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17/12/2003 | FRANCE | N°02/03353

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 17 décembre 2003, 02/03353


ARRET N° 798 X... C/ SOCIÉTÉ SYNERGIE SOCIÉTÉ SYNERGIE ST-QUENTIN COUR D'APPEL D'AMIENS 5ème Chambre Sociale cabinet B PRUD'HOMMES ARRET DU 17 DÉCEMBRE 2003 RG :02/03353 JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE SAINT QUENTIN EN DATE DU 22 avril 2002 PARTIES EN CAUSE : APPELANT Madame Christelle X... 5 Rue d'Alsace Lorraine 02680 GRUGIES Représenté, concluant et plaidant par Me Francis SONCIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, substitué par Me PETACCO, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN.

ET : INTIMEES SOCIETE SYNERGIE 11 Avenue du Colonel Bonnet 75016 PARIS SOCIETE SYNERGIE SA

INT-QUENTIN 12 Rue des Suzannes 02100 ST QUENTIN Représentée, c...

ARRET N° 798 X... C/ SOCIÉTÉ SYNERGIE SOCIÉTÉ SYNERGIE ST-QUENTIN COUR D'APPEL D'AMIENS 5ème Chambre Sociale cabinet B PRUD'HOMMES ARRET DU 17 DÉCEMBRE 2003 RG :02/03353 JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE SAINT QUENTIN EN DATE DU 22 avril 2002 PARTIES EN CAUSE : APPELANT Madame Christelle X... 5 Rue d'Alsace Lorraine 02680 GRUGIES Représenté, concluant et plaidant par Me Francis SONCIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, substitué par Me PETACCO, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN.

ET : INTIMEES SOCIETE SYNERGIE 11 Avenue du Colonel Bonnet 75016 PARIS SOCIETE SYNERGIE SAINT-QUENTIN 12 Rue des Suzannes 02100 ST QUENTIN Représentée, concluant et plaidant par Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me JOULLAIN, avocat au barreau de PARIS. DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Octobre 2003 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Madame DARCHY, Président de Chambre, Mme BESSE, Conseiller, Mme SEICHEL, Conseiller, qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 10 Décembre 2003 pour prononcer l'arrêt et en a délibéré conformément à la loi.

A l'audience publique du 10 décembre 2003, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 17 décembre 2003 pour prononcer l'arrêt. GREFFIER LORS DES DÉBATS:

Melle Y...

PRONONCE :

A l'audience publique du 17 Décembre 2003, l'arrêt a été rendu par Madame DARCHY, Président de chambre qui a signé la minute avec Melle Y..., greffier. * * * DÉCISION :

Christelle X... a été embauchée par la société SYNERGIE le 6 juin 1995 en qualité d'assistante administrative suivant contrat de travail à durée déterminée. Elle était alors affectée à l'agence située à Saint-Quentin.

Suite à un renouvellement de son contrat à durée déterminée prenant fin au 1er septembre 1995, l'entreprise procédait à son embauche selon contrat à durée indéterminée du 2 septembre 1995, les fonctions et lieu de travail demeurant inchangés.

Aux termes d'un avenant au contrat en date du 1er juillet 1996, Christelle X... devait bénéficier d'un intéressement calculé suivant la marge semi- nette annuelle de l'agence de Saint-Quentin.

Après plusieurs arrêts maladie, Christelle X... prenait un congé parental à compter du 28 janvier 1998.

Le 6 octobre 2000, elle reprenait contact avec son employeur en vue de la reprise de son travail fixée au 16 octobre 2000,

La Société SYNERGIE lui confirmait alors par lettre du 12 octobre 2000 que le poste d'assistante administrative occupée par elle au sein de l'agence de Saint -Quentin n'était plus disponible. Il lui était proposé, pour une rémunération identique, un poste soit à l'agence de Beauvais, soit à celle d'Hirson.

Par lettre du 12 octobre 2000, Christelle X..., par l'intermédiaire de son avocat, refusait sa nouvelle affectation. Une nouvelle proposition lui était faite pour un poste à Caudry. Christelle X... se présentait le 16 octobre 2000 à l'agence de Saint-Quentin accompagnée d'un tiers.

Face à son refus de se rendre à son nouveau poste de travail, la Société SYNERGIE convoquait la salariée le 16 octobre 2000 à un

entretien préalable au licenciement devant se dérouler le 20 octobre suivant. Par lettre du 24 octobre 2000, Christelle X... était licenciée pour faute grave pour non respect de ses obligations contractuelles.

Contestant son licenciement, la salariée a le 17 mai 2001, saisi le Conseil de Prud'hommes de saint-Quentin qui, par jugement du 22 avril 2002, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et a également débouté la Société SYNERGIE de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 16 mai 2002, Christelle X... a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée le 26 avril 2002 et dont elle a accusé réception le 27 avril 2002. Dans ses conclusions déposées au greffe le 17 septembre 2003, régulièrement communiquées et développées à l'audience, Christelle X... demande à la Cour: - d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint-Quentin le 22 avril 2002, - statuant à nouveau de la dire bien fondée à contester son licenciement pour faute grave tel que retenu par la Société SYNERGIE, - de constater qu'elle n'a commis aucune faute grave en refusant de se voir appliquer la clause de mobilité litigieuse, - de dire que son licenciement présente un caractère abusif et ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, - de condamner la Société SYNERGIE à lui payer les sommes suivantes :

*2 382,78 euros à titre de d'indemnités de préavis,

*238,28 euros à titre de congés payés sur préavis,

*717,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*8 339,73 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 524, 49 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - de prononcer l'exécution provisoire de la

décision à intervenir, - de condamner la Société SYNERGIE au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

Christelle X... fait valoir : - que la Société SYNERGIE, de par ses agissements, a tenté de lui imposer une modification substantielle de son contrat de travail, - que l'employeur ne saurait se prévaloir de la clause de mobilité insérée à l'article III EXCLUSIVITÉ de son contrat de travail, - qu'en signant son contrat de travail, elle n'a pu comprendre le sens et la portée de cette clause de mobilité, - que si toutefois cette clause était considérée comme valable, une limite à la mutation est posée, - que la mutation à Caudry l'obligeait à démissionner, - que la Société SYNERGIE n'a pas eu la décence de l'avertir de la réorganisation de l'agence et de la nécessité où elle se trouvait de l'affecter à une autre agence, - qu'il n'a pas été tenu compte de ses charges de famille dans la décision de mutation, - que la Société SYNERGIE n'est pas crédible quand elle invoque subitement une réorganisation de l'agence, - que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité doit être dictée par l'intérêt de l'entreprise, - que tel n'est pas le cas en l'espèce et que la Société SYNERGIE a abusé de son pouvoir, - que la Société SYNERGIE savait pertinemment que la mutation sur les agences proposées ne pouvait qu'engendrer pour elle de graves perturbations d'ordre personnel, mais surtout familial, - que la mutation était en fait une mesure disciplinaire, - que la volonté de la Société SYNERGIE était simplement de l'évincer de la société, comme cela est démontré par l'ensemble des éléments versés aux débats.

Aux termes d'écritures déposées le 15 octobre 2003, la Société SYNERGIE conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle demande à la Cour de débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 1 525 euros au

titre de l'article 700 du Nouveau Code Procédure Civile.

La Société SYNERGIE fait valoir : - que le contrat de travail de la salariée comporte une clause de mobilité, - que dans cette hypothèse la mutation s'impose au salarié, le lieu de travail n'étant pas considéré comme un élément essentiel du travail et relevant du pouvoir de direction de l'employeur, - que la clause de mobilité du contrat est indiquée en caractères clairs et lisibles et qu'elle ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation, - que contrairement à ce que soutient la salariée, sa nouvelle affectation ne l'obligeait pas à déménager, - que les postes proposés à Christelle X... étaient les plus proches de son domicile, - que l'agence de Caudry est située à 42 ou 44 kilomètres de son domicile, - que la décision de mutation de la salariée était justifiée par l'intérêt de l'entreprise et a été mise à exécution de manière loyale, - que le refus de Christelle X... de se rendre à son nouveau poste de travail constitue un manquement caractérisé à ses obligations contractuelles, ce qui est une faute grave, privant la salariée de toutes les indemnités qu'elle revendique. SUR CE

L'appel étant régulier en la forme et intervenu dans le délai légal, il sera déclaré recevable.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

"Nous avons pris la décision de procéder à votre licenciement immédiat, considérant que vos agissements ci-après repris sont constitutifs d'une faute grave et sont donc privatifs des indemnités de rupture.

Le 16 octobre 2000, vous avez refusé de vous présenter à votre nouveau poste de travail situé à l'agence de Caudry. Vous vous êtes de surcroît rendue à l'agence de Saint-Quentin, vous faisant accompagner d'un tiers que vous avez fait pénétrer dans l'enceinte de

l'agence sans autorisation et en refusant de décliner son identité.

Il vous a portant été expliqué que le poste que vous occupiez avant votre départ n'existe plus.

En effet, l'agence de Saint-Quentin n'assure plus la gestion administrative et commerciale des clients de Thiérache et de Cambrésis depuis 1998, ces missions étant dévolues désormais aux agences de Hirson et de Caudry. La personne que vous évoquez à tort comme votre remplaçante n'a que des activités comptables et est chargée de saisir les relevés d'heures du personnel intérimaire et de vérifier les éléments de paie. Vous ne possédez pas cette formation. Nous avons donc recherché un poste compatible avec votre formation et qualification.

Votre contrat de travail comportant une clause de mobilité, nous vous avons proposé d'exercer vos fonctions à l'agence de Caudry. Or, vous avez refusé de vous conformer aux dispositions de votre contrat de travail. L'éloignement de 40 kilomètres que vous évoquez ne peut avoir pour effet de rendre cette clause inapplicable et n'entraîne pas un déménagement.

En conséquence, en refusant cette mutation, vous avez gravement manqué à vos obligations contractuelles. C'est cette attitude que nous considérons constitutive

En conséquence, en refusant cette mutation, vous avez gravement manqué à vos obligations contractuelles. C'est cette attitude que nous considérons constitutive d'une faute grave.

La mesure de licenciement prendra effet à la première présentation de cette lettre par les services postaux... "

En matière de licenciement pour faute grave, la charge de la preuve incombe à l'employeur.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du

contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

L'article II du contrat de travail à durée indéterminée de Christelle X... est ainsi libellé:

" Exclusivité :

Madame X... aura à consacrer toute son activité au service de l'entreprise : elle devra s'abstenir de communiquer à des tiers des informations dont elle aurait connaissance du fait de ses fonctions. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux sociétés qui constituent le groupe auquel appartient l'employeur ; en effet, sur décision de la Direction Générale, elle aura à travailler au service de l'une quelconque d'entre elles, et à accepter toute nouvelle affectation qui ne l'obligera pas à changer de résidence principale. Bien entendu, la totalité des avantages acquis sera maintenue en cas de mutation y compris l'ancienneté."

Il résulte de cet article que le contrat de travail régularisé entre les parties comporte une clause de mobilité. Il y a lieu d'observer que, contrairement à ce que soutient Christelle X..., cette clause est rédigée en termes clairs et précis et ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation.

La mise en oeuvre d'une clause de mobilité relève du pouvoir de direction de l'employeur, y compris lorsqu'il en résulte un changement de lieu de travail du salarié dans un secteur géographique différent.

Une telle mise en oeuvre ne constitue pas une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser, mais un simple changement des conditions de travail qui s'impose à lui, et dont le

refus est fautif.

Toutefois, la liberté de l'employeur de décider de la mutation du salarié en application d'une clause de mobilité comporte plusieurs limites ; en l'espèce la clause ne devait pas permettre d'imposer au salarié un changement de son domicile. En outre sa mise en oeuvre doit toujours être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et elle ne doit être ni abusive ni discriminatoire.

Il résulte des pièces et des débats que la Société SYNERGIE a tout d'abord proposé à Christelle X..., suite à son congé parental, un poste, soit à l'agence de Beauvais, soit à celle d'Hirson, affectations que la salariée a refusées, et qu'un poste à l'agence de Caudry située à 44 kilomètres de son domicile lui a également été proposé, mais qu'elle a persisté dans son attitude de refus.

Les trois postes ainsi offerts étaient les plus proches de son domicile, il est établi que l'employeur a tenu compte de sa situation personnelle et familiale, étant observé que l'affectation à l'agence de Caudry ne l'obligeait pas à déménager comme elle le soutient, compte tenu de la faible distance à effectuer quotidiennement; alors que la salariée disposait d'un véhicule personnel, que la Société prenait en charge les frais occasionnés par les déplacements et que plusieurs collaborateurs de la société effectuait chaque jour des déplacements bien supérieurs.

Il ressort également des pièces et des débats que les tâches confiées à Christelle X..., lorsqu'elle était en poste à Saint-Quentin, à savoir la gestion administrative et commerciale des clients de Thiérache et du Cambrésis, ont été dévolues aux agences de Caudry et d'Hirson, et que la personne embauchée durant son congé parental n'exerçait qu'une activité purement comptable.

La Société SYNERGIE établit que la mutation de Christelle X... était conforme à l'intérêt de l'entreprise, étant précisé que l'employeur

était en droit, dans le cadre de son pouvoir de direction, de décider de l'organisation la plus adaptée et qu'il ne lui incombait pas d'informer la salariée dès que cette modification a été envisagée.

Pour sa part, Christelle X... ne rapporte pas la preuve que sa mutation était une mesure disciplinaire destinée à l'évincer de l'entreprise.

Dans ses conditions, la mutation proposée à Christelle X... pour l'agence de Caudry ne constituait pas une modification de son contrat mais de ses conditions de travail qu'elle n'était pas fondée à refuser.

La Société SYNERGIE n'ayant commis aucun abus dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité contractuelle, Christelle X... n'avait aucun motif valable pour s'y opposer.

En se rendant le 16 octobre 2000, accompagnée d'un tiers à l'agence de Saint-Quentin et en refusant d'obéir à un ordre de mutation correspondant à la mise en oeuvre d'une clause de mobilité contractuelle ou abusive, Christelle X... a gravement manqué à ses obligations contractuelles.

Refusant de reprendre le travail dans les conditions fixées par l'employeur, son maintien dans l'entreprise durant la période de préavis s'avérait impossible.

Son licenciement reposant sur une faute grave, Christelle X... doit donc être déboutée de toutes ses prétentions.

Christelle X... succombant en son appel, elle devra régler à la Société SYNERGIE une indemnité de 300 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile et sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Au fond, le rejetant comme étant mal fondé,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Condamne Christelle X... à régler à la Société SYNERGIE une indemnité de 300 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Christelle X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER; LE PRÉSIDENT;

,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 02/03353
Date de la décision : 17/12/2003
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2003-12-17;02.03353 ?
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