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30/01/2002 | FRANCE | N°00/01644

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 30 janvier 2002, 00/01644


COUR D'APPEL D'AMIENS 5ème Chambre Sociale- cabinet B PRUD'HOMMES ARRET DU 30 JANVIER 2002 RG : 00/01644 JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES de CHATEAU - THIERRY en date du 10 avril 2000 PARTIES EN CAUSE : Appelant Monsieur Alain BRIDOUX X... : INTIMEE ALPHA'DESIF DECISION :

Alain BRIDOUX a été engagé par la société ALPHA'DESIF, qui a pour objet la fabrication et la commercialisation de panneaux, enseignes, images ou supports publicitaires, en qualité d'attaché commercial suivant lettre d'embauche du 11 mai 1989.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception

du 8 juin 1999 la société ALPHA'DESIF a notifié au salarié son licenc...

COUR D'APPEL D'AMIENS 5ème Chambre Sociale- cabinet B PRUD'HOMMES ARRET DU 30 JANVIER 2002 RG : 00/01644 JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES de CHATEAU - THIERRY en date du 10 avril 2000 PARTIES EN CAUSE : Appelant Monsieur Alain BRIDOUX X... : INTIMEE ALPHA'DESIF DECISION :

Alain BRIDOUX a été engagé par la société ALPHA'DESIF, qui a pour objet la fabrication et la commercialisation de panneaux, enseignes, images ou supports publicitaires, en qualité d'attaché commercial suivant lettre d'embauche du 11 mai 1989.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 juin 1999 la société ALPHA'DESIF a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.

Contestant cette mesure, Alain BRIDOUX a saisi la Conseil de Prud'hommes de CHATEAU-THIERRY qui, par jugement du 10 avril 2000, a dit son licenciement motivé par une cause économique et l'a débouté de ses demandes.

Par déclaration faite au greffe le 3 mai 2000, Alain BRIDOUX a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par courrier le 20 avril 2000.

Par conclusions régulièrement communiquées, transmises le 8 octobre 2001 et développées à l'audience, Alain BRIDOUX demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société ALPHA'DESIF à lui payer la somme de 211428 francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 10000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Alain BRIDOUX expose que, par lettre du 19 avril 1999, la société ALPHA'DESIF l'a informé de son projet de ravoir sa structure commerciale "compte tenu de l'évolution des techniques et de

l'attente des clients" et lui a proposé de modifier des éléments essentiels de son contrat de travail ; qu'ainsi l'employeur lui retirait son travail de prospection en clientèle, le privant de son véhicule de fonction, pour l'affecter à un poste "essentiellement sédentaire" pour la vente de supports d'imagerie numérique et fixait son commissionnement à 5% sur les affaires conclues dans le nouveau secteur (contre 3% sur le chiffre d'affaires total HT de la société) ; que cette proposition se traduisait inévitablement par une baisse de sa rémunération dès lors qu'il aurait dû créer et développer une nouvelle clientèle dans le secteur d'activité de l'imagerie numérique ; que l'employeur a reconnu que sa proposition constituait une modification du contrat de travail puisqu'elle a sollicité son accord dans le cadre des dispositions de l'article L321-12 du code du travail ; que l'employeur, ayant pris acte de son refus, lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Il prétend que dans la lettre de licenciement, l'employeur doit énoncer avec précision les motifs économiques allégués ainsi que leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail ; que sa lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, énonce le motif économique mais ne précise pas en quoi la mutation technologique avait une incidence sur son emploi en ce qu'elle rendait nécessaire la modification de son contrat notamment au niveau des conditions de sa rémunération ; que cette insuffisance de motivation rend donc son licenciement sans cause économique réelle et sérieuse et ce d'autant que le développement de l'imagerie numérique au sein de l'entreprise n'avait aucune incidence sur son emploi et ne justifiait pas la modification de son contrat de travail ; qu'il n'a pas refusé de prospecter une nouvelle clientèle en imagerie numérique et de développer ce nouveau secteur commercial.

Il soutient que la recherche du reclassement d'impose à l'employeur

même lorsque le salarié a refusé une modification de son contrat de travail ; qu"aucun recherche de reclassement n'est intervenue et aucune possibilité de reclassement n'a été examinée et encore moins proposée.

Il précise que ce licenciement lui a causé un préjudice moral et matériel très important et qu'il est resté au chômage jusqu'en janvier 2001.

Par conclusions régulièrement communiquées, déposées et soutenues à l'audience, la société ALPHA'DESIF demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner Alain BRIDOUX à lui payer la somme de 6000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle soutient face aux nouvelles technologies et à la nécessité de préserver sa compétitivité, elle a été contrainte de s'orienter vers un secteur en pleine expansion, l'imagerie numérique, pour remplacer progressivement son activité antérieure de découpe d'adhésifs ou d'enseignes et répondre ainsi à l'attente de ses clients ; qu'elle a proposé à Alain BRIDOUX de lui confier la charge des nouveaux clients utilisateurs potentiels de l'imagerie numérique afin de rentabiliser les investissements nécessaires et d'assurer la compétitivité, et au-delà, la pérennité de l'entreprise.

Elle prétend qu'il ressort de la simple lecture de la lettre de licenciement qu'elle a précisément explicité le motif du licenciement ; que le développement de l'imagerie numérique dans certaines de ses applications justifiait une démarche commerciale nouvelle faisant appel aux méthodes empruntées aux techniques de vente des grandes entreprises (mailings, brochures, relances téléphoniques, envoi d'échantillons, site internet...) ; que dès lors que le poste du salarié devait devenir sédentaire, le véhicule de fonction ne présentait plus d'intérêt ; que le salarié, en proposant de

poursuivre son activité dans le secteur qui lui avait été confié, refusait l'avenir ; qu'en effet il a refusé la totalité des modifications proposer sans formuler de contre proposition ; que dès lors que l'entreprise s'orientait vers une activité nouvelle d'imagerie numérique, il ne pouvait être envisagé que le salarié soit indirectement commissionné sur ce qu'il ne faisait pas ; que la proposition de fixer sa commission à 5% du chiffre d'affaires dans l'imagerie numérique, jointe au fait qu'il ne lui était aucunement demandé d'abandonner les enseignes et supports adhésifs pour lesquels il avait une commission de 3%, lui permettait non seulement de maintenir ses revenus mais lui offrait une perspective de développement ; qu'étant une petite entreprise à l'effectif réduit, elle n(avait pas d'autre poste de commercial à offrir à l'intéressé. SUR CE, LA COUR

Attendu que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Qu'il s'ensuit que la suppression ou transformation d'emploi ou la modification substantielle du contrat de travail doivent être les conséquences notamment de difficultés économiques ou de mutations technologiques.

Attendu que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 juin 1999, la société ALPHA'DESIF a notifié à Alain BRIDOUX son licenciement pour motif économique dans les termes suivants : "... Les raisons qui nous ont amenés à prendre cette mesure sont les suivantes : - Compte tenu de l'évolution des techniques et de

l'attente des clients, nous sommes amenés à revoir la structure commerciale de la société. D'une part, comme vous le savez, en décembre 1998, nous avons réalisé l'investissement d'une machine d'impression numérique jet d'encre et d'un laminateur ; nous allons également utiliser les nouveaux produits conçus pour un usage extérieur et de nouvelles encres résistantes.

Nous vous orientons donc vers de nouvelles perspectives de développement dans l'imagerie numérique.

D'autre part, nous avons constaté que notre clientèle référencée est fidélisée et nécessite de moins en moins de prospection générale. Ceci nous a naturellement amené à solliciter vos compétences commerciales pour développer le secteur de l'imagerie numérique.

Nous vous avons proposé de vous orienter sur ce secteur porteur pour l'avenir, par courrier du 19 avril 1999 en définissant avec le plus de précisions possibles les nouveaux clients dont vous auriez la charge au sein de notre entreprise.

Nous vous avons également précisé que votre classification restait identique ainsi que le salaire de base ; une commission de 5% sur les affaires conclues dans l'imagerie numérique devait vous permettre de vous assurer une rémunération au moins égale à celle que vous perceviez. Nous vous avons également préciser que Monsieur Y... se chargeait de visiter la clientèle extérieure, ce qu'il faisait déjà en grade partie..." ;

Attendu que la lettre de licenciement qui énonce l'élément originel ou raison économique (mutations technologiques et réorganisation de l'entreprise) et son incidence sur le contrat de travail du salarié (modification de ses tâches et de sa rémunération) répond aux exigences légales de motivation ;

Attendu qu'il est constant qu'Alain BRIDOUX, attaché commercial au sein de la société ALPHA'DESIF qui a pour objet la fabrication et la

commercialisation de panneaux, enseignes, images ou supports publicitaires, percevait une rémunération constituée d'un salaire de base et d'un commissionnement de 3% sur le chiffre d'affaires total HT de l'entreprise et disposait d'un véhicule de fonction ;

Que par lettre du 19 avril 1999 l'employeur, l'informant de la nécessité de revoir la structure commerciale de l'entreprise "compte tenu de l'évolution des techniques et de l'attente des clients", lui a proposé "d'utiliser vos (ses) compétences commerciales, pour développer le secteur de l'imagerie numérique" en la chargeant, à compter du 21 mai 1999, des nouveaux clients, utilisateurs potentiels de l'imagerie numérique, l'avisant que le véhicule de fonction dont il disposait lui serait retiré dès lors que son poste serait essentiellement sédentaire et que sa commission serait de 5% sur las affaires conclues dans l'imagerie numérique étant observé que le gérant prendrait à sa charge toute l'activité commerciale extérieure et en particulier la part qui lui incombait jusqu'alors ;

Que l'employeur reconnaît, selon même courrier, qu'il s'agit là de modifications substantielles du contrat de travail du salarié ;

Attendu qu'il est constant que la société ALPHA'DESIF, constatant une érosion importante de ses marges sur les marchés traditionnels de l'enseigne et de la découpe d'adhésifs, a étendu sa gamme de produits à l'imagerie numérique et ce dans le souci de sauvegarder sa compétitivité ;

Attendu cependant que l'employeur ne justifie pas, et n'explicite pas même, en quoi les mutations technologiques et la réorganisation du service commercial induisaient nécessairement la modification du contrat de travail d'Alain BRIDOUX, attaché commercial, consistant en son affectation exclusive, et ce de façon sédentaire, au secteur de l'imagerie numérique, les produits traditionnels étant repris par le dirigeant de l'entreprise, et en l'octroi d'un commissionnement de 5%

sur le chiffre d'affaires HT du secteur d'imagerie numérique et ce alors, au surplus, qu'il n'est pas même démontré que l'intéressé s'est opposé à prospecter une nouvelle clientèle et à développer l'imagerie numérique ; que peu importe que le refus du salarié d'accepter les modifications proposées n'ait été accompagné d'aucune contre proposition ;

Attendu que dans ces circonstances et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si, comme le soutient le salarié, la société ALPHA'DESIF n'a pas respecté son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse ; Attendu, l'entreprise occupant moins de 11 salariés et Alain BRIDOUX, qui avait une ancienneté de 10 ans et percevait un salaire mensuel moyen de 16500 francs, justifiant être demeuré sans emploi jusqu'en janvier 2001, que la société ALPHA'DESIF sera condamnée à lui verser la somme de 15090 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l'article L122-14-5 du code du travail ;

Attendu que succombant en ses prétentions la société ALPHA'DESIF sera condamnées aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que l'équité commande d'accueillir à hauteur de 609 euros la demande d'indemnité complémentaire d'Alain BRIDOUX sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire

Reçoit l'appel régulier en la forme

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Dit le licenciement d'Alain BRIDOUX dépourvu de cause économique réelle et sérieuse

Condamne la SARL ALPHA'DESIF à payer à Alain BRIDOUX les sommes suivantes : -15090 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application des dispositions de l'article L122-14-5 du code du travail -609 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

La déboute de ses demandes

La condamne aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 00/01644
Date de la décision : 30/01/2002

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Définition - Modification du contrat de travail - Origines économiques admises - Nécessité - /

L'employeur qui ne justifie pas et n'explicite pas en quoi les mutations technologiques et la réorganisation du service commercial induisaient nécessairement la modification du contrat de travail d'un attaché commercial, consistant en son affectation exclusive, et ce de façon sédentaire, au secteur de l'imagerie numérique, ne respecte pas les exigences légales de motivation de la lettre de licenciement économique, qui doit énoncer l'élément originel ou la raison économique et son incidence sur le contrat de travail du salarié


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2002-01-30;00.01644 ?
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