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24/04/2008 | FRANCE | N°05/03963

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0073, 24 avril 2008, 05/03963


STE LE CREDIT COOPERATIF
BANQUE POPULAIRE DU NORD
C /
Epoux X...

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 24 AVRIL 2008
RG : 05 / 03963 - 05 / 03964- Affaires jointes par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 23 mai 2006.
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SENLIS EN DATE DU 22 juillet 2005
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
STE LE CREDIT COOPERATIF Sté Coopérative anonyme de banque populaire à capital variable Parc de la Défense 33 rue des Trois Fontanot 92000 NANTERRE " agissant poursuites et diligences de ses représentan

ts légaux domiciliés audit siège "

SA. BANQUE POPULAIRE DU NORD 9-11 Place Richebé BP 349 ...

STE LE CREDIT COOPERATIF
BANQUE POPULAIRE DU NORD
C /
Epoux X...

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 24 AVRIL 2008
RG : 05 / 03963 - 05 / 03964- Affaires jointes par ordonnance du Conseiller de la mise en état du 23 mai 2006.
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SENLIS EN DATE DU 22 juillet 2005
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES
STE LE CREDIT COOPERATIF Sté Coopérative anonyme de banque populaire à capital variable Parc de la Défense 33 rue des Trois Fontanot 92000 NANTERRE " agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège "

SA. BANQUE POPULAIRE DU NORD 9-11 Place Richebé BP 349 59020 LILLE CEDEX " agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège ".

Comparantes concluantes par la SCP LE ROY, avoués à la Cour et plaidant par Me BLANC, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMES

Monsieur Didier X... ...

Madame Josette Z... épouse X... ...

Comparants concluants par la SCP LEMAL ET GUYOT, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me MARATRAY-BACCUSAT du barreau de PARIS.

DEBATS :

A l'audience publique du 17 janvier 2008 devant :

M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président de Chambre, entendu en son rapport, M. BOUGON et Mme BELLADINA, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 avril 2008.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme DEBEVE

PRONONCE PUBLIQUEMENT :

Le 24 AVRIL 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile ; M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président, a signé la minute avec Mme DEBEVE, Greffier.

PROCEDURE DEVANT LA COUR

Par actes en date du 8 août 2005, la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Senlis du 22 juillet 2005 qui les a déboutés de leurs demandes en paiement formées contre Didier et Josette X... pris en leurs qualités de cautions de la société DECORLUX.

Les appels ont été joints lors de la mise en état.
La SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ont conclu (conclusions des 5 décembre, 8 décembre, 22 décembre 2005, 6 mars 2007).
Didier et Josette X..., intimés, ont conclu (conclusions du 28 février 2006). Après clôture de la mise en état, l'affaire a été fixée au 17 janvier 2008 pour plaidoirie (O. C du 9 octobre 2007).

Les parties et leurs conseils ont été régulièrement avisés pour cette date, dans les formes et délais prévus par la loi.
Le jour dit, la cause et les parties ont été appelées en audience publique.
Après avoir entendu les avoués et avocats des parties en leurs demandes, fins et conclusions, la cour a mis l'affaire en délibéré et indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu et mis à disposition au greffe le 24 avril 2008.
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour a rendu la présente décision à la date indiquée.

DECISION

Faits, procédures, demandes en appel

En 2001, pour pouvoir faire l'acquisition de divers matériels et outillages, la société DECORLUX a effectué un emprunt de 1. 250. 000 francs (190. 561 euros) auprès de la SA LE CREDIT COOPERATIF, emprunt dont les époux X... se sont portés, conjointement et solidairement, caution à hauteur de 160. 000 francs (24. 391, 84 euros).

Elle a également effectué un emprunt de 1. 250. 000 francs (190. 561 euros) auprès de la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD dont les époux X... se sont portés, de la même manière, caution conjointement et solidairement, à hauteur de 160. 000 francs (24. 391, 84 euros).
Les matériels acquis grâce à ces deux emprunts ont fait l'objet de nantissements.
En novembre 2002, la société DECORLUX a été mise en redressement judiciaire et les sociétés LE CREDIT COOPERATIF et BANQUE POPULAIRE DU NORD ont respectivement produit leurs créances pour 202. 121, 09 euros et 171. 994, 15 euros.
En février 2003, l'administrateur judiciaire de la société DECORLUX soumettait au tribunal de commerce un plan de cession passant par la vente des actifs de la société, pour 25. 000 euros, à une société SOFIVAL, tandis que, parallèlement, la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD négociaient directement avec cette dernière la cession des matériels nantis pour la somme de 75. 000 euros et l'abandon de leur nantissement.
Les banques ont concomitamment invité les époux X... à honorer leurs engagements de cautions, ce que les intéressés ont refusé de faire.
C'est dans ce contexte que, par actes du 3 octobre 2003, la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ont assigné Didier et Josette X..., pris en leurs qualités de cautions de la société DECORLUX, devant le tribunal de commerce de Senlis, en vue d'obtenir leur condamnation au paiement de 24. 391, 84 euros (160. 000 francs) à la SA LE CREDIT COOPERATIF et de 24. 391, 84 euros (160. 000 francs) à la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD, avec intérêts de ces sommes, au taux contractuel, à compter de l'assignation.
En défense, les époux X... ont soutenu être déchargés de toute obligation à l'égard des deux banques, dès lors que, par le fait de ces dernières, ils avaient perdu la possibilité d'être subrogés, vis- à- vis de la société DECORLUX, dans les nantissements antérieurement pris sur le matériel.
Par jugement en date du 22 juillet 2005, faisant droit à l'exception invoquée, le tribunal a débouté la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD de leurs demandes et les a condamné aux dépens.
Pour prononcer ainsi, le tribunal a retenu qu'en acceptant de renoncer, avant l'arrêté du plan de cession, au bénéfice des dispositions de l'article L. 621-96 du Code de commerce, moyennant la somme de 75. 000 euros, les banques ont implicitement mais nécessairement renoncé au bénéfice du privilège de nantissement inscrit sur les matériels litigieux et que, ce faisant, elles ont privé les cautions du bénéfice de cette sûreté, avec cette conséquence que ces cautions se trouvent dégagées de leur obligation de garantie.
La SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ont interjeté appels de la décision le 8 août 2005.
Devant la cour de céans,
La SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD demandent à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce et de condamner les époux X..., solidairement, à payer 24. 391, 84 euros à la SA LE CREDIT COOPERATIF, 24. 391, 84 euros à la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD, avec intérêts de la somme au taux contractuels, outre 1. 200 euros au titre de l'article 700 NCPC.
Les deux banques soutiennent que les premiers juges ont fait une application erronée des articles L. 621-65 et L. 621-96 du Code de commerce et 2037 du Code civil, dès lors que, pour pouvoir se prévaloir de la décharge prévue par le dernier de ces textes, il faut que la perte du privilège résulte d'une faute du créancier et que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le matériel nanti a été cédé dans le cadre des dispositions arrêtant le plan de cession. Elles ajoutent que la perte de privilège doit également avoir occasionné un préjudice à la caution et tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la matériel a été vendu 75. 000 euros, c'est-à-dire beaucoup plus cher que sa valeur vénale (qui n'était que de 45. 000 euros).
Didier et Josette X... demandent à la cour la confirmation du jugement entrepris et l'allocation de 2. 000 euros au titre de l'article 700 NCPC.
Les époux X... font valoir que, sauf accord particulier, la charge du nantissement suit normalement le sort du matériel nanti cédé, de sorte que la société SOFIVAL aurait dû faire face aux obligations de paiement de la société DECORLUX ; qu'en l'espèce, les banques et la société SOFIVAL avaient pris un accord particulier dérogeant à la règle, en concluant entre elles, en dehors du plan de cession, un accord aux termes duquel la société repreneuse acquerrait le matériel nanti pour une valeur supérieur à sa valeur vénale contre le renoncement des sociétés vendeuses à leur nantissement ; que le prix de cession obtenu (75. 000 euros) n'ayant pas permis aux banques de couvrir le montant de leurs créances (374. 115 euros), ces dernières s'étaient retournées contre eux pour le montant de leur engagement de caution (deux fois 24. 391, 84 euros) ; que toutefois, les banques les ayant privés, vis-à-vis de la société SOFIVAL, de la possibilité de se substituer à elles dans le privilège qui était attaché jusque-là à la créance, ils étaient en droit de se prévaloir de la décharge prévue à l'article 2037 du Code civil.
En cet état,

Sur la recevabilité de l'appel

La SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ayant formé leur recours dans les délais et forme prévus par la loi et la recevabilité de l'acte n'étant pas contestée, la cour recevra les intéressées en leur appel.

Sur le bien-fondé de l'appel
La SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD ont interjeté appel du jugement et soutiennent que le tribunal les aurait déboutées, à tort, de leurs demandes, sur le fondement des dispositions de l'article 2037 du Code civil (aujourd'hui 2314 CC), alors que ce texte ne serait pas applicable aux faits de la cause, dès lors que le matériel nanti aurait été cédé dans le cadre des dispositions arrêtant le plan de cession et que la perte du nantissement ne leur serait donc pas imputable. Elles ajoutent que l'opération n'a pas été, du reste, préjudiciable aux intéressés.
La cour observe, sur le premier point, que le moyen manque par le fait sur lequel il prétend se fonder.
En effet, il ressort des pièces acquises aux débats (et particulièrement du jugement du 6 février 2003 arrêtant le plan de cession et des correspondances échangées entre les banques et les organes de la procédure collective) que la cession des matériels nantis et l'abandon des nantissements affectant ces derniers n'ont pas été imposés aux deux banques dans le cadre d'un plan de cession, mais librement négociés et consentis par elles, antérieurement à l'adoption du plan par le tribunal, dans le cadre d'une négociation directe avec la société SOFIVAL.
Ainsi, c'est bien du fait même des banques – et exclusivement de leur fait – que les époux X... ont perdu la possibilité de bénéficier d'un nantissement, dans le cadre d'une éventuelle subrogation, à l'égard du débiteur.
Le second point n'est pas fondé.
En effet, il ressort des conclusions mêmes des banques appelantes que les matériels nantis avaient, au moment des faits, une valeur se situant entre 45. 000 euros (estimation du commissaire priseur) et 75. 000 euros (prix de vente effectif), c'est-à-dire à une valeur égale ou supérieure au montant de la somme réclamée dans le même temps aux époux X... (48. 783, 68 euros), de sorte que la vente desdits matériels, par les époux X..., dans le cadre d'une subrogation, aurait permis à ces derniers de récupérer le montant intégral de leur créance.
L'abandon du nantissement, par les deux banques, a donc bien été préjudiciable aux deux cautions.
Dans ces conditions et dès lors qu'il résulte de l'article 2314 CC que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux privilèges du créancier ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution, c'est à bon droit que le tribunal, faisant application de ce texte, a rejeté la demande en paiement présentée par les deux banques.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 NCPC, être condamnée aux dépens, la cour condamnera la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD, qui succombent, à supporter les dépens de première instance et d'appel.

La partie perdante devant, en outre, aux termes de l'article 700 du même code, être condamnée à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme arbitrée par le juge, tenant compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, la cour condamnera la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD à payer à Didier et Josette X... une somme de 1. 500 euros, tous frais de première instance et d'appel confondus.

PAR CES MOTIFS, et ceux adoptés des premiers juges,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD en leur appel ;
Mais le déclarant mal fondé, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP LEMAL ET GUYOT, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la SA LE CREDIT COOPERATIF et la SA BANQUE POPULAIRE DU NORD à payer à Didier et Josette X... la somme de 1. 500 euros, tous frais de première instance et d'appel confondus, au titre de l'article 700 NCPC,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0073
Numéro d'arrêt : 05/03963
Date de la décision : 24/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Senlis, 22 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-04-24;05.03963 ?
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