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17/10/2007 | FRANCE | N°06/04148

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0081, 17 octobre 2007, 06/04148


ARRET
No

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE

C /

A...
X... ML DE LA SA AU CARDINAL
CGEA D'AMIENS

JL / SEI.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B
PRUD'HOMMES

ARRET DU 17 OCTOBRE 2007

*************************************************************

RG : 06 / 04148

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'AMIENS en date du 27 juin 2005

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE
Monsieur le Maire
Hôtel de Ville
80290 POIX DE PICARDIE

Représent

ée, concluant et plaidant par Me Lionel MARGUET, avocat au barreau d'AMIENS.

ET :

INTIMES

Madame Joëlle A... épouse B...
...
80290 POIX DE PICARDIE
...

ARRET
No

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE

C /

A...
X... ML DE LA SA AU CARDINAL
CGEA D'AMIENS

JL / SEI.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B
PRUD'HOMMES

ARRET DU 17 OCTOBRE 2007

*************************************************************

RG : 06 / 04148

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'AMIENS en date du 27 juin 2005

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE
Monsieur le Maire
Hôtel de Ville
80290 POIX DE PICARDIE

Représentée, concluant et plaidant par Me Lionel MARGUET, avocat au barreau d'AMIENS.

ET :

INTIMES

Madame Joëlle A... épouse B...
...
80290 POIX DE PICARDIE

Représentée, concluant et plaidant par Me Franck C..., avocat au barreau d'AMIENS.

Maître Vincent X..., mandataire liquidateur de la SA AU CARDINAL
...
80000 AMIENS

Représenté et plaidant par Me Franck C..., avocat au barreau d'AMIENS.

CGEA D'AMIENS
2, Rue de l'Etoile
80094 AMIENS CEDEX 03

Représenté, concluant et plaidant par Me Daniel CARON, avocat au barreau d'AMIENS.

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Juin 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme SEICHEL, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 27 juin 2007, pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme SEICHEL en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :

Mme DARCHY, Président de chambre,
Mme BESSE, Conseiller,
qui en a délibéré conformément à la loi.

A l'audience publique du 27 juin 2007, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 03 octobre 2007 pour prononcer l'arrêt.

A l'audience publique du 03 octobre 2007, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 17 octobre 2007 pour prononcer l'arrêt.

PRONONCE :

A l'audience publique du 17 Octobre 2007, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et M. BOURSIER, Greffier, présent lors du prononcé.

*
* *

DECISION :

La Commune de POIX DE PICARDIE est propriétaire d'un fonds de commerce de Café, Hôtel, Restaurant, exploité à POIX DE PICARDIE sous l'enseigne « AU CARDINAL ».

Selon acte notarié établi par Maître François F..., Notaire à POIX DE PICARDIE, en date du 26 janvier 2000, ce fonds de commerce a été donné en location gérance à la SA Hôtel Restaurant « AU CARDINAL ».

Le contrat de location gérance précisait, d'une part, le nom des salariés déjà employés au service du bailleur, et d'autre part, que le preneur ne pouvait conclure de nouveaux contrats de travail pour une durée excédant la fin de la location gérance qu'avec l'accord du bailleur.

Le locataire-gérant ayant effectué une demande au bailleur en date du 24 décembre 1999 afin d'obtenir l'autorisation d'embaucher Joëlle B...et cette embauche ayant été validée par le bailleur par courrier du 29 décembre 1999, Joëlle B...a été embauchée par la SA « AU CARDINAL » par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 1er mars 2000 en qualité d'employée polyvalente ;

Par un arrêté en date du 1er août 2003, Monsieur le Préfet de la Région Picardie, Préfet de la Somme, a procédé à la fermeture de l'établissement « AU CARDINAL » et précisait que la réouverture des locaux au public ne pourrait intervenir qu'après :

-une mise en conformité de l'Etablissement,
-une visite des Commissions de Sécurité et d'Accessibilité des ERP dans l'arrondissement d'AMIENS,
-une autorisation délivrée par arrêté préfectoral.

Par exploit d'huissier en date du 8 août 2003, la Commune de POIX DE PICARDIE a procédé à la notification de cet arrêté.

Par exploit d'huissier en date du 12 août 2003, la Commune de POIX DE PICARDIE a notifié la résiliation du contrat de location gérance.

La SA « AU CARDINAL » a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce d'AMIENS en date du 19 septembre 2003 qui prescrivait également l'inventaire immédiat des biens de l'entreprise.

Contestant son licenciement, Joëlle B...a saisi le Conseil de Prud'hommes d'AMIENS qui, par un jugement en date du 27 juin 2005, a :

-dit que la continuité du contrat de travail de Joëlle B...devait être assumée par la Commune de POIX DE PICARDIE,

-dit que la fermeture administrative de la SA « AU CARDINAL » est imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE,

-dit que la rupture du contrat de travail de Joëlle B...est imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE,

-dit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-dit que la procédure de licenciement est irrégulière dans sa forme,

-par conséquent, condamné la Commune de POIX DE PICARDIE à payer à Joëlle B...les sommes suivantes :

§ 13. 720,41 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

§ 3. 048,98 euros à titre d'indemnité de préavis,

§ 2. 210,51 euros à titre d'indemnité de congés payés,

§ 533,57 euros à titre d'indemnité de licenciement

-ordonné à la Commune de POIX DE PICARDIE le remboursement à l'ASSEDIC des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois,

-condamné la Commune de POIX DE PICARDIE à payer à Joëlle B...la somme de 200,00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-débouté la Commune de POIX DE PICARDIE de sa demande reconventionnelle.

Cette décision a été notifiée le 29 juin 2005 à la Commune de POIX DE PICARDIE qui en a relevé appel le 12 juillet 2005.

Par des conclusions du 6 juin 2007, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du même jour, la Commune de POIX DE PICARDIE demande à la Cour :

-d'infirmer le jugement,

-de débouter Joëlle B...de l'intégralité de ses demandes,

-de débouter le CGEA d'AMIENS de son intervention,

-de la mettre hors de cause,

-de condamner les intimés au paiement d'une somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Commune de POIX DE PICARDIE fait valoir :

-que l'article L. 122-12 du Code du Travail s'applique à la mise en location gérance ou en cas de retour du fonds au bailleur dès lors que l'activité n'a pas disparu et que le fonds est demeuré exploitable, cette situation s'appréciant à la date de résiliation du contrat de location gérance ; que tel n'est pas le cas lorsque le locataire gérant a provoqué la ruine du fonds, toute activité ayant pris fin et l'entreprise ayant disparu ; qu'il appartient au juge du fond de rechercher si le fonds n'a pas disparu avant la résiliation du contrat, ce que le Conseil de Prud'hommes d'AMIENS n'a pas fait ; qu'il s'est contenté d'affirmer qu'elle était seule responsable de la fermeture administrative ; que même si le fonds de commerce subsiste, l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du Travail n'est pas applicable lorsque son exploitation ne pouvait plus être poursuivie ; que dès la prise de l'arrêté du 1er août 2003, le fonds n'existait plus puisqu'il n'y avait aucune possibilité de continuer l'exploitation ; que le fonds avait disparu avant la résiliation même du contrat ; que l'impossibilité de l'exploiter a privé le fonds de son existence ; qu'il n'y a donc pas eu transfert des contrats au propriétaire du fonds ;

-qu'elle s'engageait à faire des travaux à condition qu'elle obtienne les subventions adéquates du FEDER et du Département de la Somme ; que si celles-ci n'étaient pas obtenues, elle s'engageait sur un programme unique à réaliser ces mêmes travaux sur ses deniers propres à hauteur de 1. 675. 000 F hors taxes, les travaux de couverture, sécurité et chauffage ne pouvant alors excéder la somme de 750. 000 F, le surplus étant exclusivement consacré aux travaux de mise aux normes de la cuisine et à la réfection des chambres ; qu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté cette obligation ; que les travaux ont été effectués par la commune ; qu'elle n'est en rien responsable de la fermeture administrative ; que si par cas fortuit, de force majeure ou toute autre cause l'immeuble venait à être démoli ou déclaré insalubre, le bail serait résolu de plein droit sans indemnité du bailleur ; que de même il était résolu de plein droit au cas où une décision administrative ou judiciaire ordonnait la fermeture définitive du fonds ; que seul le Préfet a pris la décision de fermer ; que le montant des travaux dépendait des subventions jamais reçues ; qu'il n'existe aucun lien entre les obligations prises par la Commune dans le bail, et l'arrêté préfectoral ayant conduit à la fermeture du fonds ; que l'évaluation des travaux a été chiffrée bien après le bail et s'élevait à 9 millions de francs ; que le fonds n'a plus existé dès le prononcé de la décision administrative ; qu'il n'y a pas eu retour des contrats au bailleur ;

-que très subsidiairement, le fait du prince, c'est à dire une décision administrative rendant impossible l'exécution du contrat conduit à la rupture pour force majeure ; qu'elle ne peut donc être recherchée dans le cadre de la rupture des contrats de travail.

-que le CGEA d'AMIENS prétend avoir payé pour le compte de la SA « AU CARDINAL » une somme totale de 8. 952,76 euros ; qu'il est faux de prétendre, comme le fait le CGEA, qu'à la date de rupture du contrat de location-gérance le fonds était parfaitement exploitable à condition que son propriétaire effectue les travaux nécessaires pour mettre l'établissement en conformité, ce qui ressortait de sa seule responsabilité ; qu'elle ne pouvait effectuer les travaux de remise aux normes dont le budget dépassait de très loin tout engagement possible ; qu'initialement dans le cadre conventionnel, les travaux de couverture, sécurité, chauffage ne pouvaient excéder la somme de 750. 000 francs alors que la remise en état sur le plan de la sécurité, dans l'évaluation faite postérieurement, était de plus de 9 millions de francs ; qu'il convient de distinguer la première partie des travaux, qui ont été effectués, des travaux nécessaires postérieurement à la mise en conformité ; qu'aucune pièce justificative n'est versée aux débats concernant le versement des sommes revendiquées par le CGEA ; que par ailleurs, elle ne saurait se voir condamnée à payer un salaire alors que l'arrêté a été signifié à la SA « AU CARDINAL » le 1er août 2003 et que celle-ci n'a été déclarée en liquidation judiciaire que le 19 septembre 2003 ; qu'il en sera de même pour l'indemnité de congés payés sollicitée du 1er juin 2002 au 12 août 2003 ; que les congés payés pour la période de référence du 1er juin 2002 au 31 mai 2003 auraient dû être pris par la salariée ou payés par l'entreprise avant la fermeture ;

Par des conclusions du 6 juin 2007, régulièrement communiquées et développées à l'audience du même jour, Joëlle B...demande à la Cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à lui payer une somme de 1. 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Joëlle B...fait valoir :

-qu'il est de jurisprudence constante que l'article L. 122-12 du Code du Travail s'applique à la mise en location gérance ; que toute cessation de la location gérance a pour conséquence le retour au propriétaire du fonds des contrats de travail passés par le locataire gérant ; que la seule exception serait la ruine du fonds de commerce par le locataire gérant, circonstance soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond ; qu'aucune ruine du fonds ne saurait être imputée au locataire gérant qui s'est comporté en bon père de famille dans la gestion de l'établissement ; que si ruine il devait y avoir, elle ne saurait être imputée qu'au propriétaire du fonds qui a sciemment refusé de mettre le fonds en conformité aux normes de sécurité ; qu'en effet le contrat de location gérance prévoyait que le bailleur s'engageait à réaliser dans le délai d'un an des travaux à la condition qu'il obtienne les subventions adéquates, ou si celles-ci n'étaient pas obtenues à réaliser les mêmes travaux sur ses propres deniers ; que c'est la carence de la Municipalité dans le respect de ses engagements contractuels qui a conduit Monsieur le Préfet de la Région Picardie à prononcer la fermeture au public de l'établissement « AU CARDINAL » ; que le jugement devra être confirmé en ce qu'il a expressément reconnu que le bailleur avait la qualité d'employeur depuis le retour du contrat de travail des salariés à son profit à compter de la date de la résiliation du contrat de location gérance et était donc l'auteur de la rupture desdits contrats de travail, et que le bailleur était le seul responsable de la fermeture administrative de l'établissement comme de la rupture du contrat de location gérance ; que la Commune de POIX DE PICARDIE ne saurait faire valoir l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité en invoquant le fait du prince ; qu'à compter de la cessation de la location gérance, elle n'avait plus la SA « AU CARDINAL » comme employeur, mais la Commune de POIX DE PICARDIE ;

-que la commune de POIX DE PICARDIE tente de travestir la réalité ; que l'arrêté préfectoral en date du 1er août 2003 met en exergue l'absence de décision par le Maire de POIX DE PICARDIE pour assurer la sécurité de l'accueil du public dans l'établissement ; que l'arrêté est rendu au visa de deux mises en demeure qui ont été adressées par M. le Préfet au Maire de la commune de POIX DE PICARDIE ; que cette dernière se garde bien de verser aux débats lesdites mises en demeure qui ne feraient que sacraliser sa responsabilité ; que la Cour enjoindra à la Commune de POIX DE PICARDIE de produire lesdites mises en demeure qui permettront à la juridiction saisie du présent litige d'avoir une connaissance parfaite et exacte des circonstances de l'espèce ; que la Cour consacrera le lien de causalité évident entre la carence de la Commune de POIX DE PICARDIE dans l'exécution des travaux de mise en conformité des locaux et les obligations par elle souscrites lors de la signature du bail ; qu'il convient pour cela de mettre en parallèle l'arrêté préfectoral et le bail ; que les estimations dont se prévaut la Commune de POIX DE PICARDIE ont été réalisées à sa demande dans le but d'obtenir des subventions ; que les travaux envisagés étaient de loin disproportionnés par rapport aux besoins réels de l'établissement ; que l'estimation des travaux à 9 millions de francs n'avait aucunement pour but de permettre une activité normale, mais d'obtenir une reclassification de l'établissement en un 3 étoiles ; que l'activité normale aurait pu être poursuivie si tant est que la commune ait respecté ses engagements en termes de sécurité et de mise aux normes de l'établissement, comme elle s'y était engagée ; que dès 1996, la Commission de sécurité et d'accessibilité des établissements recevant du public émettait un avis certes favorable, mais assujetti à diverses prescriptions en matière de sécurité ; qu'il en est de même au cours du 1er trimestre 2000 ; que la commune de POIX DE PICARDIE connaissait donc parfaitement ses obligations en termes de mise aux normes de l'établissement mais n'a pas fait le nécessaire, ce qui est directement à l'origine de la fermeture administrative du fonds par le Préfet le 1er août 2003 ; que les travaux effectués par la commune étaient sans commune mesure avec les engagements qu'elle avait pris ; que la Cour pourra se référer à l'état indicatif du chiffre d'affaires de la SA « AU CARDINAL » qui montre que le fonds aurait pu continuer à être exploité et avoir une activité normale sans difficulté ;

-que la commune de POIX DE PICARDIE, propriétaire du fonds s'est vue transférer, au moment de la cessation du contrat de location gérance, les différents contrats de travail en cours lors du transfert ; qu'elle a acquis à cette date la qualité d'employeur ; qu'elle n'a pas respecté ses obligations en qualité d'employeur et ne lui a jamais fourni un quelconque emploi ni versé un quelconque salaire ; qu'en raison de cette violation, la Cour ne pourra que prendre acte de la rupture du contrat de travail, cette rupture étant imputable à l'employeur ; que la rupture est intervenue le 12 août 2003, date du transfert du contrat de travail à la commune de POIX DE PICARDIE ; que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ne respectant pas la procédure de licenciement ;

-qu'elle est en droit de solliciter le bénéfice des différentes indemnités de rupture ; que lui sont applicables les dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ; que compte tenu de son préjudice, elle est en droit de prétendre à une indemnité égale à 9 mois de salaires ; qu'elle peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que l'employeur l'a empêché d'exécuter ainsi qu'à une indemnité de congés payés ; qu'elle sollicite enfin une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement à hauteur d'un mois de salaire ;

A l'audience du 6 juin 2007, Maître X... es-qualité de liquidateur de la SA Hôtel Restaurant " AU CARDINAL ", demande oralement à la Cour :

-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

-de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à lui payer la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Maître X... es-qualité fait valoir oralement à l'audience :

-que l'article L. 122-12 s'applique au contrat de location gérance ; que toute cessation de la location gérance a pour conséquence le retour au propriétaire du fonds des contrats de travail passés par le locataire gérant ; qu'il s'agit d'une jurisprudence constante ; que la seule exception serait la ruine du fonds par le locataire gérant, circonstance soumise à l'appréciation des juges du fond ; qu'aucune ruine du fonds ne saurait être imputée au locataire-gérant qui s'est comporté en bon père de famille dans la gestion de cet établissement ; que si ruine il y avait, elle ne saurait être imputée qu'à la Commune de POIX DE PICARDIE qui a refusé de remettre le fonds en conformité aux normes de sécurité, alors qu'elle s'était engagée à le faire dans le délai d'un an aux termes de l'acte de location gérance ; que si les subventions n'étaient pas obtenues, l'employeur s'engageait même sur ses propres deniers ; que malgré les relances, c'est la carence de la Commune de POIX DE PICARDIE dans le respect de ses engagements contractuels qui a conduit Monsieur le Préfet de la Région de PICARDIE à prononcer la fermeture au public de l'établissement " AU CARDINAL " ; que le jugement devra dès lors être confirmé ;

-que la Commune de POIX DE PICARDIE fait valoir l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité en invoquant le fait du prince, c'est à dire une décision administrative rendant impossible l'exécution du contrat de travail et conduisant à la rupture pour force majeure ; qu'une telle cause d'exonération de responsabilité ne peut être valablement invoquée au profit du bailleur dans la mesure où il est à l'origine de la fermeture ;

-qu'aucune ruine du fonds ne pouvant être imputée au locataire gérant, le transfert des contrats de travail au propriétaire du fonds peut donc trouver application.

Par des conclusions du 6 juin 2007, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du même jour, le CGEA d'AMIENS demande à la Cour :

-de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-en conséquence, de dire que le contrat de travail de Joëlle H...a été transféré à la Commune de POIX DE PICARDIE par application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail,

-en conséquence de dire qu'il doit être purement et simplement être mis hors de cause,

-de condamner Joëlle B...à lui rembourser les sommes indûment avancées pour le compte de la SA " AU CARDINAL " pour un montant de 8. 317,61 euros,

-de dire que le CGEA d'AMIENS ne peut en aucun cas garantir les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-de dire que le CGEA d'AMIENS ne peut être amené à avancer le montant des créances dues en exécution d'un contrat de travail fixées par le Conseil que dans la limite de sa garantie prévue aux articles L. 143-11-1, L. 143-11-8, D. 143-2 et D. 143-3 du Code du Travail, ainsi que les dispositions de l'article L. 621-48 du Code de Commerce ;

Le CGEA d'AMIENS fait valoir :

-qu'il convient de retenir l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail, la Commune de POIX DE PICARDIE, propriétaire du fonds donné en location gérance, s'étant vue transférer au moment de la location gérance les différents contrats de travail existant au moment de la rupture du contrat de location gérance ;

-qu'il apparaît que le fonds de commerce n'est pas en ruine ; qu'il n'a pas disparu ainsi qu'il en est justifié ; qu'il comprend toujours des éléments corporels et incorporels ; que l'interruption temporaire de l'activité ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail ; que le propriétaire du fonds était tenu de reprendre le personnel par l'effet dudit article ; que la valeur du fonds s'apprécie au jour de la résiliation du contrat de location gérance ; qu'à cette date le fonds était parfaitement exploitable à la condition par le propriétaire d'effectuer les travaux nécessaires pour mettre l'établissement en conformité, ce qui ressortait de sa seule responsabilité ;

-que le jugement devra être confirmé en ce qu'il a dit que seule la Commune de POIX DE PICARDIE doit assumer la responsabilité de la rupture des contrats de travail et l'a mis hors de cause,

-que dans la mesure où le contrat de travail de Joëlle B...a été transféré à la Commune de POIX DE PICARDIE, il demande le remboursement des sommes avancées à Joëlle B...pour le compte de la SA " AU CARDINAL " en liquidation judiciaire ; que Joëlle B...ne formule d'ailleurs aucune demande ni à l'encontre de Maître X..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SA " AU CARDINAL ", ni à son encontre.

SUR QUOI :

Sur la cessation de la location-gérance et le retour du fonds au propriétaire bailleur

Attendu que le fonds a été donné en location gérance par acte notarié du 26 janvier 2000 ;

Que cet acte précisait au chapitre « Charges et conditions », au point « II – en ce qui concerne les lieux loués » :

« A titre d'information, le BAILLEUR précise qu'il compte réaliser dans le délai d'un an des investissements pour la couverture, la sécurité, l'amélioration de 20 chambres et l'amélioration partielle de la partie restauration, à hauteur de 3. 075. 000,00 Frs, à la condition essentielle qu'il obtienne les subventions adéquates du FEDER et du Département de la Somme.

Si ces subventions n'étaient pas obtenues, le BAILLEUR s'engage, sur un programme unique à réaliser les mêmes travaux sur ses deniers propres mais seulement à hauteur de la somme de 1. 675,000,00 Frs HT.

Etant ici précisé qu'en pareil cas de figure, les travaux de couverture, sécurité et chauffage ne pourront excéder 750. 000,00 Frs, le surplus étant exclusivement consacré aux travaux de mise aux normes de la cuisine et de réfection des chambres. »

Que le propriétaire bailleur s'engageait donc expressément à effectuer notamment des travaux de sécurité et de mise aux normes ;

Attendu que l'arrêté du Préfet de la Région Picardie, Préfet de la Somme, en date du 1er août 2003 vise « les lettres no 03-32 du 13 janvier 2003 et 03-123 du 13 février 2003 mettant en demeure le Maire de POIX DE PICARDIE de prendre toutes dispositions pour que la mise en conformité aux normes de sécurité de cet établissement soit réalisée »

Qu'il n'est pas démontré par le propriétaire bailleur qu'il a réalisé lesdits travaux dont il avait la charge en sa qualité de propriétaire bailleur, ce que relève également l'arrêté précité qui mentionne « Vu l'absence de prise de décision par le maire de POIX DE PICARDIE pour assurer la sécurité de l'accueil du public dans cet établissement à la suite de ces avis avis défavorables émis par la commission d'arrondissement » ;

Attendu en conséquence que l'arrêté ordonnait, en son article 1er, la fermeture immédiate du fonds au public à compter de sa notification à l'exploitant ;

Que cependant il précisait, en son article 2, que « la réouverture des locaux au public ne pourra intervenir qu'après :
-une mise en conformité de l'établissement,
-une visite des commissions de sécurité et d'accessibilité des ERP dans l'arrondissement d'Amiens,
-et une autorisation délivrée par arrêté préfectoral. »

Qu'il n'ordonnait pas la fermeture définitive de l'établissement, sa réouverture pouvant intervenir sous la condition de mise en conformité de l'établissement ;

Attendu que la fermeture de l'établissement par arrêté préfectoral a entraîné de facto la rupture du contrat de location gérance ;

Attendu que la fin de la location gérance entraîne de plein droit le retour du fonds au propriétaire bailleur avec le personnel qui y est attaché, sauf en cas de ruine du fonds du fait du locataire gérant ;

Que la ruine du fonds s'apprécie au jour de la cessation du contrat de location gérance ;

Attendu en l'espèce, d'une part, que la ruine du fonds, s'il y a ruine, n'est pas le fait du locataire gérant, mais bien du propriétaire bailleur ;

Qu'en effet, il ressort de ce qui précède que la fin du contrat de location gérance est intervenue en raison de l'arrêté préfectoral du 1er août 2003 ordonnant la fermeture du fonds du fait de la carence de la Commune de POIX DE PICARDIE à exécuter les travaux qu'elle aurait dû réaliser ;

Que peu importe que la Commune de POIX DE PICARDIE ait réalisé certains travaux de sécurité, elle a failli à ses obligations en qualité de propriétaire bailleur en n'effectuant pas les travaux que le Préfet de la Somme l'avait mise en demeure d'effectuer ;

Que de ce fait la Commune de POIX DE PICARDIE ne peut arguer du fait du prince, la cause de la fermeture étant sa carence à réaliser les travaux de mise en conformité ;

Qu'elle ne peut prétendre pour la même raison que la fermeture est due à une cause extérieure et donc qu'il y a force majeure ;

Que le propriétaire bailleur ne peut en conséquence échapper à sa responsabilité ;

Que les premiers juges ont estimé à bon droit que la fermeture administrative de la SA « AU CARDINAL » était imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE ;

Attendu, d'autre part, que la ruine du fonds n'est pas démontrée ;

Que le fonds ne fait pas l'objet d'une fermeture définitive, mais d'une fermeture temporaire, sa réouverture étant subordonnée à la condition de « mise en conformité de l'établissement » de la responsabilité de la Mairie de POIX DE PICARDIE ;

Qu'au moment où l'arrêté préfectoral a été pris le fonds était exploité et occupait dix-sept salariés, ainsi que cela ressort de la lettre adressée par la SA « AU CARDINAL » le 8 août 2003, date à laquelle lui a été notifié ledit arrêté préfectoral ;

Attendu que la preuve que le fonds subsistait ressort des termes du Bulletin Municipal de septembre 2004 où est publié une synthèse communale sur « LE CARDINAL » dans laquelle il est précisé, d'une part, que « la commercialité à retrouver pour « LE CARDINAL » devra se faire en dehors des interventions financières communales », et d'autre part, que le Conseil Municipal « a lancé une compétition publique pour trouver un acheteur privé ou une société qui sur des fonds privés seraient en mesure d'effectuer les travaux sécuritaires et d'acheter l'immeuble pour y créer un fonds de commerce d'hôtel restaurant bar » ;

Que l'immeuble communal dénommé « LE CARDINAL » a été mis en vente le 14 août 2003 ;

Qu'il était précisé que « l'immeuble vendu sera destiné à voir s'y créer une commercialité d'hôtel restaurant et bar avec le bénéfice de la licence IV, le repreneur s'engageant par écrit lors de son offre à le faire » ;

Que la vente par la Commune de POIX DE PICARDIE à la SCI INVESTISSEMENTS POYAIS » est intervenue le 13 août 2004 ;

Que la vente de l'immeuble sous de telles conditions par le bailleur implique nécessairement d'une part l'existence du fonds et d'autre part le retour du fonds entre les mains du propriétaire bailleur ;

Attendu que depuis la vente, le fonds est toujours exploité, ainsi que cela ressort de l'annuaire professionnel « LES PAGES JAUNES » et qu'il a conservé la même activité qui s'est poursuivie ;

Que dès lors l'interruption temporaire de l'exploitation n'a pas fait obstacle au retour du fonds et à l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail ;

Sur la rupture des contrats de travail

Attendu en conséquence, que l'employeur des salariés au moment de la rupture des contrats de travail était la Commune de POIX DE PICARDIE ;

Que cette rupture est intervenue à la date de la cessation du contrat de location gérance, soit le 12 août 2003 et est imputable à l'employeur qui n'a plus ni fourni de travail, ni versé de salaire à ses employés ;

Qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'aucune procédure de licenciement n'ayant été formalisée, le licenciement est irrégulier ;

Attendu, l'entreprise employant plus de onze salariés au moment de la rupture des contrats de travail, et Joëlle B...ayant plus de deux ans d'ancienneté, que sont applicables au licenciement les dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ;

Que compte tenu de son ancienneté, de la brutalité de la rupture des contrats de travail et des conditions dans lesquelles celle-ci est intervenue, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de son préjudice ;

Qu'en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail l'indemnité pour licenciement irrégulier n'est pas cumulable avec l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement sera confirmé en ce qui concerne l'indemnité allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour procédure irrégulière ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Attendu qu'en application de l'alinéa 2 de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, il convient d'ordonner le remboursement par la Commune POIX DE PICARDIE aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Joëlle B...du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Attendu que Joëlle B...était en droit de prétendre, compte tenu de son ancienneté, à un préavis de deux mois ;

Que le jugement sera dès lors confirmé de ce chef ;

Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que Joëlle B...était également en droit de prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement ;

Qu'il convient également de confirmer le jugement de ce chef, la salariée ayant trois ans et six mois d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail ;

Sur les congés payés

Attendu que doivent lui être accordés également les congés payés lui restant dus au moment de la rupture du contrat de travail ;

Qu'il n'apparaît pas que ces congés payés aient été pris ;

Que le montant réclamé n'est pas contesté ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef ;

Sur la mise hors de cause du CGEA d'AMIENS

Attendu, compte tenu de ce qui précède, les contrats de travail ayant été transférés à la Commune de POIX DE PICARDIE, qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause le CGEA d'AMIENS ;

Sur la demande reconventionnelle du CGEA d'AMIENS

Attendu que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SA « AU CARDINAL » le CGEA d'AMIENS a fait l'avance de sommes dont il réclame le remboursement à Joëlle B..., à savoir :

-1. 653,52 euros au titre des salaires du 1 / 9 / 2003 au 2 / 10 / 2003,

-3. 048,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-2. 413,52 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-1. 219,59 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

soit une somme totale de 8. 317,61 euros ;

Attendu que la rupture du contrat de travail par la commune de POIX DE PICARDIE étant intervenue le 12 août 2003, le salaire pour la période du 1er septembre au 2 octobre 2003 n'est pas dû ;

Que Joëlle B...devra donc rembourser cette somme au CGEA ;

Attendu que la Commune de POIX DE PICARDIE étant condamnée à lui payer l'indemnité compensatrice de préavis, Joëlle B...ne peut percevoir deux fois la même somme ;

Qu'elle devra également rembourser au CGEA cette somme dont il a fait l'avance ;

Attendu qu'il en est de même pour l'indemnité compensatrice de congés payés qu'elle ne peut percevoir deux fois ;

Qu'elle en doit donc le remboursement au CGEA ;

Attendu en ce qui concerne l'indemnité de licenciement, qu'une indemnité lui a été allouée à ce titre dans le cadre de la présente procédure, indemnité dont elle ne conteste pas le montant ;

Qu'il convient donc qu'elle rembourse au CGEA l'indemnité indûment perçue ;

Attendu en conséquence qu'il convient de faire droit à la demande du CGEA d'AMIENS et de condamner Joëlle B...au remboursement de la somme totale de 8. 317,61 euros dont il avait fait l'avance ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la Commune de POIX DE PICARDIE, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à verser à Joëlle B...une indemnité complémentaire de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de débouter Maître X... de sa demande au même titre ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne Joëlle B...à rembourser au CGEA d'AMIENS la somme de 8. 317,61 euros dont il a fait l'avance,

Condamne la Commune de POIX DE PICARDIE aux dépens d'appel,

Déboute la Commune de POIX DE PICARDIE de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute Maître X... es-qualité de Mandataire liquidateur de la SA « AU CARDINAL » de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la Commune de POIX DE PICARDIE à verser à Joëlle B...une indemnité complémentaire de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER : LE PRESIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0081
Numéro d'arrêt : 06/04148
Date de la décision : 17/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Amiens, 27 juin 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2007-10-17;06.04148 ?
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