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03/04/2001 | FRANCE | N°98/04832

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre commerciale, 03 avril 2001, 98/04832


COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU 03 AVRIL 2001 RG : 98/04832 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 23 octobre 1998 PARTIES EN CAUSE : APPELANTE STE ARAM TRADING INC 5 R Inwon Building 49-12 BANPO DONG SEOCHO-KU SEOUL (COREE DU SUD) "agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège". Comparante concluante par la SCP LE ROY (avoué à la Cour) et plaidant par Me WEIL Bruno (avocat au barreau de PARIS).

ET : INTIMEE SA. COSSERAT Manufacture de velours coton 200 Rue Maberly 80029 AMIENS "prise en la personne d

e ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège"....

COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU 03 AVRIL 2001 RG : 98/04832 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 23 octobre 1998 PARTIES EN CAUSE : APPELANTE STE ARAM TRADING INC 5 R Inwon Building 49-12 BANPO DONG SEOCHO-KU SEOUL (COREE DU SUD) "agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège". Comparante concluante par la SCP LE ROY (avoué à la Cour) et plaidant par Me WEIL Bruno (avocat au barreau de PARIS).

ET : INTIMEE SA. COSSERAT Manufacture de velours coton 200 Rue Maberly 80029 AMIENS "prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés pour ce audit siège". Comparante concluante par la SCP MILLON PLATEAU CREPIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me VEYSSIERE de la SCP POUILLOT DELAHOUSSE (avocats au barreau d'AMIENS). DEBATS :

A l'audience publique du 30 janvier 2001 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant X... CHAPUIS DE MONTAUNET, Président, siégeant en vertu des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 03 avril 2001 pour prononcer l'arrêt. GREFFIER : Mme Y... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE X... le Président en a rendu compte à la Cour composée de : X... CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de Chambre, X... Z... et Mme ROHART-MESSAGER, Conseillers qui en a délibéré conformément à la loi. PRONONCE :

A l'audience publique du 03 AVRIL 2001, l'arrêt a été prononcé par X... CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de chambre, qui a signé la minute avec Mme Y..., Greffier. DECISION

La Cour statue sur l'appel interjeté par la STE ARAM d'un jugement du Tribunal de Commerce d'AMIENS du 23 octobre 1998 qui l'a notamment

déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de la STE COSSERAT et condamnée au paiement d'une somme de 7.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. *

Vu les conclusions de l'appelante du 8 avril 1999 par lesquelles elle prie la Cour de : - réformer le jugement et statuer à nouveau, - condamner la STE COSSERAT à lui payer les sommes de :

* 141.273,97 F au titre de la rupture du contrat d'agent commercial (loi du 25 juin 1991),

* 756.978,82 F au titre de la rupture du contrat de distributeur exclusif (ordonnance du 1er décembre 1986),

* 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner enfin aux dépens qui seront recouvrés par la SCP LE ROY, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. *

Vu les conclusions de l'intimée du 11 janvier 2000 par lesquelles elle prie la Cour de : - dire et juger que la STE ARAM TRADING irrecevable et mal fondée en son appel, - en conséquence, l'en débouter et confirmer le jugement, - y ajoutant, condamner la STE ARAM TRADING à payer la somme de 20.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - à titre subsidiaire, dire et juger que la STE ARAM TRADING ne peut prétendre qu'à une indemnisation de principe sensiblement inférieure aux sommes réclamées, - quant aux réclamations afférentes à la rupture du contrat de distributeur exclusif, dire et juger que la demanderesse ne justifie ni de la recevabilité de sa demande et de l'applicabilité au cas d'espèce de l'ordonnance de 1986, ni subsidiairement de l'exclusivité ou de la rupture alléguée, - plus subsidiairement, encore dire et juger qu'elle ne justifie pas du quantum de ses prétentions, - en conséquence, l'en débouter, - la dire et juge recevable et bien fondée en ses demandes

reconventionnelles, - en conséquence, condamner la STE ARAM TRADING au paiement des sommes de :

* 50.000 F à titre des indemnités pour procédure abusive et vexatoire,

* 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - encore la condamner aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la SCP MILLON PLATEAU ET CREPIN, avoué aux offres de droit. * SUR CE LA COUR

Attendu qu'en 1985, la STE COSSERAT, qui avait une activité de fabrication et de commercialisation de tissus d'habillement, confiait à la STE DE DROIT COREEN ARAM la distribution en COREE de ses collections ;

Que pour cette distribution la STE ARAM exerçait soit sous forme d'agent soit en qualité d'importateur ;

Que le 18 octobre 1996 la STE COSSERAT notifiait à la STE ARAM la rupture immédiate et sans préavis de leurs relations commerciales ;

Que par acte du 29 mai 1997 la STE ARAM assignait alors la STE COSSERAT en paiement de diverses sommes et que c'est ainsi qu'a été rendu le jugement déféré. *

Attendu que pour débouter la STE ARAM de ses demandes au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, les premiers juges ont considéré que seul le droit coréen était applicable entre les parties et qu'il ne contenait aucune disposition protectrice du droit des agents commerciaux ; qu'ils la déboutaient également de sa demande au titre de la rupture du contrat de distributeur exclusif au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve de l'existence d'une exclusivité ;

Qu'enfin le tribunal déboutait la STE ARAM de sa demande au titre des marchandises défectueuses au motif qu'elle n'avait pas rapporté la preuve de l'existence de défauts. * * *

I - SUR LA LOI APPLICABLE AU CONTRAT D'AGENT.

Attendu qu'aucun contrat n'a été signé entre les parties, aucun document ne désignant la loi applicable ;

Que la STE ARAM prétend qu'en application de l'article 5 alinéa 2 la Convention de LA HAYE du 14 mars 1978, qui énonce que le choix de la loi applicable peut être tacite et résulter "des circonstances de la cause" seule la loi française serait applicable ; qu'elle soutient qu'en l'espèce les circonstances de la cause désigneraient la loi française puisque la monnaie de référence des parties était le franc, que les conditions générales de vente de la STE COSSERAT font expressément référence au Code de Commerce français et que le transfert des risques des marchandises se faisait en FRANCE ;

Qu'elle indique encore que la loi sur les agents commerciaux étant d'ordre public, en application des articles 9 et 16 de la Convention de LA HAYE susmentionnée :

"Il pourra être donné effet aux dispositions impératives de tout Etat avec lequel la situation présente un lien effectif si et dans la mesure où, selon le droit de cet Etat, ces dispositions sont applicables quelque soit la loi désignée par la règle de conflit" ;

Qu'enfin, elle rappelle que l'article 7 de la Convention de ROME du 19 juin 1980 dispose qu'il ne peut être porté atteinte à "l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent immédiatement la situation, quelle que soit la loi applicable". *

Mais attendu qu'il n'est pas contesté que la Convention de LA HAYE du 14 mars 1978, quoique la COREE n'en soit pas signataire, est applicable à la présente espèce puisque le juge national doit appliquer les règles de conflit contenues dans cette convention qui est intégrée dans le droit des Etats signataires ; que cette convention traite de la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation ;

Que la loi n'a pas été désignée par les parties et que le fait que les commissions soient payées en francs français est insuffisant pour en déduire qu'il en résulterait une certitude raisonnable du choix par les parties du droit français ; que les circonstances de la cause ne permettent pas davantage d'en déduire que la loi française était applicable ;

Que faute de désignation de la loi d'autonomie les rattachements subsidiaires de l'article 6 de la convention sont applicables ;

Que l'article 6 susvisé dispose :

"Dans la mesure où elle n'a pas été choisie dans les conditions prévues à l'article 5, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou à défaut sa résidence habituelle.

Toutefois la loi interne de l'Etat dans lequel l'intermédiaire doit exercer à titre principal son activité est applicable, si le représenté a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle dans cet Etat" ;

Qu'au moment de la formation du rapport de représentation la STE ARAM était domiciliée en COREE et qu'elle exerçait son activité de représentation en COREE ;

Que si la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants est d'effet impératif dans l'ordre juridique interne, elle ne l'est plus pour un contrat international ; qu'il apparaît en conséquence que seule la loi coréenne, loi du domicile de la STE ARAM ainsi que du lieu de son activité est applicable au présent litige relative à son activité d'agent. * * *

II - SUR LA LOI APPLICABLE A SON ACTIVITE D'IMPORTATEUR.

Attendu en ce qui concerne son activité d'importateur, que la STE ARAM fonde sa demande sur l'article 36 de l'ordonnance du 1er

décembre 1986 en invoquant son caractère d'ordre public, tandis que la STE COSSERAT, tout en contestant cette demande, n'indique pas quelle est selon elle la loi applicable ;

Que s'agissant d'un contrat d'importateur il convient de se référer à la Convention de ROME du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles ;

Que l'article 4 de cette convention dispose :

"Loi applicable à défaut de choix :

Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays.

Sous réserve du paragraphe 5, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle, ou s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale.

Toutefois, si le contrat est conclu dans l'exercice de l'activité professionnelle de cette partie, ce pays est celui où est situé son principal établissement ou, si, selon le contrat, la prestation doit être fournie par un établissement autre que l'établissement principal, celui où est situé cet autre établissement" ;

Qu'en l'espèce, la prestation caractéristique étant la vente, le droit applicable est dès lors celui du vendeur c'est-à-dire le droit français. * * *

III - SUR LES CONSEQUENCES DE LA RUPTURE DU CONTRAT D'IMPORTATEUR.

Attendu que la STE COSSERAT soutient n'avoir rompu que le contrat d'agent et non celui d'importateur ; qu'elle indique qu'en écrivant dans son téléfax du 18 octobre 1996 "from now you are no longer our agent for the korean market" elle n'a entendu rompre que le contrat d'agence et non celui d'importateur. [*

Mais attendu que dans ce téléfax la STE COSSERAT indiquait qu'elle n'entendait pas envoyer sa collection d'hiver, ce qui démontre sa volonté de rompre toute relation commerciale, la STE ARAM ne pouvant importer des tissus sans connaître la collection ;

Que par ailleurs, lorsque le 18 décembre suivant la STE ARAM prenait acte de la rupture de toutes les relations contractuelles elle n'a pas été contredite par la STE COSSERAT ;

Qu'il apparaît dès lors que dans son téléfax du 18 octobre susvisé la STE COSSERAT a entendu rompre toute relation commerciale, y compris le contrat d'importateur avec la STE ARAM. *]

Attendu que le fournisseur engage sa responsabilité en mettant unilatéralement fin à un contrat à durée indéterminée sans respecter un préavis suffisant que ce dernier soit prévu ou non ;

Qu'en l'espèce les parties entretenaient des relations contractuelles suivies depuis 1985 ; que même s'il n'existait aucune exclusivité, cette absence d'exclusivité ne permettait pas à la STE COSSERAT de rompre des relations sans aucun préavis alors qu'aucun motif n'est invoqué pour justifiée une rupture brutale ;

Qu'au vu de la durée des relations contractuelles, un délai de préavis de six mois eût été conforme aux usages commerciaux ; que compte-tenu du chiffre d'affaires réalisé en 1996 par la STE ARAM (1.261.631,41 F sur neuf mois) la demande de paiement de la somme de 252.326,26 F correspondant à une marge de 30 % du chiffre d'affaires sur six mois n'est nullement exagérée ; qu'en conséquence, la STE COSSERAT sera condamnée à payer à la STE ARAM une somme de 252.326,26

F au titre du préavis. [*

Attendu que la STE ARAM demande également la condamnation de la STE COSSERAT à des dommages-intérêts compte-tenu du caractère abusif de la rupture ;

Que cependant la STE ARAM ne démontre pas que la STE COSSERAT ait commis un abus de droit en mettant fin aux relations contractuelles ; Qu'elle ne rapporte pas davantage la preuve d'un préjudice particulier qu'elle aurait subi, suffisamment distinct des dommages-intérêts alloués au titre du non respect du préavis ;

Qu'en conséquence elle sera déboutée de sa demande. *]

Attendu que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la STE COSSERAT ne saurait prospérer au regard de sa succombance partielle ;

Qu'elle en sera déboutée ; [*

Attendu que les dépens étant réservés, il n'y a pas lieu, en l'état de statuer sur la demande d'indemnité pour frais hors dépens. *] PAR CES MOTIFS

La COUR ;

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Reçoit l'appel jugé régulier en la forme ;

Au fond, infirme le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Dit que le contrat d'agent commercial liant la STE ARAM et la STE COSSERAT est régi par le droit coréen ;

Conclut quant aux conséquences de la rupture sur le fondement du droit coréen ;

Condamne la STE COSSERAT à payer à la STE ARAM la somme de 252.326,26 F au titre du préavis suite à la rupture du contrat d'importateur ;

Déboute la STE ARAM de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat d'importateur ;

Déboute la STE COSSERAT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Réserve les dépens et dit n'y avoir lieu en l'état à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Renvoie le solde du litige et les parties à la mise en état.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98/04832
Date de la décision : 03/04/2001
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers.

Aucun contrat n'ayant été signé entre les parties, aucun document ne désignant la loi applicable, et n'étant pas contesté, quoique que la Corée n'en soit pas signataire, que la Convention de La Haye du 14 mars 1978 est applicable à la présente espèce puisque le juge national doit appliquer les règles de conflit contenues dans cette convention qui est intégrée dans le droit des Etats signataires, il convient de constater que les rattachements subsidiaires de l'article 6 de la convention sont applicables. Il ressort des éléments de l'affaire qu'au moment de la formation du rapport de représentation, la société était domiciliée en Corée et qu'elle exerce son activité de représentation en Corée. La loi coréenne est alors applicable au litige, relatif à son activité d'agent

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980.

S'agissant d'un contrat d'importateur, il convient de se référer à la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles. A défaut de choix des parties sur la loi applicable, il convient d'appliquer l'article 4 de la convention. La prestation caractéristique étant la vente, le droit applicable est dès lors celui du vendeur, c'est à dire le droit français. En l'espèce, le fait, dans un téléfax, d'indiquer que la société n'entendait pas envoyer la collection d'hiver démontre sa volonté de rompre toute relation commerciale. De plus, le demandeur ne démontre pas que ladite société ait commis un abus de droit en mettant fin aux relations contractuelles et ne rapporte pas davantage la preuve d'un préjudice particulier qu'il aurait subi, suffisamment distinct des dommages-intérêts alloués au titre du non respect du préavis. Ainsi, le demandeur est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2001-04-03;98.04832 ?
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