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17/10/2007 | FRANCE | N°06/02077

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0081, 17 octobre 2007, 06/02077


ARRET No

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE

C /

X...Y...E...Z...A...B... CGEA D'AMIENS

JL / SEI.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B PRUD'HOMMES

ARRET DU 17 OCTOBRE 2007
*************************************************************
RG : 06 / 02077
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'AMIENS en date du 27 juin 2005

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE
COMMUNE DE POIX DE PICARDIE Monsieur le Maire...... 80290 POIX DE PICARDIE

Représentée, concluant et plaidant par Me Lionel MARGUET, avocat au bar

reau d'AMIENS.
ET :
INTIMES
Madame Emilie X...... 80400 WANEL HALLENCOURT

Représentée par M.C..., délégué syndical ma...

ARRET No

COMMUNE DE POIX DE PICARDIE

C /

X...Y...E...Z...A...B... CGEA D'AMIENS

JL / SEI.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B PRUD'HOMMES

ARRET DU 17 OCTOBRE 2007
*************************************************************
RG : 06 / 02077
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'AMIENS en date du 27 juin 2005

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE
COMMUNE DE POIX DE PICARDIE Monsieur le Maire...... 80290 POIX DE PICARDIE

Représentée, concluant et plaidant par Me Lionel MARGUET, avocat au barreau d'AMIENS.
ET :
INTIMES
Madame Emilie X...... 80400 WANEL HALLENCOURT

Représentée par M.C..., délégué syndical mandaté aux termes d'un pouvoir en date à WANEL du 26 décembre 2005.
Mademoiselle Sylvie Y...... 80290 EQUENNES ERAMECOURT

Représentée par M.C..., délégué syndical mandaté aux termes d'un pouvoir en date à EQUENNES du 27 décembre 2005.
Madame Célina E... épouse F...... 80000 AMIENS

Comparante, assistée de M.C..., délégué syndical mandaté aux termes d'un pouvoir en date à AMIENS du 07 janvier 2006.
Monsieur Dominique Z...... " ... 80290 POIX DE PICARDIE

Comparant, assisté de M.C..., délégué syndical mandaté aux termes d'un pouvoir en date à POIX DE PICARDIE du 21 décembre 2005.
Monsieur Michel A...... 80490 SOREL EN VIMEU

Comparant, assisté de M.C..., délégué syndical mandaté aux termes d'un pouvoir en date à SOREL EN VIMEU du 21 décembre 2005.

Maître Vincent B..., mandataire liquidateur de la SA AU CARDINAL... 80000 AMIENS

Représenté, concluant et plaidant par Me Franck DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS.

CGEA D'AMIENS... 80000 AMIENS

Représenté, concluant et plaidant par Me Daniel CARON, avocat au barreau d'AMIENS.

DEBATS :

A l'audience publique du 14 Mars 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives et le délégué syndical en ses conclusions et observations devant Mme SEICHEL, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 27 juin 2007, pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme SEICHEL en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :
Mme DARCHY, Président de chambre, Mme BESSE, Conseiller, qui en a délibéré conformément à la loi.

A l'audience publique du 27 juin 2007, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 03 octobre 2007 pour prononcer l'arrêt.
A l'audience publique du 03 octobre 2007, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 17 octobre 2007 pour prononcer l'arrêt.
PRONONCE :
A l'audience publique du 17 Octobre 2007, l'arrêt a été rendu par mise disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et M. BOURSIER, Greffier, présent lors du prononcé.

* * *

DECISION :
La Commune de POIX DE PICARDIE est propriétaire d'un fonds de commerce de Café, Hôtel, Restaurant, exploité à POIX DE PICARDIE sous l'enseigne « AU CARDINAL ».
Selon acte notarié établi par Maître François J..., Notaire à POIX DE PICARDIE, en date du 26 janvier 2000, ce fonds de commerce a été donné en location gérance à la SA Hôtel Restaurant « AU CARDINAL ».
Le contrat de location gérance précisait le nom des salariés déjà employés au service du bailleur, à savoir notamment :
-Mickaël A..., embauché par contrat à durée indéterminée le 1er avril 1997 en qualité de cuisinier,
-Céline F..., embauchée par contrat à durée indéterminée le 12 mars 1992 en qualité d'employée polyvalente,
-Dominique Z..., embauché par contrat à durée indéterminée le 2 juillet 1987 en qualité de second de cuisine,
-Emilie X..., embauchée par contrat à durée indéterminée le 7 septembre 2001 en qualité de serveuse,
-Sylvie Y..., embauchée par contrat à durée indéterminée le 26 avril 1995 en qualité de femme de chambre,
Par un arrêté en date du 1er août 2003, Monsieur le Préfet de la Région Picardie, Préfet de la Somme, a procédé à la fermeture de l'établissement « AU CARDINAL » et précisait que la réouverture des locaux au public ne pourrait intervenir qu'après :
-une mise en conformité de l'Etablissement,-une visite des Commissions de Sécurité et d'Accessibilité des ERP dans l'arrondissement d'AMIENS,-une autorisation délivrée par arrêté préfectoral.

Par exploit d'huissier en date du 8 août 2003, la Commune de POIX DE PICARDIE a procédé à la notification de cet arrêté.
Par exploit d'huissier en date du 12 août 2003, la Commune de POIX DE PICARDIE a notifié la résiliation du contrat de location gérance.
La SA « AU CARDINAL » a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce d'AMIENS en date du 19 septembre 2003 qui prescrivait également l'inventaire immédiat des biens de l'entreprise.
Contestant leur licenciement, les salariés de la SA « AU CARDINAL » ont saisi le Conseil de Prud'hommes d'AMIENS qui, par un jugement en date du 27 juin 2005, a :
-dit que la continuité des contrats de travail de Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z..., Emilie X... et Sylvie Y... devait être assumée par la Commune de POIX DE PICARDIE,
-dit que la fermeture administrative de la SA « AU CARDINAL » est imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE,
-dit que la rupture des contrats de travail des salariés sus-désignés est imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE,
-dit que cette rupture des contrats de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-par conséquent, condamné la Commune de POIX DE PICARDIE à payer les sommes suivantes, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :-§ 17. 369,64 euros à Mickaël A..., § 15. 725,16 euros à Céline F..., § 20. 247,96 euros à Dominique Z..., § 8. 752,44 euros à Emilie X..., § 11. 216,40 euros à Sylvie Y...,

-ordonné à la Commune de POIX DE PICARDIE le remboursement à l'ASSEDIC des indemnités de chômage dans la limite de six mois par salarié,
-condamné la Commune de POIX DE PICARDIE à payer à chaque salarié la somme de 200,00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-mis hors de cause le CGEA d'AMIENS dans le cadre de la rupture des contrats de travail,
-débouté Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z..., Emilie X... et Sylvie Y... du surplus de leurs demandes,
-débouté la Commune de POIX DE PICARDIE de sa demande reconventionnelle.
Cette décision a été notifiée le 29 juin 2005 à la Commune de POIX DE PICARDIE qui en a relevé appel le 12 juillet 2005.
Par des conclusions du 25 octobre 2006, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du 14 mars 2007, la Commune de POIX DE PICARDIE demande à la Cour :
-d'infirmer le jugement,
-de débouter les salariés de l'intégralité de leurs demandes,
-de la mettre hors de cause,
-de condamner les intimés au paiement d'une somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Commune de POIX DE PICARDIE fait valoir :
-que l'article L. 122-12 du Code du Travail s'applique à la mise en location gérance ou en cas de retour du fonds au bailleur dès lors que l'activité n'a pas disparu et que le fonds est demeuré exploitable, cette situation s'appréciant à la date de résiliation du contrat de location gérance ; que tel n'est pas le cas lorsque le locataire gérant a provoqué la ruine du fonds, toute activité ayant pris fin et l'entreprise ayant disparu ; qu'il appartient au juge du fond de rechercher si le fonds n'a pas disparu avant la résiliation du contrat, ce que le Conseil de Prud'hommes d'AMIENS n'a pas fait ; qu'il s'est contenté d'affirmer qu'elle était seule responsable de la fermeture administrative ; que même si le fonds de commerce subsiste, l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du Travail n'est pas applicable lorsque son exploitation ne pouvait plus être poursuivie ; que dès la prise de l'arrêté du 1er août 2003, le fonds n'existait plus puisqu'il n'y avait aucune possibilité de continuer l'exploitation ; que le fonds avait disparu avant la résiliation même du contrat ; que l'impossibilité de l'exploiter a privé le fonds de son existence ; qu'il n'y a donc pas eu transfert des contrats au propriétaire du fonds ;
-qu'elle s'engageait à faire des travaux à condition qu'elle obtienne les subventions adéquates du FEDER et du Département de la Somme ; que si celles-ci n'étaient pas obtenues, elle s'engageait sur un programme unique à réaliser ces mêmes travaux sur ses deniers propres à hauteur de 1. 675. 000 F hors taxes, les travaux de couverture, sécurité et chauffage ne pouvant alors excéder la somme de 750. 000 F, le surplus étant exclusivement consacré aux travaux de mise aux normes de la cuisine et à la réfection des chambres ; qu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté cette obligation ; que les travaux ont été effectués par la commune ; qu'elle n'est en rien responsable de la fermeture administrative ; que si par cas fortuit, de force majeure ou toute autre cause l'immeuble venait à être démoli ou déclaré insalubre, le bail serait résolu de plein droit sans indemnité du bailleur ; que de même il était résolu de plein droit au cas où une décision administrative ou judiciaire ordonnait la fermeture définitive du fonds ; que seul le Préfet a pris la décision de fermer ; que le montant des travaux dépendait des subventions jamais reçues ; qu'il n'existe aucun lien entre les obligations prises par la Commune dans le bail, et l'arrêté préfectoral ayant conduit à la fermeture du fonds ; que l'évaluation des travaux a été chiffrée bien après le bail et s'élevait à 9 millions de francs ; que le fonds n'a plus existé dès le prononcé de la décision administrative ; qu'il n'y a pas eu retour des contrats au bailleur ;
-que très subsidiairement, le fait du prince, c'est à dire une décision administrative rendant impossible l'exécution du contrat conduit à la rupture pour force majeure ;
-qu'elle ne peut donc être recherchée dans le cadre de la rupture des contrats de travail.
Par des conclusions du 20 décembre 2005, régulièrement communiquées et développées à l'audience du 14 mars 2006, Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z..., Emilie X... et Sylvie Y... demandent à la Cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à payer à chacun d'eux une somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z..., Emilie X... et Sylvie Y... font valoir :
-que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en disant que les contrats de travail ont été retournés par le locataire gérant au propriétaire du fonds ; que toute cessation de la location gérance entraîne le retour aux propriétaire du fonds des contrats de travail ; qu'il s'agit d'une jurisprudence constante, la seule exception étant la ruine du fonds ; qu'à la date du 12 août 2003, la cessation de la location gérance a eu pour conséquence inévitable de retourner au propriétaire du fonds, le fonds ainsi que les contrats de travail passés avec lui ; que la Cour ne pourra que prendre acte de ce que la rupture du contrat de travail de chacun d'eux est imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE, rupture qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-qu'en application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail, qui sont d'ordre public, les contrats de travail en cours au moment du transfert de l'entité économique suivent de plein droit l'entité transférée ; qu'ils sont passés d'office au service du nouvel employeur, leur contrat se poursuivant avec ce dernier ; que les contrats de travail ont donc été transférés à la Commune de POIX DE PICARDIE au moment de la cessation de la location gérance ; que la Commune de POIX DE PICARDIE a dès lors acquis la qualité d'employeur à leur égard ; que leur contrat de travail a subsisté dans les conditions mêmes où il était exécuté ; qu'ils bénéficient donc de leur qualification professionnelle et de leur ancienneté ; que le nouvel employeur doit notamment fournir du travail et payer les salaires ; que la Commune de POIX DE PICARDIE n'a jamais fourni un quelconque travail ou versé un quelconque salaire ; que la Cour ne pourra que constater ce manquement de la Commune de POIX DE PICARDIE à ses obligations essentielles et prendre acte de ce que la rupture de leur contrat de travail est imputable au nouvel employeur ; que cette rupture est intervenue le 12 août 2003, date du transfert de leur contrat de travail à la Commune de POIX DE PICARDIE et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier dans la mesure où la procédure de licenciement n'a pas été respectée ;
-que compte tenu de leur ancienneté, la Cour ne pourra que leur allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à douze mois de salaire, à l'exception de Mlle X... pour laquelle elle allouera une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de six mois de salaire ainsi qu'une indemnité pour irrégularité de la procédure équivalente à un mois de salaire.
Par des conclusions du 18 janvier 2006, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du 14 mars 2007, Maître B... es-qualité de liquidateur de la SA Hôtel Restaurant " AU CARDINAL ", demande à la Cour :
-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
-de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à lui payer la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Maître B... es-qualité fait valoir :
-que l'article L. 122-12 s'applique au contrat de location gérance ; que toute cessation de la location gérance a pour conséquence le retour au propriétaire du fonds des contrats de travail passés par le locataire gérant ; qu'il s'agit d'une jurisprudence constante ; que la seule exception serait la ruine du fonds par le locataire gérant, circonstance soumise à l'appréciation des juges du fond ; qu'aucune ruine du fonds ne saurait être imputée au locataire-gérant qui s'est comporté en bon père de famille dans la gestion de cet établissement ; que si ruine il y avait, elle ne saurait être imputée qu'à la Commune de POIX DE PICARDIE qui a refusé de remettre le fonds en conformité aux normes de sécurité, alors qu'elle s'était engagée à le faire dans le délai d'un an aux termes de l'acte de location gérance ; que si les subventions n'étaient pas obtenues, l'employeur s'engageait même sur ses propres deniers ; que malgré les relances, c'est la carence de la Commune de POIX DE PICARDIE dans le respect de ses engagements contractuels qui a conduit Monsieur le Préfet de la Région de PICARDIE à prononcer la fermeture au public de l'établissement " AU CARDINAL " ; que le jugement devra dès lors être confirmé ;
-que la Commune de POIX DE PICARDIE fait valoir l'existence d'une cause exonératoire de responsabilité en invoquant le fait du prince, c'est à dire une décision administrative rendant impossible l'exécution du contrat de travail et conduisant à la rupture pour force majeure ; que telle cause d'exonération de responsabilité ne peut être valablement invoquée au profit du bailleur dans la mesure où il est à l'origine de la fermeture ;
-qu'aucune ruine du fonds ne pouvant être imputée au locataire gérant, le transfert des contrats de travail au propriétaire du fonds peut donc trouver application.
Par des conclusions du 6 janvier 2006, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du 14 mars 2007, le CGEA d'AMIENS demande à la Cour :
-de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-en conséquence, de dire que les contrats ont été transférés à la Commune de POIX DE PICARDIE par application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail,
-en conséquence de dire qu'il doit être purement et simplement être mis hors de cause,
-à titre subsidiaire de dire que le CGEA d'AMIENS ne peut en aucun cas garantir les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-de dire que le CGEA d'AMIENS ne peut être amené à avancer le montant des créances dues en exécution d'un contrat de travail fixées par le Conseil que dans la limite de sa garantie prévue aux articles L. 143-11-1, L. 143-11-8, D. 143-2 et D. 143-3 du Code du Travail, ainsi que les dispositions de l'article L. 621-48 du Code de Commerce ;
Le CGEA d'AMIENS fait valoir :
-qu'il convient de retenir l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail, la Commune de POIX DE PICARDIE, propriétaire du fonds donné en location gérance, s'étant vue transférer les différents contrats de travail existant au moment de la rupture du contrat de location gérance ;
-qu'il apparaît que le fonds de commerce n'est pas en ruine ; qu'il n'a pas disparu ainsi qu'il en est justifié ; qu'il comprend toujours des éléments corporels et incorporels ; que l'interruption temporaire de l'activité ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail ; que le propriétaire du fonds était tenu de reprendre le personnel par l'effet dudit article ; que la valeur du fonds s'apprécie au jour de la résiliation du contrat de location gérance ; qu'à cette date le fonds était parfaitement exploitable à la condition que le propriétaire effectue les travaux nécessaires pour mettre l'établissement en conformité, ce qui ressortait de sa seule responsabilité ;
-que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que seule la Commune de POIX DE PICARDIE doit assumer la responsabilité de la rupture des contrats de travail et l'a mis hors de cause.

SUR QUOI :

Sur la cessation de la location-gérance et le retour du fonds au propriétaire bailleur
Attendu que le fonds a été donné en location gérance par acte notarié du 26 janvier 2000 ;
Que cet acte précisait au chapitre « Charges et conditions », au point « II – en ce qui concerne les lieux loués » :
« A titre d'information, le BAILLEUR précise qu'il compte réaliser dans le délai d'un an des investissements pour la couverture, la sécurité, l'amélioration de 20 chambres et l'amélioration partielle de la partie restauration, à hauteur de 3. 075. 000,00 Frs, à la condition essentielle qu'il obtienne les subventions adéquates du FEDER et du Département de la Somme.
Si ces subventions n'étaient pas obtenues, le BAILLEUR s'engage, sur un programme unique à réaliser les mêmes travaux sur ses deniers propres mais seulement à hauteur de la somme de 1. 675,000,00 Frs HT.
Etant ici précisé qu'en pareil cas de figure, les travaux de couverture, sécurité et chauffage ne pourront excéder 750. 000,00 Frs, le surplus étant exclusivement consacré aux travaux de mise aux normes de la cuisine et de réfection des chambres. »
Que le propriétaire bailleur s'engageait donc expressément à effectuer notamment des travaux de sécurité et de mise aux normes ;
Attendu que l'arrêté du Préfet de la Région Picardie, Préfet de la Somme, en date du 1er août 2003 vise « les lettres no 03-32 du 13 janvier 2003 et 03-123 du 13 février 2003 mettant en demeure le Maire de POIX DE PICARDIE de prendre toutes dispositions pour que la mise en conformité aux normes de sécurité de cet établissement soit réalisée »
Qu'il n'est pas démontré par le propriétaire bailleur qu'il a réalisé lesdits travaux dont il avait la charge en sa qualité de propriétaire bailleur, ce que relève également l'arrêté précité qui mentionne « Vu l'absence de prise de décision par le maire de POIX DE PICARDIE pour assurer la sécurité de l'accueil du public dans cet établissement à la suite de ces avis avis défavorables émis par la commission d'arrondissement » ;
Attendu en conséquence que l'arrêté ordonnait, en son article 1er, la fermeture immédiate du fonds au public à compter de sa notification à l'exploitant ;
Que cependant il précisait, en son article 2, que « la réouverture des locaux au public ne pourra intervenir qu'après :-une mise en conformité de l'établissement,-une visite des commissions de sécurité et d'accessibilité des ERP dans l'arrondissement d'Amiens,-et une autorisation délivrée par arrêté préfectoral. »

Qu'il n'ordonnait pas la fermeture définitive de l'établissement, sa réouverture pouvant intervenir sous la condition de mise en conformité de l'établissement ;
Attendu que la fermeture de l'établissement par arrêté préfectoral a entraîné de facto la rupture du contrat de location gérance ;
Attendu que la fin de la location gérance entraîne de plein droit le retour du fonds au propriétaire bailleur avec le personnel qui y est attaché, sauf en cas de ruine du fonds du fait du locataire gérant ;
Que la ruine du fonds s'apprécie au jour de la cessation du contrat de location gérance ;
Attendu en l'espèce, d'une part, que la ruine du fonds, s'il y a ruine, n'est pas le fait du locataire gérant, mais bien du propriétaire bailleur ;
Qu'en effet, il ressort de ce qui précède que la fin du contrat de location gérance est intervenue en raison de l'arrêté préfectoral du 1er août 2003 ordonnant la fermeture du fonds du fait de la carence de la Commune de POIX DE PICARDIE à exécuter les travaux qu'elle aurait dû réaliser ;
Que peu importe que la Commune de POIX DE PICARDIE ait réalisé certains travaux de sécurité, elle a failli à ses obligations en qualité de propriétaire bailleur en n'effectuant pas les travaux que le Préfet de la Somme l'avait mise en demeure d'effectuer ;
Que de ce fait la Commune de POIX DE PICARDIE ne peut arguer du fait du prince, la cause de la fermeture étant sa carence à réaliser les travaux de mise en conformité ;
Qu'elle ne peut prétendre pour la même raison que la fermeture est due à une cause extérieure et donc qu'il y a force majeure ;
Que le propriétaire bailleur ne peut en conséquence échapper à sa responsabilité ;
Que les premiers juges ont estimé à bon droit que la fermeture administrative de la SA « AU CARDINAL » était imputable à la Commune de POIX DE PICARDIE ;
Attendu, d'autre part, que la ruine du fonds n'est pas démontrée ;
Que le fonds ne fait pas l'objet d'une fermeture définitive, mais d'une fermeture temporaire, sa réouverture étant subordonnée à la condition de « mise en conformité de l'établissement » de la responsabilité de la Mairie de POIX DE PICARDIE ;
Qu'au moment où l'arrêté préfectoral a été pris le fonds était exploité et occupait dix-sept salariés, ainsi que cela ressort de la lettre adressée par la SA « AU CARDINAL » le 8 août 2003, date à laquelle lui a été notifié ledit arrêté préfectoral ;
Attendu que la preuve que le fonds subsistait ressort des termes du Bulletin Municipal de septembre 2004 où est publié une synthèse communale sur « LE CARDINAL » dans laquelle il est précisé, d'une part, que « la commercialité à retrouver pour « LE CARDINAL » devra se faire en dehors des interventions financières communales », et d'autre part, que le Conseil Municipal « a lancé une compétition publique pour trouver un acheteur privé ou une société qui sur des fonds privés seraient en mesure d'effectuer les travaux sécuritaires et d'acheter l'immeuble pour y créer un fonds de commerce d'hôtel restaurant bar » ;
Que l'immeuble communal dénommé « LE CARDINAL » a été mis en vente le 14 août 2003 ;
Qu'il était précisé que « l'immeuble vendu sera destiné à voir s'y créer une commercialité d'hôtel restaurant et bar avec le bénéfice de la licence IV, le repreneur s'engageant par écrit lors de son offre à le faire » ;
Que la vente par la Commune de POIX DE PICARDIE à la SCI INVESTISSEMENTS POYAIS » est intervenue le 13 août 2004 ;
Que la vente de l'immeuble sous de telles conditions par le bailleur implique nécessairement d'une part l'existence du fonds et d'autre part le retour du fonds entre les mains du propriétaire bailleur ;
Attendu que depuis la vente, le fonds est toujours exploité, ainsi que cela ressort de l'annuaire professionnel « LES PAGES JAUNES » et qu'il a conservé la même activité qui s'est poursuivie ;
Que dès lors l'interruption temporaire de l'exploitation n'a pas fait obstacle au retour du fonds et à l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail ;
Sur la rupture des contrats de travail
Attendu en conséquence, que l'employeur des salariés au moment de la rupture des contrats de travail était la Commune de POIX DE PICARDIE ;
Que cette rupture est intervenue à la date de la cessation du contrat de location gérance, soit le 12 août 2003 et est imputable à l'employeur qui n'a plus ni fourni de travail, ni versé de salaire à ses employés ;
Qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'aucune procédure de licenciement n'ayant été formalisée, le licenciement est irrégulier ;
Attendu, l'entreprise employant plus de onze salariés au moment de la rupture des contrats de travail, que concernant les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté, à savoir Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z... et Sylvie Y..., sont applicables au licenciement les dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ;
Que compte tenu de leur ancienneté, de la brutalité de la rupture des contrats de travail et des conditions dans lesquelles celle-ci est intervenue, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de leur préjudice ;
Que le jugement sera confirmé à leur égard en ce qui concerne l'indemnité allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que Emilie X... ayant moins de deux ans d'ancienneté, sont applicables à son licenciement les dispositions de l'article L. 122-14-5 du Code du Travail ;
Que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse peut alors se cumuler avec l'indemnité pour irrégularité de la procédure ;
Qu'il lui sera alloué une indemnité de 4. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de 1. 458,74 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;
Que le jugement sera infirmé de ces chefs ;
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Attendu qu'en application de l'alinéa 2 de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, il convient d'ordonner le remboursement par la Commune POIX DE PICARDIE aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z... et Sylvie Y... du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef en ce qui concerne Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z... et Sylvie Y... ;
Qu'il devra être infirmé en ce qui concerne Emilie X... pour laquelle sont applicables les dispositions de l'article L. 122-14-5 du Code du Travail ;
Sur la mise hors de cause du CGEA d'AMIENS
Attendu, compte tenu de ce qui précède, les contrats de travail ayant été transférés à la Commune de POIX DE PICARDIE, qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause le CGEA d'AMIENS ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que la Commune de POIX DE PICARDIE, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de condamner la Commune de POIX DE PICARDIE à verser à chacun des salariés une indemnité complémentaire de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de débouter Maître B... de sa demande au même titre ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Au fond,
Infirme le jugement en ce qui concerne Emilie X..., et le remboursement des indemnités de chômage,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la Commune de POIX DE PICARDIE à verser à Emilie X... une indemnité de 4. 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et 1. 458,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,
Dit que la Commune de POIX DE PICARDIE devra rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z... et Sylvie Y... du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois,
Dit n'y avoir lieu à remboursement par la Commune de POIX DE PICARDIE des indemnités de chômage versées à Emilie X...,
Confirme le jugement pour le surplus en ses dispositions non contraires,
Condamne la Commune de POIX DE PICARDIE aux dépens d'appel,
Déboute la Commune de POIX DE PICARDIE de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Déboute Maître B... es-qualité de Mandataire liquidateur de la SA « AU CARDINAL » de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne la Commune de POIX DE PICARDIE à verser à Mickaël A..., Céline F..., Dominique Z..., Sylvie Y... et Emilie X... une indemnité complémentaire de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER : LE PRESIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0081
Numéro d'arrêt : 06/02077
Date de la décision : 17/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Amiens, 27 mai 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2007-10-17;06.02077 ?
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