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24/04/2008 | FRANCE | N°06/03417

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0339, 24 avril 2008, 06/03417


EARL X...

C/

SAS LES ETABLISSEMENTS LANCKRIET
COUR D'APPEL D'AMIENS
1re chambre - 1re section
ARRET DU 24 AVRIL 2008

RG : 06/03417

APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERONNE du 29 juin 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE
EARL X......28190 DANGERS

Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Me MERY, avocat au barreau de CHARTRES

ET :

INTIMEE
SAS LES ETABLISSEMENTS LANCKRIET4 Rue du Hihons Foucaucourt en Santerre80340 BRAY SUR SOMME

Représentée par Me Jacques

CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me PERES, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Février...

EARL X...

C/

SAS LES ETABLISSEMENTS LANCKRIET
COUR D'APPEL D'AMIENS
1re chambre - 1re section
ARRET DU 24 AVRIL 2008

RG : 06/03417

APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERONNE du 29 juin 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE
EARL X......28190 DANGERS

Représentée par la SCP MILLON - PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Me MERY, avocat au barreau de CHARTRES

ET :

INTIMEE
SAS LES ETABLISSEMENTS LANCKRIET4 Rue du Hihons Foucaucourt en Santerre80340 BRAY SUR SOMME

Représentée par Me Jacques CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me PERES, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Février 2008, devant :
M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport,Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Avril 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN

PRONONCE PUBLIQUEMENT :

Le 24 Avril 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
** *

DECISION :
FAITS ET PROCÉDURE
L'E.A.R.L. X... a pour activité l'élevage de coqs et de poules destinés à la reproduction. Le 2 août 2002, elle a confié 864 coquelets reproducteurs à la société Etablissements Lanckriet, qui les a mis en élevage dans les fermes de Monsieur B... jusqu'au 6 décembre suivant, date à laquelle l'E.A.R.L. a repris les gallinacés dans sa propre exploitation.
Le 20 janvier 2003, un auto-contrôle sanitaire pratiqué sur deux lots de coqs provenant de deux bâtiments différents a révélé une positivité au mycoplasma synoviae pour 21 sérums analysés sur 30 sur le premier, et pour 30 sérums sur 30 le second.
Par exploit du 23 janvier 2004, l'E.A.R.L. X... a fait assigner la société Etablissements Lanckriet devant le tribunal de grande instance de Péronne statuant commercialement, afin de voir déclarer la défenderesse responsable de la contamination, condamner la même au paiement d'une indemnité provisionnelle, et ordonner une expertise sur le montant du préjudice.
Par jugement du 24 août 2004, le Tribunal a rejeté la demande de provision et ordonné une expertise non seulement sur le préjudice, mais aussi sur l'origine de la contamination, en commettant pour y procéder Monsieur C....
Celui-ci ayant refusé sa mission, une ordonnance du 5 novembre 2004 a désigné en ses lieu et place l'Ecole Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort, pour le compte de laquelle le Professeur Jeanne D... a déposé un rapport le 30 septembre 2005.
Elle y conclut notamment qu' "un faisceau de données permet (...) de penser que l'élevage X... a été contaminé chez Monsieur B...", ajoutant cependant qu' "on ne peut que regretter la négligence de Monsieur X... de ne pas avoir testé ses animaux avant leur départ ou dès leur arrivée qui nous aurait alors apporté la preuve formelle de cette contamination".
Au vu de ce rapport, le Tribunal a, par jugement du 29 juin 2006, débouté l'E.A.R.L. X... de ses prétentions et l'a condamnée, outre aux dépens, à verser, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 1 000 euros à la société Etablissements Lanckriet, qu'il a par contre déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 22 août 2006, l'E.AR.L. X... a interjeté appel de ce jugement.
Elle demande à la juridiction de céans de condamner l'intimée à lui payer 145 735 euros de dommages et intérêts, ainsi que 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et d'ordonner la capitalisation des intérêts.
L'appelante soutient que le contrat passé avec la société Etablissements Lanckriet est un contrat de dépôt au sens de l'article 1915 du Code civil, et non d'élevage comme retenu par le Tribunal dans son deuxième jugement. Elle fait valoir en ce sens qu'elle a contracté avec l'intimée parce qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité, non de nourrir les poussins, mais de les loger.
Elle en conclut qu'il appartient à l'intimée de démontrer que les coqs n'ont pas été contaminés lorsqu'ils se trouvaient chez elle ou chez Monsieur B... . Elle rappelle que selon le rapport d'expertise judiciaire, la plupart des animaux ayant cohabité dans la ferme B... avec les coqs X... étaient infectés.
Subsidiairement, pour le cas où il serait jugé que le contrat passé avec la société Etablissements Lanckriet serait un contrat d'entreprise et non de dépôt, l'E.A.R.L. X... fait valoir que selon l'expert judiciaire, il existe une forte présomption en faveur d'une contamination des coqs par l'élevage B..., et que cela constitue, en droit, une preuve suffisante sur laquelle le juge peut fonder son "intime conviction", sans qu'il soit besoin d'une preuve scientifique absolue.
Formant appel incident, la société Etablissements Lanckriet demande pour sa part à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'y faire droit en condamnant l'E.A.R.L. X... à lui payer 5 000 euros de ce chef, de confirmer la décision pour le surplus, et lui allouer une indemnité de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient avoir passé avec l'E.A.R.L. X... un contrat d'élevage, impliquant l'obligation de faire grandir les coquelets jusqu'à ce qu'ils atteignent un certain poids, et non un contrat de dépôt, et qu'en conséquence, il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve d'une faute.
Elle ajoute qu'elle a de toute façon rempli les obligations lui incombant, alors que l'E.A.R.L. X..., pour sa part, a contribué à son propre préjudice en omettant de vérifier l'état sanitaire des caisses ayant servi au rapatriement des animaux dans son élevage, de contrôler les animaux avant et après leur transfert, et de respecter un délai de quarantaine avant de les remettre dans son propre élevage. Elle souligne également qu'entre le retour des coquelets chez Monsieur X... et le premier contrôle positif, il s'est écoulé quarante-cinq jours, alors que la durée d'incubation est de vingt et un jours.
L'intimée en conclut à l'impossibilité d'imputer la contamination au séjour des volailles chez Monsieur B..., et en veut pour preuve le rapport d'expertise judiciaire, dont elle fait une lecture différente de l'appelante.
Elle conteste également le préjudice allégué par l'E.A.R.L. X..., en relevant que l'expert s'est contenté de reprendre les chiffres avancés par la demanderesse, qui n'a fourni aucun document comptable sous prétexte de confidentialité, et n'a pas distingué entre perte de marge et perte de chiffre d'affaires.
L'E.A.R.L. X... réplique, en ce qui concerne les fautes alléguées à son encontre, que celles-ci ne sauraient être considérée comme une cause étrangère, au sens de l'article 1147 du Code civil, qui justifierait l'inexécution reprochée à la partie adverse.

DISCUSSION

Sur la demande principale
La nature juridique du contrat conclu entre l'E.A.R.L. Morizet et la société Etablissements Lanckriet importe peu : qu'il s'agisse d'un dépôt salarié ou d'un contrat d'élevage, il appartient à l'appelante de démontrer que les coquelets ont été contaminés entre la date à laquelle elle les a confiés à l'intimée, et celle à laquelle elle les a récupérés. En effet, dans le premier cas, la demanderesse doit démontrer que le dépositaire n'a pas restitué la chose à l'identique et dans l'autre, qu'il n'a pas prodigué les bons soins de nature à éviter une contamination. En tout cas, l'argument tiré par les Etablissements Lanckriet de la durée d'incubation ne peut suffire à exclure l'éventualité d'une contamination pendant le temps où les animaux lui étaient confiés, puisque l'expert judiciaire précise qu'il s'agit d'une durée minimale, sans être contredit sur ce point par le Docteur E..., que l'intimée a consulté, et qui évoque une durée "moyenne".
Pour preuve de ce que la contamination se serait produite pendant la période d'exécution contractuelle, l'appelante se prévaut du rapport d'expertise judiciaire. Or, si le Professeur D... conclut que le cheptel de l'E.A.R.L. X... a "vraisemblablement" été contaminé par les coqs élevés chez Monsieur B... ou, en tout cas, à "une forte présomption en ce sens", il ne s'agit que de conjectures, fondées sur l'apparition d'une contamination par Mycoplasma synoviae au sein de l'élevage Féron seulement douze jours après le retrait des animaux de chez Monsieur B..., et sur le caractère peu convaincant des contrôles négatifs réalisés chez d'autres éleveurs.
D'ailleurs, Madame D... ajoute aussitôt ne pas en avoir "la preuve absolue", en raison de l'absence de contrôle sanitaire des animaux au moment de leur transfert le 6 décembre 2002. Certes, la preuve d'un fait est libre et il y a lieu d'apprécier la valeur probante des éléments de preuve versés aux débats. Mais en se fondant sur une hypothèse, fût-elle vraisemblable, l'E.A.R.L. X... ne fait pas la preuve qui lui incombe.
Quant à l'intime conviction, elle constitue une notion étrangère au procès civil.
Aussi le jugement déféré sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté l'E.A.R.L. X... de l'intégralité de ses prétentions.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Le simple échec de L'E.A.R.L. X... à convaincre la Cour du bien-fondé de ses prétentions ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi, l'intention de nuire ou une légèreté blâmable équipollente au dol : le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Etablissements Lanckriet de cette demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'E.A.R.L. X..., qui succombe sur l'essentiel du litige, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, conformément au principe posé par l'article 696 du Code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens : c'est pourquoi l'appelante sera condamnée à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Abbeville le 29 juin 2006, dans le litige opposant l'E.A.R.L. X... à la S.A.S. Etablissements Lanckriet ;
Y ajoutant,
Condamne l'E.A.R.L. X... à payer à la société Etablissements Lanckriet une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne en outre l'appelante aux entiers dépens d'appel, avec application au profit de Maître Caussain du droit de recouvrement direct prévu à l'article 696 dudit code.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0339
Numéro d'arrêt : 06/03417
Date de la décision : 24/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Péronne, 29 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-04-24;06.03417 ?
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