nous vous demandons de remettre le coupon fin juillet au plus tard fin août, selon votre situation il sera à remettre à votre responsable, ou à déposer dans le casier du C.E. à Villeneuve-d'Ascq où nous l'envoyer toujours dans la limite indiquée au C.E. attention nous ne tiendrons plus compte de votre choix si ce document n'est pas retourné dans les délais indiqués ci-dessus (...)
Critères d'attribution : les salariés en CDD ayant un minimum de six mois de présence et encore à l' ADAR en novembre 2008 recevront d'office un bon d'achat Auchan'.
Au soutien de son appel, l'ADAR indique que les contingences matérielles liées à la mise en place de chèques vacances ou de titres restaurant alternatifs aux bons d'achat suppose, sur le plan matériel et sur le plan comptable, un certain nombre de formalités sans commune mesure avec le fait d'acheter des bons d'achat auprès de telle ou telle centrale et qu'il est dès lors fort logique que le choix soit fait dans un délai donné.
Elle ajoute que la lecture même du questionnaire diffusé par le comité d'entreprise aux salariés fin juin voire début juillet de l'année considérée indique logiquement que les embauches réalisées concomitamment ou postérieurement à l'envoi du questionnaire recevront automatiquement un bon d'achat quelle que soit la date de leur embauche, pourvu que le salarié soit toujours en activité à la date de l'attribution et qu'il n'y a donc là aucune forme de discrimination au contraire puisqu'il est de fait affirmé que toute personne peut prétendre à l'avantage quelle que soit son ancienneté.
Or, il est notable que l'ADAR ne produit pas ledit questionnaire et qu'elle ne rapporte pas la preuve que l'attribution de bons d'achat soit applicable à tout salarié de l'entreprise quelle que soit son ancienneté et son contrat de travail, l'inspecteur du recouvrement de l'URSSAF ayant relevé au vu des éléments ci-dessus que l'attribution des bons excluait les salariés recrutés depuis moins de 6 mois et avait donc un caractère discriminatoire.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le chef de redressement notifié.
4°) Sur les exonérations services à la personne et personnels administratifs ( point n°7 de redressement):
Indépendamment de la distinction opérée par l'article L241-10 III bis du code de la sécurité sociale au titre de l'exonération service à la personne ( SAP) sous condition d'agrément, dont le champ d'application a été étendu par la loi de financement de la sécurité sociale de 2007, l'exonération peut être appliquée au personnel administratif et d'encadrement, la lettre circulaire n°2007-117 du 21 août 2007 précisant que dans le cas des structures dont l'activité ne s'exerce pas exclusivement en faveur de publics fragiles, il est admis, au titre des rémunérations versées à compter du 1er juin 2007, d'appliquer l'exonération sur la fraction de la rémunération correspondant à l'activité partielle de service à la personne exercée par la structure.
En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations en date du 18 octobre 2013 que l'ADAR est une association effectuant des interventions au domicile des personnes fragiles et non fragiles. Au titre de son activité d'aide au domicile, elle applique de manière identique les exonérations aide au domicile et services à la personne pour son personnel d'intervention et de services à la personne et pour son personnel administratif.
Or, de la combinaison des article L.241-10 III bis du code de la sécurité sociale, L. 7231-1 et D.7231-1 du code du travail, il ressort que le personnel administratif ou encadrant peut ouvrir droit à l'exonération de cotisations sociales pour autant qu'il concourt exclusivement à l'activité de services à domicile.
Dans le cas de l'ADAR, agréée sans condition d'activité exclusive, le personnel administratif ne peut être réputé exercer pour toute la durée de son temps de travail une activité relevant du champ des services à la personne.
L'inspecteur du recouvrement a constaté que selon les documents de gestion interne, les activités concernant un public non fragile en 2010 correspondent à 43'887 heures alors que pour cette même année l'ADAR a facturé 700 409 heures au total, soit un ratio pour les ativités ' services à la personnne' de 6,27% alors que l'ADAR a calculé l'exonération sur une base de 100%, le redressement opéré étant calculé sur une base de 93,73%. appliquée à la masse salariale des personnels administratifs soit 811 223 euros x 93,73% = 760 359 euros justifiant le redressement notifié.
Par ailleurs, la demande subsidiaire de l'ADAR n'a pas lieu d'être accueillie en ce que le calcul ci-dessus a été opéré sur la base des données qu'elle a fournies.
En conséquence, il y a lieu de débouter l'ADAR des fins de son appel et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
En formant appel, l' ADAR a exposé l'URSSAF a des frais qu'il est inéquitable de laisser à sa charge. Il ya donc lieu de la condamner à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l' ADAR qui succombe sera condamnée aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par décision rendue contradictoirement en dernier ressort,
Déboute l'ADAR des fins de son appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne l'ADAR à payer à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'ADAR aux entiers dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
Le Greffier,Le Président,