COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 OP
ORDONNANCE SUR RECOURS CONTRE UNE DÉCISION FIXANT LA RÉMUNÉRATION D'UN EXPERT
DU 23 AOÛT 2024
N° 2024/105
Rôle N° RG 22/15978 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNJD
S.C.I. JEJE
C/
[E] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel :
Ordonnance de taxe fixant la rémunération de M. Me Sophie ARNAUD, expert rendue le 06 Avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE.
DEMANDERESSE
S.C.I. JEJE,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me ARNAUD Sophie, avocat au barreau d'Aix-en-provence substituée par Me TABEAU Tiffanie, avocat au barreau d'Aix-en-provence, avocat ayant plaidé
DEFENDEUR
Monsieur [E] [B],
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me CAPINERO Laure, substituée par Me LABONNE Benjamin, avocat au barreau d'Aix-en-provence, avocat ayant plaidé
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2024 en audience publique devant
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre,
délégué par ordonnance du premier président .
en application des articles 714, 715 à 718 et 724 du code de procédure civile ;
Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2024 prorogé jusqu'au 23 Août 2024.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Août 2024
Signée par Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre et Mme Himane EL FODIL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Dans le cadre d'un litige de copropriété et de répartition de charge charges au titre de la réalisation de travaux au sein de l'immeuble dans lequel la SCI JEJE est copropriétaire, et sur sa demande en référé pour contester les conclusions d'une précédente expertise, M.[B] a été désigné par ordonnance du 19 février 2019 en qualité d'expert.
Il a déposé son rapport le 4 mars 2021.
Par ordonnance de taxe du 6 avril 2021 le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Marseille a taxé définitivement la rémunération de M.[B] à la somme de 5 375,84 euros, autorisé le paiement par la régie de la somme de 2 000 euros sous déductions des sommes perçues de 2000 euros et condamné la SCI JEJE à verser la somme complémentaire de 3 375,84 euros directement à M.[E] [B].
Par requête reçu au greffe de la cour le 1er décembre 2022 , la SCI JEJE a formé un'recours'à l'encontre de l'ordonnance rendue.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience et entendu en leurs explications.
EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS
Aux termes de ses dernières écritures reprises oralement à l'audience, la SCI JEJE demande à la cour de':
-procéder à la vérification de la signature portée sur l'accusé de réception de la notification de l'ordonnance de taxe du 6 avril 2021,
-déclarer recevable le recours de la SCI JEJE contre l'ordonnance de taxe du 6 avril 2021,
-infirmer l'ordonnance de taxe déférée';
Et statuant à nouveau,
-fixer la rémunération de l'expert à de plus justes proportions et reprendre le décompte des débours produits selon la quantité et coût effectivement exposé ,
-débouter M.[B] de ses demandes ,
-condamner M.[B] au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de M° Arnaud avocat.
Elle fait valoir en substance et en premier lieu, qu'elle n'a jamais reçu notification de l'ordonnance de taxe et que par voie de conséquence le délai de recours n'a pas couru.
Elle conteste que l'avis de réception produit par M.[B] ait été signé par le destinataire c'est à dire la SCI JEJE représentée par ses associés -gérants. Elle produit en ce sens la copie des piéces d'identité des deux gérants sur lesquelles figurent les signatures qui ne correspondent absolument pas à la signature déposée sur l'avis de réception et demande à la juridiction de faire application de l'article 287 du code de procédure civile.
Elle ajoute que seule une notification régulière peut faire courir le délai de recours et le fait qu'elle ait eu connaissance par des actes d'huissiers postérieurs d'exécution de la somme réclamée par l'expert, est indifférent puisqu'aucun d'entre eux ne mentionnait le délai de recours de l'ordonnance de taxe.
Enfin, elle soutient qu'elle a toujours contesté les honoraires de l'expert et que si elle avait eu connaissance de l'ordonnance de taxe elle en aurait forcément formé appel.
En second lieu, au fond, elle considère que l'expert n'a pas respecté les délais impartis, n'a fait aucune véritable diligence, s'est contenté de reprendre les conclusions de l'expert contesté, et n'a pas rempli l'intégralité de sa mission'; enfin, il a facturé des frais bien au-delà de la réalité des frais engagés.
Dans ses dernières écritures reprises oralement à l'audience, M.[B] demande à la cour de':
-in liminé litis, déclarer irrecevable car prescrites les demandes et contestations formées par la SCI JEJE';
*à titre principal ,
-débouter la SCI JEJE de ses demandes,
-confirmer l'ordonnance déférée,
-*en tout état de cause,
-condamner la SCI JEJE au paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 31-1 du code de procédure civile,
-la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux dépens et dire qu'ils seront recouvrés par la Selarl In Situ avocat agissant par M°laure Capinero.
Il soutient essentiellement que l'appelante n'a pas agi dans le délai de recours d'un mois à compter de la notification et qu'il est démontré qu'elle a pourtant eu connaissance du montant des honoraires à au moins six reprises, notamment par la lettre recommandée avec accusé de réception du 3 février 2021 qui a été signée et par les actes de la procédure d'exécution (commandement de saisie-vente du 28 octobre 2021, du PV de signification de la saisie-attribution de la mise en demeure des deux associés le 12 avril 2022 et enfin de l'assignation en référé en paiement des associés du 31 mai 2022).
MOTIVATION
1-Sur l'irrecevabilité du recours
Aux termes de l'article 715'du code de procédure civile, que l'article 724 du même code le'recours' d'une ordonnance de taxe est formé par la remise ou l'envoi au greffe de la cour'd'appel'd'une note en exposant les motifs. La date à laquelle le'recours'de la SCI JEJE peut être considéré comme ayant été formé, est donc celle de la réception par le greffe de la cour de la note motivée valant'recours, à savoir le 1er décembre 2022.
Aux termes de l'article 714 al.2'du code de procédure civile, applicable aux'recours'formés en matière de'taxe'des frais d'expertise, le délai de'recours'est d'un mois' et le point de départ du délai de'recours'est la date à laquelle la partie qui le forme a reçu notification de la'décision'qui est contestée.
En l'espèce, la SCI JEJE conteste la signature de l'accusé de réception et produit des éléments qui ne sont toutefois pas des originaux même s'ils permettent de constater que la signature sur l'avis ne correspond pas à celle des représentants légaux de la société. Par ailleurs, la cour n'est pas tenue de procéder à la vérification de signature sollicitée conformément aux dispositions de l'article 287 du code de procédure civile dès lors qu'elle estime qu'elle peut statuer sans en tenir compte.
En effet, l'avis de réception ne mentionne aucun nom ni la qualité de celui qui a signé de sorte qu'il ne peut être rapportée la preuve que l'acte a été remis à son destinataire à savoir un des représentant légal de la société.
De même, s' il convient de constater que la SCI JEJE avait'connaissance' au plus tard le 31 mai 2022 par l'assignation de ces deux associés en paiement des honoraires de l'expert qu'elle conteste, de l'existence de cette ordonnance, il n'est pas démontré qu'elle a eu connaissance du délai de recours.
Or en application des dispositions de l'article 680 du code de procédure civile, l'absence de notification de la voie de recours ouverte ou de son délai a pour effet de ne pas faire courir de délai.
Par voie de conséquence, M.[B] qui ne rapporte pas la preuve de la notification à la SCI JEJE du delai de recours et de ses modalités, ne saurait se prévaloir de l'irrecevabilité du recours' formée par cette dernière.
2-Sur le fond
Selon l'article 284 du code de procédure civile, les'honoraires'de'l'expert'doivent être fixés en fonction des'diligences'accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.
Suivant ordonnance du 2 mai 2019 M.[B] expert a désigné en qualité d'expert avec pour mission 'd'entendre les parties, se rendre sur les lieux et y pratiquer toutes les investigations qui lui sembleront nécessaires à la manifestation de la vérité ('), rechercher les causes des infiltrations et dommages subis par l'immeuble tels que constatés et caractérisés dans le rapport d'expertise du 213 décembre 2018 et leur imputabilité, enfin évaluer les travaux de reprise nécessaires le coût réel et la durée prévisibles des travaux.'
Il a déposé son rapport le 1er décembre 2020' et le président du tribunal a fixé le montant de sa rémunération à la somme de 5 375,84 euros TTC, se décomposant comme suit':
''honoraires'HT': 2420 euros
''secrétariat et déplacements'HT': 2059,87 euros.
Le taux horaire mentionné est de 110 euros et il indique avoir effectué 22 heures de travail dans le cadre de cette expertise.
Il a organisé une visite des lieux qu'il a facturée en temps de déplacement 1h et 55 euros en mentionnant que le trajet était de 10 km A/R facturé 7 euros.
Au titre de l'établissement du pré-rapport et du rapport, il réclame la somme de 792 euros HT pour les taches administratives de secrétariat et pour la reproduction de 884 + 101 euros, outre les frais d'affranchissements pour 74,87, de copies pour 70 euros et autres (reliures gravage clé USB) pour 76 euros HT .
La SCI JEJE conteste hors les 3h de l'accédit que l'expert ait eu 19 heures de travail en plus pour analyser les désordres en reprenant globalement le travail de l'ancien expert ou des parties et a rédigé un rapport succint qui ne recherche même pas la date de survenance des désordres et leur origine probable.
Il résulte cependant des éléments versés que M.[B] a respecté des délais d'accomplissement de sa mission acceptables en ce qu'il a convoqué les parties un mois après la consignation et a sollicité une seule prorogation. S'agissant de l'établissement du pré rapport et du rapport, M.[B] a étudié pour l'établissement du pré-rapport, les pièces transmises par les parties aux nombres d'environ 35'; que pour l'établissement du rapport, il a répondu aux dires des parties. Si ce dossier ne présentait pas de difficultés techniques particulières au regard des constatations déjà accomplies par le précédent expert, le nombre de vacations pour l'établissement du rapport et du pré-rapport fixé à 22 h ne parait pas excessif et ainsi, au titre des'honoraires'proprement dit, la somme réclamée par l'expert [B] doit être confirmée.
S'agissant des frais de secrétariat, le montant des frais et débours est conforme au barème indicatif des cours d'appel. L'expert'a détaillé ses débours , justifiant les copies et les frais de déplacement qui au taux horaire ne sont pas excessifs ni le taux kilométrique retenu.
En revanche, le nombre de copies couleurs ( reproduction de photographies ) n'est pas justifié' au regard de ce que contient le rapport et ce poste sera ramené à la somme de 350 euros HT.
Enfin, il est erroné pour la SCI JEJE de soutenir que l'expert n'a pas accompli l'intégralité de sa mission dés lors qu'il a été interrogé par elle même dans son dire sur l'absence de détermination des responsabilité et qu'il lui a répondu avec précision. Le simple fait qu'elle trouve sa réponse insuffisante ne suffit pas cependant à démontrer qu'il n'a pas satisfait à sa mission.
Ainsi la rémunération de'l'expert'sera arrêtée comme suit':
''honoraires'expert': 2420 eurosHT
''frais et débours': 1 525,81 euros HT,
''Total': 3 945,81 euros HT , soit 4 734,97 euros TTC.
Il n'est pas contesté que la consignation a été payée par la SCI JEJE à hauteur de la somme de 2 000 euros qui vient en déduction de cette somme.
La décision de première instance sera infirmée mais seulement en ce qu'elle a taxé définitivement la rémunération de M.[B] à la somme de 5 375,84 euros et condamné la SCI JEJE à verser la somme complémentaire de 3 375,84 euros directement à M.[E] [B].
Statuant à nouveau, il y a lieu de taxer définitivement la rémunération de M.[B] à la somme de 4 734,97 euros TTC et de condamner la SCI JEJE à verser la somme complémentaire de 2 734,97 euros directement à M.[E] [B].
3- Sur les autres demandes
L'application des dispositions de l'article 31-1 du code de procédure civile qui prévoit le prononcé d'une amende civile ne peut être demandée par une des parties à l'encontre de son adversaire, ce pouvoir relevant de la seule initiative des juges.
Les dépens seront supportés par La SCI JEJE qui succombe principalement.
En revanche au regard de ce qui a été jugé supra chacune des parties succombant pour partie il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la demande de M.[B] sera rejeté de ce chef.
PAR'CES MOTIFS,
Déclarons le recours formé par la SCI JEJE recevable ;
Infirmons l'ordonnance déférée mais seulement en ce qu'elle a taxé définitivement la rémunération de M.[B] à la somme de 5 375,84 euros et condamné la SCI JEJE à verser la somme complémentaire de 3 375,84 euros directement à M.[E] [B]';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixons la rémunération de'l'expert'judiciaire à la somme de 4 734,97 euros TTC';
Condamnons la SCI JEJE à verser la somme complémentaire de 2 734,97 euros directement à M.[E] [B]';
Déclarons irrecevable la demande de M.[B] sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile au titre de l'amende civile';
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFFIERE LA PRESIDENTE.