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12/09/2007 | FRANCE | N°06/03923

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0081, 12 septembre 2007, 06/03923


ARRET
No

X...

C /

Y...

Dar. / JL

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B
PRUD'HOMMES

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2007

*************************************************************

RG : 06 / 03923

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CHATEAU-THIERRY en date du 21 septembre 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Mademoiselle Karine X...
...
77320 JOUY SUR MORIN

Représentée, concluant et plaidant par Me Marco PLANKENSTEINER, avocat au barreau de PARIS

ET : r>
INTIME

Monsieur Philippe Y...
...
02540 VIELS-MAISONS

Représenté, concluant et plaidant par Me Francine VIAUX, avocat au barreau de PARIS

DEBATS...

ARRET
No

X...

C /

Y...

Dar. / JL

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B
PRUD'HOMMES

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2007

*************************************************************

RG : 06 / 03923

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CHATEAU-THIERRY en date du 21 septembre 2006

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Mademoiselle Karine X...
...
77320 JOUY SUR MORIN

Représentée, concluant et plaidant par Me Marco PLANKENSTEINER, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur Philippe Y...
...
02540 VIELS-MAISONS

Représenté, concluant et plaidant par Me Francine VIAUX, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme DARCHY, Président de chambre, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile et sans opposition des parties, qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 12 Septembre 2007 pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DARCHY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :

Mme BESSE, Conseiller,
Mme SEICHEL, Conseiller,
qui en a délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

A l'audience publique du 12 Septembre 2007, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et Mme LEROY, Greffier, présente lors du prononcé.

*
* *

DECISION :

Vu le jugement rendu le 21 septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de CHATEAU-THIERRY qui a :

-condamné Me Philippe Y... à payer à Karine X... les sommes de :

. 146,10 € à titre de rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés,

. 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-débouté Karine X... du surplus de ses demandes,

-débouté Me Y... de sa demande reconventionnelle.

Vu l'appel de cette décision interjeté le 12 octobre 2006 par Karine X....

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 16 mai 2007 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel.

Vu les conclusions responsives et récapitulatives enregistrées au greffe le 15 mai 2007 et reprises à l'audience par lesquelles Karine X... demande à la Cour :

-de dire qu'elle a été embauchée par un contrat de travail à durée déterminée pour une durée de deux ans à compter du 1er juin 2004 jusqu'au 31 mai 2006,

-d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié d'office ce contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec une période d'essai de 5 mois et débouté l'appelante de ses demandes indemnitaires,

-de dire que la rupture de son contrat à durée déterminée est abusive et imputable exclusivement à Me Y...,

-de condamner en conséquence Me Y... à lui payer les sommes de :

. 52. 065 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

. 7. 209 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

. 6. 316 € à titre d'indemnité de fin de contrat,
outre les intérêts légaux sur ces sommes calculés à compter de l'introduction de l'instance,

-de condamner Me Y... à lui remettre une attestation ASSEDIC mentionnant la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée à l'initiative de l'employeur comme motif de la rupture, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt,

-de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Me Y... à lui payer les sommes de 146,10 € à titre de rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés et la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que du chef des dépens,

En tout état de cause :

-d'écarter les pièces versées aux débats par Me Y..., communiquées sous les numéros 16,17,25,26,27,28,29,30,31,32,33,34,35 et 38,

-de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Me Y... de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour erreurs grossières et pour manquement à la loyauté et pour préjudice moral,

-de condamner Me Y... à lui payer les sommes de 40. 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de procédure sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile et de 5. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

en faisant essentiellement valoir :

-qu'elle a été embauchée par Me Y... suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 25 mai 2004 à compter du 1er juin 2004 pour une durée de 2 ans, avec une période d'essai de 5 mois, en qualité de clerc de notaire statut cadre,

-que si elle n'a pas signé ce contrat établi par écrit, pour une durée supérieure à 18 mois, et ce en violation des règles relatives à la conclusion des contrats à durée déterminée, elle n'a pas invoqué devant le conseil de prud'hommes le caractère irrégulier de son contrat et n'a pas sollicité sa requalification en contrat à durée indéterminée,

-que le conseil de prud'hommes ne pouvait d'office requalifier son contrat de travail, seul le salarié pouvant se prévaloir de l'inobservation des règles édictées dans le seul souci de sa protection,

-que l'existence d'un contrat à durée déterminée de deux ans ressort des documents versés aux débats qui reflètent sans équivoque la réelle volonté des parties, notamment des courriers de Me Y... lui-même,

-que les dispositions de l'article L 122-3-1 du code du travail sont d'ordre public et l'employeur ne peut par une simple déclaration unilatérale, même écrite et communiquée au salarié, écarter l'application de cette norme impérative et attribuer à l'absence de signature du contrat écrit par le salarié l'effet d'en déterminer le terme, de sorte en l'espèce que la clause contenue dans la lettre du 25 mai 2004 est nulle et de nul effet,

-que l'employeur ne peut invoquer la violation des dispositions prévues par les articles L 122-1 et suivants du code du travail pour demander la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée,

-que la rupture du contrat intervenue le 24 septembre 2004, soit 3 mois et 24 jours après l'embauche, ne peut s'analyser en rupture en période d'essai, laquelle compte tenu des dispositions de l'article L 122-3-2 du code du travail et de l'article 6 de la convention collective du notariat ne peut être supérieure à un mois,

-que c'est Me Y... qui a pris l'initiative de rompre le contrat en lui adressant la lettre du 24 septembre 2004 et elle n'a jamais mis fin à ce contrat, ni exprimé la moindre intention d'y mettre fin,

-qu'elle conteste fermement avoir exprimé une quelconque volonté de démissionner,

-qu'elle a signé l'accord du 30 septembre 2004 sous la pression de son employeur et alors qu'elle était dans une situation de fragilité émotionnelle compte tenu de ce qu'elle avait reçu la lettre de licenciement du 24 septembre 2004 dont les termes étaient vexants et dénigrants, de sorte qu'elle n'a pu apprécier pleinement la portée et les conséquences de sa signature,

-qu'en outre en faisant état d'une période d'essai, ce document l'a induite en erreur,

-que lors de la signature de l'accord du 30 septembre 2004, le contrat de travail était déjà rompu de sorte que cet accord ne pouvait avoir pour effet de mettre fin amiablement au contrat,

-que l'accord du 30 septembre 2004 ne peut donc qu'être déclaré nul,

-que la lettre du 24 septembre 2004 ne mentionne ni une faute grave ni un cas de force majeure et au surplus elle conteste la réalité des prétendues fautes grossières alléguées ultérieurement par l'employeur,

-que dans ces conditions la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est irrégulière et imputable à son employeur,

-qu'elle est donc en droit de réclamer l'indemnité de rupture prévue par l'article L 122-3-8 du code du travail en réparation de son préjudice matériel mais également la réparation de son préjudice moral, ainsi que l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L 122-3-4 du code du travail,

-que les pièces versées par Me Y... contenant des annotations qu'il a ajoutées, leur conférant ainsi un caractère tendancieux pour les besoins du procès, et qui ne sont donc pas des copies fidèles des originaux, doivent être rejetées des débats,

-qu'elle conteste formellement les erreurs grossières qui lui sont reprochées par Me Y... à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, soit en contestant en être l'auteur, soit en indiquant qu'elles sont postérieures à son départ, soit en alléguant l'absence de préjudice ou de conséquence en découlant,

-qu'elle conteste également toute intention de nuire à son employeur, de même que tout manquement à la loyauté de sa part en indiquant n'avoir jamais menti sur ses diplômes et en précisant qu'elle justifiait des titres lui permettant de devenir notaire et éventuellement de succéder à son employeur lorsqu'il serait parti à la retraite en 2006-2007,

-qu'elle est dans ces conditions fondée en ses demandes tandis que Me Y... a été à juste titre débouté des siennes.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 10 mai 2007 et soutenues à l'audience par lesquelles, contestant et réfutant les moyens et l'argumentation adverses, Me Y... demande à la Cour :

-de confirmer le jugement en ce qu'il a pris acte de son acceptation de s'acquitter de la somme de 146,10 € à titre de reliquat de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à la loyauté et préjudice moral et de condamner Karine X... à lui payer la somme de 81. 306,14 € à ce titre,

-d'infirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée par la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée,

-de dire que la relation contractuelle entre les parties reposait sur un contrat de travail verbal à durée indéterminée,

-de débouter Karine X... quant au surplus de ses demandes financières en lien avec l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée,

-d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour erreurs grossières commises par l'appelante dans l'exécution de ses tâches professionnelles et de condamner de ce chef Karine X... à lui payer la somme de 100. 000 € à titre de dommages et intérêts,

-à titre subsidiaire, si la Cour ne prononçait pas condamnation de ce chef, de désigner un expert à frais partagés avec la mission d'analyser les actes concernés, sur place, à l'étude notariale, de déceler et répertorier les erreurs commises par l'appelante dans lesdits actes puis de définir la part de responsabilité de cette dernière dans les sinistres occasionnés du fait de ses négligences,

-de condamner Karine X... à lui payer la somme de 3. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

en faisant principalement valoir :

-que l'embauche de Karine X... avait pour objectif la reprise future de l'étude notariale, ce qui supposait qu'elle obtienne dans les meilleurs délais son diplôme de notaire or celle-ci en lui cachant qu'elle n'avait qu'un diplôme de premier clerc obtenu le 3 novembre 1999 de sorte qu'elle n'aurait pu être notaire au plus tôt qu'en 2009, l'a trompé et a manqué de loyauté à son égard,

-que le contrat de travail à durée déterminée dont se prévaut Karine X... n'ayant pas été signé par celle-ci, ne comportant pas la définition précise de son motif et excédant la durée de 18 mois, aucun engagement à durée déterminée n'a pu être conclu entre les parties,

-que la relation contractuelle reposait sur un contrat de travail verbal à durée indéterminée à compter du 1er juin 2004,

-que s'agissant d'une démission reposant tant sur l'accord des parties que sur l'existence de fautes graves imputables à la salariée, celle-ci a été entièrement remplie de ses droits,

-qu'en outre la rupture est intervenue au cours de la période d'essai,

-que l'appelante ne peut invoquer un préjudice moral qui serait imputable à son employeur alors que c'est lui qui a été abusé et qu'aucun comportement fautif ne peut lui être reproché,

-qu'en revanche Karine X... a commis de nombreuses erreurs grossières dans l'exécution de ses tâches professionnelles, démontrées par les pièces versées aux débats, et il est fondé à demander réparation des conséquences engendrées par la défaillance de l'appelante.

SUR CE :

Attendu que Karine X... a été engagée en qualité de clerc de notaire, statut cadre de niveau 1 à compter du 1er juin 2004 par Me Philippe Y... ;

Attendu que celui-ci lui avait adressé le 27 avril 2004 un projet de convention indiquant notamment :

" Je suis disposé à la suite de nos entretiens sur plusieurs mois à ce que vous entriez à l'étude en qualité de collaboratrice, avec le but de reprendre celle-ci, dès votre examen de notaire....

Je suis prêt à vous consentir un contrat d'emploi à durée déterminée de deux ans, avec période d'essai réciproque de 5 mois (délai permettant de comprendre la région et le travail très varié de l'étude).....

Je souhaiterais donc que nous ayons une dernière rencontre pour discuter finalement du contrat..... "

Attendu que le 25 mai 2004, Me Y... écrivait à Karine X... :

" Suite à notre rencontre de ce jour, je vous.... en mains propres le contrat de travail de deux ans envisagé entre nous depuis longtemps et notamment par un courrier du 27 avril 2004.

Il convient de me le retourner signé à votre entrée, à défaut vous serez déclarée pour une période de CDD de 9 mois ".

Attendu que ce contrat de travail de deux ans qui comportait une période d'essai de 5 mois n'était jamais signé par la salariée, ne comportant que la signature de l'employeur ;

Attendu que le 24 septembre 2004, Me Y... concluait de la manière suivante une longue lettre adressée à Karine X... qui avait pris ses fonctions depuis le 1er juin 2004 :

" Et bien restons en là, j'ai enregistré votre démission et vous confirme par la présente que je mets moi aussi fin à ce contrat qui nous lie dès réception de cette lettre mais au plus tard le 30 septembre à 18 heures..... ".

Attendu que les parties apposaient leur signature sur un document dactylographié, à en-tête de l'étude notariale, daté du 30 septembre 2004 ainsi rédigé :

Maître Philippe Y........
Et Mademoiselle Karine X........
ont convenu de mettre fin, amiablement, au contrat à durée déterminée qui les liait durant la période d'essai, à compter du vendredi 24 septembre 2004 avec effet au 30 septembre 2004 ".

Attendu que le 30 septembre 2004 Me Y... établissait une attestation ASSEDIC indiquant comme motif de rupture " Fin de période d'essai à l'initiative de l'employeur et fin de période d'essai à l'initiative du salarié " ;

Attendu que par courrier du 5 octobre 2004, adressée à son employeur, Karine X... contestait avoir donné sa démission et avoir voulu mettre fin à son contrat de travail ;

Attendu que saisi de l'ensemble du litige, le conseil de prud'hommes de CHATEAU-THIERRY a statué dans les termes ci-dessus rappelés, par un jugement du 21 septembre 2006 dont il a été interjeté appel principal et incident ;

Attendu que l'article L 122-3-1 du code du travail impose que tout contrat à durée déterminée soit établi par écrit ;

Attendu cependant que les dispositions des articles L 122-1 et suivants du code du travail relatives au contrat à durée déterminée ayant été édictées dans un souci de protection du salarié, seul ce dernier peut s'en prévaloir ; que la présomption irréfragable édictée par l'article L 122-3-1 du code du travail aux termes de laquelle en l'absence d'écrit et de définition précise de son motif le contrat est à durée indéterminée, ne joue que pour l'employeur ; que le salarié n'est lié que par présomption simple et a donc la possibilité de rapporter la preuve que le contrat conclu verbalement est à durée déterminée ;

Attendu dès lors que si Karine X... n'a pas apposé sa signature sur le contrat établi et signé par l'employeur, il en ressort cependant ainsi d'ailleurs que des lettres de l'employeur en date des 27 avril 2004,24 mai 2004, antérieures à l'embauche, qu'elle a reçues sans protestation, ni réserves, ainsi que de la lettre de rupture du 24 septembre 2004 et de l'accord du 30 septembre 2004, qu'elle a effectivement été embauchée pour une durée déterminée de deux ans ; que ces documents que Karine X... n'a jamais contredits en ce qui concerne la qualification du contrat reflètent la commune intention des parties ;

Attendu que si le contrat à durée déterminée de Karine X... n'a pas été établi par écrit, s'il ne comporte pas la définition précise de son motif et s'il a été conclu pour une durée supérieure à la durée légale maximum autorisée, ce qui aux termes de l'article L 122-3-1 serait de nature à entraîner sa requalification, cette requalification ne peut être ordonnée d'office, ni à la demande de l'employeur, seule la salariée pouvant la solliciter, ce que ne fait pas Karine X... ;

Attendu que celle-ci ayant été embauchée pour une durée déterminée, la période d'essai ne pouvait compte tenu des dispositions de l'article L 122-3-2 du code du travail et de l'article 6 de la convention collective du notariat excéder une durée d'un mois ; qu'il s'ensuit que la rupture concrétisée par le courrier de l'employeur du 24 septembre 2004 et par l'accord du 30 septembre 2004 est intervenue hors période d'essai ;

Attendu selon l'article L 122-3-8 du code du travail que sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ;

Attendu que la démission ne se présume pas ;

Attendu que si dans son courrier du 24 septembre 2004, Me Y... a indiqué qu'il enregistrait la démission de Karine X..., démission contestée par celle-ci, il ne ressort d'aucune pièce que celle-ci entendait alors mettre fin à son contrat de travail ;

Attendu que si les parties ont signé le 30 septembre 2004 un accord mettant fin amiablement au contrat de travail, cet accord ne peut traduire la volonté claire et non équivoque de la salariée de mettre fin à son contrat de travail, dès lors qu'il fait suite à un courrier du 24 septembre 2004 de Me Y... énonçant de nombreux griefs et reproches à l'égard de la salariée et lui confirmant qu'il mettait, " lui aussi ", fin au contrat, que cet accord a été dactylographié sur un papier à en-tête de l'étude notariale, et signé dans des conditions qui restent indéterminées, et enfin que dès le 5 octobre 2004 la salariée a vivement contesté les termes de la lettre du 24 septembre 2004 de son employeur ainsi que l'accord régularisé le 30 septembre 2004 ;

Attendu que dans ces conditions la volonté claire et non équivoque de Karine X... de rompre son contrat de travail n'étant pas établie, l'accord du 30 septembre 2004 doit être déclaré nul et de nul effet ;

Attendu que la rupture du contrat de travail est donc intervenue à l'initiative de l'employeur, hors accord des parties, et sans qu'une faute grave ne soit réellement invoquée ; que le grief tenant à un prétendu mensonge de la salariée en ce qui concerne son cursus, à le supposer avéré, était prescrit à la date du 24 septembre 2004 ; que les actions en responsabilité mentionnées par l'employeur n'étaient qu'éventuelles ; que les manquements visés (société ECIF, dossier Marion ; attestation SIDORUK, rejets des hypothèques.....) restent imprécis et relèvent selon les termes de la lettre d'une insuffisance professionnelle, la salariée, selon l'employeur, ne se sentant pas à la hauteur, et non pas d'une faute grave ;

Attendu que les griefs allégués ultérieurement, après la rupture, sont sans effet sur l'imputabilité de cette rupture ;

Attendu dans ces conditions que la rupture étant intervenue à l'initiative de l'employeur, hors les cas légalement autorisés, il y a lieu d'allouer à Karine X... en application de l'article L 122-3-8 du code du travail la somme de 52. 065 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et en application de l'article L 122-3-4 du code du travail la somme de 6. 316 € à titre d'indemnité de précarité, les demandes de la salariée de ces chefs n'étant d'ailleurs pas critiquées en leur montant ;

Attendu que Karine X... ne justifie pas d'un préjudice autre, notamment moral, qui ne soit pas ainsi réparé par les dommages et intérêts alloués en application de l'article L 122-3-8 du code du travail, étant observé qu'elle n'a travaillé que 4 mois, ni que les circonstances de la rupture aient présenté un caractère particulièrement vexatoire et dommageable ; qu'elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Attendu que si certaines des pièces communiquées par Me Y... comportent ses commentaires et ses annotations, cette circonstance n'est pas de nature à les faire écarter des débats dès lors qu'il appartient à la Cour d'en apprécier la valeur et la portée et que rien n'empêchait les parties d'en débattre loyalement, même si du fait des mentions manuscrites apposées elles n'étaient plus conformes aux originaux ;

Attendu que Karine X... conteste les prétendues erreurs grossières qui lui sont reprochées ; que la responsabilité du salarié ne peut être engagée à l'égard de l'employeur qu'en cas de faute lourde, laquelle suppose une intention de nuire, c'est à dire la volonté délibérée du salarié de nuire à son employeur ;

Attendu en l'espèce qu'aucune faute lourde n'a été reprochée à Karine X... ; que la demande de dommages et intérêts de Me Y... pour erreurs grossières constitue en réalité une demande de sanction pécuniaire prohibée par l'article L 122-42 du code du travail ;

Attendu au surplus qu'il ne justifie d'aucun préjudice réel et chiffré résultant des erreurs reprochées, à les supposer imputables à Karine X..., étant observé que l'employeur la considérait en période d'essai, ce qui aurait dû entraîner de sa part une grande vigilance ; qu'en outre la réparation d'un préjudice ne peut être fondée sur d'hypothétiques actions en responsabilité ; que certains des actes allégués sont postérieurs au départ de la salariée et ont été reçus par Me Y... lui-même ; que les actes déposés aux fins de publication auprès de la conservation des hypothèses et rejetés par celle-ci pouvaient faire l'objet d'une régularisation ; qu'ainsi que le fait observer Me Y... dans ses écritures, la mission essentielle d'un clerc est de préparer les actes, ce qui implique une surveillance de l'employeur civilement responsable ;

Attendu que les annotations et commentaires portés par Me Y... ne suffisent pas à démontrer la réalité et la gravité des erreurs reprochées, étant rappelé qu'il estime son préjudice à la somme de 100. 000 € et ne justifie nullement avoir dû indemniser un client victime d'une erreur ;

Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour de suppléer sa carence dans l'administration de la preuve en ordonnant une expertise ; qu'en conséquence il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour erreurs grossières commises par Karine X... et les conséquences en découlant ;

Attendu de même qu'il ne résulte que de ses affirmations qu'aucun élément objectif ne vient étayer, qu'il aurait été volontairement trompé par Karine X... sur sa formation, son cursus et ses diplômes ; qu'il ne verse aux débats aucun courrier de celle-ci antérieur à son embauche, ni aucune attestation relatant ses dires, permettant d'établir une tromperie ou un manque de loyauté ; qu'il ne ressort pas des pièces produites que Karine X... aurait menti sur ses diplômes et sur le fait qu'elle était titulaire du diplôme de premier clerc de notaire ; que Me Y... ne démontre d'ailleurs pas lui avoir réclamé avant son embauche la justification de ses diplômes, ce qu'il lui appartenait de faire pour éventuellement pouvoir invoquer ultérieurement une tromperie ;

Attendu que compte tenu des diplômes possédés par Karine X..., notamment de son diplôme de premier clerc de notaire délivré le 3 novembre 1999, de ses années d'activité ininterrompue en qualité de clerc auprès de différentes études notariales ainsi que des dispositions de l'article 7 du décret du 5 juillet 1973 modifié par décret du 30 juillet 1999, rien ne l'empêchait de pouvoir prétendre assez rapidement à l'obtention du diplôme de notaire ;

Attendu en conséquence que Me Y... doit être débouté également de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à la loyauté et préjudice moral ;

Attendu que les sommes allouées à Karine X... pour rupture abusive et indemnité de précarité porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la remise par Me Y... à Karine X... dans la quinzaine de la notification du présent arrêt, à peine passé ce délai d'une astreinte de 80 € par jour de retard, d'une attestation ASSEDIC conforme au présent arrêt ;

Attendu que Karine X... étant à l'origine de la saisine du conseil de prud'hommes et ayant interjeté appel, aucun abus de procédure ne peut être reproché à Me Y... sur le fondement de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour abus de procédure ;

Attendu que succombant pour l'essentiel, en ses prétentions, Me Y... sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, réglera de ce chef la somme de 2. 000 € à Karine X... pour l'ensemble de la procédure de 1ère instance et d'appel et supportera l'intégralité des dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels principal en incident réguliers en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement en ses dispositions non contraires au présent arrêt,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur le tout,

Dit que Karine X... a été embauchée par contrat à durée déterminée du 1er juin 2004 au 31 mai 2006,

Dit imputable à l'employeur et abusive la rupture de ce contrat,

Condamne Me Philippe Y... à payer à Karine X... les sommes de :

-52. 065 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,

-6. 316 € à titre d'indemnité de précarité,

-2. 000 € au titre des frais hors dépens exposés en première instance et en appel,
lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

-146,10 € à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

Ordonne la remise par Me Y... à Karine X... dans la quinzaine de la notification du présent arrêt, à peine passé ce délai d'une astreinte de 80 € par jour de retard, d'une attestation ASSEDIC mentionnant comme motif de rupture la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée à l'initiative de l'employeur,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne Me Y... aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0081
Numéro d'arrêt : 06/03923
Date de la décision : 12/09/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Château-Thierry, 21 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2007-09-12;06.03923 ?
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