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26/06/2008 | FRANCE | N°06/04430

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0234, 26 juin 2008, 06/04430


ARRET
No

SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES MMA IARD

C /

X...

EURL LA DEFENSE DES ASSURES SINISTRES LDAS

S. / BG.

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ère chambre- 2ème section

ARRET DU 26 JUIN 2008

RG : 06 / 04430

APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS du 30 octobre 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES MMA IARD
10 boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 9

Représentée par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour

et plaidant par Me DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMES

Monsieur Philippe X...
né le 29 Mars 1958 à CREIL (60100)
...
60510 B...

ARRET
No

SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES MMA IARD

C /

X...

EURL LA DEFENSE DES ASSURES SINISTRES LDAS

S. / BG.

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ère chambre- 2ème section

ARRET DU 26 JUIN 2008

RG : 06 / 04430

APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS du 30 octobre 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES MMA IARD
10 boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 9

Représentée par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par Me DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS

ET :

INTIMES

Monsieur Philippe X...
né le 29 Mars 1958 à CREIL (60100)
...
60510 BRESLES

Représenté par la SCP SELOSSE-BOUVET ET ANDRE, avoués à la Cour

EURL LA DEFENSE DES ASSURES SINISTRES LDAS
18 rue Marceau
92320 CHATILLON

Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Me TIXIER avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 29 Avril 2008, devant :

Mme SCHOENDOERFFER, Président,
M. FLORENTIN et Mme SIX, entendue en son rapport, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Juin 2008

GREFFIER : Mme CATEZ

PRONONCE PUBLIQUEMENT :

Le 26 Juin 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme SCHOENDOERFFER, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

*
* *

DECISION :

Le 6 juillet 2000 le bâtiment d'une superficie de 400 mètres carrés, indépendant de la maison d'habitation de M. X..., servant de garage et d'atelier, a été détruit par un incendie.

Titulaire d'un contrat d'assurance habitation auprès des Mutuelles du Mans Assurances Iard, dites ci-après les Mutuelles du Mans, en date du 23 mai 2000, il a effectué une déclaration de sinistre par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 juillet 2000.

Les Mutuelles du Mans ont désigné la société Picardieexpert, en qualité d'expert des assurances, pour tenter de déterminer les causes du sinistre. Une première réunion a eu lieu le 4 septembre 2000. M. X... s'est fait assister par l'Eurl La Défense des Assurés Sinistrés, dite ci-après la LDAS, selon un contrat en date du 3 octobre 2000. Une deuxième réunion a eu lieu le 17 octobre 2000.

Par lettre du 13 octobre 2003 les Mutuelles du Mans ont indiqué à M. X... qu'elles classaient son dossier compte tenu de la prescription légale prévue par l'article L114-1 du code des assurances.

Par actes en date du 15 février 2005 M. X... a fait assigner les Mutuelles du Mans et la L. D. A. S devant le tribunal de grande instance de Beauvais aux fins, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, de réparation de son préjudice, de réalisation d'une expertise, de paiement d'une provision de 10 000 € ainsi que de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 30 octobre 2006 le tribunal a considéré que les Mutuelles du Mans ne pouvaient pas se prévaloir de la prescription et a :
- déclaré recevables les demandes de M. X...,
- avant dire droit sur l'évaluation de son préjudice, ordonné une mesure d'expertise,
- désigné pour y procéder Eric Y...,
- dit que M. X... devra verser une somme de 800 € avant le 30 novembre 2006,
- condamné les Mutuelles du Mans à payer à M. X... la somme provisionnelle de 10 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 novembre 2006 les Mutuelles du Mans ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions en date du 15 mars 2007 les Mutuelles du Mans demandent à la cour de :
- infirmer le jugement,
- constater la prescription de l'action de M. X...,
- le déclarer irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes,
- le débouter de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les Mutuelles du Mans soutiennent que l'action de M. X... est prescrite conformément aux dispositions de l'article L114-1 du code des assurances et que M. X... n'a jamais donné suite aux relances de son propre expert, la L. D. A. S.

Elles exposent que la désignation le 22 août 2000 de la société Picardie expert par les Mutuelles du Mans a interrompu le délai de prescription ; qu'un nouveau délai de prescription a commencé à courir à compter de cette désignation ; que la lettre de la L. D. A. S qui communique un état descriptif et estimatif des dommages, ne peut constituer une interpellation de l'assuré réclamant son dû puisque M. X... n'avait pas donné d'instructions particulières à cette société et puisque cette lettre a été adressée non pas aux Mutuelles du Mans mais à la société Picardieexpert qui n'était pas le mandataire des Mutuelles du Mans.

A titre subsidiaire si la cour considère que la seconde désignation d'expert le 24 octobre 2002 a interrompu le délai de prescription et qu'un nouveau délai de prescription a expiré le 24 octobre 2004, elles font valoir qu'elles n'ont été saisies d'aucune réclamation avant le 15 février 2005, date de l'assignation.

Elles soutiennent n'avoir commis aucune man œ uvre frauduleuse pour dissuader M. X..., qui était assisté d'un professionnel, d'agir en justice et qui n'a pas accompli de diligences dans les délais prescrits.

Par conclusions signifiées le 14 septembre 2007 M. X... demande à la cour, au visa des articles L114-1 et L114-2 du code des assurances, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, dire que les Mutuelles du Mans ont utilisé des man œ uvres frauduleuses et ne peuvent donc se prévaloir de la prescription biennale,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire et le paiement d'une provision,
- à titre infiniment subsidiaire, au visa de l'article 1382 du code civil, dire que les Mutuelles du Mans et la L. D. A. S sont responsables de son préjudice,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise et le paiement d'une provision,
- en tout état de cause débouter les Mutuelles du Mans et la L. D. A. S de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il soutient que la désignation de l'expert le 22 août 2000 a interrompu le délai de prescription qui avait commencé à courir le 6 juillet 2000 ; que ce délai a été interrompu par la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 juillet 2002 par laquelle la L. D. A. S, mandatée par lui, a communiqué à la société Picardieexpert, un état descriptif et estimatif des dommages.

Selon lui d'une part cette lettre constitue une interpellation suffisante que l'expert Picardieexpert n'a pas manqué de transmettre aux Mutuelles du Mans, interrompant ainsi le délai de prescription et d'autre part l'envoi d'un état descriptif et estimatif des dommages constitue une réclamation suffisante permettant à la compagnie d'assurances de connaître exactement l'étendue de la demande de son assuré.

Il indique que le 24 octobre 2002 une nouvelle réunion a eu lieu entre le cabinet Picardieexpert et l'inspecteur des Mutuelles du Mans ; qu'un nouveau délai de prescription a couru jusqu'au 24 octobre 2004.

A titre subsidiaire, il fait valoir que l'inertie prolongée des Mutuelles du Mans et leur attitude constituent des man œ uvres frauduleuses les privant du droit de se prévaloir de cette prescription.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour écartait l'existence de toute man œ uvre dolosive de la part des Mutuelles du Mans, il argue de ce que les Mutuelles du Mans ont commis une faute lourde, équipollente à un dol en s'abstenant de toute information à son égard et de toute proposition de règlement, nonobstant les devis fournis.

Il reproche également à la L. D. A. S de ne pas avoir respecté son obligation de conseil en ne l'informant pas des conséquences d'une indemnisation non intervenue dans le délai de deux ans. Il précise que les échanges de correspondances avec le cabinet Picardie expert lui ont laissé penser qu'il n'y avait aucune difficulté dans la gestion de l'indemnisation de son sinistre.

Par conclusions signifiées le 3 octobre 2007 la L. D. A. S demande à la cour de :
- confirmer le jugement notamment en ce qu'il l'a mise hors de cause,
- en conséquence débouter M. X... de ses demandes,
- condamner solidairement les Mutuelles du Mans et M. X... à lui payer la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les Mutuelles du Mans et M. X... aux dépens de première instance et d'appel.

La société soutient avoir relancé à plusieurs reprises M. X... et différents interlocuteurs devant établir des devis ; que mandatée par M. X..., elle a transmis au cabinet Picardieexpert, par lettre du 4 juillet 2002, un état descriptif et estimatif des dommages, fixant le préjudice et donc la demande de paiement de M. X... ; que par une lettre en date du 8 août 2002 elle a sollicité auprès du cabinet Picardieexpert un rendez-vous pour arrêter le montant définitif de l'indemnisation et le paiement d'une provision de 25. 000 € ; que lors de ce rendez-vous, le 24 octobre 2002, les Mutuelles du Mans ont de nouveau désigné le cabinet Picardieexpert et la L. D. A. S comme experts amiables.

Elle précise que le 6 novembre 2002 elle a transmis à M. X... un projet de règlement ; que le 25 juillet 2003 M. X... a écrit au cabinet Picardieexpert qu'il acceptait la proposition de règlement des Mutuelles du Mans sous réserve de certaines exigences ; que le 2 octobre 2003 elle a relancé le cabinet Picardieexpert puis par lettre recommandée avec accusé de réception le 23 octobre 2003.

Elle soutient que le premier délai de prescription qui devait expirer le 22 août 2002 a été interrompu par la lettre recommandée du 4 juillet 2002 qu'elle a adressée à le cabinet Picardieexpert en sa qualité de mandataire de M. X... conformément au contrat signé le 3 octobre 2000.

Elle affirme que l'article L 114-2 du code des assurances n'exige pas que la lettre recommandée demandant le règlement de l'indemnité soit exclusivement adressée par l'assuré à l'assureur pris en personne.

Elle souligne que la désignation d'experts établie le 24 octobre 2002 sous l'entête des Mutuelles du Mans mentionne indiscutablement la L. D. A. S comme expert amiable de M. X....

Elle conteste les reproches de négligence formés à son encontre par les Mutuelles du Mans et réplique qu'au contraire les Mutuelles du Mans ont eu une attitude dilatoire en freinant la procédure d'indemnisation.

Arguant de ce que le contrat passé avec M. X... n'est qu'un contrat d'entreprise qui n'a pour objet qu'une mission d'expertise amiable, conformément au contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie, elle affirme qu'elle n'a pas manqué à ses devoirs de diligence et de conseil à l'égard de M. X....

Enfin, elle expose que n'étant pas partie au contrat d'assurance liant les Mutuelles du Mans et M. X..., elle ne peut être tenue responsable du préjudice subi par M. X... du fait du sinistre et du refus des Mutuelles du Mans de le garantir.

SUR CE LA COUR,

Attendu qu'en vertu de l'article L114-1 du code des assurances toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là ;

Attendu qu'en vertu de l'article L 114-2 du même code la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre, que l'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ;

Que conformément à ces dispositions combinées à celles de l'article 1984 du code civil relatives au mandat, l'interruption de cette prescription de l'action de l'assuré peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception que le mandataire de celui-ci adresse à l'assureur ou son mandataire en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ;

Attendu que la désignation par les Mutuelles du Mans du cabinet Picardieexpert en qualité d'expert dont M. X... a été informé par lettre en date du 22 août 2000 a interrompu le délai de prescription qui avait commencé à courir le 6 juillet 2000 date du sinistre ;

Attendu que M. X... et la L. D. A. S soutiennent que ce délai a été interrompu par la lettre recommandée en date du 4 juillet 2002 avec accusé de réception signé le 5 juillet 2002 par laquelle la L. D. A. S, mandatée par M. X..., a communiqué à la société Picardieexpert, un état descriptif et estimatif des dommages ;

Attendu que par un acte sous seing privé en date du 3 octobre 2000, dénommé par les parties « contrat d'entreprise, contrat d'expertise pour mission d'expertise amiable », M. X... a : « (...) désigné comme expert et a confié (à D. A. S Expertises) la mission d'expertise amiable, conformément au contrat d'assurances souscrit auprès de la compagnie, (...) afin de procéder en nos lieux et place aux opérations d'expertise amiable, (...) il est formellement convenu qu'aucune transaction ne peut intervenir directement entre l'assuré et sa compagnie, cette dernière devant traiter ce sinistre avec la D. A. S. Le présent document a donc valeur de nomination d'expert et de cession de créance sur indemnité. (...) » ;

Qu'il résulte de ces termes que la mission de la L. D. A. S ne se limitait pas à l'évaluation du montant des préjudices subis par M. X... et à la transmission de celle-ci auprès des Mutuelles du Mans mais prévoyait en outre l'intervention de la L. D. A. S, aux lieu et place de M. X..., dans les opérations de transaction avec les Mutuelles du Mans ;

Attendu que la L. D. A. S était donc valablement mandatée pour envoyer la lettre recommandée avec accusé de réception concernant le règlement de l'indemnité prévue par l'article L114-2 du code des assurances à l'assureur ou à son mandataire, étant observé que la lettre du 4 juillet 2002 ne réclame pas le paiement d'une indemnité mais transmet un état descriptif et estimatif des dommages et que ce n'est que par une lettre en date du 8 août 2002 que la L. D. A. S a sollicité auprès du cabinet Picardieexpert le paiement d'une provision de 25. 000 € ;

Mais attendu qu'il est précisé dans les conditions générales du contrat d'assurance habitation de M. X..., page 19, que l'évaluation des dommages est déterminée entre l'assuré et la société d'assurance, que si l'importance des dommages le nécessite, la société désigne un expert pour procéder à l'évaluation avec l'assuré, l'assuré pouvant choisir son propre expert et si ces deux experts ne sont pas d'accord, ils feront appel à un troisième expert et tous trois feront l'estimation en commun et à la majorité des voix ;

Qu'il résulte de ces termes que l'expert désigné par les Mutuelles du Mans est mandaté seulement pour procéder à une évaluation du dommage ;

Attendu que les limites de ce mandat sont confirmées par la lettre en date du 22 août 2000 adressée par le cabinet Picardieexpert à M. X... dans les termes suivants : « (...) nous sommes chargés en notre qualité d'expert mandaté par la compagnie les Mutuelles du Mans, votre assureur, de procéder à l'examen d'un sinistre incendie survenu le 6 juillet 2000 (...) » ;

Que la L. D. A. S, en sa qualité de professionnel en matière d'assurances et à qui il appartenait de prendre connaissance des termes du contrat d'assurance souscrit par M. X..., ne pouvait se méprendre sur l'étendue de la mission de le cabinet Picardieexpert ;

Qu'en conséquence tant la lettre en date du 4 juillet 2002 que celle en date du 8 août 2002, adressées par la L. D. A. S au cabinet Picardieexpert n'ont donc pas interrompu le délai de prescription qui expirait le 22 août 2002 ; étant observé que même si on considérait qu'elles ont interrompu le délai de prescription et fait courir un nouveau délai de deux ans à compter du 4 juillet 2002 ou du 8 août 2002, et que la désignation en qualité d'experts de le cabinet Picardieexpert par les Mutuelles du Mans et de la L. D. A. S par M. X..., par acte sous seing privé en date du 24 octobre 2002, a interrompu ce nouveau délai, aucun acte interruptif de ce nouveau délai n'est intervenu avant le 24 octobre 2004 ;

Qu'il y a lieu de déclarer l'action de M. X... à l'encontre des Mutuelles du Mans prescrite ;

Attendu que M. X... soutient que l'inertie prolongée des Mutuelles du Mans et leur attitude constituent des man œ uvres frauduleuses la privant du droit de se prévaloir de cette prescription ou à défaut une faute lourde lui ayant causé un préjudice ;

Attendu que de même la L. D. A. S soutient que les Mutuelles du Mans ont eu une attitude dilatoire en freinant la procédure d'indemnisation ;

Or attendu qu'il résulte des échanges de correspondances que le cabinet Picardieexpert a sollicité à plusieurs reprises la L. D. A. S pour obtenir des devis ; que la L. D. A. S a, à son tour écrit à plusieurs reprises à M. X... en 2001 pour convenir d'un rendez-vous et a sollicité des devis auprès d'artisans ; que toutefois entre le 27 avril 2001 et le 10 janvier 2002 la L. D. A. S ne justifie d'aucune relance à l'égard de M. X... ; que la L. D. A. S a adressé au cabinet Picardieexpert un état descriptif et estimatif des dommages que par lettre en date du 4 juillet 2002 et une demande de rendez-vous et de provision que par lettre en date du 8 août 2002 ;

Que compte tenu de cette chronologie, une inertie ou une attitude constitutive de manoeuvres frauduleuses ou d'une faute de la part des Mutuelles du Mans ne sont pas établies au 8 août 2002 ;

Attendu que le 16 septembre 2002 le cabinet Picardieexpert a informé la L. D. A. S qu'un rendez-vous aurait lieu le 24 octobre 2002 ;

Attendu que M. X... produit une lettre en date du 23 juillet 2003, par laquelle il déclare accepter la proposition d'indemnisation sous certaines conditions et demande le paiement d'un acompte de 70 % ; que la L. D. A. S produit une lettre en date du 21 août 2003 adressée au cabinet Picardieexpert, lui transmettant cette lettre ; que toutefois l'envoi de ces deux lettres et leur transmission aux Mutuelles du Mans n'étant pas justifiés elles ne sont pas susceptibles de caractériser une manoeuvre ou une faute de la part des Mutuelles du Mans ;

Attendu que dans sa lettre en date du 4 novembre 2003 les Mutuelles du Mans reconnaissent avoir reçu une lettre de la L. D. A. S en date du 2 octobre 2003 ;

Attendu que le silence des Mutuelles du Mans pendant cette deuxième période ne peut à lui seul constituer une manoeuvre ou une faute de sa part ; qu'il n'est donc pas établi que les Mutuelles du Mans ont délibérément freiné la procédure d'indemnisation des dommages subis par M. X... ;

Que la L. D. A. S, en sa qualité de professionnel des litiges en matière d'assurances, ne pouvait pas ignorer le délai de prescription biennale prévue par les articles L 114-1 et L114-2 du code des assurances ;

Que la preuve de manoeuvres frauduleuses ou d'une faute des Mutuelles du Mans n'étant pas rapportée M. X... doit être débouté de toutes ses demandes à l'égard de celles-ci ;

Attendu que M. X... reproche à la L. D. A. S de ne pas avoir respecté son obligation de conseil en ne l'informant pas des conséquences d'une indemnisation non intervenue dans le délai de deux ans et précise que les échanges de correspondances avec le cabinet Picardieexpert lui ont laissé penser qu'il n'y avait aucune difficulté dans la gestion de l'indemnisation de son sinistre ;

Que la L. D. A. S réplique qu'elle n'a pas manqué à ses devoirs de diligence et de conseil à l'égard de M. X... et que ce dernier, ne possédant qu'un téléphone mobile au fonctionnement très aléatoire et résidant dans une caravane, était difficile à contacter et qu'il a été même injoignable du mois de novembre 2000 à janvier 2002 ;

Or attendu que comme il a été exposé plus haut, il résulte des termes du contrat signé par M. X... et la L. D. A. S le 3 octobre 2000 que la mission de la L. D. A. S ne se limitait pas à l'évaluation du montant des préjudices subis par M. X... et à la transmission de celle-ci auprès des Mutuelles du Mans mais prévoyait en outre l'intervention de la L. D. A. S, aux lieu et place de M. X..., dans les opérations de transaction avec les Mutuelles du Mans ;

Que la L. D. A. S en sa qualité de professionnel des litiges en matière d'assurances, ne pouvait pas ignorer le délai de prescription biennale et les conditions de son interruption ;

Que toutefois il ne justifie pas avoir attiré l'attention de M. X... sur ce délai ; qu'ainsi par lettre en date du 27 avril 2001 la L. D. A. S a simplement écrit à M. X... : « (...) vous voudrez bien nous recontacter pour convenir d'un rendez-vous (...) et ce avant que l'expert classe momentanément le dossier. (...) » et par lettre en date du 10 janvier 2002 : » (...) nous craignons que l'expert de la compagnie finisse par classer son dossier sans suite. (...) » ;

Que ces termes ne font pas allusion à une éventuelle prescription légale de l'action en paiement et ne constituent donc pas une information ou même une interpellation suffisante de M. X... qui avait mandaté la L. D. A. S depuis le 3 octobre 2000 pour toute transaction avec les Mutuelles du Mans ;

Qu'en outre la L. D. A. S ne justifie pas avoir adressé par la suite à M. X... d'autres lettres lui rappelant les règles de la prescription biennale ; que la L. D. A. S a donc manqué à son devoir de conseil à l'égard de M. X... ;

Attendu que comme il a été exposé plus haut, la L. D. A. S, en sa qualité de professionnel en matière d'assurances ne pouvait se méprendre sur l'étendue de la mission de le cabinet Picardieexpert ;

Qu'en n'adressant pas aux Mutuelles du Mans, avant l'expiration du délai de prescription biennale, une lettre recommandée avec accusé de réception à l'assureur, conformément à l'article L 114-2 du code des assurances, la L. D. A. S a manqué à son devoir de diligence, étant observé que les difficultés alléguées par la L. D. A. S ne sont pas opposables à M. X... et qu'il lui appartenait d'adresser à ce dernier une lettre recommandée avec accusé de réception pour dégager éventuellement sa responsabilité ;

Que ce défaut de conseil et ce défaut de diligence sont constitutifs d'une faute qui a occasionné à M. X... un préjudice correspondant au montant de l'indemnisation qu'il était en droit de percevoir des Mutuelles du Mans ; que la L. D. A. S doit donc être déclarée responsable et tenue de réparer ce préjudice ;

Attendu qu'en raison de la nature du litige et des réserves formées par M. X..., il y a lieu d'ordonner une mesure d'expertise et de confirmer le jugement sur ce point et les modalités de l'expertise ;

Attendu qu'en l'état M. X... ne forme pas de demande de provision à l'encontre de la L. D. A. S ;

Attendu que les Mutuelles du Mans et la L. D. A. S doivent être déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre M. X... ;

Que la L. D. A. S doit être condamnée à payer à M. X... la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. X... à l'égard des Mutuelles du Mans et condamné les Mutuelles du Mans à payer à M. X... la somme de 10. 000 € à titre de provision,

Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Déclare irrecevables les demandes de M. X... à l'égard des Mutuelles du Mans et l'en déboute,

Dit que la L. D. A. S a commis une faute à l'égard de M. X... et doit être tenue de réparer le préjudice qui en résulte et qui sera fixé après l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal,

Précise que les parties saisiront le tribunal de grande instance de Beauvais après cette expertise,

Déboute les Mutuelles du Mans et la L. D. A. S de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la L. D. A. S à payer à M. X... la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0234
Numéro d'arrêt : 06/04430
Date de la décision : 26/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Beauvais, 30 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-06-26;06.04430 ?
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