COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 04 MAI 2001 RG : 00/03362 APPEL D'UN JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LAON du 14 septembre 2000 PARTIES EN CAUSE : APPELANTE CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SAINT- QUENTIN 28, rue d'Isle 02100 SAINT QUENTIN Comparante concluante par Me Jacques CAUSSAIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me de BERNY (avocat au barreau de LILLE)
ET : INTIMES Monsieur Bruno X... né le 30 Juin 1960 à LA FERE (02800) 28 Boulevard Carnot 06400 CANNES Madame Catherine Y... épouse X... née le 11 Mars 1962 à ST QUENTIN (02100) 28 Boulevard Carnot 06400 CANNES Comparants concluants par la SCP MILLON PLATEAU CREPIN (avoués à la Cour) et ayant pour avocat ZERBIB (du barreau de GRASSE) DEBATS :
A l'audience publique du 16 Mars 2001 devant Madame Z..., Conseiller, siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 04 Mai 2001 pour prononcer l'arrêt. GREFFIER : M. DROUVIN COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Madame Z..., Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : Mme MERFELD, Président de Chambre, MM. Z... et BOISSELET, Conseillers, qui en a délibéré conformément à la Loi. PRONONCE :
A l'audience publique du 04 Mai 2001, Mme MERFELD, Président, assistée de M. DROUVIN, Greffier, a prononcé l'arrêt dont la minute a été signée par le Président et le Greffier. * * * DECISION :
Par ordonnance du 16 juin 2000, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de LAON a autorisé la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire à l'encontre de Bruno X... et son épouse née Catherine Y... sur un immeuble situé à xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx pour garantir la somme de 300.000 francs.
Le jugement déféré, rendu le 14 septembre 1994, a fait droit à la demande de rétractation formée par les époux X..., a donné mainlevée de la mesure provisoire, et a condamné la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN à leur verser 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante de cette décision, dont elle sollicite l'infirmation, la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN demande à la cour par conclusions du 9 janvier 2001 de débouter les époux X... de leurs demandes et de les condamner à lui payer 20.000 francs à titre de dommages et intérêts pour recours abusif et 10.000 francs au titre des frais hors dépens.
Par écritures du 16 janvier 2001, les époux X... concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à leur verser 20.000 francs à titre de dommages et intérêts et 15.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'instruction a été déclarée close par ordonnance du 14 février 2001. SUR CE, LA COUR,
Attendu que selon l'article 210 du décret du 31 juillet 1992, tout créancier peut, par requête, demander au juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire s'il se prévaut d'une créance qui paraît fondée en son principe et si les circonstances sont susceptibles d'en menacer le recouvrement ;
Que l'article 211 précise que le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur ;
Attendu que les circonstances de l'espèce imposent, pour apprécier si l'exception d'incompétence territoriale du juge qui a autorisé la mesure, invoquée par les époux X..., est fondée, d'examiner d'abord les éléments de fait dont se prévalait la Caisse de Crédit Mutuel de
SAINT-QUENTIN au soutien de sa requête ;
Attendu que par arrêt rendu le 8 juin 1999 par la 6ème chambre correctionnelle de cette cour, Catherine Y... a été déclarée coupable de contrefaçon ou falsification de chèques, usage de chèques contrefaits ou falsifiés, et escroqueries au préjudice de Renée DUCORNET, personne âgée qu'elle avait recueillie à son domicile, et condamnée à payer à celle-ci la somme de 284.998,88 francs à titre de dommages et intérêts outre 5.000 francs en réparation du préjudice moral et une somme au titre des frais hors dépens ;
Attendu que le tuteur de Madame DUCORNET a assigné la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN en lui reprochant d'avoir payé les chèques contrefaits sans avoir vérifié la signature ; qu'il demande sa condamnation à payer le montant desdits chèques ;
Attendu qu'un tel manquement imputable au banquier, à le supposer établi, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de sa cliente et l'oblige à réparer le préjudice subi ; que cependant en pareil cas le banquier dispose d'un recours subrogatoire à l'encontre de l'auteur des contrefaçons ou falsifications ;
Attendu que contrairement à ce qu'a considéré le premier juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire n'est pas soumise à la condition de la détention d'un titre ni même de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible ; que précisément l'autorisation a pour objet d'obvier à l'absence de titre ; qu'il suffit que la créance paraisse fondée en son principe ;
Attendu qu'à l'encontre de Catherine Y..., cette condition est réalisée dès lors qu'elle a été condamnée à réparer le préjudice subi par Madame DUCORNET de sorte que l'admission, vraisemblable, de la demande à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN aurait pour effet d'entraîner sans aucun doute la condamnation de Catherine Y... à garantir la Caisse ;
Que l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance ne fait pas davantage de doute contrairement à ce qu'a décidé le premier juge ; qu'en effet, dans le cadre de la mise à l'épreuve prononcée par la cour, Madame X... ne verse à la victime que 1.000 francs par mois ; que l'essentiel de la créance restera impayée à l'issue du temps d'épreuve ; qu'or les époux X..., dont les revenus sont modestes, ont mis en vente le bien immobilier dont ils sont propriétaires à A..., ce qui rendra illusoires tant les poursuites de la victime que le recours subrogatoire de la banque ;
Attendu en revanche que la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN ne peut justifier d'un principe de créance à l'encontre de Monsieur X... ; que si elle affirme que certains chèques contrefaits ont été tirés à son seul profit, il n'est nullement établi qu'il ait eu connaissance des faits commis par son épouse ; que d'ailleurs force est de constater qu'il n'a pas fait l'objet de poursuites pénales ; qu'en l'état des pièces produites, il n'est pas démontré qu'un recours subrogatoire exercé à l'encontre de Monsieur X... ait une quelconque chance d'aboutir ;
Attendu certes que la mise en cause de Monsieur X... se justifie dès lors que la mesure porte sur un bien commun et que la dette résultant d'une infraction commise par l'un des époux au temps du mariage peut être recouvrée sur les biens communs ; que cependant cette mise en cause ne peut intervenir en qualité de débiteur ;
Attendu qu'il est constant que Madame X... demeurait non dans le ressort de LAON mais à CANNES depuis deux années lors de la présentation de la requête ; que certes l'adresse figurant dans le dossier pénal consulté par la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN mentionnait pour adresse le 22, rue WALTER SCOTT à CANNES alors que l'assignation en garantie n'avait pu être délivrée à
cette adresse ; que cependant, contrairement à ce qu'elle soutient, la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN savait lorsqu'elle a présenté sa requête au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de LAON que Madame X... demeurait désormais 28 boulevard CARNOT à CANNES ;
Attendu en effet que selon les énonciations d'un procès-verbal de perquisition en date du cinq juin 2000, l'huissier qu'elle avait mandaté a appris cette adresse en interrogeant la belle-mère et le fils de Madame X... à QUESSY, alors que, si la requête est datée du deux juin 2000, elle n'a été présentée que le treize juin comme en fait foi le cachet apposé par le secrétariat-greffe du tribunal ;
Attendu dans ces conditions qu'il importe peu qu'une assignation ait été délivrée à Monsieur X... à la mairie de QUESSY, le secrétaire de mairie ayant affirmé qu'il n'avait pas vu Monsieur X... depuis quelque temps mais qu'il était toujours domicilié à QUESSY ; que d'une part, ainsi qu'il a été retenu ci-dessus, Monsieur X... n'est pas personnellement débiteur de la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN, et que d'autre part, il n'a pas été attesté par le même secrétaire de mairie que Madame X... serait encore domiciliée à QUESSY ; que d'ailleurs la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN ne l'a pas assignée à cette adresse ;
Attendu que les dispositions du second alinéa de l'article 9 du décret du 31 juillet 1992, qui donnent compétence au juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure lorsque le lieu où le débiteur demeure est inconnu, ne sont pas applicables puisque, selon ce qui précède, la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN connaissait l'adresse de Madame X... à la date de présentation de la requête ;
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN devait donc présenter la requête au juge de l'exécution du tribunal de grande
instance de GRASSE seul compétent ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a donné mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire ; que la confirmation du jugement entrepris s'impose ;
Attendu que le recours ne peut être qualifié d'abusif alors que les motifs de la décision étaient pour partie erronés ;
Attendu que le premier juge a fait une application équitable des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'il convient d'ajouter une somme de 3.000 francs au titre des frais exposés en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris,
Déboute les époux X... de leur demande de dommages et intérêts,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de SAINT-QUENTIN aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP MILLON PLATEAU etamp; CREPIN, avoué,
La condamne à payer aux époux X... une somme complémentaire de 3.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,