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08/03/2001 | FRANCE | N°00/01277

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 08 mars 2001, 00/01277


B./JL COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 08 MARS 2001 RG :

00/01277 APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS du 15 décembre 1999

PARTIES EN CAUSE : APPELANTE S.A. CREDIT LYONNAIS 19 Boulevard des Italiens 75002 PARIS Comparante concluante par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE (avoués à la Cour) et plaidant par Me BOURDET substituant la SCP LECLERCQ-CARON (avocats au barreau d'AMIENS)

ET : INTIMES Madame Nicole X... 60 Rue René Coty 80000 AMIENS Comparante concluante par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY (avoués à la Cour) et plaidant pa

r Me HAMEL substituant Me FRISON (avocats au barreau d'AMIENS) Monsieur ...

B./JL COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 08 MARS 2001 RG :

00/01277 APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS du 15 décembre 1999

PARTIES EN CAUSE : APPELANTE S.A. CREDIT LYONNAIS 19 Boulevard des Italiens 75002 PARIS Comparante concluante par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE (avoués à la Cour) et plaidant par Me BOURDET substituant la SCP LECLERCQ-CARON (avocats au barreau d'AMIENS)

ET : INTIMES Madame Nicole X... 60 Rue René Coty 80000 AMIENS Comparante concluante par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY (avoués à la Cour) et plaidant par Me HAMEL substituant Me FRISON (avocats au barreau d'AMIENS) Monsieur Rémy Y... 35 Rue Vaquette 80000 AMIENS Comparant concluant par la SCP LE ROY (avoué à la Cour) et plaidant par Me DELECROIX substituant Me DUTOIT (avocats au barreau d'AMIENS) DEBATS :

A l'audience publique du 25 Janvier 2001, devant : Mme MERFELD, Président de Chambre, Mme Z... et M. BOUGON, Conseillers, qui ont renvoyé l'affaire à l'audience publique du 08 Mars 2001 pour prononcer l'arrêt et en ont délibéré conformément à la Loi. GREFFIER : M. A... B... : A l'audience publique du 08 Mars 2001, Mme MERFELD, Président, assistée de M. A..., Greffier, a prononcé l'arrêt dont la minute a été signée par le Président et le Greffier. * * * DECISION :

La SARL CARGO, dont le gérant était M. Rémy Y... a été constituée en 1990 et a fait l'objet le 24 novembre 1995 d'un jugement du tribunal de commerce d'AMIENS ouvrant une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par décision rendue le 26 juillet 1996.

La société CREDIT LYONNAIS, agence de DURY, avait ouvert un compte n° 70177 J au nom de la société CARGO qui présentait, agios au taux de 14,15 % arrêtés au jour du jugement d'ouverture de la procédure

collective, un solde débiteur de 411.369,64 francs.

M. Y... avait signé les 30 août 1990, 23 février 1991 et 8 mars 1995, trois actes de caution solidaire générale respectivement à hauteur de 200.000 francs, 100.000 francs et 345.000 francs outre intérêts et frais.

Mme Nicole X..., épouse de M. Y... s'était identiquement engagée les 30 août 1990 et 23 février 1991 à hauteur de 200.000 francs et 100.000 francs outre intérêts et frais.

Par ailleurs la société CREDIT LYONNAIS avait consenti à la société CARGO divers concours bancaires :

- le 2 juin 1992 un prêt CREDILION PROFESSIONNEL d'un montant de 100.000 francs au titre duquel était due au 1er juin 1996 la somme de 93.992,85 francs et pour lequel M. Y... s'était porté caution à hauteur de 100.000 francs plus intérêts,

- le 11 août 1993 un crédit d'équipement d'un montant de 200.000 francs au titre duquel une somme principale de 93.685,84 francs restait due au 24 novembre 1995 outre intérêts de retard au taux de 13 % à compter de cette date pour lequel M. Y... et Mme X... s'étaient l'un et l'autre portés cautions solidaires à hauteur de 200.000 francs plus intérêts, frais et accessoires,

- le 19 mai 1995 un crédit d'équipement d'un montant de 75.000 francs au titre duquel une somme principale de 69.623,86 francs restait due au 24 novembre 1995 outre intérêts au taux de 12,53 % à compter de cette date et pour lequel M. Y... s'était porté caution solidaire à hauteur de 75.000 francs plus intérêts, frais et accessoires.

La société CREDIT LYONNAIS a régulièrement déclaré ses créances au mandataire liquidateur judiciaire de la société CARGO.

Après avoir vainement mis en demeure les cautions de remplir leurs obligations par courriers en date des 8 mars et 11 septembre 1996 et 13 et 27 mars 1997 la société CREDIT LYONNAIS a, par acte d'huissier

en date du 2 juillet 1997, fait assigner M. Y... et Mme X... devant le tribunal de grande instance d'AMIENS pour, sous exécution provisoire, s'entendre condamner à lui payer :

- M. Y... :

. 200.000 francs en principal en sus les frais et intérêts à valoir sur le solde débiteur du compte 70177 J,

. 69.623,86 francs en principal en sus les frais et intérêts à valoir sur le crédit d'équipement de 75.000 francs,

. 93.992,85 francs en principal en sus les frais et intérêts à valoir sur le prêt CREDILION PROFESSIONNEL,

- Mme X... :

. 100.000 francs en principal en sus les frais et intérêts à valoir sur le solde débiteur du compte 70177 J,

- M. Y... et Mme X... conjointement et solidairement:

. 93.685,84 francs en principal en sus les frais et intérêts à valoir sur le crédit d'équipement de 200.000 francs,

. 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement en date du 15 décembre 1999 le tribunal de grande instance d'AMIENS a :

- dit n'y avoir lieu à annulation des actes de cautionnement du 23 février 1991 et du 3 juin 1993,

- dit que le compte n° 70177 J ne peut produire des intérêts conventionnels,

- dit que la société CREDIT LYONNAIS est déchue du droit aux intérêts jusqu'à l'assignation du 2 juillet 1997 en application de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984,

- dit que la société CREDIT LYONNAIS a commis une faute qui engage sa responsabilité à l'égard des cautions,

- fixé le montant du préjudice subi par M. Y... du fait de l'attitude fautive de la banque à la somme de 275.000 francs,

- fixé le montant du préjudice subi par Mme X... du fait de l'attitude fautive de la banque, à la somme de 200.000 francs,

- avant dire droit sur le montant de la créance de la société CREDIT LYONNAIS, enjoint à celle-ci de produire aux débats :

. un décompte du solde du compte n° 70177 J excluant tout intérêt conventionnel,

. un décompte de ses autres créances en capital, excluant tous intérêts et indemnités,

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à la mise en état,

- sursis à statuer sur les dépens et sur les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société CREDIT LYONNAIS a relevé appel de cette décision.

Par conclusions en date du 16 juin 2000, dénoncées à M. Y... le 3 octobre 2000, l'appelante fait valoir que les actes de caution des 23 février 1991 et 3 juin 1993 sont parfaitement valables, le premier comportant, contrairement aux allégations de Mme X..., l'indication manuscrite par celle-ci du montant de son engagement en chiffres et en lettres et le second concernant la garantie d'une dette future résultant d'une obligation déterminée dont les garants étaient expressément informés. Elle précise, s'agissant de ce

dernier, que les époux C... s'étant portés cautions solidaires avec au surplus renonciation à se prévaloir des dispositions de l'article 2033 du code civil ils ne peuvent lui imposer de poursuivre préalablement la société SIAGI, elle-même caution à concurrence de 50 %. Elle soutient que la convention de liquidation des droits matrimoniaux judiciairement homologuée dans le cadre de la procédure de divorce des intimés, et qui décharge l'épouse des remboursements des prêts contractés auprès d'elle, est sans incidence sur le rapport juridique direct la liant à Mme X... en sa qualité de caution. Elle fait grief au jugement déféré d'avoir retenu qu'elle avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de M. Y... et de Mme X... en raison, d'une part, du soutien abusif apporté à la société CARGO et, d'autre part, des capacités financières insuffisantes des cautions. Elle fait observer qu'elle a consenti les prêts litigieux après présentation par M. Y... d'une étude de faisabilité démontrant qu'au moment de leur octroi il n'existait aucun motif de refuser les concours bancaires sollicités et que par la suite M. Y..., qui en sa qualité de gérant de la débitrice principale ne pouvait ignorer les difficultés qu'elle rencontrait n'a pas hésité à souscrire de nouveaux engagements de caution alors par ailleurs que le caractère disproportionné de ceux-ci au regard des revenus de la caution doit s'apprécier au jour de leur conclusion sans tenir compte de la pluralité de garants et que M. Y... se présentait alors comme solvable. Elle oppose la même argumentation à Mme X... dont elle prétend, qu'en ses qualités d'employée de la société CARGO et d'épouse du gérant de celle-ci, elle avait parfaite conscience de la portée de ses engagements. Elle demande à la Cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré que le jugement de divorce lui est inopposable, dit que les actes de cautionnement des 23 février 1991 et 3 juin 1993 sont

valables et ordonné la réouverture des débats en ce qui concerne le compte débiteur n° 70177 J et le droit aux intérêts conventionnels. Elle conclut pour le surplus à son infirmation demandant à la Cour de constater qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard des intimés, de débouter ces derniers de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme X... par écritures en date du 8 septembre 2000, dénoncées à M. Y... le 9 octobre suivant, expose que l'étude de faisabilité invoquée par la société CREDIT LYONNAIS n'a été établie que pour la constitution de la société CARGO et que tous les concours bancaires postérieurs à 1990 ont été accordés alors que la situation de celle-ci était irrémédiablement compromise. Elle souligne que l'appelante était le seul banquier de la société CARGO dont le compte courant a dès l'origine révélé les difficultés financières et que les conclusions de l'étude précitée n'ont jamais été confirmées dans les faits, les pertes s'accroissant régulièrement chaque année. Elle fait valoir que dans ces conditions la banque ne pouvait ignorer l'impossibilité dans laquelle se trouvait la société CARGO de faire face à ses charges mais qu'elle a néanmoins multiplié les prêts obérant une situation financière déjà très difficile, engageant ainsi sa responsabilité pour octroi abusif de crédit. Elle fait par ailleurs grief à la société CREDIT LYONNAIS de lui avoir fait souscrire des engagements de caution disproportionnés au regard de ses facultés de remboursement et fait observer qu'étant séparée de fait de son époux depuis le 30 avril 1993 l'appelante ne peut déduire du seul lien conjugal sa connaissance de la situation exacte de la débitrice principale. Elle conclut à la confirmation du jugement querellé et à la condamnation de la société CREDIT LYONNAIS à lui

payer la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. Y... par conclusions en date du 6 novembre 2000, comportant appel incident soutient, d'une part, que l'acte de cautionnement en date du 3 juin 1993 est nul et, d'autre part, que la société CREDIT LYONNAIS a engagé sa responsabilité pour avoir abusivement soutenu la société CARGO et lui avoir fait souscrire des engagements de caution disproportionnés à ses capacités de remboursement. Il fait grief aux premiers juges d'avoir retenu la validité de l'acte de cautionnement précité alors que le prêt qu'il garantissait n'a été régularisé que le 11 août 1993 de sorte que son engagement était dépourvu de cause lorsqu'il a été contracté. Il rappelle que la société CREDIT LYONNAIS était le banquier exclusif de la société CARGO depuis sa création, que cette dernière s'est trouvée en position de débit quasi permanent depuis 1992, cette situation générant des frais financiers importants, et qu'elle a constamment enregistré des pertes à l'issue de chacun de ses exercices comptables, celles-ci atteignant un cumul de 1.147.990 francs au 31 décembre 1995. Il souligne que l'appelante qui connaissait les résultats enregistrés, et donc la dégradation constante de la situation financière de la société CARGO, a cependant multiplié les concours bancaires en les faisant garantir par des cautionnements de plus en plus élevés de sorte qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité sans pouvoir utilement invoquer l'étude de faisabilité effectuée en 1990 alors que l'activité commerciale n'avait pas débuté dès lors que dès 1991 son attention aurait au contraire due être attirée par le décalage immédiat entre les résultats prévisionnels et la réalité de l'exploitation. Il fait valoir que le montant global des cautionnements qu'il a souscrit, soit 630.000 francs, excédait grandement ses capacités de remboursement tant en terme d'actifs que de revenus alors au surplus

que la société CREDIT LYONNAIS lui avait consenti à titre personnel divers prêts pour l'acquisition d'un immeuble sur lequel elle avait inscrit une hypothèque. Il en déduit que la banque a manqué à son obligation de bonne foi et commis une faute en lui demandant en toute connaissance de cause des garanties sans rapport avec ses facultés contributives lui occasionnant un préjudice que le tribunal a exactement réparé en lui allouant la somme de 275.000 francs à titre de dommages et intérêts pour laquelle il demande que les intérêts lui soient accordés à compter de la date de signification de ses conclusions formalisant sa demande reconventionnelle. Il fait observer que l'appelante, qui ne conteste plus être déchue de tout droit à intérêts jusqu'à l'assignation du 2 juillet 1997 et demande la confirmation de la décision querellée en ce qu'elle a ordonné la réouverture des débats en lui faisant injonction d'avoir à produire un décompte du solde du compte n° 70177 J excluant tout intérêt conventionnel ainsi qu'un décompte de ses autres créances excluant tous intérêts et indemnités, ne verse pas aux débats les documents demandés ce qui doit conduire la Cour à la débouter de l'intégralité de ses prétentions. Il conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'acte de cautionnement du 3 juin 1993 demandant à la Cour de le déclarer nul. Il en sollicite la confirmation pour le surplus sauf à lui accorder les intérêts sur la somme de 275.000 francs à compter du 15 octobre 1997 et demande à la Cour y ajoutant de débouter la société CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2001.

La société CREDIT LYONNAIS a fait signifier de nouvelles écritures le 19 janvier 2001. SUR CE :

Attendu qu'il convient, en vertu des dispositions de l'article 783 du nouveau code de procédure civile, de déclarer irrecevables les conclusions signifiées par la société CREDIT LYONNAIS le 19 janvier 2001 postérieurement à l'ordonnance de clôture dont la révocation n'a pas été sollicitée ; - Sur les actes de cautionnement des 23 février 1991 et 3 juin 1993 :

Attendu que la Cour constate que nonobstant la discussion instaurée par la société CREDIT LYONNAIS, qui sur ce point sollicite la confirmation de la décision de première instance, elle n'est saisie d'aucun recours à l'encontre de celle-ci en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à annulation de l'acte de cautionnement en date du 23 février 1991 ;

Attendu que M. Y... soutient que l'acte de cautionnement qu'il a souscrit le 3 juin 1993 est nul pour défaut de cause au motif que le prêt garanti n'a été régularisé que le 11 août 1993 ; que cependant est admis la validité du cautionnement d'une dette future résultant d'une obligation identifiée génératrice d'une dette déterminable dont le garant est expressément informé ; qu'en l'espèce il résulte des pièces versées aux débats, spécialement du courrier et du document annexé adressé le 18 mai 1993 à la société CARGO par la société SIAGI, société de caution mutuelle directement saisie par la banque, que le principe de l'octroi à la destinataire par la société CREDIT LYONNAIS d'un prêt de 200.000 francs sur une durée de quatre ans était acquis sous la réserve de l'obtention de cautions solidaires consenties par M. Y... et Mme X... ; qu'ainsi alors, d'une part que la cause du cautionnement est la considération du crédit accordé par le créancier au débiteur principal et, d'autre part, que les intimés étaient exactement informés des conditions du prêt restant uniquement à régulariser par les énonciations de l'acte de cautionnement du 3 juin 1993 identifiant précisément le débiteur

cautionné et l'obligation garantie confirmant celles figurant au document SIAGI adressé à la société CARGO dont M. Y... était le gérant, il n'y a pas lieu à annulation de l'acte litigieux ; - Sur la responsabilité de la société CREDIT LYONNAIS :

Attendu qu'il est constant, d'une part, que la société CREDIT LYONNAIS a apporté son concours financier à la création de la société CARGO sur le fondement d'une étude de faisabilité réalisée en 1990 par l'expert comptable de celle-ci concluant à un résultat prévisionnel bénéficiaire de 219.000 francs dès le premier exercice et, d'autre part, que cette entreprise a connu des résultats constamment déficitaires se soldant par des pertes de 571 francs au 31 décembre 1991, de 104.210 francs au 31 décembre 1992, de 246.805 francs au 31 décembre 1993 pour atteindre 599.176 francs au 31 décembre 1994 ;

Attendu que nonobstant cette aggravation régulière de la situation de la société CARGO, dont l'activité apparaissait irrémédiablement compromise par l'accumulation des pertes représentant 351.586 francs au terme de l'exercice 1993 et 950.762 francs au terme du suivant, la société CREDIT LYONNAIS lui a consenti les 11 août 1993 et 19 mai 1995 des crédits d'équipement pour des montants respectifs de 200.000 francs et 75.000 francs ; que l'appelante ne peut par suite, dès lors que dès le début d'exploitation les résultats de la société CARGO ont été en complet décalage avec l'étude de faisabilité au regard de laquelle elle soutient avoir accordé ses divers concours financiers, prétendre que les crédits qu'elle a octroyé et les cautionnements qu'elle a exigé de M. Y... et de Mme X..., dont celui général de 345.000 francs consenti par le premier nommé, postérieurement à l'année 1992 n'ont pas permis une survie artificielle de la société CARGO alors que les opérations en cause qu'elle a fait garantir par les intimés étaient déjà manifestement privées de toute chance de

viabilité ;

Attendu que la société CREDIT LYONNAIS, seul banquier de la société CARGO qui ne pouvait ignorer la situation obérée de celle-ci dont le compte courant était constamment débiteur ne pouvait davantage méconnaître que la situation financière de M. Y..., dont les revenus devait provenir de l'exploitation de la société CARGO et dont le patrimoine se limitait à deux immeubles acquis en 1992 grâce à des prêts qu'elle lui avait consentis pour un montant total de 850.000 francs et en vertu desquels elle avait inscrit une hypothèque, ne lui permettait pas de remplir ses obligations de caution en raison de la disproportion flagrante entre celles-ci et ses capacités de remboursement ; que dans ces conditions les premiers juges ont exactement retenus que la banque avait engagé sa responsabilité envers M. Y... en sa qualité de caution, lequel n'était plus en mesure de faire face aux nouveaux engagements qu'il a pris à partir de 1993 ;

Attendu que la réparation du préjudice subi par M. Y... a été justement fixée par le jugement dont appel sans qu'il y ait lieu d'accorder à celui-ci le bénéfice des intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1997 ;

Attendu que de même la société CREDIT LYONNAIS a engagé sa responsabilité envers Mme X... en lui faisant souscrire le 3 juin 1993 un engagement de caution de 200.000 francs ; que l'appelante a en effet manqué à son obligation de contracter de bonne foi alors que Mme X... était déjà engagée envers elle par deux actes de caution en date des 30 août 1990 et 23 février 1991 pour un montant global de 300.000 francs et que ses capacités financières, constituées par un salaire net mensuel de 5.288 francs et la propriété d'un immeuble pour lequel elle avait en charge le remboursement d'un crédit de 152.650 francs, étaient manifestement disproportionnées avec ses

engagements de caution antérieurs ;

Attendu que la réparation du préjudice subi par Mme X... du fait de la faute ainsi commise par la banque a été justement évaluée par la décision querellée ; - Sur la créance de la société CREDIT LYONNAIS :

Attendu que le jugement dont appel n'a pas statué sur le montant de la créance de la société CREDIT LYONNAIS estimant ne pas disposer des éléments suffisants pour trancher ce point du litige ; qu'il a, avant dire droit sur celui-ci, ordonné à la banque de produire des décomptes de ses diverses créances excluant tous intérêts et indemnités et ordonné la réouverture des débats en renvoyant l'affaire à la conférence de mise en état ; qu'il n'apparaît pas en l'espèce à la Cour d'une bonne administration de la justice d'user de son pouvoir d'évocation ; - Sur les autres demandes :

Attendu que la société CREDIT LYONNAIS, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. Y... et Mme X..., chacun la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre de l'instance devant la Cour ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire ;

Reçoit l'appel principal et l'appel incident en la forme ;

Déclare irrecevables les conclusions de la société CREDIT LYONNAIS en date du 19 janvier 2001 ;

Confirme, dans la limite des recours, le jugement ;

Condamne la société CREDIT LYONNAIS aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP "LE ROY" et de la SCP "TETELIN - MARGUET et de SURIREY", avoués ;

La condamne également à payer à M. Y... et Mme X... chacun la somme de 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code

de procédure civile au titre de l'instance d'appel. Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 00/01277
Date de la décision : 08/03/2001

Analyses

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Engagement - Somme déterminée.

La validité du cautionnement d'une dette future résultant d'une obligation identifiée génératrice d'une dette déterminable dont le garant est expressément informé est admise. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le principe de l'octroi à la destinataire par la société Crédit Lyonnais d'un prêt de 200.000 francs sur une durée de quatre ans était acquis sous la réserve de l'obtention de caution solidaires consenties par M. Z et Mme Y ; qu'ainsi alors, d'une part que la cause du cautionnement est la considération du crédit accor- dé par le créancier au débiteur principal et d'autre part que les intimés étaient exactement informés des conditions de prêt, il n'y a pas lieu à annulation de l'acte litigieux

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Responsabilité du créancier envers la caution - Cautionnement disproportionné avec les revenus de la caution - /.

Nonobstant, l'aggravation régulière de la situation de la société X , dont l'activité apparaissait irrémédiablement compromise par l'accumulation des pert- es, la société Crédit Lyonnais lui a consenti des crédits d'équipement pour des montants respectifs de 200.000 francs et 75000 francs ; que cette dernière ne peut par suite, dès lors que dès le début de l'exploitation les résultats de la so- ciété X ont été en complet décalage avec l'étude de faisabilité au regard de laquelle elle soutient avoir accordé ses divers concours financiers, prétendre que les crédits qu'elle a octroyé et les cautions qu'elle a exigé de M Z et de Mme Y , dont celui de 345000 francs consenti par le premier nommé, postérieu- rement à l'année 1992 n'ont pas permis une survie artificielle de la société X alors que les opérations en cause qu'elle a fait garantir par les intimés étaient déjà manifestement privés de toute chance de viabilité. La société Crédit Lyonnais ne pouvait davantage méconnaître que la situation financière de M. Z, qui ne lui permettait pas de remplir ses obligations de caution en raison de la disproportion flagrante entre celle-ci et ses capacités de remboursement ; que dans ces conditions la banque a engagé sa responsabilité envers M. Z en sa qualité da caution


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2001-03-08;00.01277 ?
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