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05/06/2008 | FRANCE | N°04/02775

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0339, 05 juin 2008, 04/02775


ARRET
No

LA SMABTP
SA SOCOTEC

C /

X...

SA BRICORAMA
SA BRICORAMA FRANCE

LA MAISON DU XIIIEME

Y...

L'UCB LOCABAIL IMMOBILIER

Cie d'assurances AXA COURTAGE

SA LLOYD'S FRANCE

S. A. R. L. CAMUS ET ASSOCIES (BUREAU D'ETUDES CAMUS)

Société GEOTEC

Société SMABTP

DAM. / BG.

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ère chambre- 1ère section

ARRET DU 05 JUIN 2008

RG : 04 / 02775, RG : 04 / 3462 et RG 05 / 1002, affaires jointes par ordonnances de jonction du conseiller

de la mise en état du 13 septembre 2004 et 6 avril 2005

APPEL D'UN JUGEMENT DU 08 avril 2004 ET D'UN JUGEMENT RECTIFICATIF DU 24 juin 2004 DU TRIBUNAL DE GRANDE I...

ARRET
No

LA SMABTP
SA SOCOTEC

C /

X...

SA BRICORAMA
SA BRICORAMA FRANCE

LA MAISON DU XIIIEME

Y...

L'UCB LOCABAIL IMMOBILIER

Cie d'assurances AXA COURTAGE

SA LLOYD'S FRANCE

S. A. R. L. CAMUS ET ASSOCIES (BUREAU D'ETUDES CAMUS)

Société GEOTEC

Société SMABTP

DAM. / BG.

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ère chambre- 1ère section

ARRET DU 05 JUIN 2008

RG : 04 / 02775, RG : 04 / 3462 et RG 05 / 1002, affaires jointes par ordonnances de jonction du conseiller de la mise en état du 13 septembre 2004 et 6 avril 2005

APPEL D'UN JUGEMENT DU 08 avril 2004 ET D'UN JUGEMENT RECTIFICATIF DU 24 juin 2004 DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SOISSONS

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

LA SMABTP
114 Avenue Emile Zola
75015 PARIS

SA SOCOTEC
10 rue Hilaire
51100 REIMS

Représentées par la SCP MILLON-PLATEAU, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me AMIEL du barreau de PARIS

ET :

INTIMES

Maître Michel X..., " pris es-qualités de liquidateur judiciaire de la Société FERRARI "
...
02000 LAON

Assigné à domicile à la requête de la SMABTP et de la Société SOCOTEC le 5 janvier 2005

Non comparant

SA BRICORAMA
39 / 43 rue de Paris
93000 BOBIGNY

SA BRICORAMA FRANCE
39 / 43 rue de Paris
93000 BOBIGNY

Représentées par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY, avoués à la Cour et plaidant par Me DELOUCHE-MILLET, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

SA LA MAISON DU XIIIEME
154 Boulevard Vincent Auriol
75013 PARIS

Représentée par la SCP SELOSSE-BOUVET ET ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Me CHARDON, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Jean-Claude Y..., exerçant sous le sigle ATEBAT
...
51000 FAGNIERES

Appelant sur les appels 1801 du 28 juillet 2004 et 479 du 23 février 2005

Représenté par Me Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me BAI, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE UCB LOCABAIL IMMOBILIER SA
25 Avenue Kléber
75116 PARIS

Cie d'assurances AXA FRANCE IARD
26 rue Louis Legrand
75119 PARIS CEDEX 02

Représentées par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Me CADIX substituant Me CHETIVAUX, avocats au barreau de PARIS

SOUSCRIPTEURS DES LLOYD'S FRANCE SAS
4 Rue des Petits Pères
75000 PARIS

Appelants sur les appels 1801 du 28 juillet 2004 et 479 du 23 février 2005

Représentés par Me Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me BAI, avocat au barreau de PARIS

S. A. R. L. CAMUS ET ASSOCIES (BUREAU D'ETUDES CAMUS)
02260 SEPTMONTS

Représentée par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Me BACHY, avocat au barreau de SOISSONS

Société GEOTEC
9 Boulevard de l'Europe
21800 QUETIGNY LES DIJON

Représentée par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Me Marc E. HALFON, avocat au barreau de PARIS et Me SMYTH substituant la SCP MONTIGNY DOYEN, avocats au barreau d'AMIENS

SOCIETE SMABTP assureur bureau d'études CAMUS
114 rue Emile Zola
75739 PARIS CEDEX 15

Représentée par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Me BACHY, avocat au barreau de SOISSONS

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Avril 2008, devant :

M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport,
Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Juin 2008.

GREFFIER : M. DELANNOY

PRONONCE PUBLIQUEMENT :

Le 05 Juin 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

*
* *

DECISION :

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de crédit-bail en date du 8 décembre 1982, la société Locabail Immobilier a autorisé la société Chevreu à faire édifier pour son compte un immeuble à usage de commerce et de bureaux à Soissons,....

Sont notamment intervenus à l'acte de construire :

- en qualité de maître d'oeuvre, Monsieur Y..., assuré auprès de la société Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres ;

- en qualité de contrôleur technique, la société Socotec, assurée auprès de la S. M. A. B. T. P. ;

- pour l'exécution du gros oeuvre, comprenant le dallage du bâtiment, la société Ferrari qui, depuis lors, a été placée en liquidation judiciaire ;

- en qualité de sous-traitant de Ferrari pour les études de béton armé, le bureau d'études techniques Atebat, aux droits duquel est venue la S. A. R. L. Camus et associés, assurée auprès de la S. M. A. B. T. P. ;

- et, pour les études de sols, la société Géotec.

La société Locabail Immobilier a par ailleurs souscrit une police d'assurance dommages-ouvrage, à hauteur de 50 % avec le Gan et de 50 % avec l'U. A. P., aux droits de laquelle se trouve à présent la compagnie Axa France Iard.

L'ouvrage a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 4 mai 1983.

Avec l'accord du crédit-bailleur, la société Chevreu a, par acte du 2r avril 1983, à effet du 1er, sous-loué les locaux à une société Alma Pictoral, dont les actifs ont été cédés le 1er octobre 1990, dans le cadre d'une procédure collective, à la S. A. Batco, devenue S. A. Batkor, et aux droits de laquelle est venue Bricorama S. A. par suite d'une fusion-absorption approuvée par une assemblée générale du 24 décembre 1992, puis la société Bricorama France, dans le cadre d'un apport partiel d'actif à effet du 1er janvier 1998.

Entre temps, la société Chevreu a, par acte du 28 avril 1992, cédé le contrat de crédit-bail à la société Sophimer qui, aux termes d'un traité de fusion du 25 avril suivant, a été absorbée par la société Maison du XIIIème, laquelle est devenue, à compter du 9 octobre 1998, propriétaire par levée de l'option.

Le 30 janvier 1986, la société Locabail Immobilier a souscrit, dans le cadre de l'assurance dommages-ouvrage, une déclaration de sinistre, motivée par un affaissement du sol occasionnant des désordres à la structure du bâtiment.

Ces désordres ont motivé l'organisation par le juge des référés du tribunal de grande instance de Soissons de deux expertises, confiées l'une et l'autre à Monsieur A..., qui a déposé un premier rapport le 14 juin 1988 et un second le 31 janvier 1992.

Par exploit du 21 mai suivant, la société Batkor a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Soissons Locabail Immobilier et l'assureur dommages-ouvrage, afin de voir réparer les désordres et leurs conséquences.

Sur ce, les défenderesses ont appelé en garantie la société Camus et Associés, la S. M. A. B. T. P., les Lloyd's de Londres, Monsieur Y..., la Socotec, Maître X... en qualité d'assureur de Ferrari.

A son tour, la société Camus et Associés a appelé en garantie la société Geotec.

Enfin, la société Maison du Treizième ayant entre temps levé l'option prévue au contrat de crédit-bail, elle a été assignée à la requête d'U. C. B. Locabail Immobilier afin de lui voir déclarer commun le jugement à intervenir.

Par jugement du 8 avril 2004, rectifié le 24 juin suivant, et assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal a :

- rejeté les exceptions tirées de l'absence de qualité ou d'intérêt à agir des sociétés Bricorama France, Bricorama S. A. et Maison du Treizième ;

- mis hors de cause Locabail Immobilier ;

- rejeté les exceptions tirées des forclusions biennale et décennale ;

- constaté l'extinction de toutes créances à l'encontre de la société Ferrari, mis hors de cause Maître X..., ès qualité, et rejeté, en conséquence, toutes les demandes présentées à son encontre ;

- dit que Monsieur Y... et la Socotec étaient tenus de garantir l'intégralité des désordres ;

- dit que les sociétés Geotec et Camus et Associés étaient tenues de réparer l'intégralité du préjudice né de ces désordres, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- condamné in solidum Monsieur Y..., la Socotec, Geotec et Camus et associés à garantir l'intégralité des désordres ;

- dit que la charge finale de l'indemnisation serait supportée à hauteur de 40 % par Monsieur Y... ; de 40 % par Socotec ; de 10 % par Geotec ; et de 10 % par Camus et Associés ;

- condamné la Lloyd's de Londres à garantir Monsieur Y... des condamnations prononcées à son encontre, dans les limites du contrat ;

- condamné, sous la même réserve, la S. M. A. B. T. P. à garantir la société Camus et Associés ;

- condamné, sous la même réserve, la S. M. A. B. T. P. à garantir la Socotec des condamnations prononcées à son encontre ;

- condamné Axa France Iard à verser à la Maison du Treizième, au titre des préjudices matériels, la somme de 917 379 euros, sauf à déduire les 22. 867, 35 euros déjà versés à titre provisionnel ;

- dit que les indemnités déjà versées par Axa France Iard à hauteur de 43 329, 75 euros s'ajoutent au préjudice matériel subi, et ne peuvent être déduites du paiement de l'indemnité de 917 379 euros, sous réserve du plafond inscrit dans la police ;

- condamné Monsieur Y..., la Socotec, Geotec, Camus et associés, pris in solidum, et leurs assureurs respectifs, à payer à la Maison du Treizième la somme de 917 379 euros, outre indexation, sauf à déduire la provision de 22 867, 35 euros précitée et les paiements effectués par Axa France Iard au profit du propriétaire ;

- condamné La Maison du Treizième à assurer à Bricorama France une jouissance paisible des lieux en procédant à la remise en état de la totalité du sol de l'immeuble, selon les prescriptions de Monsieur A... et moyennant un coût de 917 379 euros ;

- dit que cette somme serait réactualisée à la date de réalisation effective des travaux, en fonction de l'évolution de l'index national du bâtiment tous corps d'état (BT 01, base 100 en janvier 1974) entre le mois d'octobre 1991, date d'établissement des devis, et le jour de l'établissement du devis des travaux à venir, sans pouvoir excéder le plafond fixé par la police d'assurance liant les parties ;

- condamné in solidum Monsieur Y..., son assureur, les sociétés Maison du Treizième, Geotec, Socotec, Camus et Associés, ainsi que la S. M. A. B. T. P., en sa qualité d'assureur des deux précédentes, à verser à Bricorama France 50 000 euros au titre du préjudice de notoriété ;

- débouté Bricorama France de sa demande tendant à voir Monsieur Y..., les sociétés Socotec, Geotec, Camus et Associés, ainsi que leurs assureurs respectifs, condamnés in solidum à lui verser la somme de 917 379 euros, outre indexation, représentant le coût de réparation du dallage ;

- débouté Bricorama France et Bricorama S. A. de leurs demandes contre Axa France Iard et Locabail Immobilier ;

- condamné in solidum Monsieur Y..., les sociétés Geotec, Socotec, Camus et Associés, ainsi que leurs assureurs respectifs, à garantir Axa France Iard au titre des indemnités mises à sa charge ;

- débouté Locabail Immobilier de toutes ses demandes ;

- débouté Axa France Iard de ses demandes à l'encontre de La Maison du Treizième et des sociétés Bricorama ;

- débouté Socotec de ses demandes contre Axa France Iard, Locabail Immobilier, et la société Ferrari, représentée par Maître X... ;

- constaté que la société Cochery n'était pas dans la cause et, en conséquence, débouté la Socotec des prétentions qu'elle avait dirigées contre elle ;

- débouté les sociétés Geotec et Camus et Associés de leurs demandes à l'encontre d'Axa France Iard ;

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par les mêmes jugements, le Tribunal, statuant avant dire droit, a :

- sursis à statuer sur le préjudice économique et financier et le préjudice d'exploitation occasionnés à Bricorama France par les travaux de remise en état ;

- sursis à statuer sur le préjudice d'exploitation subi par Bricorama France et ses ayants cause depuis l'origine du sinistre ;

- condamné in solidum Monsieur Y..., la Socotec, Camus et Associés, leurs assureurs respectifs, La Maison du Treizième et Geotec à verser à Bricorama France, dans les mêmes conditions de partage et sous les mêmes garanties que précédemment, une provision de 450 000 euros à valoir sur le préjudice immatériel subi à raison des travaux de remise en état, et une autre de 22 000 euros à valoir sur le préjudice d'exploitation subi depuis l'origine des désordres ;

- dit qu'en ce qui concerne ce dernier chef de préjudice, La Maison du Treizième ne pourrait se voir réclamer d'indemnité pour la période antérieure au 9 octobre 1998 ;

- dit que le préjudice serait liquidé, à l'issue des travaux de remise en état et sauf meilleur accord, à la demande de la partie la plus diligente, laquelle devrait à nouveau saisir le Tribunal aux fins de désignation d'un expert, pour évaluer définitivement le préjudice d'exploitation.

Suivant déclarations reçues au greffe de la Cour les 24 mai et 28 juillet 2004, la Socotec et son assureur d'une part, Monsieur Y... et son assureur d'autre part, ont interjeté appel de ce jugement.

Monsieur Y... et son assureur ont en outre interjeté appel du jugement rectificatif, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 février 2005.

Les deux instances ont été jointes.

La Socotec et son assureur demandent à la juridiction de céans d'infirmer le jugement rectifié en toutes ses dispositions leur faisant grief, et de les mettre hors de cause.

La Socotec et son assureur contestent la qualité à agir des sociétés Bricorama et U. C. B. Locabail, en faisant valoir qu'elles ne justifient pas de la transmission à leur profit des droits nés du contrat de crédit-bail ou du contrat de sous-location, selon le cas, et que toute façon, locataires et sous-locataires n'ont pas d'action contre les locateurs d'ouvrage, mais seulement contre leur bailleur. Ils ajoutent qu'U. C. B. Locabail Immobilier n'en a pas davantage, puisqu'elle n'est plus crédit-bailleresse, ni propriétaire ; qu'Axa ne pouvait agir qu'après avoir été subrogée dans les droits de son assurée, autrement dit, après règlement du coût des désordres ; et qu'en vertu de l'article 15 du contrat de crédit-bail, La Maison du Treizième est privée de tout recours contre U. C. B. Locabail Immobilier, ce qui lui interdit de rechercher la responsabilité des locateurs d'ouvrage.

La société Socotec et son assureur opposent en outre, aux prétentions des sociétés Bricorama, U. C. B. Locabail Immobilier, Axa et Maison du Treizième, la prescription décennale en expliquant que les assignations en référé-expertise délivrées à la requête de l'U. A. P. comme d'Alma Pictoral n'en ont pas valablement interrompu le cours, dans la mesure où, d'une part, l'assureur dommages-ouvrage ne justifie pas avoir été subrogé dans les droits du maître d'ouvrage et où, d'autre part, le sous-locataire n'avait pas qualité pour agir.

Ils ajoutent que l'assignation au fond délivrée à la requête de la société Batkor le 21 mai 1992 n'a pas non plus d'effet interruptif, dès lors que le cessionnaire de droits locatifs n'a aucune action contre les constructeurs, et que la délégation que lui aurait donnée La Maison du Treizième contrevient à l'adage selon lequel nul ne plaide par procureur.

Les appelantes contestent, en outre, toute responsabilité de la Socotec, en rappelant qu'elle a suggéré au maître d'ouvrage la réalisation d'une étude de sols, dont il n'a pas tenu compte, que l'expert judiciaire ne la met pas en cause et que la présomption de responsabilité posée par l'article 1792 du Code civil ne pèse sur le contrôleur technique, qui n'a aucun rôle de direction, de conception ou de surveillance, que dans les limites de sa mission.

Pour le cas où cette responsabilité du contrôleur technique serait tout de même retenue en l'espèce, la Socotec et la S. M. A. B. T. P. demandent à la Cour de dire n'y avoir lieu à sa condamnation in solidum avec les autres locateurs d'ouvrage, et de dire qu'elles ne pourront être tenues à indemnisation que dans les limites du premier rapport d'expertise.

" En toute hypothèse ", la société Socotec et la S. M. A. B. T. P. demandent que la société Axa, Locabail, M. Y..., Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres, les sociétés Ferrari, Cochery, qui n'est pourtant pas dans la cause, Géotec et Camus et associés, ainsi que l'assureur de cette dernière, qui n'est autre que la S. M. A. B. T. P., soient condamnés in solidum à les garantir, à verser à chacune d'elles 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à leur restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire.

Monsieur Y... et Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres concluent eux aussi, à titre principal, au rejet de toutes les demandes présentées à leur encontre et demandent également le remboursement des sommes qu'ils ont dû verser dans le cadre de l'exécution provisoire. Accessoirement, ils sollicitent contre tous succombants une indemnité de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A la Maison du Treizième, Monsieur Y... et Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres opposent la prescription décennale, en faisant valoir qu'elle ne justifie pas être subrogée dans les actions diligentées par le précédent propriétaire, et n'a présenté ses premières réclamations chiffrées qu'en février 2002.

En outre, ils contestent la qualité à agir de la société Bricorama France, au motif qu'elle ne justifierait pas être subrogée dans les droits et actions de la société Bricorama S. A., et que seul le propriétaire peut prétendre obtenir réparation du coût des travaux de réfection du dallage.

Ils soutiennent que la société U. C. B. Locabail Immobilier n'a, pour sa part, plus d'intérêt à agir, puisqu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble.

Rappelant enfin que la recevabilité du recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage est subordonné à l'indemnisation intégrale du sinistre avant l'expiration de la garantie décennale, ils font valoir qu'Axa Courtage n'en rapporte pas la preuve, et doit donc être déclaré irrecevable en ses demandes.

A titre subsidiaire, Monsieur Y... et son assureur concluent au rejet de la demande d'expertise complémentaire, en faisant valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle et que l'aggravation alléguée est imputable à La Maison du Treizième, qui n'a pas fait exécuter les travaux alors que les condamnations allouées en première instance ont été réglées dès le mois d'août 2004.

Ils demandent également à la Cour de réduire la part de responsabilité mise à la charge du maître d'oeuvre et, en tant que de besoin, de condamner in solidum les sociétés Géotec, Camus et associés et Socotec, ainsi que leurs assureurs, à les garantir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des condamnations prononcées contre eux.

Quant au préjudice, ils demandent que le montant des travaux de réfection soit limité à la somme de 274 408 euros hors taxe, conformément à la proposition formulée par Monsieur A... dans son deuxième rapport, et de débouter les sociétés Bricorama de leurs demandes au titre de pertes d'exploitation et d'un préjudice de notoriété.

Au soutien de ces prétentions, Monsieur Y... et son assureur exposent que les désordres ne sont pas imputables à des fautes du maître d'oeuvre, au demeurant non caractérisées par le premier juge, mais à une mauvaise qualité du sous-sol, et aux carences du contrôleur technique, du géologue et de l'ingénieur béton armé ; que les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire sur une surface de 1 000 m ² sont suffisants pour rattraper les différences de niveaux, et qu'il n'y a donc pas à prévoir une réfection de la totalité du sol ; qu'il n'y a pas lieu non plus de majorer les travaux de reprise de la taxe sur la valeur ajoutée, dans la mesure où les demanderesses ont vocation à la récupérer ; que la société Bricorama France est irrecevable à invoquer un préjudice d'exploitation occasionné par les travaux de reprise, alors qu'elle a pris possession des lieux bien après la déclaration de sinistre, et en pleine connaissance de cause ; que le Tribunal n'était d'ailleurs pas fondé à allouer une provision à ce titre puisque les travaux de réfection n'ont jamais été entrepris ; et qu'il n'est pas justifié d'un lien entre la baisse prétendue du chiffre d'affaires et les désordres, ni d'un préjudice de notoriété.

Excipant d'une aggravation, constatée en juin et juillet 2006, des désordres affectant le dallage et la charpente, La Maison du Treizième demande pour sa part à la Cour d'ordonner une expertise complémentaire, en donnant notamment mission à l'expert de dire si les travaux de reprise préconisés par Monsieur A... sont toujours adaptés, techniquement et en termes de coûts.

En tous cas, elle forme appel incident et demande à la juridiction de céans :

- de condamner Axa France à lui payer 1 982 000 euros au titre du remplacement de 3 050 m ² de dallage ou, subsidiairement, de demander à l'expert judiciaire de chiffrer le coût de ces travaux, et 70 000 euros au titre des dommages immatériels et de condamner solidairement la société Camus et associés, M. Y..., les sociétés Géotec, Socotec, la S. M. A. B. T. P. et Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres à lui payer tout ou partie de ces sommes, dans la mesure où elles ne seraient pas prises en charge par l'assureur dommages-ouvrage.

Accessoirement, elle demande que toutes ces parties soient condamnées " conjointement et solidairement " à lui verser 50 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

A la prescription décennale opposée par Monsieur Y... et son assureur, La Maison du Treizième réplique qu'il lui était impossible d'intervenir dans la cause avant le 13 février ou le 9 octobre 1998, puisque le contrat de crédit-bail ne lui a été cédé par la société Chevreu que le 28 septembre 1990 ; et qu'elle bénéficie de l'interruption de prescription réalisée le 19 mars 1987 par le propriétaire initial, la société Locabail Immobilier, qui a sollicité la désignation d'un expert judiciaire ; et que les dommages apparus postérieurement à la déclaration de sinistre ne sont pas davantage prescrits, puisqu'ils procèdent du même vice.

Aux moyens tirés d'un défaut de qualité et d'intérêt à agir, elle objecte que le bénéfice de la police dommages-ouvrage se transmet aux propriétaires successifs de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, l'U. A. P. a écrit à la société Chevreu, le 3 juillet 1986, que ses garanties lui étaient acquises ; qu'elle l'a confirmé dans une lettre qu'elle a adressée le 13 juin 1989 au courtier de la société Locabail Immobilier.

Quant aux responsabilités des différents locateurs d'ouvrage, elle expose, en s'appuyant sur les rapports d'expertise judiciaire, que la société Camus et associés a engagé sa responsabilité en ne prévoyant pas, dans son étude, une désolidarisation de la structure et du dallage par la mise en place de joints de rupture, et en n'alertant pas le maître d'ouvrage des risques encourus de ce fait ; Monsieur Y..., en choisissant pour la charpente des poteaux inadaptés ; Geotec, en ne faisant aucune mise en garde sur les précautions usuelles de réalisation des joints, en n'évaluant pas l'importance et les conséquences des tassements prévisibles, et en n'alertant pas le maître d'ouvrage des risques encourus ; et enfin, Socotec, en ne procédant pas à une reconnaissance des sols, et en s'abstenant d'avertir le maître d'ouvrage sur les risques de tassement et l'inadéquation des poteaux obliques.

Elle s'en rapporte à justice sur les réclamations présentées par les sociétés Bricorama au titre d'un préjudice immatériel.

Les sociétés Bricorama France et Bricorama S. A. s'accordent avec La Maison du Treizième pour solliciter une expertise complémentaire tenant compte d'une aggravation des désordres, sauf à demander en outre à l'expert de chiffrer la perte de chiffre d'affaires hors taxe et de marge nette, et autres préjudices de Bricorama France.

En outre, formant elles aussi appel incident, elles demandent à la Cour de condamner solidairement toutes les autres parties, à l'exception de Maître X... ès qualité, à payer :

- à Bricorama France, la somme de 586 791 euros, sauf actualisation, en réparation des préjudices matériels et d'exploitation occasionnés par les travaux de reprise du dallage ; et celle de 728 802 euros au titre de la perte de résultat subie depuis le 1er janvier 1998 ;

- à Bricorama S. A., 1 336 137 euros au titre de la perte de résultat subie du mois de janvier 1986 jusqu'au 31 décembre 1997.

Subsidiairement, elles sollicitent une expertise sur les préjudices qu'elles allèguent.

Enfin, et en tous cas, elles demandent à la Cour de rejeter toutes prétentions dirigées à leur encontre et de condamner solidairement les mêmes parties que précédemment à leur verser 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux moyens tirés d'un défaut de qualité et d'intérêt à agir, elles objectent que le plan de cession de la société Alma Pictoral vise expressément la sous-location consentie à celle-ci par la société Chevreu. Elles ajoutent que l'article 15 du contrat de crédit-bail est opposable au crédit-preneur, mais pas au sous-locataire.

Au soutien de leur demande d'expertise complémentaire, elles excipent de procès-verbaux de constat établis par des huissiers de justice les 16 juin 2003 et 24 juillet 2006.

Quant aux responsabilités, elles font valoir que les désordres sont apparus en 1986, alors que les lieux appartenaient à la société Locabail Immobilier, qui a manqué à ses obligations envers un sous-locataire qu'elle avait agréé ; que la Maison du Treizième était pour sa part tenue d'une obligation de délivrance, ainsi que d'assurer à la société Bricorama une jouissance paisible des lieux, conformément à l'article 1719 du Code civil ; que le bureau d'études Camus et associés comme le maître d'oeuvre auraient dû prévoir une désolidarisation du dallage et de la structure, et n'ont pas alerté le maître d'ouvrage des risques encourus ; que la société Géotec n'a pas précisé au maître d'ouvrage les précautions à prendre pour la réalisation des joints, ni attiré son attention sur l'importance des tassements prévisibles et leurs conséquences ; et que la société Socotec n'a fait aucune reconnaissance de sols, ni n'a fait de remarques sur la conception de la dalle et les plans de la charpente, pourtant inadaptée.

Elles fondent leurs prétentions au titre du préjudice économique et commercial sur l'avis de Monsieur Z..., sapiteur que s'était adjoint Monsieur A..., sur une attestation de la société K. P. M. G., commissaire aux comptes, et rappellent, en ce qui concerne le préjudice de notoriété, que Bricorama commercialise du matériel de bricolage. La société Bricorama France demande toutefois que l'évaluation de Monsieur Z... soit revue à la hausse, dans la mesure où elle estime à trois mois la durée de fermeture du magasin nécessitée par une réfection partielle du dallage, alors qu'il convient de le refaire en totalité, et que ces travaux prendront deux mois supplémentaires.

Aux termes de conclusions communes, les sociétés Axa France Iard et U. C. B. Locabail Immobilier s'opposent à la demande d'expertise complémentaire présentée par les sociétés Bricorama et par la Maison du Treizième, qu'elles considèrent comme irrecevable et mal fondée.

Elles concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause U. C. B. Locabail Immobilier, déclaré les sociétés Bricorama irrecevables, faute de qualité à agir, en leurs demandes dirigées contre son assureur. Elles en demandent par contre la réformation en ce qu'il a reconnu à la Maison du Treizième la qualité d'assurée bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage.

Elles font valoir que la demande d'expertise complémentaire a été rejetée par le Conseiller de la mise en état, aux termes d'une ordonnance devenue définitive et revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'elle s'analyse en une demande nouvelle, au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, en ce qu'elle a été présentée pour la première fois en cause d'appel ; qu'elle n'a pas été précédée d'une déclaration de sinistre ; et qu'elle concerne des désordres survenus postérieurement à l'expiration des garanties dommages-ouvrage.

Elles exposent par ailleurs, en se fondant sur l'article A. 243-1 du Code des assurances, que le bénéficiaire de la police dommages-ouvrage est le propriétaire de l'ouvrage au jour de la survenance des dommages ; que tel n'est pas le cas de la Maison du Treizième, compte tenu de la date de la déclaration de sinistre ; qu'elle ne justifie d'aucun mandat de la part du crédit-bailleur ; et qu'elle ne peut donc avoir la qualité d'assurée en dépit des termes de l'article 7 du contrat de crédit-bail.

Quant à la qualité à agir des sociétés Bricorama, elles font valoir qu'il n'existait aucun lien contractuel entre les sociétés Batkor et Locabail Immobilier, et que le bail commercial conclu entre les sociétés Sophimer et Batkor le 7 janvier 1991 contient une clause de renonciation du sous-locataire à toute action à l'encontre de la société Locabail Immobilier.

Subsidiairement, Axa France Iard oppose à la Maison du Treizième la prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du Code des assurances, en contestant y avoir renoncé.

Plus subsidiairement, elle conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au-delà de l'évaluation des réparations du dommage survenu pendant la période légale d'application des garanties dommages-ouvrage.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la Cour de rejeter toutes prétentions supérieures à l'évaluation de l'expert judiciaire et aux plafonds de garantie.

En tous cas, s'agissant des sommes déjà réglées, et à titre subsidiaire, s'agissant de celles qui pourraient devoir l'être par ses soins, la société Axa France Iard demande de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à son recours subrogatoire, mais de l'élargir en condamnant in solidum, Monsieur Y..., Les Souscripteurs des sociétés Lloyd's de Londres, Geotec, Camus et associés, Socotec, la SM. A. B. T. P., la société Ferrari représentée par Maître X..., la Maison du Treizième et les sociétés Bricorama à la garantir de toutes sommes qu'elle a pu régler ou qu'elle pourrait devoir régler dans le cadre de ce litige.

Enfin, et en toute hypothèse, elle demande que les mêmes soient condamnés in solidum à lui verser 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Géotec demande pour sa part à la Cour, à titre principal, de réformer le jugement déféré en déclarant les sociétés Bricorama irrecevables en leurs demandes, faute de qualité et d'intérêt à agir, en constatant que l'action de la Maison du Treizième est prescrite au regard de l'article 2270 du Code civil, et en disant sans objet les appels en garantie de Locabail et d'Axa France Iard ou, à défaut, de dire cette dernière irrecevable en son appel en garantie.

Subsidiairement, elle conclut au débouté de toute demande présentée à son encontre, et demande que " Bricorama, Locabail et Axa ou tout autre succombant " soit condamné à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Excipant du rapport d'expertise judiciaire, elle soutient que les désordres ne sont pas imputables à sa prestation, ajoutant qu'elle ne pouvait préciser l'importance des tassements prévisibles, alors que le projet définitif ne lui a pas été soumis, et qu'elle n'a pas reçu de complément de mission pour ce faire, et qu'il ne lui appartenait pas, en tant que géologue, de donner des conseils sur la mise en oeuvre des joints.

Plus subsidiairement, Géotec demande à la juridiction de céans de rejeter la demande d'expertise complémentaire, de réduire la part de responsabilité mise à sa charge par le jugement, de limiter sa condamnation à 88 569, 98 euros ou, subsidiairement, à 274 408 euros, de condamner in solidum M. Y... et les sociétés Socotec, Camus et associés, et leurs assureurs à la garantir, de débouter les sociétés Bricorama de leurs prétentions indemnitaires, d'ordonner le remboursement des sommes qu'elle a payées à ce titre, de dire qu'Axa France devra supporter la charge définitive de l'aggravation des désordres et du préjudice immatériel invoqué par les sociétés Bricorama, de condamner l'assureur dommages-ouvrage ou, à défaut, les locateurs d'ouvrage précités et leurs assureurs, in solidum, à la garantir de toute condamnation au titre du préjudice immatériel, et de condamner tout succombant à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient en effet que l'aggravation des désordres est imputable à La Maison du Treizième, qui n'a pas fait exécuter les travaux de reprise pour lesquels elle a pourtant été indemnisée, ainsi qu'à Axa France Iard, qui n'en a pas assuré le préfinancement, et qui doit donc supporter le surcoût qui en résulte, sans recours ; qu'il n'y a pas lieu à reprise de la totalité du dallage, comme réclamé par le locataire, mais seulement aux reprises préconisées par l'expert judiciaire et acceptées par le maître d'ouvrage, qui a seul qualité pour obtenir la réparation du préjudice subi ; que le préjudice économique allégué par la société Bricorama est contestable dans la mesure où elle a pris possession des lieux à une époque où les désordres étaient déjà apparus ; que le préjudice d'exploitation allégué n'est pas justifié, et se fonde sur des éléments non contradictoires ; et que le préjudice de notoriété n'est pas justifié.

Formant également appel incident, la société Camus et associés et son assureur, la S. M. A. B. T. P., demandent pour leur part à la Cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions leur faisant grief, et de déclarer les sociétés Bricorama France, Axa et U. C. B. Locabail Immobilier irrecevables en leurs demandes.

Elles font valoir, en ce sens, que les sociétés Bricorama ne justifient ni de leur qualité, ni d'un intérêt à agir, que la société U. C. B. Locabail Immobilier n'est plus crédit-bailleur et ne peut donc plus agir contre les locateurs d'ouvrage, et que l'assureur dommages-ouvrage ne peut agir que dans la mesure où il est régulièrement subrogé dans les droits de son assuré, autrement dit après règlement du coût des désordres.

Subsidiairement, elles demandent à être mises hors de cause, en faisant valoir qu'elles n'ont commis aucune faute et que le dommage provient exclusivement de causes étrangères à Camus et associés.

Plus subsidiairement encore, elles demandent à la juridiction de céans d'écarter le principe d'une condamnation in solidum ; de dire qu'elles ne peuvent être tenues que dans la limite des sommes résultant du premier rapport d'expertise ; de laisser aux sociétés Axa et U. C. B. Locabail Immobilier et à La Maison du Treizième " une part importante de responsabilités " et le surenchérissement du coût des réparations ; de débouter " la société Bricorama " de sa demande au titre du préjudice immatériel ; de condamner les sociétés Géotec, Y..., les Lloyd's de Londres, Maître X..., ès qualités de liquidateur de la société Ferrari, et Axa de toutes condamnations prononcées à leur encontre ; de dire que la S. M. A. B. T. P. ne pourra être tenue au delà de ses obligations contractuelles envers la société Camus et associés ; et de déclarer La Maison du Treizième irrecevable, ou en tout cas mal fondée, en sa demande d'expertise.

En tout état de cause, la société Camus et associés et la S. M. A. B. T. P. demandent que tous succombants soient condamnés à leur verser 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles font valoir que Camus et associés intervenait comme sous-traitant de Ferrari et donc n'a aucun lien contractuel avec les sociétés Locabail Immobilier, Bricorama et Alma Pictoral, et n'est donc pas tenue de les garantir sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ; que les désordres ne sont pas imputables au dallage, mais à la mauvaise qualité du sous-sol ; qu'il n'entrait pas dans sa mission de concevoir le dallage sur terre-plain.

Elles soutiennent en outre qu'il n'y a ni solidarité légale, ni solidarité conventionnelle entre constructeurs, assureurs, ou encore constructeurs et assureurs ; et que la demande de complément d'expertise présentée par La Maison du Treizième est irrecevable en vertu de l'article 914, alinéa 2, du Code de procédure civile.

La Maison du Treizième et les sociétés Bricorama contestent la pertinence des divers moyens d'irrecevabilité tirées du défaut de qualité à agir, du défaut d'intérêt et des prescriptions du Code civil et du Code des assurances opposés par les autres parties.

En application de l'article 908 du Code de procédure civile, Maître X... a été, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la société Ferrari, assigné par exploits des 24 août et 18 septembre 2007, délivrés à domicile. Il n'a cependant pas constitué avoué.

DISCUSSION

Sur la qualité et l'intérêt à agir

1 / de la société U. C. B. Locabail Immobilier :

Les sociétés Socotec, Camus et associés, Monsieur Y... et leurs assureurs respectifs contestent la qualité et l'intérêt à agir de la société U. C. B. Locabail Immobilier au motif que celle-ci n'est plus propriétaire de l'immeuble. Or, la cession du bien ne fait pas perdre au maître d'ouvrage le droit d'exercer les actions en garantie prévues aux articles 1792 et suivants du Code civil, dès lors qu'elles présentent pour lui un intérêt direct et certain, et qu'il peut invoquer un préjudice personnel. Il en va de même pour le crédit-bailleur dont l'immeuble a été acquis par le crédit-preneur.

La société U. C. B. Locabail Immobilier, qui n'a pas pris l'initiative de la présente instance mais a été assignée par un sous-locataire, dont les ayants droit demandent sa condamnation au titre des préjudices matériels et immatériels occasionnés par les désordres, a évidemment un intérêt direct et certain à agir contre les locateurs d'ouvrage sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil : il n'y a donc pas lieu de la déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité.

2 / de la société Axa France Iard :

La qualité d'assureur dommages-ouvrage d'Axa France Iard n'est pas contestée, les locateurs d'ouvrage l'invoquant même pour soutenir qu'elle n'est pas recevable à agir tant qu'elle n'a pas pré-financé les travaux. Or, la société Axa France Iard n'a pas pris l'initiative de la présente instance, mais a été assignée à la requête d'un sous-locataire, qui demandait, comme ses ayants droit, qu'elle soit condamnée à indemniser les conséquences des désordres.

Cette compagnie a donc non seulement qualité pour agir, mais aussi un intérêt légitime à voir les sociétés Bricorama déboutées de leurs prétentions, et les locateurs d'ouvrage, condamnés à lui rembourser les indemnités qu'elle pourrait être condamnée à verser : il y a donc lieu d'écarter les fins de non-recevoir qui lui sont opposées, peu important, à ce stade, le bien-fondé de son recours subrogatoire.

3 / des sociétés Bricorama :

3. 1 : Sur la qualité à agir :

Le bail consenti par la société Chevreu à la société Alma Pictoral le 2 avril 1983, à effet du 1er des mêmes mois et an, n'a certes pas été versé aux débats. Mais il est de principe qu'à l'égard des tiers, la preuve du contrat est libre. En l'espèce, cette preuve résulte de l'acte de cession passé le 21 février 1991 entre Maître D..., administrateur judiciaire de la société Alma Pictoral, et la société Batco, en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Soissons le 28 septembre 1990. Il y est en effet mentionné que " par acte SSP en date du 2 avril 1983, la société Chevreu (...) a sous-loué pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er avril 1983, un ensemble immobilier situé à Soissons sur la zone d'activité commerciale..., cadastré ... d'une superficie totale de 1 ha 24 a 81 ca (...) à la société Alma Pictoral ". L'acte de cession rappelle également la désignation précise des lieux loués, et les principales obligations de ce bail.

Enfin, il emporte expressément cession du droit audit bail, conformément au jugement du 28 septembre 1990, précité, qui rappelle que l'offre de reprise faite par la société Batco, qu'il agrée, inclut " la totalité des éléments corporels et incorporels, et notamment (...) le droit au bail des locaux ainsi que le droit au renouvellement en ce qui concerne les locaux de Saint Quentin dont l'échéance est venue à expiration " : contrairement à ce qui est soutenu par l'une des parties, le Tribunal de commerce n'a pas entendu limiter cette cession au seul bail des locaux exploités à Saint-Quentin qui, de toute évidence, ne sont cités que parce que le candidat à la reprise entendait bénéficier du droit au renouvellement qui y était attaché.

Il est également démontré :

- par la production d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 9 octobre 1990 que la société Batco a changé de dénomination sociale pour prendre celle de " Batkor S. A. " ;

- par une publication dans un journal d'annonces légales, que la société Batkor a fait l'objet, le 24 décembre 1992, d'une fusion-absorption par la société BCV, laquelle a pris, le 1er janvier 1993, la dénomination sociale de " Bricorama " ;

- par des extraits des registres du commerce et des sociétés de Dax et de Roanne, un exemplaire du traité d'apport partiel d'actif, et un extrait de la revue d'annonces légales " Les affiches de la Loire ", que Bricorama S. A. a apporté à la société Bricorama France, anciennement dénommée " Tout Faire ", sa branche d'activité " magasins ", en ce compris le fonds de commerce et les baux commerciaux.

Cet apport partiel d'actif, qui n'est pas une fusion, laisse subsister Bricorama France et Bricorama S. A. en tant qu'entités juridiques distinctes.

En conséquence, ces deux sociétés ont bien qualité pour agir en tant que locataires de l'immeuble : l'une en qualité d'ancienne locataire, et l'autre, en qualité de locataire actuelle.

3. 2 : Sur l'intérêt à agir :

Il résulte des termes mêmes de l'article 1792 du Code civil que la garantie légale prévue par ce texte ne peut bénéficier qu'au maître de l'ouvrage, ou à l'acquéreur de ce dernier.

Les tiers au contrat de louage d'ouvrage ou à la vente, tels que les locataires, n'en ont pas moins la possibilité d'agir contre les locateurs d'ouvrage sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, ce qui implique la preuve d'une faute et d'un préjudice, et ne peut tendre qu'à l'indemnisation des conséquences des désordres, non à la réparation des désordres eux-mêmes, mais caractérise bien un intérêt à agir contre lesdits locateurs d'ouvrage. Les sociétés Bricorama ont d'ailleurs visé, dans leurs conclusions récapitulatives, les articles 1382 et suivants du Code civil.

Mais elles n'ont aucun intérêt à agir contre l'assureur dommages-ouvrage, puisqu'elles ne peuvent prétendre à l'indemnisation des travaux de reprise des désordres.

Elles sont également dépourvues d'intérêt à agir contre Locabail Immobilier, puisqu'aux termes du bail commercial conclu entre les sociétés Batkor et Sophimer le 7 janvier 1991, qu'elles versent elles-mêmes aux débats, la société Batkor, dont elles tiennent leurs droits, a expressément renoncé à toute action contre le crédit-bailleur.

4 / de la Maison du Treizième :

4. 1 : A l'égard des locateurs d'ouvrage

La société Socotec et son assureur soutiennent que l'article 15 du contrat de crédit-bail prive La Maison du Treizième de tout recours contre U. C. B. Locabail Immobilier et, partant, contre les locateurs d'ouvrage. Or, cet article 15 concerne seulement les rapports du crédit-bailleur et du crédit-preneur en cours de bail. Il ne saurait faire échec aux droits que le crédit-preneur, une fois devenu acquéreur par la levée de l'option, tient de l'article 1792 du Code civil, dont il convient de rappeler qu'il est d'ordre public.

Le moyen d'irrecevabilité opposé par Socotec et la S. M. A. B. T. P. à l'encontre de la Maison du Treizième est donc inopérant.

4. 2 : à l'égard de l'assureur dommage-ouvrage :

L'article 7 du contrat de crédit-bail énonce certes que " le bailleur souscrira en sa qualité de propriétaire et maître d'ouvrage, et ce, conformément aux stipulations de l'article 1792 du Code civil, une police d'assurance dommages à ouvrage, étant précisé que celle-ci bénéficiera également au locataire en sa qualité de mandataire partiel ". Mais cette clause n'est pas opposable à l'assureur des dommages à l'ouvrage qui n'est pas partie au contrat de crédit-bail.

De plus, ce même article précise, en son paragraphe 5, que " les indemnités versées par les assureurs au titre des assurances dommages reviendront au bailleur qui mandate le locataire pour l'exécution des formalités à l'égard des assureurs et pour reconstituer, pour le compte du bailleur et si celui-ci le demande, les bâtiments sinistrés, tels qu'ils existaient avant le sinistre ".

Or, il n'est pas démontré que la crédit-bailleresse ait présenté une telle demande au crédit-preneur ou à son ayant droit.

Même en considérant la Maison du Treizième, non plus en sa qualité de crédit-preneur, mais en sa qualité de propriétaire, acquise par la levée de l'option, la Cour ne peut conclure à l'existence d'un intérêt à agir. Car si le bénéfice de l'assurance dommages-ouvrage se transmet aux acquéreurs successifs de l'ouvrage, ceux-ci ne peuvent prétendre être indemnisé à ce titre que pour autant qu'ils étaient déjà propriétaires au jour de la déclaration de sinistre ou, à tout le moins, lorsque les désordres sont apparus. Or, en l'espèce, la première manifestation des désordres, ainsi que la déclaration de sinistre, sont antérieures de plusieurs années à l'acquisition par La Maison du Treizième de la qualité de propriétaire.

Il s'ensuit que La Maison du Treizième est irrecevable en ses prétentions dirigées contre la société Axa France Iard.

Sur les prescriptions alléguées

Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner si la société Axa France Iard est bien fondée à opposer à La Maison du Treizième la prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du Code des assurances.

La Cour doit par contre s'interroger sur la pertinence de la prescription décennale opposée par Monsieur Y..., la société Socotec et leurs assureurs respectifs, ainsi que par la société Géotec.

1 / Sur la prescription opposée aux sociétés Bricorama par la Socotec et son assureur :

L'article 2270 du Code civil ne peut être opposé aux sociétés Bricorama, dont l'action ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel et dont les conclusions récapitulatives visent d'ailleurs expressément l'article 1382 du Code civil. Mais cette action est soumise à l'article 2270-1 du Code civil, qui dispose, en son alinéa 1er, que " les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ".

En l'espèce, le point de départ de cette prescription décennale peut être fixé au jour de la déclaration de sinistre, soit le 30 janvier 1986.

Si, dès le 31 mai 1992, la société Batkor, aux droits de laquelle viennent les sociétés Bricorama, a fait assigner devant le Tribunal de grande instance, statuant au fond, le crédit-bailleur et l'assureur dommages-ouvrage, qui ont appelé en garantie, par exploit du 13 octobre suivant, la Socotec et son assureur, il n'est cependant pas justifié de ce que des demandes auraient été présentées à l'encontre de ces derniers par les sociétés Bricorama avant le 31 janvier 1996.

Cela ne ressort pas, en tous cas, des énonciations du jugement avant dire droit rendu par le tribunal de grande instance de Soissons le 31 août 1995.

En conséquence, l'action des sociétés Bricorama contre la société Socotec et son assureur est prescrite, étant rappelé cependant que l'obligation des différents constructeurs n'ayant pas de caractère indivisible, la prescription soulevée par l'un d'eux ne profite pas aux autres.

2 / Sur la prescription opposée à Axa et Locabail par la Socotec et son assureur :

La Socotec et son assureur sont mal fondées à opposer à Locabail Immobilier et à Axa les dispositions de l'article 2270 du Code civil, dès lors que celles-ci les ont régulièrement assignées au fond dès le 13 octobre 1992, soit moins de dix années après la réception de l'ouvrage.

3 / Sur la prescription opposée à La Maison du Treizième par Monsieur Y..., la Socotec, leurs assureurs et Geotec :

La Maison du Treizième ne saurait être considérée comme venant aux droits d'U. C. B. Locabail Immobilier du fait qu'elle est devenue propriétaire de l'ouvrage par levée de l'option. Le crédit-bailleur conserve en effet sa qualité de maître d'ouvrage, et la Maison du Treizième, celle d'acquéreur.

En conséquence, La Maison du Treizième ne peut se prévaloir de l'interruption de prescription réalisée par la crédit-bailleresse, et encore moins, à plus forte raison, par d'autres parties.

Elle ne peut pas non plus se prévaloir d'une prétendue délégation de pouvoirs donnée à la société Batco le 28 septembre 1990, alors qu'il s'agit de deux entités juridiques distinctes, ayant sur l'immeuble des droits de nature différente, que nul ne plaide par procureur, et que la société Batco a de toute façon agi en son nom personnel, en excipant d'un préjudice personnel.

Or, ce n'est que le 6 septembre 2001 qu'elle est intervenue à l'instance, soit plus de dix-huit ans après la réception de l'ouvrage : Monsieur Y..., la société Socotec, leurs assureurs et la société Géotec sont donc bien fondés à opposer à l'expiration du délai prévu à l'article 2270 du Code civil à La Maison du Treizième, qui se trouve ainsi privée de tout recours à leur encontre, puisque les désordres qui donnent lieu à une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Sur les responsabilités :

Il n'y a pas lieu de revenir sur la réalité et la nature des désordres, qui ne sont pas discutées, les parties divergeant seulement sur leur imputabilité. Dès lors, il convient de limiter l'examen des responsabilités aux seules parties à l'égard desquels les prétentions sont recevables.

1 / Sur une responsabilité de la société Camus et associés :

Il est constant que la société Camus et associés s'est vu confier par l'entreprise Ferrari, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance, les études de béton armé. Elle n'a donc, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, aucun lien contractuel avec les sociétés Bricorama, qui ne peuvent rechercher sa responsabilité que sur un fondement quasi-délictuel.

Le propriétaire et les locataires actuels reprochent à la société Camus et associés, en se fondant sur un avis émis par Monsieur A..., d'avoir failli à son devoir de conseil et d'information en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité de désolidariser la structure et le dallage par la mise en place de joints de rupture et d'avoir commis des erreurs de conception du dallage.

Or, il convient de rappeler que l'avis de l'expert ne fait pas autorité en matière juridique et, surtout, qu'il ne lie pas le juge ; que le sous-traitant n'a aucun devoir de conseil, ni aucune obligation d'information à l'égard du maître d'ouvrage avec lequel il n'est pas contractuellement lié ; que Monsieur A... impute les désordres à la mauvaise qualité du sous-sol ; que le B. E. T. Camus n'était pas chargé de concevoir l'ouvrage lui-même, mais seulement des plans d'exécution de la dalle sur la base d'une étude de sols faite par Geotec ; et que les erreurs de conception du dallage alléguées restent à démontrer, d'autant que l'expert judiciaire lui-même ne met pas en cause la qualité du béton, dont il précise qu'elle ne fait l'objet d'aucune critique.

En conséquence, la Maison du Treizième et les sociétés Bricorama seront déboutées de leurs prétentions en tant qu'elles sont dirigées contre Camus et associés et son assureur.

2 / Sur une responsabilité de la société Geotec :

L'étude effectuée par la société Géotec le 21 septembre 1982, que l'expert judiciaire a expressément annexée à son rapport, et qui a donc été communiqué avec celui-ci, a mis expressément en garde le maître d'ouvrage sur un possible tassement général des dallages, et la nécessité de prendre " les précautions usuelles " pour la réalisation des joints et la désolidarisation complète des dallages et de la superstructure.

Les sociétés Bricorama reprochent néanmoins à la société Géotec de n'avoir pas précisé au maître d'ouvrage les précautions usuelles de réalisation des joints, l'importance des tassements prévisibles, ni même les conséquences de ces tassements, comme l'apparition de fissures. Or, il n'appartenait pas à la société Géotec, dont la mission se bornait à une étude des sols, et qui n'est pas une professionnelle du gros oeuvre, ni même du béton armé, d'éclairer le maître d'ouvrage sur la conception de joints dont la réalisation incombait, en tout état de cause, à l'entreprise Ferrari.

De plus, elle n'a été saisie que d'un projet et elle a expressément souligné la nécessité d'adapter le principe de fondation proposé au projet finalement retenu, ajoutant qu'elle restait à disposition des responsables pour réajuster son étude en fonction du projet définitif.

Aucune faute ne peut donc être retenue à l'encontre de la société Géotec : aussi les sociétés Bricorama seront-elles déboutées des demandes qu'elles ont présentées contre elle.

3 / Sur une responsabilité de Monsieur Y... :

Le rapport de Monsieur A... met en évidence des erreurs de conception du dallage, qui n'a pas été désolidarisé des structures du bâtiment, et de la charpente, inadaptée. Or, il n'est pas contesté qu'il entrait dans la mission de Monsieur Y..., exerçant sous l'enseigne du B. E. T. Atebat, non seulement de diriger les travaux, mais aussi de concevoir l'ouvrage lui-même.

En dépit des études de sols et des avertissements de la société Geotec, qu'il ne pouvait ignorer, il a choisi ou accepté des solutions techniques inadaptées : ces erreurs sont constitutives de fautes qui engagent sa responsabilité à l'égard des locataires sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

4 / Sur une responsabilité de la Maison du Treizième :

L'article 1719 du Code civil dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été loué, et d'en faire jouir paisiblement le bailleur pendant la durée du bail : les sociétés Bricorama sont donc bien fondées à agir contre La Maison du Treizième en réparation des préjudices que leur ont occasionnées les désordres, sur le fondement des articles 1147 et 1719 du Code civil.

Sur une expertise complémentaire :

1 / Sur la recevabilité de la demande :

Aux termes de l'article 566 du Code de procédure civile, les parties peuvent ajouter aux demandes soumises au premier juge toutes demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. Il résulte, en outre, des dispositions combinées des articles 70 et 567 dudit code que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel pourvu qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En conséquence, les demandes d'expertise complémentaire au titre de l'aggravation des désordres alléguée ne saurait être déclarées irrecevables en application de l'article 564 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, le fait qu'elle n'ait été précédée d'aucune déclaration de sinistre, ou qu'elle soit postérieure à l'expiration des garanties dommages-ouvrage, n'a aucune incidence sur sa recevabilité.

Enfin, il résulte de l'article 775 du Code de procédure civile, auquel renvoie l'article 910 dudit code, que les ordonnances du magistrat de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance. Tel n'est pas le cas de l'ordonnance par laquelle le Conseiller de la mise en état a refusé d'ordonner l'expertise complémentaire sollicitée.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevable la demande similaire présentée à la Cour.

2 / Sur son intérêt :

L'expertise complémentaire sollicitée par les deux sociétés Bricorama et par La Maison du Treizième tend essentiellement à obtenir un avis éclairé sur des désordres pour lesquels l'acquéreur ne peut plus, en l'espèce, exercer de recours contre quiconque, ainsi que sur des travaux de reprise dont les locataires ne sont pas fondés à demander le paiement.

Certes, il peut être de l'intérêt des locataires, et notamment de la société Bricorama France, de savoir si les travaux préconisés par Monsieur A... en 1992 n'ont pas lieu d'être reconsidérés et réévalués, pourvu toutefois qu'il soit justifié d'une aggravation des désordres depuis lors. Cependant, ni le procès-verbal de constat établi par Maître B..., huissier de justice, le 16 juin 2003, ni celui établi par Maître C..., huissier de justice, le 24 juillet 2006 ne démontrent une aggravation des désordres ni, surtout, la nécessité de reconsidérer les travaux prescrits par Monsieur A....

Quant à une expertise sur les préjudices commerciaux de la société Bricorama France, elle ne s'avère pas nécessaire, pour les motifs qui seront développés ci-après.

En conséquence, il ne sera pas satisfait à la demande d'expertise complémentaire.

Sur les travaux de reprise :

La Maison du Treizième n'a pas conclu à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à assurer à Bricorama France une jouissance paisible des lieux en procédant à la remise en état de la totalité du sol de l'immeuble, selon les prescriptions de Monsieur A... et moyennant un coût de 917 379 euros, outre réactualisation comme précisé par le premier juge : la décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

Sur les préjudices immatériels des sociétés Bricorama :

La Maison du Treizième a indiqué dans ses conclusions s'en rapporter à justice sur les demandes présentées par les sociétés Bricorama au titre des préjudices immatériels : en d'autres termes, elle conteste leur devoir toutes sommes qui ne correspondraient pas au coût des travaux de reprise eux-mêmes. Il y a donc lieu, comme pour Monsieur Y..., d'examiner le bien fondé des demandes présentées à son encontre.

1 / Sur les préjudices occasionnés à Bricorama France par les travaux de reprise :

Le fait que la société Bricorama France ait pris possession des lieux postérieurement à la survenance des désordres ne saurait la priver de tout droit à indemnisation au titre du préjudice occasionné par les travaux de reprise au motif qu'elle est devenue locataire en connaissance de cause. Il convient en effet de rappeler qu'avec l'apport partiel d'actif intervenu en 1998, elle n'a pas acquis un magasin, mais plusieurs, parmi lesquels l'établissement de Soissons, avec le droit au bail qui y afférent, et la garantie d'une jouissance paisible qui en découle.

Le fait que les travaux de reprise n'aient pas encore été entrepris n'interdit pas non plus à Bricorama France de demander réparation à ce titre, dès lors que le préjudice qui en découlera, bien que futur, peut être qualifié de certain.

En l'absence de preuve d'une aggravation des désordres, ainsi que de la nécessité, contre l'avis de Monsieur A..., d'une reprise de la totalité du dallage, la Cour s'en tiendra à l'évaluation de Monsieur Z..., sapiteur, qui a estimé le préjudice économique occasionné au locataire par les travaux de reprise à 1 760 000 francs, soit 268 310, 27 euros, en ce compris la perte nette d'exploitation, la manutention, et les coûts publicitaires : La Maison du Treizième, Monsieur Y... et son assureur seront condamnés, in solidum, à payer cette somme à la société Bricorama France, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer.

2 / Sur les pertes de résultat alléguées par les sociétés Bricorama :

Pour preuve des pertes de résultat allégués, les sociétés Bricorama produisent une attestation et un tableau établis par la société KMPG Audit, commissaire aux comptes de Bricorama France.

Mais ces documents ne démontrent nullement l'existence d'un lien de causalité entre les pertes de résultat alléguées et les désordres, qu'ils se contentent de postuler avant de procéder à une comparaison entre les chiffres d'affaires respectifs des différents magasins Bricorama et celui réalisé par le magasin de Soissons : en conséquence, les sociétés Bricorama seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts au titre des pertes de résultat, comme de leur demande subsidiaire d'expertise tendant à voir constater et évaluer ces préjudices.

3 / Sur le préjudice de notoriété allégué par Bricorama France :

Le préjudice de notoriété allégué n'a rien de certain dans son principe, et n'est étayé par aucune pièce : il y a donc lieu de réformer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Bricorama France une indemnisation à ce titre.

Sur l'action récursoire de Monsieur Y... et de son assureur :

Monsieur Y... et les Souscripteurs de Lloyd's de Londres ont demandé à la Cour, subsidiairement, de condamner in solidum les sociétés Géotec, Camus et associés et Socotec, ainsi que leurs assureurs, à les relever et garantir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des condamnations prononcées à leur encontre.

Or, les sociétés Camus et associés et Géotec ne peuvent se voir imputer la responsabilité des désordres, pour les motifs précédemment exposés. Quant à la société Socotec, elle n'a ni conçu, ni réalisé l'ouvrage litigieux ou dirigé sa construction, mais a préconisé une étude de sols dont les réserves n'ont pas été prises en compte par le cabinet Atebat. En conséquence, Monsieur Y... et son assureur seront purement et simplement déboutés de leur action récursoire.

Sur les diverses demandes en restitution :

L'arrêt qui réforme un jugement en ce qu'il a condamné à paiement telle ou telle partie emporte de plein droit obligation de restitution, et constitue à cet égard un titre exécutoire. En outre, les sommes restituées ne peuvent porter intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, dudit arrêt : il n'y a donc pas lieu de statuer sur les diverses demandes en restitution présentées à la juridiction de céans.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Monsieur Camus et les Souscripteurs des Lloyd's de Londres succombent sur l'essentiel du litige, qui trouve son origine dans une carence de la maîtrise d'oeuvre : en conséquence, ils seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des autres parties représentées à l'instance l'intégralité des frais qu'elles ont exposés en première instance comme en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Aussi Monsieur Y... et son assureur seront-ils condamnés in solidum à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile :

-15 000 euros à La Maison du Treizième ;
-15 000 euros aux sociétés Bricorama ;
-5 000 euros à Geotec ;
-5 000 euros à la Socotec, et 5 000 euros à son assureur ;
-5 000 euros à Camus et associés et à son assureur ;
-5 000 euros à Axa France Iard, et 5 000 euros à U. C. B. Locabail Immobilier.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, en dernier ressort, et par défaut, en vertu de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile,

Dit les sociétés Bricorama France, Bricorama S. A. et Maison du Treizième recevables en leurs demandes d'expertise complémentaire ;

Dit cependant n'y avoir lieu à une telle expertise ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté les exceptions tirées de l'absence de qualité à agir des sociétés Bricorama S. A., Bricorama France et Maison du Treizième ;

- rejeté les exceptions tirées de l'absence d'intérêt à agir des sociétés Bricorama contre les parties autres qu'Axa France Iard et U. C. B. Locabail Immobilier ;

- rejeté les exceptions tirées d'un défaut d'intérêt à agir de La Maison du Treizième contre les parties qu'Axa France Iard ;

- mis hors de cause U. C. B. Locabail Immobilier ;

- débouté les parties de leurs demandes dirigées contre Maître X... ès qualités de liquidateur de la société Ferrari ;

- condamné les Souscripteurs des Lloyd's de Londres à garantir Monsieur Y... des condamnations prononcées contre lui, dans la limite de leurs obligations contractuelles ;

- condamné La Maison du Treizième à assurer à Bricorama France une jouissance paisible des lieux en procédant à la remise en état de la totalité du sol de l'immeuble, selon les prescriptions de Monsieur A... et moyennant un coût de 917 379 euros ;

- dit que cette somme serait réactualisée à la date de réalisation effective des travaux, en fonction de l'évolution de l'index national du bâtiment tous corps d'état (BT 01, base 100 en janvier 1974) entre le mois d'octobre 1991, date d'établissement des devis, et le jour de l'établissement du devis des travaux à venir, sans pouvoir excéder le plafond fixé par la police d'assurance liant les parties ;

- débouté Bricorama France de sa demande tendant à voir Monsieur Y..., les sociétés Socotec, Geotec, Camus et Associés, ainsi que leurs assureurs respectifs, condamnés in solidum à lui verser la somme de 917 379 euros, outre indexation, représentant le coût de réparation du dallage ;

- débouté les sociétés Bricorama S. A. et Bricorama France de leurs demandes dirigées contre Axa France Iard et Locabail Immobilier ;

- constaté que la société Cochery n'était pas dans la cause ;

Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau :

- dit que les sociétés Bricorama France et Bricorama S. A. sont irrecevables à agir contre les sociétés U. C. B. Locabail Immobilier et Axa France Iard, faute d'intérêt ;

- dit que La Maison du Treizième est irrecevable à agir, faute d'intérêt, contre Axa France Iard ;

- constate que l'action des sociétés Bricorama S. A. et Bricorama France contre la société Socotec et son assureur est prescrite ;

- constate que l'action de La Maison du Treizième contre Monsieur Y..., la société Socotec, leurs assureurs respectifs, et la société Géotec, est prescrite ;

- en conséquence, déboute La Maison du Treizième de leurs demandes dirigées contre Monsieur Y..., la société Socotec, leurs assureurs et la société Géotec ;

- déboute La Maison du Treizième et les sociétés Bricorama de leurs prétentions émises à l'égard de la société Camus et associés et de son assureur ;

- déboute les sociétés Bricorama de leurs demandes contre la société Géotec ;

- dit n'y avoir lieu à expertise, avant dire droit, sur les divers préjudices économiques allégués par les locataires ;

- condamne Monsieur Y..., les Souscripteurs des Lloyd's de Londres et La Maison du Treizième, pris in solidum, à payer à la société Bricorama France 268 310, 27 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice occasionné par les travaux de reprise ;

- déboute la société Bricorama France de sa demande d'indemnisation d'un préjudice de notoriété ;

- déboute la société Bricorama France et Bricorama S. A. de leurs demandes d'indemnisation de pertes de résultat occasionnées par les désordres eux-mêmes ;

- déboute Monsieur Y... et les Souscripteurs des Lloyd's de Londres de leur action récursoire ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré, ou d'ordonnances allouant une provision ;

Condamne Monsieur Y... et son assureur, pris in solidum, à payer, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile :

-15 000 euros à La Maison du Treizième ;
-15 000 euros aux sociétés Bricorama ;
-5 000 euros à la société Géotec ;
-5 000 euros à la société Socotec, et 5 000 euros à son assureur ;
-5 000 euros à la société Camus et associés et à son assureur ;
-5 000 euros à la société Axa France Iard, et 5 000 euros à la société U. C. B. Locabail Immobilier.

Condamne en outre Monsieur Y... et les Souscripteurs des Lloyd's de Londres, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec application au profit de Maître Caussain, ainsi que des S. C. P. Le Roy, Lemal et Guyot, et Millon-Plateau, du droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0339
Numéro d'arrêt : 04/02775
Date de la décision : 05/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Soissons, 24 juin 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-06-05;04.02775 ?
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