COUR D'APPEL D'AMIENS CHAMBRE COMMERCIALE ARRET DU 09 JANVIER 2001 RG : 98/03174 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 28 mai 1998. PARTIES EN CAUSE : APPELANTS SARL ALLEGRO VIVACE inscrite au RCS PARIS sous le n° 90 B 121 60 3 rue du Colonel Moll 75017 PARIS "agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège". Comparante concluante par la SCP LE ROY (avoué à la Cour). Maître FRECHOU Patrice Mandataire liquidateur 18, rue Seguier 75006 PARIS "pris en sa qualité de liquidateur de la STE ALLEGRO VIVACE fonction à laquelle il a été nommé par jugement rendu le 21 octobre 1999 par le Tribunal de Commerce de PARIS". Intervenant suivant conclusions constitutives en date du 23 février 2000. Comparant concluant par Me CAUSSAIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me MOUREAU (avocat au barreau de PARIS).
ET : INTIMEE SA SAGA 60 rue de Clermont 60000 BEAUVAIS "prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège". Comparante concluante par Me CAUSSAIN (avoué à la Cour) et plaidant par Me François GAIRIN (avocat au barreau de BEAUVAIS) DEBATS : A l'audience publique du 15 Septembre 2000 ont été entendus les avoués en leurs conclusions et observations et les avocats en leurs plaidoiries. COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de Chambre, M. X... et Mme ROHART-MESSAGER, Conseillers, qui en a délibéré conformément à la loi et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 17 novembre 2000, pour prononcer arrêt.
A l'audience publique du 17 NOVEMBRE 2000, la Cour composée des mêmes magistrats a décidé de prolonger son délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 09 janvier 2001, pour prononcer arrêt.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mlle MATHIA Y... : A l'audience publique du 09 JANVIER 2001, l'arrêt a été rendu par M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de chambre qui a signé la minute avec Mme
DEBEVE, Greffier. DECISION
Statuant sur appel régulièrement interjeté par la SARL ALLEGRO VIVACE d'un jugement rendu le 28 mai 1998 par le Tribunal de Commerce de BEAUVAIS qui l'a : - déboutée, - condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à la SA. SAGA 60 la somme de 2.000 F pour frais hors dépens. [* Vu les conclusions de Patrice FRECHOU ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de l'appelante, intervenue par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 21 octobre 1999, déposées au secrétariat-greffe le 23 février 2000.
Celui-ci demande à la Cour de : - le déclarer recevable en son intervention ès qualités, - dire la SARL ALLEGRO VIVACE recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit, - réformer le jugement, - débouter la SA. SAGA 60 de l'ensemble de ses conclusions et demandes,
Statuant à nouveau, - la condamner au titre de l'article 1147 du Code Civil à prendre à sa charge l'ensemble des réparations nécessaires à la remise en état du véhicule TRANSPORTER, propriété de la SARL, immobilisé au GARAGE WAG VERT GALANT AUTOMOBILES à SAINT OUEN L'AUMONE 95, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, - la condamner sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil au paiement des sommes de :
*] 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour l'immobilisation du véhicule,
Vu les conclusion de l'intimée reçues au secrétariat-greffe le 26
octobre 1999.
Celle-ci requiert la Cour de : - déclarer la STE ALLEGRO VIVACE mal fondée en son appel, l'en débouter, - confirmer en conséquence le jugement,
y ajoutant, - la condamner à lui payer 10.000 F à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me CAUSSAIN, avoué aux offres de droit. * SUR QUOI LA COUR Attendu que l'appelante expose notamment que :
Elle est propriétaire depuis mai 1994 d'un véhicule TRANSPORTER WAG de type utilitaire.
Ce véhicule, qui bénéficiait d'une garantie constructeur de 3 ans, a été régulièrement entretenu par des garages du réseau WAG et par d'autres établissements indépendants pour de simples vidanges.
Lors des 120.000 kms, le véhicule a été révisé par le GARAGE WAG SAGA 60 qui a facturé le 29 février 1996, 3.077,10 F TTC de frais d'intervention pour le changement des plaquettes de freins, filtre à l'huile, petites fournitures.
En outre, la facture comportait une mise en garde sur le remplacement des deux rotules inférieures à effectuer.
Au mois de juin 1996, pour la révision des 150.000 kms, le GARAGE SAGA 60 est de nouveau intervenu sur le véhicule facturant le 21 juin 5.493,06 F TTC de prestations, après avoir immobilisé le véhicule pendant trois jours.
Quelques jours après, outre la rupture de la courroie de distribution endommageant le moteur de manière irrémédiable, le chauffeur du véhicule a perdu le contrôle de la direction suite à la rupture d'une rotule de direction.
Or, ces deux éléments auraient dû être changés lors de la révision
des 150.000 kms, comme le mentionne le carnet d'entretien, étant précisé que s'agissant de rotules de direction, la GARAGE SAGA 60 en avait préconisé lui-même le changement sur sa facture du 29 février 1996.
Au mépris de ses obligations contractuelles et alors qu'il s'agissait d'éléments touchant la sécurité du véhicule, le GARAGE SAGA 60 n'a pourtant rien fait, ne procédant à aucune vérification de la courroie de distribution, ni au changement des rotules de direction.
Depuis cet accident survenu en juillet 1996, le véhicule se trouve immobilisé au GARAGE WAG VERT GALANT AUTOMOBILES à SAINT OUEN L'AUMONE 95, lequel a dans un premier temps préconisé u changement de la culasse du véhicule puis à présent le changement de moteur, travaux estimés à 20.000 F TTC avec une prise en charge de 50 % des travaux par le réseau WAG.
Il est tout à fait anormal qu'elle (la SARL ALLEGRO VIVACE) prenne à sa charge les frais de remise en état du véhicule, ne serait-ce qu'en partie, alors que l'accident du véhicule a été provoqué par une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles imputables au GARAGE SAGA 60.
Deux mises en demeure des 27 janvier et 22 juillet 1997 lui ont été adressées par son conseil.
Le garage nie sa responsabilité aux motifs qu'il a satisfait à son obligation de sécurité en lui ayant signalé le changement des rotules et qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la courroie de distribution, n'étant chargé que de simples révisions intermédiaires. Or, selon une jurisprudence constante, il appartient au garagiste intervenant pour une réparation ou une simple révision de restituer le véhicule en état de marche après avoir procédé à toutes les révisions et réparations que l'état du véhicule justifie et en
satisfaisant à son obligation de sécurité.
Cette obligation de résulte emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage (Cass. 1ère civ., 12 janvier 1994).
En l'espèce, il est certain que si les rotules avaient été changées lors de la dernière révision, et la courroie de distribution vérifiée, le véhicule n'aurait pas eu d'accident et ne serait pas hors d'usage à présent. *
Attendu que la SARL, selon laquelle le tribunal a méconnu les obligations des garagistes d'une manière générale et la responsabilité particulière de la SA. dans le sinistre, fait alors notamment valoir que :
Les "simples révisions intermédiaires" dont elle aurait seulement été chargées - à 121.700 kms (facture du 29 février 1996) et à 151.207 kms (facture du 18 juin suivant) - derrière lesquelles s'abrite la SA. pour justifier le fait qu'elle n'ait pas vérifié l'état de tension de la courroie de transmission sont invoquées à tort.
En effet, le carnet d'entretien des véhicules WW et les recommandations internes du constructeur adressées à tous les concessionnaires pour tous les types de véhicules, utilitaires ou particuliers, prévoient ce type de vérification tous les 30.000 kms en supplément de ceux du service entretien (carnet d'entretien);
Le fait que la courroie de distribution ait été changée le 7 décembre 1995 à 90.000 kms, alors que le véhicule avait 120.000 kms et 150.000 kms ne change rien à cette obligation.
La courroie de transmission d'un moteur se vérifie à chaque révision, même intermédiaire, puisque de l'état de sa tension, dépend la bonne marche du moteur.
Le non respect par le garagiste des prescriptions techniques du constructeur est une faute incontestable.
Selon une jurisprudence constante, il appartient au garagiste intervenant pour une réparation ou une simple révision de restituer le véhicule en état de marche après avoir procédé à toutes les révisions et réparations que l'état du véhicule justifie et en satisfaisant à son obligation de sécurité.
"Cette obligation de résulte emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage" (Cass. 1ère civ. 12 janvier 1994).
En l'espèce, il est certain que les rotules avaient été changées lors de la dernière révision et la tension de la courroie de transmission vérifiée, le véhicule n'aurait pas eu d'accident et le moteur serait encore en état de marche.
Le véhicule a d'ailleurs été dépanné après l'accident et le garagiste a immédiatement procédé au changement de la rotule défectueuse, gratuitement le véhicule étant sous garantie.
Il ne s'agit donc pas d'un problème lié au contenu d'une révision dite intermédiaire ni d'un manque d'information de la part du client mais de réels manquements professionnels (devoir de conseil et d'information).
"Il appartient en effet à tout garagiste réparateur, lorsque le client lui confie une réparation précise, de réaliser une intervention efficace pour permettre un usage complet du véhicule" (Cass. 1ère civ. 12 janvier 1994). * * *
I - SUR LA OU LES ROTULES DE DIRECTION.
Attendu que l'appelante emploie le mot tantôt au singulier tantôt au pluriel étant relevé que la facture du 29 février 1996 émise par la SA. porte la mention "mise en garde : à remplacer deux rotules inférieures" et qu'à la suite du premier accident" ayant eu trait, selon la SARL, à la direction du véhicule - le garage "ESPACE SAINT MAXIMIN" (qui appartient au même réseau que la SA.) a bien déposé et
reposé deux rotules guide inférieures, selon sa facture du 2 juillet 1996 ;
Qu'il y a donc tout lieu de supposer, en l'absence d'une expertise technique judiciaire fort fâcheusement absente, que ce sont bien des rotules de direction et non des rotules de suspension comme le prétend maintenant la SA. dont elle préconisait le changement ;
Que, et quoiqu'il en soit, la Cour observera alors que :
* rien ne permet de penser, et la SARL n'ayant pas donné suite à la mise en garde, que la SA. qui avait bien ainsi rempli son devoir de conseil, ait eu un pouvoir coercitif d'immobilisation du véhicule jusqu'à ce que la SARL lui donne l'ordre de remplacer les deux rotules ( de direction).
La SARL, dûment prévenue, n'a rien fait et par conséquent pris le risque de connaître du problème de direction qui s'est en définitive réalisé et a abouti à l'intervention du garage "ESPACE SAINT MAXIMIN".
* en admettant que la mise en garde ait concerné deux rotules de suspension, et ainsi que la SA., avertie comme en témoignent les deux fiches de demande de travaux, de problèmes directionnels, ne les ait pas découverts, ce qui pourrait constituer faute professionnelle, les conséquences paraissent, à défaut du moindre élément autre que la facture de 813,80 F du 2 juillet 1996, devoir se limiter au montant de ladite facture qui a été pris en charge au titre de la garantie ; Attendu que dans ces conditions il n'est pas perçu, et la SARL n'ayant pas subi de préjudice particulier, du moins exprimé et justifié, pour quelles raisons la question des deux rotules a tant retenu l'attention des parties. * * *
II - SUR LA RUPTURE DE LA COURROIE.
Attendu qu'il est incontestable que le véhicule ayant 121.700 kms
lors de l'émission de la facture du 29 février 1996 et 151.207 kms à son entrée au garage SAGA 60 le 18 juin suivant, cette dernière intervention se situe dans le cadre d'une révision des 30.000 kms ;
Que selon les documents produits, plan d'entretien et brochure "le spécialiste et l'entretien" l'état et la tension de la courroie devaient être contrôlés ;
Qu'alors la SA. observe que :
L'examen de la facture n° 4 D'AUTO DEPANNAGE X du 7 décembre 1995 (pièce adverse) montra que la courroie de transmission mise en place par ce garagiste non identifiable, a été fournie par l'appelante.
Figure, en effet, sur ladite facture la mention "pièce fournie" s'agissant du remplacement de la courroie de distribution.
Le prix de cette pièce n'apparaît pas, en effet, dans cette facture, seule la main-d'oeuvre étant comptée.
Il est clair que l'on peut, dans ces conditions, s'interroger sur la qualité de la courroie de transmission installée à la fin de l'année 1995 et cette remarque est de nature à semer un doute sur le caractère prévisible de la rupture de cet élément du moteur.
Cette courroie pouvait parfaitement être affectée d'un vice caché à ses yeux (de la SA.) qui, naturellement, a vérifié sa tension et d'une manière générale son bon état apparent.
On le voit, il est évident, aujourd'hui que la demande de la SARL pêche, en fait. *
Et attendu que si l'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules de ses clients emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage encore faut-il qu'en amont et en aval de l'intervention du garagiste n'existent pas des éléments qui puissent interdire que le dommage puisse être présumé rattaché à l'intervention ou à l'abstention dudit garagiste ;
Qu'en l'espèce, et en l'absence d'un référé expertise par lequel la SARL eût pu heureusement introduire son action, sont ignorés l'état interne même et les causes de la rupture (affirmée par la SARL, le devis du 15 juillet 1996 précisant seulement la nécessité d'une repose ou d'un remplacement "R" ä) de la courroie, qui paraît effectivement avoir été fournie par la SARL en décembre 1995 ;
Que sont encore ignorées l'incidence sur la courroie de la rupture des rotules de direction, tant lors de l'événement lui-même, et ses circonstances étant inconnues que dans l'intervention qui a suivi dont les opérations sont également ignorées ;
Que, selon la SARL la rupture de la courroie s'est produite le 7 juillet 1996 soit une quinzaine de jours après la sortie du GARAGE SAGA 60 du véhicule et ainsi cinq jours après la facture du 2 juillet 1996 concernant les rotules, rien n'empêchant d'ailleurs, semble-t-il, le GARAGE "ESPACE SAINT MAXIMIN" alors intervenu de s'intéresser à l'état et à la tension de la courroie, élément qui, au vu des documentations produites, paraît important ;
Que dans de telles conditions, et à tout le moins, préalablement à la mise en oeuvre de l'obligation de résultat du garage, la SARL ne démontre pas lien de causalité, les circonstances ne permettant pas raisonnablement de présumer que le dommage allégué puisse être une conséquence d'une inexécution de la SA. [*
Attendu qu'ainsi c'est à juste titre que le tribunal, dont le jugement sera confirmé, a débouté la SARL ;
Que le liquidateur ès qualités condamné aux dépens versera à la SA. en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile la somme de 6.000 F pour frais hors dépens exposés devant la Cour. *] PAR CES MOTIFS
Et ceux non contraires des premiers juges ;
La COUR ;
Statuant contradictoirement ;
Reçoit l'appel en la forme ;
Reçoit Patrice FRECHOU ès qualités en son intervention ;
Au fond ;
Rejetant ledit appel ;
Confirme le jugement ;
Condamne le liquidateur, ès qualités aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Jacques CAUSSAIN, avoué ainsi qu'à verser à la SA. SAGA 60 la somme de 6.000 F pour frais hors dépens.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,