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27/04/2022 | FRANCE | N°21/02637

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 27 avril 2022, 21/02637


ARRET







[O]





C/



S.A.R.L. CAP [O]





























































copie exécutoire

le 27/4/2022

à

Me LECAREUX

SCP ANGOTTI

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 27 AVRIL 2022



****************

*********************************************

N° RG 21/02637 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDJY



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 20/00113)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANT



Monsieur [W] [O]

né le 17 Décembre 1986 à COMPIEGNE (60200)

de nationalité Française

12, rue Octave Coras

807...

ARRET

[O]

C/

S.A.R.L. CAP [O]

copie exécutoire

le 27/4/2022

à

Me LECAREUX

SCP ANGOTTI

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 27 AVRIL 2022

*************************************************************

N° RG 21/02637 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDJY

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 19 AVRIL 2021 (référence dossier N° RG 20/00113)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [W] [O]

né le 17 Décembre 1986 à COMPIEGNE (60200)

de nationalité Française

12, rue Octave Coras

80700 BEUVRAIGNES

représenté, concluant et plaidant par Me Alexandra LECAREUX, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. CAP [O]

Les Saules Bourdon

60310 CUY

représentée, concluant et plaidant par Me Frédérique ANGOTTI de la SCP ANGOTTI, avocat au barreau de COMPIEGNE

DEBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame [B] [F] en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame [B] [F] indique que l'arrêt sera prononcé le 27 avril 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [B] [F] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 27 avril 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [O], né le 17 décembre 1986, a été embauché par la SARL Cap [O] (la société ou l'employeur) à compter du 20 septembre 2006 par contrat à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée suivant avenant du 17 mars 2008, en qualité de chauffeur polyvalent.

Son contrat est régi par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

L'effectif de la société est de 7 salariés.

Le 24 janvier 2020, le médecin du travail a établi un certificat d'inaptitude libellé comme suit : « Inapte : tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Le salarié a été convoqué par la SARL Cap [O] le 31 janvier 2020 à un entretien préalable fixé le 12 février 2020.

Par courrier du 17 février 2020, il a été licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Ne s'estimant pas rempli de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, notamment en ce qui concerne le paiement de ses heures supplémentaires, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Compiègne le 17 juillet 2020.

Ce dernier, par jugement du 19 avril 2021, a :

- condamné la société SARL CAP [O] au paiement des sommes suivantes :

- 527,28 euros au titre du paiement des heures supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019

- 52,73 euros pour les congés payés y afférents

- 500 euros au titre du dépassement de la durée maximale de travail

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire pour le paiement des heures supplémentaires ;

- débouté la société SARL Cap [O] de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société SARL Cap [O] aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 29 novembre 2021, M. [O], qui est régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

Sur le préjudice moral,

- in limine litis, constater la compétence matérielle de la cinquième chambre sociale de la cour d'appel d'Amiens sur sa demande indemnitaire ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 19 avril 2019 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la société Cap [O] à lui payer la somme de 2 000 euros pour le préjudice moral subi ;

- condamner la société Cap [O] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

Sur les heures supplémentaires et le dépassement de la durée maximale du travail,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne en ce qu'il a débouté la société Cap [O] de sa demande reconventionnelle relative au remboursement de la somme de 1 451 euros au titre du trop-perçu versé en 2017 ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 19 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société Cap [O] au paiement d'heures supplémentaires à son égard et à des dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale du travail ;

- l'infirmer quant au quantum ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Compiègne du 19 avril 2019 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard de la délivrance du certificat de congés payés de la caisse du bâtiment, et de sa demande d'indemnité pour repos compensateur ;

- condamner la société Cap [O] à lui payer les sommes suivantes :

Pour l'année 2017 :

- 122,41 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 12,24 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 3 935,82 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 393,58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 1 872,24 euros brut à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 %

Pour l'année 2018 :

- 510,55 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 51,05 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 7 389,22 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 738,92 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 977,93 euros à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 %

Pour l'année 2019 :

- 798,18 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 79,81 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 6 368,56 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 636,85 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 4 349,88 euros brut à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 % ;

- condamner la société Cap [O] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail ;

- condamner la société Cap [O] à lui payer la somme de 2 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Cap [O] de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- condamner la société Cap [O] aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 14 octobre 2021, la SARL Cap [O], demande à la cour de :

In limine litis,

- constater l'incompétence matérielle de la 5ème chambre prud'homale de la cour d'appel pour statuer sur la demande indemnitaire formulée au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil au profit du tribunal judiciaire de Compiègne ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes de dommages intérêts ;

- déclarer M. [O] mal fondé en toutes ses demandes pour les causes sus-énoncées et l'en débouter ;

- infirmer le jugement critiqué en ce qu'il l'a déboutée de sa demande dirigée contre M. [O] de lui rembourser la somme brute de 1 451 euros ;

- condamner M. [O] à lui rembourser la somme brute de 1 451 euros au titre du trop perçu versé en 2017 ;

- condamner M. [O] aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

I- Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral :

- Sur l'exception d'incompétence :

M. [O] au soutien de sa demande en paiement d'une somme de 2 000 euros pour préjudice moral au visa de l'article 1240 du code de procédure civile invoque le fait que M. [H] [O] a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instructions postérieurement à sa saisine du conseil de prud'hommes et que « cette plainte montée de toute pièce nuit gravement à ses intérêts », affirmant qu'il « est diffamé dans le cadre de la procédure prud'homale, sans aucune preuve et sans rapport avec le litige ».

La société soulève l'incompétence de la formation prud'homale au motif que cette demande est dépourvue de tout lien juridique avec le contrat de travail et, subsidiairement, conclut à son débouté faute de démonstration d'un préjudice et encore moins de ce que les faits allégués seraient inexacts et diffamatoires.

La cour observe à titre liminaire que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur cette demande au dispositif de son arrêt.

En application de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent en ce qui concerne les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.

Toutefois l'article 49 du code de procédure civile dispose que toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

De plus, la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, est investie de la plénitude de juridiction, tant en matière civile qu'en matière sociale.

Il en résulte que la demande n'est pas irrecevable devant cette cour.

Sur le fond, l'intimée verse aux débats des documents concernant un procès-verbal d'audition, une plainte avec constitution de partie civile déposée par l'épouse du gérant pour agression sexuelle contre M. [O] ainsi que la photocopie d'une photographie d'un sexe masculin.

Le salarié démontre qu'il a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de sa tante. L'issue de l'une ou l'autre de ces plaintes n'est pas établie.

Tel qu'est rédigé le moyen, M. [W] [O] reproche à son adversaire d'avoir déposé plainte avec constitution de partie civile dans le seul but de s'en servir contre lui dans le cadre de la présente procédure.

Or, la cour ne dispose pas d'éléments permettant de se prononcer sur le point de savoir si cette plainte est justifiée ou s'il s'agit d'une stratégie procédurale, un juge d'instruction ayant la charge de faire la lumière sur cette affaire.

En l'état, la production des pièces de la procédure pénale qui a pour but, selon l'employeur d'expliquer les raisons de la discorde entre les parties, n'est pas fautive de sorte que la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral sera rejetée.

II- Sur la demande au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos :

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En application de l'article L. 3121-11 du code du travail des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel qui peut être défini notamment par une convention collective. La convention peut fixer les conditions d'accomplissement des heures au-delà du contingent et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au delà du contingent.

La convention collective nationale des ouvriers employés dans les entreprises du bâtiment employant moins de 10 salariés fixe le contingent à 180 heures pour les salariés dont l'horaire n'est pas annualisé. Il en résulte que toutes les heures accomplies au-delà de 180 heures par M. [W] [O] lui donnent droit à une contrepartie en repos.

L'article D. 3171-8 précise que, dans ce cas, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [O] expose qu'il a accompli de nombreuses heures supplémentaires dans le cadre de sa fonction de chauffeur polyvalent, l'activité consistant à aller sur des chantiers pour des clients de la société et à conduire une pelleteuse, qu'il arrivait également qu'il vienne travailler pendant ses congés. Il précise qu'il était mis à la disposition des sociétés Torrekens et Konkastoo pour lesquelles il émettait des bons de travaux résumant son activité hebdomadaire.

Il allègue que les fiches de temps produites par l'employeur ne recouvrent aucune réalité puisqu'il était demandé à chaque salarié de noter systématiquement le même temps de travail soit huit heures du lundi au jeudi et sept heures le vendredi et qu'à côté, les salariés notaient sur un agenda commun les heures réellement accomplies dans la semaine, agenda que l'employeur se garde bien de produire ; que de juillet à novembre 2019, il a complété ses fiches de temps en indiquant précisément les heures travaillées et les heures de route mais que l'employeur y apportait des modifications. Il conteste les comparaisons faites par l'employeur entre ses propres documents et les fiches de paye

Il verse aux débats :

- une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'employeur le 21 octobre 2019 faisant état d'heures supplémentaires et réclamant une copie de ses registres d'heures,

- une lettre recommandée avec accusé de réception du 13 décembre 2019 par laquelle il réclame paiement de nombreuses heures supplémentaires et précise que ses calculs ont été réalisés à l'aide de ses bons journaliers ainsi que les bons de travail validés pour la société Torrekens,

- trois attestations d'anciens salariés corroborant ses dires quant au caractère erroné des fiches de temps et à l'existence de l'agenda partagé,

- quelques photos de pages d'agenda mentionnant des noms de salariés avec en face un nombre d'heures de travail,

- des copies carbone de bons de travail mentionnant les heures de début et de fin de travail, de même que les heures de route,

- des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires réclamées pour la période du 1er mai 2017 au 29 décembre 2019 portant mention des heures travaillées, des heures de route, le total des deux, des majorations réclamées ainsi qu'un total,

- une attestation de M. [D] selon laquelle il était toujours présent le week-end en cas de besoin que ce soit pour des travaux de moisson ou d'arrachage des betteraves,

- la copie de ses agendas personnels pour les années 2017 et 2018 portant mention chaque jour de ses horaires de travail, de son temps de route et de la nature des travaux accomplis,

- ses fiches de paie faisant apparaître le paiement d'heures supplémentaires.

Il présente ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant les siens.

Ce dernier fait valoir que les documents produits par le salarié, outre qu'ils sont pour la plupart illisibles, ne correspondent pas à la réalité, qu'ainsi, les bons de travail ont été émis au nom de la société Koncasstoo qui n'était pas employeur de M. [O] à l'époque des faits, que le total des heures figurant sur ces bons ne correspond pas aux bulletins de paie qui n'ont jamais été contestés, et que les relevés d'heures établis à la demande du comptable, remplis et signés par le personnel, qui font apparaître le travail effectif ainsi que les déplacements chaque mois, semaine par semaine, ne correspondent pas aux éléments fournis par M. [O].

Il conteste les allégations de ce dernier selon lesquelles les fiches d'heures n'étaient pas le reflet de la réalité, faisant remarquer notamment que pendant des années le salarié ne s'est pas plaint de cette situation.

Il émet l'hypothèse que M. [O] ait travaillé antérieurement à son licenciement pour la société Koncasstoo.

Il conteste la force probante des attestations versées aux débats faisant remarquer leurs similitudes et invoquant une collusion entre les témoins.

Il ajoute que M. [O] est mal fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires qui n'ont pas été exécutées à sa demande et notamment pendant ses congés.

Il est certain que la valeur probante des trois attestations versées aux débats est affectée par le fait qu'elles sont rédigées, mot pour mot, dans les mêmes termes.

Néanmoins, l'employeur ne conteste pas formellement l'existence d'un agenda sur lequel était mentionné chaque jour le nombre d'heures effectuées par chaque salarié dont des photographies sont versées aux débats pour les mois de mars et avril 2020.

Or, les relevés d'heures qu'il produit lui-même comportent des contradictions intrinsèques. Ainsi, alors que pour de nombreux mois, le nombre d'heures travaillées ne dépasse pas 39 heures, il est mentionné dans la case « observations » des heures supplémentaires, parfois en nombre important (jusqu'à 30 heures dans le mois), à 50 % et des heures de nuit. Ces contradictions impliquent que l'employeur avait un autre mode de comptage comme l'affirme le salarié et accréditent les allégations de ce dernier et de ses témoins, selon lesquelles le temps de travail réel était enregistré sur un agenda à part.

De plus, la version du relevé d'heures pour le mois de novembre 2019 produite par la société est raturée pour obtenir une diminution du temps de travail et ne correspond pas à celle en possession de M. [O].

Par ailleurs, l'employeur n'apporte pas d'élément permettant de mettre en doute les mentions figurant sur les bons de travail remplis chaque semaine par le salarié, dont certains, sur papier à en-tête de la société à la disposition de laquelle il était mis par son entreprise (SAS Torrekens), font apparaître des temps de travail différents de ceux figurant sur les relevés d'heures de l'employeur.

Un sondage approfondi permet de constater que ces bons de travail correspondent aux mentions figurant sur les agendas tenus par le salarié s'agissant du nombre d'heures effectuées.

Si comme le fait remarquer l'employeur, il existe des divergences en mars 2018, janvier, juillet et octobre 2019 entre les bons de travaux et le tableau Excel récapitulatif des heures supplémentaires rédigé par M. [W] [O], ces divergences sont systématiquement en défaveur de ce dernier. De plus, l'employeur reconnaît qu'en janvier, juillet et octobre 2019, le nombre d'heures figurant sur les bulletins de paie est inférieur à celui figurant sur les relevés d'heures remis au comptable. Il explique à ce propos que si M. [W] [O] n'a été payé que 221 heures en juillet 2019 alors qu'il en avait effectué 236 selon le relevé d'heures, c'est parce qu'il a opéré une compensation avec les frais incombant personnellement au salarié qu'il lui a fait supporter ce qui est prohibé.

Le fait que le salarié n'ait pas émis de contestation avant le mois d'octobre 2019 ne dispense pas l'employeur du paiement des heures dues.

De plus, ce dernier ne justifie pas s'être opposé à l'accomplissement des heures supplémentaires ou au travail du salarié pendant ses vacances ou même ses arrêts maladie. L'attestation de M. [T] qu'il verse aux débats, prouvant au contraire que M. [W] [O] pouvait être au travail même le bras en écharpe, invoquant entre autres motifs le fait que cela soulageait son oncle en période de travail intense.

Ainsi, la société conteste l'accomplissement de ces heures, mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [O], ni aucun élément permettant de contredire utilement les relevés hebdomadaires de ses horaires de travail dont il résulte qu'il a effectué des heures supplémentaires non payées.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [W] [O] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé.

Le décompte fait par ailleurs apparaître des dépassements du contingent annuel de 180 heures, de 348 heures en 2017, 623,05 heures en 2018 et 678,80 heures en 2019. La société sera donc également condamnée de ce chef au paiement de la somme précisée au dispositif.

La société sera par conséquent condamnée au paiement des sommes indiquées au dispositif de ces chefs, le jugement étant infirmé dans son quantum.

III- Sur la demande au titre des durées maximales du travail :

La durée maximale de travail quotidien est de 10 heures par jour par application de l'article L. 3121- 18 du code du travail et la durée maximale de travail hebdomadaire est de 48 heures ne peut pas dépasser 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives par application de l'article L. 3121- 22 du code du travail.

Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

Les pièces versées aux débats par le salarié et le récapitulatif des heures supplémentaires montrent quasi systématiquement un dépassement de la durée hebdomadaire de travail en additionnant les heures de trajet et les heures travaillées, régulièrement au-delà de 60 heures, et régulièrement des dépassements de la durée de travail quotidien.

Cette violation des durées maximales de travail, édictées pour garantir la santé et la vie privée des travailleurs, est source de préjudice pour le salarié qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 1 500 euros, le jugement étant infirmé dans son quantum.

IV- Sur la demande reconventionnelle de l'employeur :

La société réclame paiement de la somme de 1 451 euros brut au titre d'un trop-perçu sur les heures de nuit majorées pour l'année 2017, en se fondant sur une attestation de son expert-comptable.

M. [W] [O] s'oppose à cette demande aux motifs que l'attestation de l'expert-comptable n'est pas compréhensible et ne comporte aucun décompte.

L'expert-comptable écrit que « les heures de nuit ont été majorées sur la période de janvier à novembre 2017 en double. Les heures de nuit étant incluses dans la base 151.67 (au taux horaire de 10.76 euros) et majorées en taux horaire sur la ligne heures de nuit (1h à 21.52 euros). Soit un trop-perçu par le salarié sur l'année 2017 de 1451 euros brut ».

Or, de la lecture des bulletins de paie versés aux débats, il ressort que le salarié n'a perçu, sur la période considérée, d'heures de nuit majorées qu'en février et novembre 2017 de sorte que l'attestation apparaît erronée ou à tout le moins incompréhensible.

Il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement présentée par l'employeur le jugement étant confirmé de ce chef.

V- Sur les autres demandes :

La cour observe que M. [O] n'a pas repris sa demande de dommages et intérêts pour délivrance tardive par l'employeur de l'attestation de la caisse de congés payés du bâtiment au dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais qu'il a engagés dans le cadre de la procédure d'appel. Par conséquent, la société qui succombe, sera condamnée à lui payer la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Se déclare compétente pour connaître de la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Cap [O] à payer à M. [W] [O] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3 051,62 euros, et débouté la société Cap [O] de sa demande reconventionnelle ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne la société Cap [O] à payer à M. [W] [O] les sommes suivantes :

* au titre des heures supplémentaires, de la compensation obligatoire en repos et des congés payés y afférents :

Pour l'année 2017 :

- 122,41 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 12,24 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 3 935,82 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 393,58 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 1 872,24 euros brut à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 %

Pour l'année 2018 :

- 510,55 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 51,05 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 7 389,22 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 738,92 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 977,93 euros à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 %

Pour l'année 2019 :

- 798,18 euros brut pour les heures supplémentaires majorées à 25 % ;

- 79,81 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 6 368,56 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires à 50 % ;

- 636,85 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 4 349,88 euros brut à titre d'indemnité de repos compensateur à 50 % ;

* Au titre du dépassement de la durée maximale de travail : 1 500 euros ;

Déboute M. [W] [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Condamne la société Cap [O] à payer à M. [W] [O] la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/02637
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;21.02637 ?
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