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15/02/2001 | FRANCE | N°98/00492

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 15 février 2001, 98/00492


COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 15 FEVRIER 2001 RG :

98/00492 APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SOISSONS du 13 novembre 1997

PARTIES EN CAUSE : APPELANTE Madame Mercès ALMEIDA X... épouse Y... née le xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de nationalité Portugaise 1 bis, Rue Victor Hugo 02600 VILLERS COTTERETS Comparante concluante par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE (avoués à la Cour) et plaidant par Me TETARD substituant Me LEFEVRE- FRANQUET (avocats au barreau de SOISSONS)

ET : INTIMEES Madame Michèle Z... 30, Rue de la Victoire 02200 SOISSONS C

omparante concluante par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY (avoués à l...

COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 15 FEVRIER 2001 RG :

98/00492 APPEL D'UN JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SOISSONS du 13 novembre 1997

PARTIES EN CAUSE : APPELANTE Madame Mercès ALMEIDA X... épouse Y... née le xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx de nationalité Portugaise 1 bis, Rue Victor Hugo 02600 VILLERS COTTERETS Comparante concluante par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE (avoués à la Cour) et plaidant par Me TETARD substituant Me LEFEVRE- FRANQUET (avocats au barreau de SOISSONS)

ET : INTIMEES Madame Michèle Z... 30, Rue de la Victoire 02200 SOISSONS Comparante concluante par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY (avoués à la Cour) et plaidant par Me BACHY (avocat au barreau de SOISSONS) LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AISNE 2, Rue Charles Péguy 02000 LAON Comparante concluante par la SCP LE ROY (avoué à la Cour) et plaidant par Me TETARD substituant Me LEFEVRE- FRANQUET (avocats au barreau de SOISSONS) DEBATS :

A l'audience publique du 11 Janvier 2001, devant : Mme MERFELD A... de Chambre, Mme B... et M. COURAL C... qui ont renvoyé l'affaire à l'audience publique du 15 Février 2001 pour prononcer l'arrêt et en ont délibéré conformément à la Loi. GREFFIER : M. D... E... : A l'audience publique du 15 Février 2001, Mme MERFELD, A..., assistée de M. D..., Greffier, a prononcé l'arrêt dont la minute a été signée par le A... et le Greffier. * * * DECISION :

Par arrêt du 23 avril 1999 auquel il convient de se référer pour exposé du litige, la Cour a : - confirmé le jugement rendu le 13 novembre 1997 par le tribunal de grande instance de SOISSONS en ce qu'il a dit que le docteur Z... n'a commis aucune faute technique et en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande fondée sur le droit à indemnisation eu égard au risque thérapeutique, - infirmé le

jugement pour le surplus et dit que le docteur Z... a manqué à son devoir d'information et a ainsi privé Mme Y... d'une chance d'échapper aux lésions corporelles subies, - invité les parties à conclure sur l'importance de cette perte de chance, - ordonné une nouvelle expertise et désigné pour y procéder le Professeur F... avec mission de recueillir les doléances de Mme Y... et décrire les lésions résultant de la perforation du colon dont elle a été victime lors de la coloscopie réalisée le 11 janvier 1994, fixer la durée des incapacités de travail, dire si elle conserve une incapacité permanente partielle et donner son avis sur l'importance du pretium doloris, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément, - déclaré l'arrêt commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LAON.

L'expert a déposé son rapport le 8 novembre 1999.

Par conclusions du 13 septembre 2000, Mme Y... demande à la Cour de dire que la perte de chance résultant du défaut d'information doit conduire à la réparation intégrale de son préjudice et vu le classement en invalidité contredisant les conclusions de l'expert sur l'absence d'IPP, d'ordonner une nouvelle expertise. Subsidiairement pour le cas où il ne serait pas fait droit à cette demande d'expertise, elle sollicite la condamnation du docteur Z... à lui verser la somme de 37.500 F au titre de l'ITT et celle de 25.000 F en réparation du pretium doloris, outre une indemnité de 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions du 30 décembre 1999, la CPAM demande à la Cour de dire que le docteur Z... sera tenue de réparer l'entier préjudice de Mme Y... et de lui rembourser les débours qu'elle a exposés, soit la somme de 88.087,50 F ainsi qu'à lui payer l'indemnité de procédure prévue par les articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996.

Le docteur Z... a conclu le 23 octobre 2000 au rejet de toutes les

demandes de Mme Y... soutenant que les symptômes présentés par Mme Y... pouvaient laisser craindre une grave maladie à risque vital et que dès lors le choix pour elle de refuser la coloscopie était illusoire d'autant qu'il n'existe pas d'autres techniques possibles ; L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 décembre 2000.

SUR CE

Attendu que par arrêt du 23 avril 1999, la Cour a jugé qu'en manquant à son obligation d'informer Mme Y... sur le risque connu de perforation du colon lors d'une coloscopie, le docteur Z... l'a privée de la liberté de choisir d'accepter ou de refuser l'intervention proposée et donc d'une chance d'échapper au risque qui s'est finalement réalisé ;

Que pour évaluer ce préjudice spécifique, il faut mesurer à la fois les chances perdues et la gravité du préjudice final réalisé ;

1) Sur l'importance de la chance perdue

Attendu que Mme Y... est entrée le 10 janvier 1994 à la Clinique Saint Christophe à SOISSONS pour y subir une coloscopie ordonnée et pratiquée par le docteur Z... ; que cette coloscopie avait été prescrite pour établir un diagnostic afin de déterminer l'origine des douleurs abdominales dont Mme Y... se plaignait ;

Qu'il ne s'agissait donc pas d'une intervention de nature à améliorer l'état de santé de la patiente ;

Attendu que le docteur Z... affirme que Mme Y... n'avait pas réellement le choix de refuser l'examen car ses symptômes pouvaient laisser craindre une maladie grave ;

Que cependant il résulte du rapport d'expertise du docteur F... que Mme Y... présentait ces mêmes symptômes (abdominaux, pelviens et vertébraux) depuis longtemps ; qu'il s'agissait de douleurs diffuses avec constipation, que son état ne s'est pas brusquement aggravé, que

dans ces conditions, informée des risques de perforation du colon au cours de la coloscopie, prescrite à seule fin de diagnostic, Mme Y... pouvait décider, après avoir mis en parallèle les risques encourus et l'évolution prévisible de son état de santé, de refuser l'examen ; que le défaut d'information lui a fait perdre une chance réelle d'échapper au préjudice ;

Que toutefois la perte de chance d'échapper à un événement malencontreux n'équivaut pas, en terme de dommage, au préjudice réalisé mais se limite à une fraction de ce préjudice qui, en l'espèce, compte tenu des éléments ci-avant exposés, sera fixée à 50 % ; que le docteur Z... devra donc réparer 50 % du dommage subi par Mme Y... ;

2) Sur le préjudice final

Attendu que la perforation du colon lors de la coloscopie a nécessité une laparatomie réalisée le 11 janvier 1994 ; que par la suite il a été constaté une éventration qui a rendu nécessaire une intervention chirurgicale le 10 août 1994 ; qu'en raison d'une aggravation il a été pratiqué le 23 janvier 1996 une cure d'éventration sus-pubienne par mise en place d'une prothèse sous péritonéale, associée à une dermolipectomie sous ombilicale avec réimplantation de l'ombilic (réparation de chirurgie esthétique) ;

Attendu que le Professeur F... conclut à une ITT de deux mois et demi après chaque intervention chirurgicale, soit 7 mois et demi au total, à une absence d'IPP, à un pretium doloris de 3/7 et à une absence de préjudice d'agrément et de préjudice esthétique en raison de l'opération de chirurgie plastique et de son excellent résultat ; Attendu que Mme Y... conteste l'absence d'IPP et, invoquant "son classement en invalidité" sollicite une nouvelle expertise ; qu'elle produit une décision de la COTOREP du 1er mars 2000 lui reconnaissant

la qualité de travailleur handicapé catégorie A pour une durée de cinq ans, ce qui ne correspond pas à un état d'invalidité ;

Que la Cour rappelle que la désignation du Professeur F... en qualité d'expert fait suite à une première expertise réalisée par le docteur G..., commis par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de SOISSONS du 3 février 1995 ; que le docteur G... s'était lui aussi prononcé pour une absence d'IPP ;

Que le Professeur F... retient que la symptomatologie que présente aujourd'hui Mme Y... est, sur le plan des douleurs abdominales, identique à celle présentée avant la coloscopie et les interventions subies ; qu'il précise que dans l'appréciation des symptômes dont Mme Y... se plaint on ne peut sous-estimer l'incidence de son importante obésité et sa structure psychologique et indique que l'examen montre que sa musculature générale est tout à fait conservée et que sa paroi abdominale est indolore et solide ; qu'il considère qu'il est certain que rien ne contre indique la reprise d'un travail et même du travail précédent de femme de ménage exercé par Mme Y... ;

Que Mme Y... ne fournit aucun document d'ordre médical de nature à contredire ces conclusions ; qu'il n'y a pas lieu de recourir à la désignation d'un troisième expert ;

Attendu que l'indemnisation de Mme Y... s'établit comme suit : Préjudice soumis au recours de l'organisme social - frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation 79.023,84 F - ITT : 5.000 F X 7,5 mois 37.500,00 F 116.523,84 F soit 50 % à la charge du docteur Z... 58.261,92 F somme inférieure à la créance de la CPAM s'élevant à 88.087,50 F ;

Que le docteur Z... sera donc condamnée à verser cette somme de 58.261,92 F à la CPAM ainsi que l'indemnité forfaitaire de procédure

prévue par l'article L. 376-1 du code de la Sécurité Sociale ; qu'aucune somme ne revient donc à Mme Y... ; Préjudice personnel

Attendu que le pretium doloris a été chiffré par l'expert à 3/7 ; que compte tenu des lésions initiales, des trois interventions chirurgicales et des douleurs attribuées aux agrafes spécialement signalées par l'expert, ce chef de préjudice sera évalué à la somme de 25.000 F, soit 12.500 F à la charge du docteur Z... ;

Attendu que le docteur Z... sera condamnée à verser à Mme Y... une somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour couvrir les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en la cause ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant contradictoirement,

Vu l'arrêt du 23 avril 1999,

Dit que le défaut d'information imputable au docteur Z... a fait perdre à Mme Y... une chance d'échapper au risque qui s'est réalisé, évaluée à 50 % du préjudice final,

Rejette la demande de nouvelle expertise,

Condamne le docteur Z... à verser : - à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de LAON la somme de 58.261,92 F ainsi que l'indemnité forfaitaire de procédure prévue par l'article L. 376-1 du code de la Sécurité Sociale, - à Mme Y... la somme de 12.500 F,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de la SCP SELOSSE-BOUVET et ANDRE et de la SCP LE ROY, avoués,

La condamne en outre à verser à Mme Y... une somme de 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE A...,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 98/00492
Date de la décision : 15/02/2001

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Obligation de renseigner - Manquement

En manquant à son obligation d'informer son patient sur le risque connu de perforation du colon lors d'une coloscopie, le médecin le prive de la liberté de choisir d'accepter ou de refuser l'intervention proposée et donc d'une chance d'échapper au risque qui s'est finalement réalisé. Toutefois, la perte de chance d'échapper à un événement malencontreux n'équivaut pas, en terme de dommage, au préjudice réalisé mais se limite à une fraction de ce préjudice


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2001-02-15;98.00492 ?
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