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30/11/2000 | FRANCE | N°00/00548

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 30 novembre 2000, 00/00548


COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 30 NOVEMBRE 2000 RG :

00/00548 Appel d'un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU 20 décembre 1999 PARTIES EN CAUSE : APPELANTS Monsieur X... Y... né le 8 novembre 1950 à SAUMONT LA POTERIE (76440) 10 Rue Léon Lemétayer 60220 FORMERIE Madame Sylviane Z... épouse Y... née le 07 Mars 1953 à ABANCOURT (59265) de nationalité française 10 Rue Léon Lemétayer 60220 FORMERIE Comparants concluants par Me Jacques CAUSSAIN ( avoué à la Cour) et plaidant par Me PLOMION substituant Me GAIRIN (avocats au barreau de BEAUVAIS) ET

: INTIMEE Madame A... - Claude X... divorcée LACOTE 6 Rue Lalande 7...

COUR D'APPEL D'AMIENS 1ère Chambre ARRET DU 30 NOVEMBRE 2000 RG :

00/00548 Appel d'un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU 20 décembre 1999 PARTIES EN CAUSE : APPELANTS Monsieur X... Y... né le 8 novembre 1950 à SAUMONT LA POTERIE (76440) 10 Rue Léon Lemétayer 60220 FORMERIE Madame Sylviane Z... épouse Y... née le 07 Mars 1953 à ABANCOURT (59265) de nationalité française 10 Rue Léon Lemétayer 60220 FORMERIE Comparants concluants par Me Jacques CAUSSAIN ( avoué à la Cour) et plaidant par Me PLOMION substituant Me GAIRIN (avocats au barreau de BEAUVAIS) ET : INTIMEE Madame A... - Claude X... divorcée LACOTE 6 Rue Lalande 75014 PARIS Comparante concluante par la SCP TETELIN MARGUET ET DE SURIREY (avoués à la Cour) et plaidant par Me GRAMOND (avocat au barreau de PARIS) DEBATS :

A l'audience publique du 26 octobre 2000 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Mme MERFELD, Président de Chambre, MM. B... et COURAL Conseillers, qui ont renvoyé l'affaire à l'audience publique du 30 novembre 2000, Mme MERFELD, Président, assistée de M. C..., Greffier, a prononcé l'arrêt dont la minute a été signée par le Président et le Greffier. DECISION :

Par acte notarié des 17, 18 février et 6 mars 1986, les époux D... ont renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 1983, au profit des époux LE E..., un précédant bail commercial conclu le 5 novembre 1971 et portant sur un immeuble sis à FORMERIE rue Léon Lemétayer à usage de café, restaurant, hôtel. L'acte stipulait, à titre de convention particulière, qu'en cas de vente ou mise en location gérance du fonds durant le cours du bail, le loyer sera augmenté d'un tiers à compter de la prochaine échéance qui suivra ces ventes ou location gérance.

Suivant acte sous seing privés du 16 décembre 1994, Mme A... -Claude

X..., devenue propriétaire de l'immeuble, et les époux LE E... ont convenu de porter le loyer du bail renouvelé par tacite reconduction à compter du 1er juin 1992 à la somme de 42.000F par an. Les époux LE E... ont cédé leur fonds de commerce, par acte du 1er juillet 1995, aux époux Y..., Mme X... étant intervenue à l'acte pour approuver la cession. L'acte rappelait le montant du loyer au 1er juin 1992 ainsi que les termes de la convention particulière prévue dans le contrat de bail du 6 mars 1986 et indiquait que l'acquéreur déclare faire son affaire personnelle de ces stipulations et de toutes autres contenues audit bail dont il déclare avoir eu connaissance.

Le 24 juin 1998, Mme X... a fait délivrer aux époux Y... un commandement aux fins de saisie-vente en vertu du bail du 6 mars 1986 pour avoir paiement de la somme de 45.504 F en principal représentant l'augmentation d'un tiers du loyer depuis le 1er juillet 1995.

Par acte d'huissier du 23 juillet 1998, les époux Y... ont assigné Mme X... devant le tribunal de grande instance de BEAUVAIS afin de voir annuler la clause intitulée "convention particulière" du bail du 6 mars 1986 par application de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953. Ils soutenaient que cette clause qui prévoit une augmentation des loyers en cas de cession du bail contrevient aux dispositions relatives à la révision du loyer et porte atteinte à la faculté de céder le bail au successeur dans le commerce.

Mme X... s'est portée demanderesse reconventionnelle en paiement de la somme de 51.333,04 F représentant l'arriéré de loyer dû en vertu de la clause au 1er mai 1999.

Par jugement du 20 décembre 1999, le tribunal a déclaré les époux Y... irrecevables en leur demande d'annulation au motif que cette demande est prescrite en application de l'article 33 du décret du 30

septembre 1953 et, sur la demande reconventionnelle, les a condamnés à verser à Mme X... la somme de 51.333,04 F avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance et a dit que faute de règlement de cette somme dans les huit jours de la signification du jugement la clause résolutoire contenue dans le bail sera acquise et les époux Y... pourront être expulsés. Le tribunal a en outre condamné les époux Y... à verser à Mme X... la somme de 4.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... ont relevé appel le 18 janvier 2000.

Par conclusions du 18 mai 2000, ils ont sollicité l'infirmation du jugement et réitéré leurs prétentions de première instance, demandant en outre à la Cour d'annuler le commandement du 24 juin 1998 et de débouter Mme X... de sa demande. Subsidiairement pour le cas où il ne serait pas fait droit à leur appel, ils demandent que l'acquisition de la clause résolutoire soit retardée à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir. Ils sollicitent le versement d'une somme de 6.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 21 juin 2000, Mme X... a conclu à la confirmation du jugement, demandant également que les époux Y... soient condamnés à lui verser la somme de 4.999,98 F à titre d'arriéré de loyers de juin à août 1999. Elle indique qu'elle a demandé le renouvellement du bail à compter du 31 août 1999, les loyers dus à compter de cette date devant être recouvrés dans le cadre de la procédure en fixation du prix du bail renouvelé. Elle se porte demanderesse d'une somme de 10.000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et d'une indemnité d'un même montant sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Attendu que l'article 33 du décret du 30 septembre 1953 dispose que toutes les actions exercées en vertu dudit décret se prescrivent par

deux ans ; que les premiers juges ont relevé à bon droit que les époux Y... ont pris connaissance de l'existence de la clause litigieuse lors de l'acquisition du fonds de commerce le 1er juillet 1995 et qu'en conséquence leur demande en annulation de ladite clause, formée à titre principal par assignation du 23 juillet 1998, est prescrite ;

Attendu que les appelants soutiennent que la prescription ne s'applique pas lorsque la nullité est demandée par voie d'exception et que tel était le cas puisque c'était pour s'opposer au paiement des sommes réclamées et obtenir l'annulation du commandement qu'ils ont dû demander la nullité de la clause ;

Attendu qu'il est vrai que l'exception de nullité est perpétuelle ; que cependant dans leur assignation du 23 juillet 1998, les époux Y... ne demandaient pas la nullité du commandement et n'y faisaient d'ailleurs même pas référence ; qu'ils ne peuvent donc soutenir que la nullité de la clause était demandée par voie d'exception pour faire échec au commandement ; que leur action principale était effectivement prescrite ;

Mais attendu que Mme X... avait présenté une demande reconventionnelle en paiement d'arriéré de loyers dus en vertu de la clause litigieuse ; que la partie qui a perdu, par l'expiration du délai de prescription, le droit d'intenter l'action en nullité d'un acte juridique peut cependant, à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l'acte nul ; que bien qu'il déclarait la demande de nullité irrecevable par voie principale, le tribunal devait cependant examiner l'exception de nullité dans le cadre de la demande reconventionnelle de Mme X... ;

Attendu que l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 dispose que sont nuls et de nul effet quelle qu'en soit la forme, les clauses,

stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par ledit décret ou aux dispositions des articles 3-1, 24 à 28, 34 à 34-7 alinéa 1er ;

Attendu qu'à l'appui de leur demande d'annulation en vertu de cet article, les époux Y... soutiennent que la clause porte atteinte à la faculté de céder le bail au successeur dans le commerce et aux dispositions de l'article 27 relatives à la révision du loyer ;

Que la nullité pour cause d'atteinte à la faculté de céder le bail au successeur n'est pas prévue par l'article 35 invoqué en l'espèce mais par l'article 35-1 ; qu'en toute hypothèse cette nullité ne s'applique qu'en cas d'interdiction absolue et générale de toute cession ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu que Mme X... soutient que la clause litigieuse n'est pas contraire aux dispositions de l'article 27 relatives à la révision du loyer car : - lors de la cession une période triennale s'était écoulée de sorte que la modification du loyer n'était pas prématurée, - le preneur a admis la clause en déclarant dans l'acte de cession en faire son affaire personnelle, - les parties ont la faculté d'écarter la règle du plafonnement édictée par l'article 27 et le loyer pratiqué est inférieur à la valeur locative ;

Attendu que l'augmentation est intervenue effectivement plus de trois ans après la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juin 1992 ; que cette augmentation n'est donc pas prématurée ;

Qu'en revanche elle est contraire aux dispositions du troisième alinéa de l'article 27 selon lesquelles à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction intervenue depuis la

dernière fixation amiable ou judiciaire ;

Que Mme X... n'invoque pas une modification des facteurs locaux de commercialité depuis juin 1992 mais seulement l'accord des époux Y... pour l'application du loyer demandé ;

Attendu que les parties peuvent certes renoncer au plafonnement mais seulement lorsque le droit à révision est né et acquis ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'augmentation du loyer résulte d'une clause incluse dans un acte du 6 mars 1986 ;

Que l'acte de cession du fonds de commerce du 1er juillet 1995 auquel Mme X... est intervenue rappelle la convention particulière d'augmentation d'un tiers en cas de vente du fonds en cours de bail mais n'indique pas le montant du loyer en résultant ; que l'acte ne fait expressément état que du loyer de 3.500 F, valeur au 1er juin 1992 ; que rien ne permet donc de dire que les époux Y... ont, en connaissance de cause, renoncé à la règle du plafonnement pour accepter un loyer de 56.000 F par an, soit 4.666,66 F par mois ; qu'ils n'ont d'ailleurs jamais réglé le loyer sur cette base, leurs versements étant limités à 3.500 F par mois ;

Attendu qu'il est effectivement indiqué dans l'acte de cession du 1er juillet 1995 que la bailleur demande que le présent contrat déclenche l'application immédiate de la convention particulière ; que cependant la réponse des acquéreurs qui ont déclaré faire leur affaire personnelle de cette stipulation ne peut être assimilée à une acceptation qui doit être expresse pour valoir renonciation aux dispositions relatives au plafonnement ;

Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement, de prononcer la nullité de la clause litigieuse dite "convention particulière" demandée par les époux Y... par voie d'exception pour s'opposer à l'action en paiement de l'arriéré de loyers et de débouter Mme X... de cette demande, seule pouvant être demandée l'augmentation

résultant de la variation de l'indice du coût de la construction ;

Que par voie de conséquence le commandement du 24 juin 1998 doit être annulé et Mme X... déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Qu'elle sera condamnée à verser aux époux Y... une somme de 6.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel en la forme,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré les époux Y... irrecevables en leur demande de nullité par voie principale,

Statuant à nouveau,

Déclare les époux Y... bien fondés en leur demande de nullité par voie d'exception,

En conséquence, dit que la clause dite "convention particulière" insérée dans le contrat de bail des 17, 18 février et 6 mars 1986 prévoyant une augmentation de loyer en cas de vente ou mise en location gérance du fonds de commerce est nulle par application de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953,

Annule le commandement aux fins de saisie-vente du 24 juin 1998,

Déboute Mme X... de l'ensemble de ses demandes,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de Me CAUSSAIN, avoué,

La condamne en outre à verser aux époux Y... une somme de 6.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 00/00548
Date de la décision : 30/11/2000

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Procédure - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - /

L'article 33 du décret du 30 septembre 1953 dispose que toutes les actions exercées en vertu dudit décret se prescrivent par deux ans. Toutefois, si une partie a perdu, par l'expiration de ce délai de prescription, le droit d'intenter l'action en nullité d'un acte juridique, elle peut, à quelque moment que ce soit, se prévaloir de cette nullité contre celui qui prétend tirer un droit de l'acte nul


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2000-11-30;00.00548 ?
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