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27/04/2022 | FRANCE | N°20/02026

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 27 avril 2022, 20/02026


ARRET







S.A.S. ABCD NUTRITION GROUPE





C/



[U]



























































copie exécutoire

le 27/04/2022

à

Me FARHI

Me SARLIN

LDS/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 27 AVRIL 2022



****************

*********************************************

N° RG 20/02026 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HWSW



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 05 MARS 2020 (référence dossier N° RG F18/00286)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



S.A.S. ABCD NUTRITION GROUPE

513 Rue Robert Estienne

60400 NOYON



représentée et plaidant par Me CAMIER...

ARRET

S.A.S. ABCD NUTRITION GROUPE

C/

[U]

copie exécutoire

le 27/04/2022

à

Me FARHI

Me SARLIN

LDS/IL/BG

COUR D'APPEL D'AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

ARRET DU 27 AVRIL 2022

*************************************************************

N° RG 20/02026 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HWSW

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 05 MARS 2020 (référence dossier N° RG F18/00286)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. ABCD NUTRITION GROUPE

513 Rue Robert Estienne

60400 NOYON

représentée et plaidant par Me CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant

concluant par Me Sabrina FARHI, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

Madame [I] [U]

née le 19 Décembre 1961 à NEUILLY SUR SEINE

de nationalité Française

13 Rue du Pont Laverdure Appt F85

60000 BEAUVAIS

représentée, concluant et plaidant par Me Maxence SARLIN, avocat au barreau de BEAUVAIS substitué par Me Eugénie CARTERET, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l'audience publique du 02 mars 2022, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

- Madame [K] [Y] en son rapport,

- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

Madame [K] [Y] indique que l'arrêt sera prononcé le 27 avril 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame [K] [Y] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 27 avril 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [U], née le 19 décembre 1961, a été embauchée par la société ABCD nutrition groupe (la société ou l'employeur) à compter du 4 février 2013 par contrat à durée indéterminée, en qualité de comptable unique. Au dernier état des relations contractuelles, elle relevait du statut de cadre. Son contrat est régi par la convention collective du commerce des 5 branches industries alimentaires diverses.

L'effectif de la société est supérieur à dix salariés.

Mme [U] a reçu le 25 avril 2018 une convocation à un entretien préalable fixé le 3 mai 2018. Par courrier du 28 mai 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Beauvais, le 14 décembre 2018.

Ce dernier, par jugement du 5 mars 2020, a :

- dit les demandes de Mme [U] recevables et bien fondées ;

- dit et jugé qu'elle n'avait pas commis de faute grave et a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS ABCD nutrition groupe à verser les sommes de :

. 12 687,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

. 2 537,50 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail

. 7 612,50 euros à titre d'indemnités de préavis

. 761,25 euros à titre de congés payés y afférents

. 6 769,34 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

. 2 838,71 euros à titre de rappel de salaire de la mise à pied

. 283,87 euros au titre des congés payés y afférents

. 18 921,47 euros au titre des heures supplémentaires

. 1 892,15 euros au titre des congés payés y afférents

. 833 euros à titre de prime de convention

. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la SAS ABCD nutrition groupe de remettre à Mme [U] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conformes à la décision ;

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- condamné la société aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 17 février 2022, la SAS ABCD nutrition groupe, qui est régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

- la dire et la juger bien fondée dans ses demandes, fins et prétentions ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire à titre principal que le licenciement de Mme [U] est fondé sur une faute grave ;

- dire à titre subsidiaire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes en toutes les fins qu'elles comportent ;

- condamner celle-ci à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions remises le 1er octobre 2020, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer la condamnation de la SAS ABCD nutrition groupe à lui verser les sommes de 18 921,47 euros sur les heures supplémentaires de décembre 2015 jusqu'à avril 2018, outre une somme de 1892,15 euros au titre des congés payés afférents ;

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit et jugé le licenciement prononcé à son égard sans cause réelle ni sérieuse et en conséquence,

- condamner la SAS ABCD nutrition groupe à lui verser la somme nette de :

. 15 225 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

. 15 225 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail

. 7 612,50 euros à titre d'indemnités compensatrice de préavis

. 761,25 euros au titre des congés payés y afférents

. 6 769,34 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

. 2 838,71 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

. 283,87 euros au titre des congés payés afférents,

- confirmer la condamnation de la SAS ABCD nutrition groupe à lui verser la somme de 833 euros à titre de prime de convention ;

- y ajouter la condamnation de la SAS ABCD nutrition groupe à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer la condamnation de la société à lui remettre un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi dûment modifiée ;

- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

I- Sur l'exécution du contrat de travail :

1/ Sur les heures supplémentaires :

La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L. 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.


Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, les parties sont d'accord pour dire que Mme [U] était soumise à la durée légale du travail bien qu'un avenant ait été signé le 1er février 2015 la soumettant au forfait annuel en jours.

La salariée fait valoir qu'elle a effectué 944,33 heures supplémentaires pour la période non couverte par la prescription, qu'elle a été obligée de reconstituer ses heures supplémentaires illustrées par ces relevés de pointage de janvier à août 2015, les seuls en sa possession, l'employeur n'ayant pas donné suite à sa sommation de communiquer les relevés de pointage sur le reste de la période alors que le système de pointage était activé dans l'entreprise et qu'elle procédait bien à la saisie de ses heures d'arrivée et de départ. Elle conteste la force probante de l'attestation de Mme [C].

Elle verse aux débats une édition récapitulative fixe de ses fiches de pointage pour la période du 1er au 31 août 2015, la demande de production de ses fiches de pointage de 2015 à son licenciement, quelques échanges de courriels de décembre 2017.

La salariée présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments.

Ce dernier affirme qu'il ne pourra être fait droit à la demande de la salariée dès lors que celle-ci arrivait tardivement au bureau ainsi qu'en atteste Mme [C] et que son chiffrage ne tient pas compte de ses journées de RTT et de récupération.

Il conteste donc les allégations de Mme [U] mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celle-ci, ni aucun élément permettant de contredire les relevés mensuels de ses horaires de travail dont il résulte qu'elle a effectué des heures supplémentaires non payées.

Ainsi, il ne produit pas les relevés de pointage alors que Mme [U] justifie de ce qu'elle a continué à enregistrer ses horaires de travail jusqu'au 31 août 2015 alors qu'elle avait le statut de cadre et l'attestation de Mme [Z] selon laquelle son système de pointage « actuel » n'est pas activé pour les cadres, rédigée le 9 novembre 2018, n'établit pas qu'entre 2015 et le licenciement de la salariée, les horaires de travail de celle-ci ne faisaient pas l'objet d'un enregistrement.

Par ailleurs, le fait que Mme [U] arrivait chaque matin aux alentours d'11 heures, comme en atteste Mme [C], comme le confirment d'ailleurs les relevés de pointage produits par la salariée, ne dit rien du nombre d'heures accomplies en l'absence d'information sur ses heures de départ. A cet égard, les relevés de pointage démontrent que, pour la période qu'ils concernent, la salariée quittait son poste systématiquement au-delà de 19 heures, régulièrement après 20 heures, fournissant des journées de travail le plus souvent supérieures à neuf heures.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [U] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées qu'elle réclame.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

II- Sur le licenciement :

1/ Sur la cause du licenciement :

Pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables.

En l'espèce la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Suite à l'entretien préalable qui s'est tenu en date du 3 mai 2018, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Lors de cet entretien, au cours duquel vous êtes venue accompagnée de Monsieur [A] [P] lequel est conseiller du salarié, nous vous avons exposé les faits sur lesquels repose cette décision.

Depuis le 4 février 2013, il vous est confié le poste de comptable unique - trésorière par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, statut cadre, et ce, pour le compte de la société ABCD nutrition groupe.

A ce titre, vous aviez notamment pour missions principales conformément à votre fiche de poste, et ce, pour le compte des sociétés du groupe ABCD nutrition :

-de garantir la liquidité quotidienne de l'entreprise,

-de gérer, anticiper, et sécuriser les flux de trésorerie en veillant à assurer la couverture des besoins financiers,

-d'assurer la couverture des besoins financiers (notamment vis-à-vis de nos fournisseurs),

-d'accélérer les encaissements des factures et maitriser les encours clients afin d'augmenter les capacités financières de l'entreprise,

-d'accélérer le recouvrement des créances.

Or, nous avons eu le regret de constater de nombreux manquements à votre contrat de travail faisant obstacle à toute poursuite de notre collaboration et justifiant votre licenciement pour faute grave.

' Obstruction au règlement de cotisations auprès de l'URSSAF

Vous deviez, en qualité de Trésorière permettre le règlement de cotisations URSSAF pour le compte des Etablissements Moulin d'Avignon et ce, dès que Mme [T] [V], gestionnaire paye, vous en a informée, le 10 avril 2018.

Or, vous avez refusé que cette opération soit réalisée et ce, malgré la réception de la lettre de mise en demeure adressée par l'URSSAF et remise par huissier.

C'est lors du déplacement de M. [X] [O], directeur, sur le site des Etablissements Moulin d'Avignon, en date du 26 avril 2018, que nous avons eu connaissance de ladite de mise en demeure d'effectuer le règlement de cotisations auprès de l'URSSAF. Lorsque nous nous sommes rapprochées de Mme [T] [V] pour obtenir des explications, celle-ci nous apprend que c'est vous qui avez fait obstacle au règlement des cotisations URSSAF.

Or, vous n'êtes pas sans savoir que dans un tel contexte, la société risque une inscription à la banque de France laquelle l'expose :

- d'une part, au refus des assurances crédit d'assurer nos encours ;

- et ce, au risque que nos fournisseurs règlent en Proforma nos commandes, cela signifiant devoir pour la Société les régler avant la livraison des marchandises, ce qui est susceptible d'engendrer un impact de 1,5M d'euros sur le besoin en fond de roulement qui serait impossible à financer pour nous, et qui entrainerait une dégradation du taux de service, et par conséquent une perte de chiffre d'affaires, voir même la perte de clients.

Lors de votre entretien préalable, et en présence même du conseiller du salarié qui vous accompagnait, vous avez indiqué ne pas être en charge du règlement des cotisations auprès de l'URSSAF et avez rejeté la faute sur votre collègue, Mme [T] [V], alors même que celle-ci est agent de maitrise et vous cadre.

Il ressort de nos investigations, de notre réflexion, et des propos que vous avez tenus lors de l'entretien préalable, que même s'il revient à Mme [T] [V] de régler les cotisations auprès de l'URSSAF, c'est bien vous qui lui avez enjoint de ne pas le faire et ce, sous prétexte que cette somme ne serait pas due à l'URSSAF. Or, vous n'avez pas à préjuger du bien-fondé de l'appel à cotisations adressé par l'URSSAF. En tout état de cause, en cas de doute, vous deviez faire part de la situation à la Direction, chose que vous n'avez pas faite.

Vous avez purement et simplement fait preuve d'un abus de pouvoir en votre qualité de cadre sur une collaboratrice subalterne et ce, sans m'inquiéter des conséquences pour votre employeur.

C'est la raison pour laquelle ce seul fait est constitutif d'une faute grave. Malheureusement, nous avons d'autres manquements à vous reprocher lesquels motivent également la rupture de votre contrat de travail.

' Retards dans le paiement des fournisseurs et défaut de communication avec eux :

Comme indiqué précédemment vous êtes en charge du règlement des fournisseurs.

Les fournisseurs ne sont pas payés à temps, alors même que les sociétés disposent d'une trésorerie suffisante. De tels retards entrainent une dégradation de nos relations client/fournisseurs et porte atteinte à notre image.

Il en a été ainsi, à titre d'illustration, dans les cas suivants :

- le 1er avril 2018, vous retardez le règlement du fournisseur Calconut pour un montant de 118 000 euros alors même que la trésorerie disponible que vous annoncez s'élève à 577 412 euros ;

- le 5 avril 2018, vous retardez le règlement du fournisseur Beanworks pour un montant de 49 290 euros alors même que la trésorerie disponible que vous annoncez s'élève à 867 308 euros ;

- le 23 avril 2018, vous retardez le règlement du fournisseur Novimpex pour un montant de 41 785,12 euros alors même que la trésorerie disponible que vous annoncez s'élève à 980 882 euros.

Nous sommes légitimement en droit d'attendre de vous qu'en cas de retards de paiement, vous preniez contact avec nos fournisseurs pour d'une part les en informer et d'autre part pour les rassurer. Or, vous ne faites ni l'un ni l'autre et ce, au risque de dégrader nos relations avec nos fournisseurs. Cela démontre votre manque de sérieux et d'implication dans l'exécution de votre prestation de travail.

Il s'agit là d'une faute réelle incompatible avec l'importance des missions qui vous sont confiées.

' Comptes clients non à jour

Il vous appartient en qualité de Trésorerie et ce, comme rappelé précédemment de tout mettre en 'uvre pour accélérer les encaissements des factures et maitriser les encours clients afin d'augmenter les capacités financières de l'entreprise et d'accélérer le recouvrement des créances.

Pour cela, il est indispensable que les comptes clients soient à jour c'est-à-dire que l'ensemble des enregistrements des règlements, des rapprochements et des lettrages doivent être faits régulièrement.

A ce titre, en sa qualité de Directeur Administratif et Financier, M. [G] [J] vous a expressément demandé de mettre à jour les comptes clients au moins 2 fois par semaine.

Or, vous ne le faites pas malgré ses demandes réitérées ce qui concrètement nous empêche d'avoir une politique de recouvrement efficace. En effet, l'équipe comptable n'ayant pas une visu claire et à jour sur les paiements effectués par nos clients, elle risque de relancer des clients à jour dans leurs règlements.

Dans ces conditions, l'équipe comptable et l'équipe en charge de l'administration des ventes à défaut d'information fiable, ne peuvent pas correctement faire leur travail pour obtenir le paiement auprès de nos clients. Les équipes sont de ce fait inefficaces et le fait de relancer des clients à jour dans leurs règlements décrédibilise l'entreprise.

Lors de l'entretien préalable vous vous êtes contentée de nier les faits sans apporter de contre exemples notamment de bonnes relations avec nos fournisseurs et clients ou de méthodologie sur la façon dont vous tenez à jour les comptes clients. Vous avez surtout considéré que les griefs invoqués contre vous donnez envie de « juste rire ».

Une telle attitude désinvolte est incompatible avec le poste que vous occupez et nous confirme notre décision de rompre votre contrat de travail pour faute grave.

C'est dans ces conditions que nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de rupture. Votre contrat de travail prend fin immédiatement. La période de mise à pied à titre conservatoire n'ouvrira pas droit à rémunération.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement. »

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Sous cette réserve, le licenciement disciplinaire prononcé à raison de faits connus de plus de deux mois par l'employeur est sans cause réelle et sérieuse.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

Mme [U] affirme que la véritable cause de son licenciement réside dans le fait qu'elle a réclamé le paiement de ses heures supplémentaires, refusé de signer un nouveau contrat modifiant profondément son poste puis, refusé d'accepter une rupture conventionnelle.

L'employeur ne répond rien sur ce point.

Les pièces produites par la salariée notamment un contrat de travail à durée indéterminée du 11 décembre 2015, non signé, le récapitulatif des événements survenus entre le 28 novembre 2012 et avril 2018 ainsi que le bulletin de salaire de janvier 2016 mentionnant une prime exceptionnelle de 750 euros, ne suffisent pas à relier son licenciement survenu le 28 mai 2018 avec une quelconque réclamation au titre des heures supplémentaires et son refus de modification de son contrat de travail.

Il convient donc d'examiner chacun des griefs invoqués par l'employeur dont se défend Mme [U].

Sur l'obstruction au règlement des cotisations auprès de l'URSSAF :

Mme [U] invoque la prescription de ce fait au motif que celui-ci repose sur une mise en demeure de l'URSSAF du 1er décembre 2017.

L'employeur répond qu'il n'a eu connaissance de ce fait qu'en avril 2018 par son directeur M. [O]. Il n'en rapporte pas la preuve alors que Mme [V], la gestionnaire de paie, relate des faits qui se sont produits en octobre 2017. Plus de deux mois s'étant écoulés entre la faute alléguée et l'engagement de la procédure de licenciement le 25 avril 2018, l'employeur n'est pas recevable à invoquer ce grief.

Sur le retard dans le paiement des fournisseurs et le défaut de communication avec eux :

Force est de constater que l'employeur, ainsi que le fait remarquer Mme [U], ne procède que par voie d'affirmation sans produire de justificatif de retard de paiement et, a fortiori, de leur imputabilité à celle-ci. De plus, il s'appuie sur une fiche de fonction, non signée, qui se rapporte au contrat de travail du 11 décembre 2015 que la salariée n'a pas accepté.

Ce grief n'est donc pas établi.

Sur l'absence de mise à jour des comptes clients :

La salariée fait valoir qu'à défaut de date précise de non-respect des échéances de clôture des comptes, l'employeur est dans l'incapacité de démontrer que les griefs n'étaient pas prescrits au moment du prononcé du licenciement.

Au soutien de ce grief, la société n'invoque qu'une seule pièce qui est une attestation de Mme [M], responsable comptable, selon laquelle Mme [U] « ne respectait pas toujours les dates d'échéance des clôtures comptables pour mettre à jour la saisie des écritures de trésorerie, notamment les comptes factorisés, ce qui engendrait un dysfonctionnement interne ».

Cette attestation n'est pas circonstanciée de sorte que les manquements ne sont pas datés et que l'employeur ne démontre pas, ni d'ailleurs n'allègue, qu'il en a eu connaissance moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Ce grief ne peut pas être retenu.

Ainsi, l'employeur ne fournit aucun élément propre à étayer l'un quelconque des griefs énoncés dans la lettre de notification de la rupture. Cette défaillance dans la charge de la preuve doit par conséquent conduire à écarter l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement étant confirmé de ce chef.

2/ Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant injustifié, la salariée peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement en ce qui concerne les sommes allouées par les premiers juges en paiement de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, au titre du préavis et des congés payés afférents ainsi qu'au titre de l'indemnité de licenciement, ces sommes justifiées dans leur principe n'étant pas critiquées dans leur quantum.

Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, Mme [U] peut prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

En application de ce texte, l'indemnisation de la salariée doit être comprise entre trois et six mois de salaire. Elle justifie qu'elle a été admise à l'allocation d'aide au retour à l'emploi le 6 juin 2018 et qu'elle était toujours inscrite à Pôle emploi le 29 septembre 2020.

En considération de la situation particulière de Mme [U] et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due à la somme mentionnée au dispositif.

Mme [U] sollicite en outre l'allocation d'une prime de convention à hauteur de 833 euros correspondant à celle qu'elle aurait touchée durant sa mise à pied conservatoire et durant son préavis si le contrat avait été poursuivi au moins au terme du préavis.

L'employeur ne formule aucune observation de ce chef sur le principe et le quantum de cette demande.

Il ressort des bulletins de paie que la salariée percevait à chaque fin de trimestre une prime de convention d'un montant de 575 euros qu'elle aurait perçue si elle n'avait pas été mise à pied à titre conservatoire et avait exécuté son préavis.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au versement de la somme de 833 euros de ce chef.

Mme [U] ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

La société sera en outre condamnée à délivrer à la salariée un bulletin de salaire et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt.

3/ Sur la demande au titre du caractère vexatoire du licenciement :

Mme [U] estime avoir subi un préjudice distinct de la perte de son emploi au regard des circonstances entourant son éviction dans la mesure où elle n'a pas accepté de céder au chantage à la rupture conventionnelle.

L'employeur fait valoir que la mise à pied à titre conservatoire était justifiée et que le fait que la salariée n'avait fait l'objet d'aucun reproche pendant la durée de la relation contractuelle ne caractérise pas le caractère brutal et vexatoire du licenciement.

Le prononcé du licenciement qui repose sur des griefs prescrits ou sans consistance, précédé d'une mise à pied à titre conservatoire que rien ne justifiait et alors que la salariée n'avait en plus de cinq ans d'exercice fait l'objet d'aucune remarque quant à la qualité de son travail ou à sa loyauté constitue une humiliation et caractérise un licenciement brutal et vexatoire qui justifie, par confirmation du jugement, l'octroi d'une indemnité de 2 537,50 euros.

4/ Sur les demandes accessoires :

La société ABCD nutrition groupe, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens d'appel et à verser à Mme [U] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le quantum des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société ABCD nutrition groupe à payer à Mme [U] les sommes de :

- 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel,

Ordonne à la société de remettre à Mme [U] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes à la solution du présent arrêt,

Ordonne à la société de rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société ABCD nutrition groupe aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 5eme chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/02026
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;20.02026 ?
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