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27/03/2008 | FRANCE | N°04/03179

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0073, 27 mars 2008, 04/03179


SARL CHRIST
C /
STE MAGETRANS
STE BONIFACE
STE SOGEFLU
Me X...
AXA FRANCE IARD
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 27 MARS 2008
RG : 04 / 03179
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 09 juillet 2004
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
STE CHRIST SARL 18 rue du Parc Valparc 67088 STRASBOURG " agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège ".

Comparante concluante par la SCP LE ROY, avoués à la Cour et plaidant par Me GADRAT, avocat au barreau de BORDEAUX.
ET

:
INTIMEES
STE MAGETRANS SA. Rue Jean Mermoz ZAC des Etomelles 02200 VILLENEUVE SAINT GERMAIN " prise ...

SARL CHRIST
C /
STE MAGETRANS
STE BONIFACE
STE SOGEFLU
Me X...
AXA FRANCE IARD
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 27 MARS 2008
RG : 04 / 03179
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 09 juillet 2004
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
STE CHRIST SARL 18 rue du Parc Valparc 67088 STRASBOURG " agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège ".

Comparante concluante par la SCP LE ROY, avoués à la Cour et plaidant par Me GADRAT, avocat au barreau de BORDEAUX.
ET :
INTIMEES
STE MAGETRANS SA. Rue Jean Mermoz ZAC des Etomelles 02200 VILLENEUVE SAINT GERMAIN " prise en la personne de ses représentants légaux ".

Comparante concluante par Me CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me PERES, avocat au barreau de BEAUVAIS
STE BONIFACE SARL 5 rue Pierre Boileau 51420 WITRY LES REIMS " prise en la personne de ses représentants légaux ".

Comparante concluante par la SCP LEMAL ET GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Me SMYTH, avocat au barreau d'AMIENS
STE SOGEFLU SARL 1 Bis rue Emile Dorigny 51370 SAINT BRICE COURCELLES " prise en la personne de ses représentants légaux ".

Comparante concluante par la SCP MILLON ET PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Me BACHY, avocat au barreau de SOISSONS
Maître X... Membre de la SCP DARGENT- MORANGE Mandataires judiciaires ... 51100 REIMS " pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL SOGEFLU fonction à laquelle il a été nommé ".

Assigné en intervention forcée, à personne habilitée suivant exploit de la SCP WITASSE- VAN CANNEYT, Huissiers de justice à REIMS en date du 2 janvier 2006 à la requête de la SA. MAGETRANS.
Non comparant.
Cie d'assurances AXA FRANCE IARD 26, rue Drouot 75009 PARIS ès qualités d'assureur de la SARL SOGEFLU " prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ".

Assignée en intervention
Comparante concluante par la SCP MILLON ET PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Me BACHY, avocat au barreau de SOISSONS
DEBATS :
A l'audience publique du 22 janvier 2008 devant Mme BELLADINA, Conseiller, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Nouveau code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 mars 2008.
GREFFIER : Mme DEBEVE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme BELLADINA, Conseiller, en a rendu compte à la Cour composée de :
M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président, M. BOUGON et Mme BELLADINA, Conseillers,

qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE PUBLIQUEMENT :
Le 27 MARS 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du Nouveau code de procédure civile ; M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président, a signé la minute avec Mme DEBEVE, Greffier.
DECISION
La société MAGETRANS PREVOTE, qui exerce une activité de transport routier, a commandé à la société CHRIST le 27 juillet 1998 un portique de lavage pour poids lourds, la réalisation d'un puits permettant l'alimentation en eau de source de l'installation, les travaux de génie civil nécessaires et des automates de gestion du portique et d'alimentation d'eau, lesdits équipements étant destinés à être implantés sur une aire de lavage réalisée par la société MAGETRANS à proximité de ses locaux. La société CHRIST a sous-traité les travaux de forage à la société BONIFACE, la fourniture et la pose de la pompe à la société SOGEFLU.
Se plaignant du fonctionnement défectueux de l'installation un an après sa mise en service en décembre 1998, la société MAGETRANS a engagé une procédure à l'encontre de la société CHRIST en juin 2002 afin d'obtenir une expertise, qui a été confiée à Monsieur G..., lequel a déposé son rapport le 29 août 2003 après extension aux autres sociétés concernées. Par acte du 6 février 2004, la société CHRIST a appelé en garantie les sociétés BONIFACE et SOGEFLU, sous-traitantes.
***
Vu le jugement du tribunal de commerce de SOISSONS du 9 juillet 2004 qui a condamné les sociétés CHRIST, BONIFACE, SOGEFLU à payer à la société MAGETRANS la somme de 75. 181, 05 € avec intérêts au taux légal à répartir de la façon suivante : 80 % à la charge de la société CHRIST, 10 % pour la société BONIFACE et 10 % pour la société SOGEFLU, condamné la société CHRIST aux dépens et à verser la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'exécution provisoire étant ordonnée.
Vu l'appel interjeté par la société CHRIST le 2 août 2004.
Vu l'ordonnance de référé du 7 octobre 2004 du Premier Président de la Cour d'appel d'Amiens qui, sur demande de la société CHRIST, l'a dit mal fondée en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire et l'a condamnée à payer à la société MAGETRANS la somme de 700 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens de l'instance de référé.
Vu les conclusions de la société CHRIST en date du 24 octobre 2006 par lesquelles elle demande à la Cour de :
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
A titre principal, débouter la société MAGETRANS de ses demandes,
A titre subsidiaire, dire et juger que la société CHRIST ne peut être tenue qu'au remboursement du forage et de son équipement, soit la somme de 58. 000 F (8. 842, 04 €) après déduction d'un amortissement de 3 ans, soit un abattement de 40 %, de sorte qu'elle ne peut être condamnée qu'à la somme de 34. 800 F ou 5. 305, 23 €,
Dire et juger que quel que soit le montant des condamnations prononcées au profit de la société MAGETRANS, les sociétés BONIFACE et SOGEFLU seront tenues in solidum à la garantir à 100 % de l'intégralité des condamnations prononcées,
En conséquence,
Condamner la société BONIFACE à relever indemne la société CHRIST de toutes condamnations,
Dire et juger que sa créance à inscrire au passif de la société SOGEFLU sera du montant desdites condamnations,
En tout état de cause, condamner in solidum les sociétés MAGETRANS, BONIFACE et SOGEFLU au paiement d'une somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et en tous les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LE ROY, avoués.
Vu les conclusions de la société MAGETRANS du 26 octobre 2006 qui demande :
la confirmation du jugement en son principe mais sollicite que le montant des condamnations prononcées à son profit soit porté à la somme de 78. 327, 45 €,
de condamner in solidum les sociétés CHRIST et BONIFACE à l'indemniser,
de fixer sa créance au passif de la société SOGEFLU, soit 6. 072, 61 € à titre chirographaire,
à défaut de dire que les sommes versées par les sociétés BONIFACE SOGEFLU lui resteront acquises pour avoir été versées pour le compte de la société CHRIST et qu'elles viendront en déduction des condamnations prononcées entre la société CHRIST sur le fondement de son action en garantie contre les sociétés BONIFACE et SOGEFLU,
la condamnation de la société CHRIST à lui payer la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me CAUSSAIN.
Vu les conclusions de la société SOGEFLU du 11 avril 2005 par lesquelles elle demande :
Dire et juger que la société SOGEFLU n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de la société CHRIST,
Dire et juger que la société CHRIST est irrecevable et mal fondée en ses demandes dirigées contre elle, et la débouter de ses demandes formées contre elle,
Condamner la société CHRIST à lui payer une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Très subsidiairement,
Si sa responsabilité était retenue, constater que la réalisation d'un bac tampon constituerait une amélioration de l'installation d'origine qui ne peut être réclamée dans le cadre de l'indemnisation d'un préjudice et constater que la société MAGETRANS ne rapporte pas la preuve des préjudices indirects allégués tels que consommation d'eau et perte de temps,
Condamner la société CHRIST en tous les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP MILLON PLATEAU, avoués.
Vu l'assignation en intervention forcée du 2 janvier 2006 à la requête de la société MAGETRANS régulièrement signifiée à Maître X... ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SOGEFLU, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Reims le 22 novembre 2005, lequel n'a pas repris l'instance.
Vu les conclusions de la société BONIFACE du 24 octobre 2006 qui sollicite :
la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société CHRIST,
l'infirmation en ce qu'il a retenu sa responsabilité,
dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'encontre de la société CHRIST,
en tout état de cause, dire que AXA ASSURANCE IARD en sa qualité d'assureur de la société SOGEFLU sera tenue de la garantir en principal, frais, intérêts et accessoires,
condamner la société CHRIST ainsi que AXA ASSURANCES à lui payer chacune la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens comprenant avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEMAL et GUYOT, avoués.
La société BONIFACE a régulièrement assigné par acte d'huissier du 9 janvier 2007 la compagnie d'assurances AXA laquelle a, par conclusions du 15 mai 2007, dénié sa garantie au motif que la police d'assurance souscrite par la société SOGEFLU ne permet que la prise en charge des dommages immatériels et qu'il convient de faire application de la franchise contractuelle et demande qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP MILLON PLATEAU, avoués.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2007.
SUR CE :
Sur le rapport d'expertise
Attendu que l'expert indique que l'installation du portique par la société CHRIST et les dispositifs annexes ont été réalisés en parallèle à partir de septembre et octobre 1998 et le procès-verbal de réception établi le 3 décembre 1998 ; que la mise en route de l'installation a été rendue effective le 3 décembre 1998 mais qu'à cette date la gestion des badges n'était toujours pas entièrement opérationnelle ; que le disconnecteur a été installé le 26 novembre 1998, jour des essais de réception du portique mais non raccordé ; que des problèmes sont rapidement apparus sur l'installation ; que la gestion de la programmation est restée incomplète de 1999 à mars 2003 ; qu'il y a eu durant cette période un moteur grillé par suite d'un défaut d'étanchéité, une usure anormale des brosses (anomalie réglée courant 2001) et une gestion défectueuse des automates ; que l'installation a été inopérationnelle durant toute l'année 2000 et durant les six premiers mois de l'année 2001 ; que ces désordres ont duré 18 mois affectant l'installation de lavage et l'automate de programmation ; qu'après un répit de quatre mois entre juillet et octobre 2001, la société MAGETRANS a été confrontée à un dysfonctionnement de l'alimentation en eau en provenance du forage mais comme le disconnecteur n'était pas en service, il n'a pas été possible de passer immédiatement sur l'eau de la ville ; que la société MAGETRANS a dû utiliser le by- pass pour alimenter le portique avec l'eau de la ville ;
Attendu que depuis octobre 2001 jusqu'à l'expertise (août 2003), l'alimentation en eau en provenance du forage est défaillante et le disconnecteur n'est toujours pas en service ; que malgré les interventions successives de la société CHRIST, l'automate de programmation a connu des problèmes de fonctionnement depuis 1999 et ce n'est que courant mars 2003, au cours et en marge des opérations d'expertise, que la programmation a finalement été réparée par la société CHRIST, après que l'expert ait sollicité l'avis d'un sapiteur, Monsieur H..., de la société JW SERVICES ;
Attendu que l'expert relève que la société CHRIST n'a pas été coopérative lors de cette expertise ; qu'il y a toutefois lieu de considérer que la plupart des anomalies et dysfonctionnements affectant les brosses, l'installation de lavage, le moteur et l'automate sont apparues dans les deux premières années de fonctionnement, c'est- à- dire au cours de la période de garantie alléguée par la société CHRIST et qu'il est donc normal que ces dysfonctionnements aient été repris sans facturation par la société CHRIST ;
Attendu que le dysfonctionnement majeur que constitue le défaut d'alimentation en eau de forage apparu en octobre 2001 perdure à ce jour et ne pourra être réglé que par des travaux de reprise conséquents et coûteux ; que le fonctionnement sur le réseau de la ville génère nécessairement un surcoût, compte tenu de la facturation de l'eau ainsi consommée ;
Attendu que l'installation de pompage est inopérante, sauf à remplacer totalement la colonne d'exhaure et la pompe ; que le forage est en grande partie colmaté et ne peut être exploité sans risque pour le reste de l'installation et pour la qualité du lavage des véhicules ; que des solutions de reprise ont été proposées par la société BONIFACE dont certaines n'étaient pas envisageables en raison d'incertitude quant à sa pérennité ou inadaptées ; que la solution retenue consiste en la réalisation d'un forage de captage dans la craie moins contaminée par le fer, moyennant un devis réactualisé de février 2003 de 11. 770 € HT, même si cette solution présente encore quelques difficultés comme l'analyse de l'eau, la surveillance du niveau d'une réserve d'eau, la contamination possible de la craie pouvant être traitée par voie chimique ; que l'expert relève l'attitude constructive de la société BONIFACE tout au long des opérations d'expertise et indique que la surveillance du niveau d'eau aurait dû être prévue dès l'origine par la société SOGEFLU ; que la société SOGEFLU a adressé un devis réactualisé en août 2003 et détaillé à la demande de l'expert qui ne retient que deux postes sur trois, le troisième étant à classer au rang des investigations expertales, soit un total de 20. 040 € HT ;
Attendu qu'en conclusion l'expert chiffre les travaux de reprise à la somme de 32. 268, 55 € HT et le coût des investigations fournies par plusieurs intervenants ou sociétés à la somme de 7. 277, 13 € HT ; que le préjudice de la société MAGETRANS est aussi constitué par la consommation en eau de ville, soit une somme actualisée à fin septembre 2003 de 6. 292, 80 € HT ; que sur le temps passé à la gestion du sinistre, soit 10. 000 € chiffré par la société MAGETRANS, l'expert ne se prononce pas mais atteste de la présence de représentants de la société à l'expertise, de la recherche de documents, de la communication des pièces et du préfinancement des investigations et du tarif horaire raisonnable réclamé ; qu'un autre poste de préjudice est avancé par la société MAGETRANS relatif à la perte d'exploitation et l'expert au vu des documents des parties chiffre celui- ci à la somme de 5. 029 € sur la période d'octobre 2001 à septembre 2003 ;
Attendu que concernant la responsabilité des désordres relatifs aux dysfonctionnements de l'appareillage et de l'automate de programmation ainsi que les dommages directs et les conséquences résultant de la contamination bactérienne, l'expert impute la responsabilité exclusivement à la société CHRIST pour l'installation technique de lavage et de programmation ; que pour le défaut d'alimentation en eau du puits, le contractant général vis- à- vis de la société MAGETRANS est la société CHRIST qui n'a pas produit le devis malgré des demandes répétées ; que la société BONIFACE ne peut se prévaloir d'une clause sur une simple obligation de moyens concernant la découverte, le débit et la qualité de l'eau alors que le débit de forage relève de la responsabilité de l'entrepreneur dès lors que le forage est colmaté et qu'il doit s'assurer de la qualité de l'eau par des analyses afin que les installations ne soient pas abîmées par une eau agressive ; que la société CHRIST devait aussi vérifier la compatibilité de l'eau ainsi captée avec l'ensemble des installations fournies par elle dans le cadre d'un devis général ; que l'absence d'étude préalable et l'absence d'analyse de l'eau sont des facteurs directement causals des désordres intervenus ultérieurement ; que la consultation des nappes du Bassin Parisien aurait indiqué pour la zone concernée la présence fréquente de fer et la forte minéralisation des sulfates ; que sur le contrôle de la qualité de l'eau deux intervenants sont plus particulièrement concernés notamment la société CHRIST en qualité de contractant général qui aurait dû faire une étude et la société BONIFACE qui a réalisé le forage et est spécialiste dans ce domaine et aurait dû conseiller l'étude ; quant à la société SOGEFLU, elle a fait le choix dans son devis d'une tuyauterie en acier galvanisé pour l'équipement d'exhaure, mais il lui appartenait de s'assurer de la compatibilité de ce matériau avec l'eau de la nappe ;
Sur la responsabilité de la société CHRIST
Attendu que la société CHRIST invoque deux arguments non convaincants, le fonctionnement normal de son portique et la prestation de forage que la société MAGETRANS lui aurait imposée et aurait faite sous son contrôle, alors qu'elle a dû intervenir sur sa propre prestation défectueuse jusqu'en mars 2003 et a vendu une installation « clef en mains » en qualité de seul co- contractant de la société MAGETRANS, celle- ci n'étant pas intervenue dans les marchés passés avec les entreprises sous-traitantes ;
Attendu que la société CHRIST soutient que les réclamations de la société MAGETRANS ne visent que le forage et son équipement, qu'elle n'a commis aucune faute et n'a contracté qu'une obligation de moyen ; que toutefois, au vu du rapport d'expertise particulièrement précis sur les fautes et négligences des différents intervenants, la société CHRIST, sur qui repose une obligation de résultat, a commis des fautes dans la réalisation de sa prestation ; que l'automate de programmation a connu des dysfonctionnements dès sa mise en oeuvre, les cartes unitaires de lavage ne fonctionnant pas et la société CHRIST ayant dû intervenir à de multiples reprises de 1999 à 2003 ; que l'installation n'a pas été opérationnelle durant 18 mois sur l'année 2000 et les six premiers mois de 2001 ; que lorsque le 25 octobre 2001 la société MAGETRANS a utilisé le by pass pour alimenter le portique en eau de ville, le disconnecteur posé par la société TINET pour le compte de la société CHRIST n'était pas en service ; que les conditions de l'action en responsabilité contractuelle sont réunies pour l'ensemble de la prestation vendue, peu important que la société CHRIST n'ait pas réalisé elle- même le forage ou fourni et posé la pompe mais fait intervenir un sous traitant ; qu'elle devait s'assurer de la qualité de l'eau par une étude préalable et de sa compatibilité avec les installations qu'elle mettait en oeuvre et devait livrer une installation en état de fonctionner par alimentation dans la nappe souterraine ; que la partie forage et alimentation n'a pas encore été réparée ; que l'installation est entachée d'un défaut de conception ; que son entière responsabilité est engagée vis- à- vis du maître d'ouvrage ;
Attendu que la société CHRIST soutient ensuite que la garantie de la société MAGETRANS est limitée à deux ans à la date de la mise en route et uniquement pour la main-d'oeuvre, le déplacement et les pièces reconnues défectueuses ; que la période de garantie de deux ans n'apparaît que sur la confirmation de commande adressée par la société CHRIST à Monsieur I... ; que si un procès-verbal de réception a été signé le 3 décembre 1998, les difficultés sont apparues et ont été signalées par la société MAGETRANS par courrier du 25 octobre 2001 durant la période de garantie ; que la société CHRIST est d'ailleurs intervenue dès le début de l'année 2000 jusqu'en mars 2003, de sorte que même si on admet qu'une période de garantie puisse être opposable à la société MAGETRANS, elle a été suspendue et la société CHRIST ne peut utilement l'invoquer ;
Sur la responsabilité de la société BONIFACE
Attendu que la société BONIFACE soutient que la société CHRIST ne démontre pas qu'elle est directement à l'origine des dommages et qu'ils sont survenus par sa faute ;
Attendu que la société BONIFACE relève qu'il existe deux types de désordres, tenant aux dysfonctionnements de l'appareillage et à un défaut d'alimentation en eau du puits ; que sur le premier désordre, seule la société CHRIST est concernée ; que sur l'alimentation en eau, le rapport d'expertise a mis en évidence que le forage réalisé par elle était colmaté en grande partie et que le défaut d'alimentation en eau du puits constituait un dysfonctionnement majeur ; qu'elle conteste une quelconque part de responsabilité relevant que l'expert a été très nuancé et qu'il a fourni de nombreux éléments d'appréciation qui caractérisent la responsabilité majeure de la société CHRIST dans la genèse des dommages ;
Attendu que toutefois, elle ne peut s'exonérer en invoquant une obligation de moyen alors que la prétendue clause limitative de responsabilité n'apparaîtrait que sur le verso des conditions générales et que la société CHRIST indique avoir reçu uniquement le recto des documents envoyés en télécopie ;
Attendu que même si la société CHRIST était l'entreprise principale et connaissait la nature des installations à raccorder sur le forage commandé et devait faire procéder aux analyses préalables, la société BONIFACE, qui est spécialisée dans le domaine du forage et connaissait le site et la destination du forage aurait dû conseiller l'étude et devait s'assurer de la qualité de l'eau par des analyses ; que le débit de forage relève de sa responsabilité dès lors que le forage est colmaté en raison de la nature de l'eau ;
Sur la responsabilité de la société SOGEFLU
Attendu que la société SOGEFLU soutient que la société CHRIST était la seule à connaître les spécifications techniques nécessitées par son matériel et devait s'assurer de la compatibilité de l'eau captée avec l'utilisation qui devait en être faite ; que son devis a été acceptée sans réserves par la société CHRIST ; qu'il appartient à cette dernière de prouver qu'elle a commis des fautes qui seraient directement à l'origine des dommages ; que seules les sociétés CHRIST et BONIFACE sont responsables de l'inadaptation des ouvrages avec la qualité de l'eau ;
Mais attendu que la société SOGEFLU, qui a fourni et mis en place pour le compte de la société CHRIST l'équipement du forage (fourniture et pose de la pompe) destiné à alimenter le portique de lavage avec l'eau de la nappe, devait exécuter un réservoir tampon afin que le forage soit exploité dans les règles de l'art ; que ce bac tampon ne constitue pas une amélioration de l'ouvrage sans rapport avec le sinistre mais un équipement qu'elle aurait dû prévoir, son absence constituant un facteur aggravant du dommage ; qu'elle a aussi posé ses ouvrages, notamment une tuyauterie en acier galvanisé pour l'équipement d'exhaure, sans se préoccuper de la nature de l'eau, ce qu'elle reconnaît ; que les tubes acier ont été endommagés du fait de l'agressivité de l'eau captée ; qu'elle a donc commis une faute dans la réalisation de sa prestation, laquelle a un lien de causalité avec le dommage ;
Sur l'appel en garantie d'AXA
Attendu que AXA ASSURANCES est l'assureur de la société SOGEFLU, laquelle a été mise en liquidation judiciaire ; qu'elle dénie sa garantie, sauf au titre des dommages immatériels, soit la surconsommation d'eau, mais mentionne une franchise d'un montant minimum de 1. 525 € ou 10 % du montant des dommages avec un maximum de 7. 623 € ;
Mais attendu que la société AXA ne produit aucun document probant signé par la société SOGEFLU ; qu'elle sera déboutée de sa demande ;
Sur les responsabilités et le préjudice de la société MAGETRANS
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise, des pièces produites et des arguments des parties que la société CHRIST est responsable des dommages survenus et partage pour une petite partie la responsabilité avec ses sous-traitants appelés en garantie ; que l'analyse des responsabilités encourues et le partage de responsabilité retenu par le tribunal à hauteur de 80 % à charge de la société CHRIST et de 10 % pour chacune des sociétés sous-traitantes BONIFACE et SOGEFLU est justifié et sera confirmé ; qu'en conséquence, la société MAGETRANS doit être indemnisée par la société CHRIST, seul co- contractant, cette dernière étant garantie à hauteur de la part retenue pour chacune par les sociétés sous- traitantes ou leur assurance ;
Attendu que concernant le préjudice de la société MAGETRANS, celle- ci réclame une somme supérieure à celle allouée en première instance, soit 78. 327, 45 €, alors que les premiers juges lui ont alloué une somme de 75. 181, 05 € ; que la différence s'explique par la réactualisation de son préjudice lié à la consommation d'eau de la ville arrêté en octobre 2003 par l'expert ;
Attendu que les sociétés CHRIST, BONIFACE et SOGEFLU contestent les sommes réclamées et soutiennent que seul le préjudice direct et certain est indemnisable ; que les réclamations concernant les dommages immatériels ne sont pas fondées ; qu'il n'est fourni aucun justificatif sur la perte d'image, le temps passé ; que les demandes de MAGETRANS ne tiennent pas compte de l'utilisation du forage pendant trois ans et de travaux qui auraient dû être supportés pour atteindre une nappe exempte de pollutions ferreuses ; qu'il n'existe pas de garantie sur le nouveau forage proposé par la société BONIFACE pour un montant de 11. 770 € HT qui constitue une amélioration substantielle par rapport à celui précédemment exécuté et que la réalisation du nouvel équipement de pompage proposé pour une somme de 20. 040 € HT constitue un enrichissement sans cause ; que la société CHRIST soutient qu'elle ne peut être que condamnée au remboursement de la partie forage et pompe, soit 58. 000 € HT sous déduction de l'amortissement pratiquée durant trois ans ; que la société SOGEFLU soutient que le bac tampon est une amélioration et que le coût de cette prestation ne peut être pris en considération ;
Mais attendu que la solution techniquement acceptable selon le rapport d'expertise nécessite cet élément afin que l'installation puisse fonctionner sans nouveau désordre ; que la société MAGETRANS, qui a commandé un portique de lavage fonctionnant grâce à un puits permettant l'alimentation en eau ne peut se satisfaire du remboursement des travaux défectueux mais doit obtenir la réparation exacte de son préjudice, soit en l'espèce les travaux permettant au système prévu de fonctionner et le paiement des préjudices qu'elle a dû supporter du fait de cette installation inappropriée, soit la surconsommation d'eau réactualisée, les factures réglées en cours d'expertise, soit une somme totale de 51. 344, 68 € HT ;
Attendu que la perte de temps passé n'est pas justifiée de façon probante ; que les frais d'expertise doivent être compris dans les dépens ; que la société MAGETRANS renonce à solliciter une indemnité au titre de la perte d'image et du préjudice commercial, faute de pouvoir chiffrer un tel préjudice ;
Attendu qu'il convient de condamner in solidum les sociétés CHRIST et BONIFACE ; qu'il y a lieu de fixer la créance de la société CHRIST au passif de la liquidation judiciaire de la société SOGEFLU ; que la compagnie AXA lui doit garantie ;
Attendu que succombant même partiellement, la société CHRIST aura la charge des dépens d'appel ; qu'il serait inéquitable que la société MAGETRANS supporte les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en appel ; que la société CHRIST, appelante, sera condamnée à lui payer la somme de 3. 000 € et sera déboutée des demandes formulées à ce titre ; qu'elle supportera les frais d'expertise ; que les autres parties succombantes seront déboutées de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Réformant partiellement le jugement,
Condamne la société CHRIST à verser à la société MAGETRANS la somme de 51. 344, 68 € HT, soit 61. 408, 24 € TTC, en deniers ou quittance,
Condamne la société BONIFACE à garantir la société CHRIST à hauteur de 10 % de cette somme, soit 5. 134, 46 € HT ou 6. 140, 82 € TTC, en deniers ou quittance,
Fixe la créance de la société CHRIST au passif de la société SOGEFLU évalué à la somme de 6. 140, 82 € à titre chirographaire, sous déduction des sommes déjà versées,
Dit que la société AXA ASSURANCES sera tenue de garantir la société SOGEFLU des sommes dont elle est redevable,
Condamne la société CHRIST à payer à la société MAGETRANS la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société CHRIST aux dépens d'appel comprenant les frais d'expertise évalués à 10. 332, 78 € avec droit de recouvrement direct au profit de Me CAUSSAIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0073
Numéro d'arrêt : 04/03179
Date de la décision : 27/03/2008

Références :

ARRET du 09 septembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 septembre 2009, 08-17.354, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Soissons, 09 juillet 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-03-27;04.03179 ?
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