La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2004 | FRANCE | N°02/01508

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 21 janvier 2004, 02/01508


N° 83

COUR D'APPEL D'AMIENS Du 21 JANVIER 2004

Arrêt rendu en Audience Publique par la 6ème Chambre Correctionnelle, le

Vingt et un janvier deux mille quatre X... Y...

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS,

Président : Monsieur Z..., 02/01508

Conseillers : Monsieur A...,

Madame B..., C/

Ministère C... : Monsieur D...,

Greffier : Madame SOLOME Ministère C...

E... F... E... Florence

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : E... Gilles

E... Michel E... Sylvie E... Thierry

X... Y... G... Nathalie Né

le 26 Juillet 1982 à AMIENS (80) H... I...

De Michel et de PHILIPPE Anne Marie épouse E... J... : Française

Situation familiale :...

N° 83

COUR D'APPEL D'AMIENS Du 21 JANVIER 2004

Arrêt rendu en Audience Publique par la 6ème Chambre Correctionnelle, le

Vingt et un janvier deux mille quatre X... Y...

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS,

Président : Monsieur Z..., 02/01508

Conseillers : Monsieur A...,

Madame B..., C/

Ministère C... : Monsieur D...,

Greffier : Madame SOLOME Ministère C...

E... F... E... Florence

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : E... Gilles

E... Michel E... Sylvie E... Thierry

X... Y... G... Nathalie Né le 26 Juillet 1982 à AMIENS (80) H... I...

De Michel et de PHILIPPE Anne Marie épouse E... J... : Française

Situation familiale : Célibataire Compagnie assurances AXA Profession : Ouvrier SOCIÉTÉ D'ASSURANCE Demeurant 9, Rue des Battreux COMPAGNIE 80260 TALMAS D'ASSURANCES M.A.C.I.F. COMPIÈGNE

Prévenu, LIBRE, appelant, non comparant, ayant pour Avocat Maître POURCHEZ du Barreau d'AMIENS.

E... F...

Demeurant 18 rue de la Carrière

80300 CONTALMAISON

Partie civile, appelante, comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

E... Florence Demeurant 1 rue du Général Leclerc

80300 DERNANCOURT

Partie civile, appelante, comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

E... Gilles

Demeurant 13 rue du Marais

80340 ETINEHEM

Partie civile, appelante, non comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

E... Michel

Demeurant 1 Bis rue du Général Leclerc

80300 DERNANCOURT

Partie civile, appelante, non comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

E... Sylvie Demeurant 52 rue Aristide Briand

80300 ALBERT

Partie civile, appelante, comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

E... Thierry

Demeurant 1 rue du Général Leclerc

80300 DERNANCOURT

Partie civile, appelante, non comparante, ayant pour Avocat Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

G... Nathalie

Es nom et qualité de ses enfants mineurs

[* Jean-Philippe né le 06.10.1988

*] Guillaume né le 15.03.1991

Demeurant 6 rue Bertin

80700 ROYE

Partie civile, non appelante, non comparante, ayant pour Avocat

MARGUET du Barreau d'AMIENS.

H... I... épouse E...

Demeurant 1 rue du Général Leclerc

80300 DERNANCOURT

Partie civile, appelante, non comparante, ayant pour Avocat

Maître DECRAMER du Barreau d'AMIENS.

Compagnie assurances AXA SOCIÉTÉ D'ASSURANCE

B.P 385

51100 REIMS CEDEX 02

Partie appelée en intervention, appelante, non comparante, ayant

pour Avocat Maître GODAT du Barreau d'AMIENS.

COMPAGNIE D'ASSURANCES M.A.C.I.F. - COMPIÈGNE

1 rue Claude Bernard - Z.I. Mercières

60323 COMPIÈGNE CEDEX

LE MINISTÈRE C... :

RAPPEL DE LA PROCÉDURE: LE JUGEMENT : Le Tribunal Correctionnel d'AMIENS, par jugement contradictoire du 20 septembre 2002, a: reçu Madame G... en sa constitution de partie civile en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs: Jean-Philippe et Guillaume E..., - reçu I... H..., F..., Sylvie, Michel, Florence, Thierry et Gilles E... en leur constitution de partie civile, - déclaré les constitutions de parties

civiles recevables, - condamné Monsieur X... in solidum avec son assureur, la MACIF, à verser à Madame G... la somme 15.245 euros à titre de réparation de son préjudice moral, - condamné Monsieur X... in solidum avec son assureur, la MACIF, à verser à Madame G..., en qualité de représentante légale de ses fils mineurs Jean-Philippe et Guillaume E..., la somme de 15.245 euros pour chaque enfant à titre de réparation de son préjudice moral, - sursis à statuer sur l'évaluation du préjudice économique, - renvoyé à l'audience sur les intérêts civils du 7 novembre 2002 à 9 heures 30, - condamné Monsieur X... in solidum avec son assureur, la MACIF, à verser à Madame I... H... la somme de 13.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral, - condamné Monsieur X... à verser à F..., Sylvie, Michel, Florence, Thierry et Gilles E... la somme de 8.000 euros à chacun à titre de réparation de leur préjudice moral, - condamné Monsieur X... aux dépens, - condamné Monsieur X... à verser à Madame G... la somme de 225 euros au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, - condamné Monsieur X... à verser à I... H... et F..., Sylvie, Michel, Florence, Thierry et Gilles E... ensemble la somme de 225 euros au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale. LES APPELS: * Appel a été interjeté par: Monsieur X... Y..., 26 Septembre 2002, des dispositions civiles du jugement. Compagnie D'ASSURANCES M.A.C.I.F. - COMPIÈGNE, le 26 Septembre 2002, des dispositions civiles du jugement. Madame E... F..., E... Florence, E... Gilles, E... Michel, E... Sylvie, E... Thierry et Madame H... I..., le 1er Octobre 2002, des dispositions civiles du jugement. DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'appel de la cause, à l'audience publique en date du 08 Décembre 2003, Ont été entendus, Monsieur le Président Z... en son rapport, Les parties civiles en leurs observations, Maître MARGUET, Avocat du

Barreau d'AMIENS, Conseil de la partie civile, Nathalie G..., en ses conclusions et plaidoirie, Maître DECRAMER, Avocat du Barreau d'AMIENS, Conseil des parties civiles, les consorts E..., en ses conclusions et plaidoirie, Monsieur D..., Substitut de Monsieur le Procureur Général, en ses réquisitions, Maître GODAT, Avocat du Barreau d'AMIENS, Conseil de la Compagnie d'Assurance AXA, partie appelée en la cause, en ses conclusions et plaidoirie, Maître POURCHEZ, Avocat du Barreau d'AMIENS, Conseil du prévenu et de la Compagnie MACIF, en ses conclusions et plaidoirie, Monsieur le Président a ensuite averti les parties présentes que l'arrêt serait prononcé le 21 janvier 2004, la Cour s'étant alors retirée pour délibérer conformément à la loi, hors la présence du Ministère C... et du Greffier. DÉCISION :

Résumé des Faits et de la Procédure

Dans la nuit du 22 janvier 2002, Monsieur Philippe E..., qui avait quitté l'hôpital Nord d'AMIENS sans autorisation médicale et qui marchait le long d'une voie passante dans la commune de POULAINVILLE a été percuté par un camion alors qu'il se trouvait à quatre pattes sur la chaussée et il est décédé des suites de ses gravissimes blessures.

L'enquête a permis de démontrer qu'un véhicule HONDA CIVIC, dont le rétroviseur a été retrouvé sur le lieu de l'accident, avait renversé la victime avant le choc avec le camion. Cette HONDA appartenait à Monsieur Y... X... qui reconnaît avoir circulé sur la route où Monsieur E... a été percuté et avoir ressenti un choc sous son

véhicule à l'endroit même où la victime a été retrouvée blessée. Les fils de couleur rouge retrouvés sur le rétroviseur cassé du véhicule HONDA correspondent selon un rapport d'expertise aux fibres du tee-shirt porté par Monsieur E... le soir de son accident. Ce dernier a cru avoir heurté un oiseau car son pare-brise était étoilé après le choc et il s'est rendu par la suite chez ses parents pour repartir immédiatement en sens opposé sans descendre de son véhicule et sans se rendre compte des dégâts occasionnés à celui-ci, alors qu'il avait ressenti un choc violent qu'il avait traduit par "un grand boum" au point que son engin avait été déséquilibré et qu'il avait dû réaliser une manoeuvre pour le redresser sur son axe de circulation.

Poursuivi pour délit e fuite, il a été déclaré coupable par le Tribunal Correctionnel d'AMIENS le 20 septembre 2002 et condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende, l'annulation du permis de conduire étant prononcée, un délai de dix-huit mois étant fixé avant qu'il puisse le repasser. Les scellés étaient, en outre, confisqués. Madame Nathalie G..., agissant en tant que compagne de Monsieur E... et administratrice légale des deux enfants qu'elle avait eus avec lui, Jean-Philippe et Guillaume, nés le 6 octobre 1988 et le 15 mars 1991 respectivement, s'est vue allouer, au titre du préjudice moral, une somme de 15.245 euros pour elle-même et la même somme pour chacun de ses deux enfants mineurs et une dernière de 225 euros au titre des frais non compris dans les dépens, tandis qu'il était sursis à statuer sur la réparation de son préjudice économique, le renvoi étant ordonné à l'audience du 7 novembre 2002.

Madame I... E..., mère de Monsieur E..., s'est vue accorder

une somme de 13.000 euros pour compenser son préjudice moral, tandis que les six frères et soeurs de Monsieur E..., F..., Sylvie, Michel, Florence, Thierry et Gilles ont reçu chacun 8.000 euros au titre du préjudice moral et globalement 225 euros pour les frais de procédure.

Le 26 septembre 2002, Monsieur X... et la MACIF, son assurance, ont interjeté appel de cette décision civile, suivis par les sept parties civiles le 1er octobre 2002, soit Madame G... et les frères et soeurs de Monsieur E...

A l'audience du 8 décembre 2003, Maître POURCHEZ a plaidé pour Monsieur X... et la MACIF en concluant au rejet de l'indemnisation des parties civiles et subsidiairement à la réduction du montant des allocations allouées et qu'en tout état de cause l'arrêt soit déclaré opposable à la Compagnie d'Assurances AXA, appelée à la cause, en application de l'article 388-1 du Code de Procédure Pénale.

K... mettait en valeur que Monsieur E... avait été admis le dimanche 20 janvier 2002 à l'hôpital Nord d'AMIENS à la suite d'une récidive de tentative de suicide résultant d'une dépression préexistante depuis de nombreuses années. Le 22 janvier vers 19 heures, il avait fugué de l'hôpital et avait été vu par plusieurs témoins en train de marcher de nuit le long de la route nationale 25 entre AMIENS et DOULLENS, notamment sur le zébra de rétrécissement de chaussée obligeant les usagers à des manoeuvres d'évitement in-extremis.

Monsieur X... avait quitté, pour sa part, son poste de travail à l'usine DUNLOP d'AMIENS vers 21 heures pour rejoindre son domicile à

TALMAS en empruntant la route nationale 25 et avait percuté un obstacle sa trouvant sur la chaussée, lequel s'est avéré par la suite être Monsieur E... K... a plaidé la recherche volontaire du dommage puisqu'il était évident pour lui que la victime avait voulu se suicider et subsidiairement, il invoquait la faute inexcusable de Monsieur E..., cause exclusive de l'accident au sens de la loi du 5 juillet 1985.

Monsieur le Bâtonnier MARGUET a plaidé en faveur de Madame Nathalie G..., pour elle-même et ses deux enfants, en souhaitant la confirmation du jugement contesté, sauf à y ajouter le paiement d'une somme de 2.810 euros représentant les frais d'obsèques et une dernière de 1.000 pour les frais non compris dans les dépens.

K... a rejeté la prétendue recherche volontaire du dommage puisque plusieurs témoins avaient aperçu Monsieur E... en train de pratiquer de "l'auto stop" en direction de DOULLENS, alors qu'il ne gênait aucunement la circulation. L'importance du premier choc avait nécessairement blessé Monsieur E... dans des conditions importantes, telles que l'avait relevé le médecin légiste et, dans ces conditions, la notion de faute volontaire ne pouvait être caractérisée.

Sur la faute inexcusable, il soutient que rien dans la description qui avait été faite par les différents témoins ne permettait de prétendre que Monsieur E... était à l'origine de l'accident, alors qu'il ne se trouvait pas sur la chaussée et que dans ces conditions, tous les éléments étaient réunis pour confirmer le jugement.

La mère et les frères et soeurs de Monsieur E... étaient assistés de Maître DECRAMER qui a conclu à la confirmation de la somme de 13.000 euros de dommages et intérêts pour Madame I... E... et 8.000 euros pour chacun des frères et soeurs, alors que la somme, au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, devrait être portée à 450 euros.

Enfin, Maître GODAT est intervenu pour la Compagnie AXA ASSURANCES pour que soit déclaré non fondé l'appel en intervention forcée dirigé contre elle et que soient rejetées les demandes d'indemnisation formées à son encontre. Il a mis en valeur que Monsieur E... avait recherché volontairement le dommage qui avait été le sien et que ses ayants droits ne sauraient donc obtenir indemnisation de leur propre préjudice en application de l'article 3 alinéa 3 et de l'article 6 de la loi du 5 juillet 1985.

Subsidiairement, il se fondait sur divers arrêts de la Cour de Cassation pour estimer que la victime avait commis une faute inexcusable exclusive de tous dommages et intérêts. Il plaidait également que le chauffeur du poids-lourd, Monsieur Lionel L..., assuré auprès d'AXA, avait déclaré avoir vu, dans le faisceau de ses phares, une personne à quatre pattes qui se trouvait à la limite de la chaussée, sur les pointillés de délimitation et qui progressait doucement vers le milieu de celle-ci et en dépit d'une manoeuvre d'évitement, le véhicule articulé avait mortellement blessé Monsieur

E... puisque des morceaux de chair avaient pu être retrouvés sur la béquille gauche de la semi-remorque, ainsi que sous le plateau et sur les gauches de celles-ci. L'autopsie a mis en évidence que les plaies non mortelles causées par le véhicule léger avait permis au piéton de progresser sur la chaussée, alors que les importants traumatismes provoqués par le poids-lourd avaient été à l'origine directe de son décès.

Il relevait que Monsieur L... n'avait été l'objet d'aucune poursuite pénale, en sorte que les constitutions de partie civile avaient été exclusivement dirigées contre Monsieur X... et son assureur la MACIF, en sorte que devant la juridiction pénale, les débiteurs d'indemnisation de dommages n'étaient pas admis à exercer leur recours contre un autre conducteur d'un véhicule terrestre à moteur que celui-ci ait ou pas la qualité de prévenu. Il soulignait encore que l'article 388-1 du Code de Procédure Pénale ne concernait que les personnes dont la responsabilité civile était susceptible d'être engagée à l'occasion d'une infraction d'homicide ou de blessures involontaires, alors que le rôle causal de Monsieur L... n'avait pas été civilement mis en évidence. MOTIFS DE L' ARRÊT :

Les deux appels principaux et les sept appels incident ont été régulièrement interjetés dans les délais légaux: aussi faut-il les recevoir en la forme.

1) Sur la mise en cause de la Compagnie AXA ASSURANCES

Il est de jurisprudence constante de l'interprétation de l'article 388-1 du Code de Procédure Pénale que seul l'assureur du prévenu ou de la personne civilement responsable peut intervenir ou être mis en

cause en tant qu'assureur de responsabilité devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires.

Par ailleurs, l'intervention ou la mise en cause de l'assureur devant la juridiction répressive est limitée au cas de poursuites pénales pour homicide ou blessures involontaires.

Il convient de rappeler que Monsieur X... a été poursuivi pour le seul délit de fuite et que la seule poursuite qui ait été exercée l'a été contre lui et qu'elle est devenue définitive. Dans ces conditions, la mise en cause de la compagnie d'assurances AXA ne peut prospérer valablement et elle devra être mise hors de cause.

2) Sur les conditions de l'accident

a) Sur la recherche prétendument volontairement du dommage

Trois témoins ont été entendus comme ayant aperçu le piéton Philippe E... circulant sur la route nationale 25 dans le sens d'AMIENS vers DOULLENS, le soir des faits, le 22 janvier 2002.

Monsieur M... a précisé que la victime était en train de faire du "stop" pour partie en direction de DOULLENS, qu'il était sur un parking et ne gênait aucunement la circulation.

Monsieur José N... a été surpris par la présence de ce piéton, marchand sur le bord de la route, se dirigeant vers POULAINVILLE et il a précisé que lorsqu'il l'avait dépassé, ce dernier n'avait pas fait d'écart pour se mettre en travers de la chaussée. Il a bien

reconnu Monsieur E... lorsqu'il a été appelé comme chef de corps de première intervention de VILLERS BOCAGE.

Monsieur O..., qui circulait vers 21 heures 10, sur la route nationale 25, entre BERTANGLES et VILLERS BOCAGE, a précisé que Monsieur E... marchait en regardant dans la direction de VILLERS BOCAGE et ne faisait pas face aux véhicules. Il a ajouté qu'il n'avait pas de geste particulier et qu'il n'avait pas fait mine de se jeter sur les roues des voitures qui le dépassaient.

Si le frère de Thierry E... a pu émettre l'idée d'un suicide, c'est en référence au passé de la victime, mais les trois constations des témoins, excluent toute volonté de sa part de se jeter sur les véhicules circulant sur la route d'AMIENS à DOULLENS.

Certes, Monsieur L..., le chauffeur du poids-lourd, a constaté que Monsieur E... était à quatre pattes sur la chaussée, mais il n'avait pas connaissance du premier choc de Monsieur E... avec le véhicule léger de Monsieur X... et des blessures qu'il devait présenter à la suite de ce choc. Il est opportun de constater que Monsieur X... a entendu, selon ses propres expressions, un "gros boum", que sa voiture s'est déséquilibrée et que son pare-brise a été étoilé présentant un impact du côté passager.

En effet, la constatation des dégâts matériels sur le véhicule fait état d'une aile enfoncée, du boîtier clignotant absent, du rétroviseur extérieur droit manquant, de la moulure du pare-brise sur le côté extérieur latéral droit, de traces de ripage à partir de l'emplacement du rétroviseur extérieur droit, ce qui a nécessairement blessé très sérieusement Monsieur E... et qui peut expliquer la

marche à quatre pattes.

Au total, la notion de faute volontaire ne peut être caractérisée et doit être rejetée comme mal fondée.

b) Sur la faute inexcusable

Selon une jurisprudence de la Cour de Cassation, la faute inexcusable est la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

Or, rien dans la description qui a été faite par les différents témoins qui ont vu Monsieur E... sur le bord de la route ne peut accréditer cette faute inexcusable qui sera donc rejetée, elle aussi. 3) Sur les dommages et intérêts

a) Sur ceux sollicités par Madame G...

Pour cette jeune femme, née en 1966, compagne de Monsieur E..., et pour les jeunes garçons nés en 1988 et 1991, la somme de 15.245 euros, pour chacun des trois, a été exactement appréciée par le premier juge et doit être confirmée comme équitable, ainsi que la somme de 225 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Le sursis à statuer sur la réparation du préjudice économique doit

être approuvé également.

Madame G... n'avait pas sollicité, en première instance, le règlement de la somme de 2.810,04 euros représentant les frais d'obsèques, mais à l'audience aucune des parties ne s'y est opposée et cette somme s'avère particulièrement fondée au regard des justificatifs apportés, en conséquence de quoi, Monsieur X... devra la régler.

b) Pour la mère et les frères et soeurs de la victime

Madame I... E... est née en 1924 et ses frères et soeurs sont nés entre 1949 et 1966. Il s habitaient tous à proximité du domicile de Monsieur Philippe E... et le voyaient donc régulièrement. Le retentissement psychologique et moral a donc été particulièrement important pour chacun d'entre eux. Dans cet esprit, les sommes de 13.000 euros, qui ont été allouées à la mère pour son préjudice moral, et 8.000 euros pour chacun des six frères et soeurs s'avèrent équilibrées et méritent d'être confirmées.

La somme de 225 euros prévue au titre des frais non compris dans les dépens pour la mère et les frères et soeurs s'avère très mesurée:

aussi pour les frais exposés devant cette Cour et qui ne sont pas compris dans les droits fixes de procédure, Monsieur X... devra régler, d'une part, 450 euros à Madame I... E... et la même pour l'ensemble des frères et soeurs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit en la forme, les appels civils de Monsieur Y... X... et de la MACIF et les appels incidents de sept des huit parties civiles

Au fond,

Met la Compagnie d'Assurances AXA hors de cause,

Dit qu'il n'existe pas la preuve d'un élément intentionnel de la part de la victime et que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies,

Confirme le jugement critiqué (Tribunal Correctionnel d'AMIENS, 20 septembre 2002) sur les sommes allouées aux ayants droit,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X... à payer:

- à Madame Nathalie G... une somme de 2.810,04 euros au titre des frais d'obsèques de Monsieur Philippe E... et une autre de 450 euros au titre de l'article 457-1 du Code de Procédure Pénale,

- à Madame I... P... une somme de 450 euros sur le'obsèques de Monsieur Philippe E... et une autre de 450 euros au titre de l'article 457-1 du Code de Procédure Pénale,

- à Madame I... P... une somme de 450 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale,

- à l'ensemble des six frères et soeurs de Monsieur E... une somme de 450 euros sur le même fondement,

Dit que cet arrêt est opposable à la MACIF, assureur de Monsieur X...,

Renvoie Madame G... et ses adversaires devant le Tribunal Correctionnel d'Amiens pour qu'il statue sur la réparation de son préjudice économique.

Arrêt rendu par la Cour composée de:

Président : Monsieur Q...,

Conseillers : Monsieur A... et,

Madame B...,

Assistés de Mademoiselle R... , Greffier,

En présence du Ministère C...,

Le greffier,

Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 02/01508
Date de la décision : 21/01/2004

Analyses

ASSURANCE - Action civile - Intervention ou mise en cause de l'assureur - Mise en cause de l'assureur

Monsieur X, la victime, a quitté de nuit un centre hospitalier sans autorisation médicale, après y avoir été admis pour des problèmes psychologiques, et a été percuté mortellement par un camion alors qu'il se trouvait à quatre pattes sur la chaussée suite à une première collision avec le véhicule du prévenu poursuivi du chef de délit de fuite. Selon une jurisprudence constante de l'interprétation de l'article 388-1 du Code de Procédure pénale, seul l'assureur du prévenu ou de la personne civilement responsable peut intervenir ou être mis en cause en tant qu'assureur de responsabilité devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicide ou blessures involontaires. D'ailleurs, il convient de préciser que l'intervention ou la mise en cause de l'assureur devant la juridiction pénale est limitée au seul cas de poursuites pour homicide ou blessures involontaires.En l'espèce, le prévenu n'ayant été poursuivi que du seul chef de délit de fuite, la mise en cause de sa compagnie d'assurance par les ayants droits de la victime ne peut prospérer valablement


Références :

Code de procédure pénale 388-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2004-01-21;02.01508 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award