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05/07/2024 | FRANCE | N°20/04948

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 05 juillet 2024, 20/04948


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024



N°2024/ 237













Rôle N° RG 20/04948 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3AM







[I] [K]





C/



S.A. DRAGUI TRANSPORTS





































Copie exécutoire délivrée

le :05/07/2024

à :



Me Maud DVAL GUEDJ de l

a SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE



Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 27 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00092...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024

N°2024/ 237

Rôle N° RG 20/04948 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3AM

[I] [K]

C/

S.A. DRAGUI TRANSPORTS

Copie exécutoire délivrée

le :05/07/2024

à :

Me Maud DVAL GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 27 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00092.

APPELANTE

Madame [I] [K], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]

représentée par Me Maud DAVAL GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE et par Me Valérie MARTIN-PORTALIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

S.A. DRAGUI TRANSPORTS, demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représentée par Me Maxime DE MARGERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargé du rapport.

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [I] [K] a été embauchée par la société Dragui transports par contrat à durée indéterminée en date du 9 janvier 1995 en qualité de secrétaire.

Au dernier état, elle exerçait les fonctions de chargée de mission sociale, statut agent de maîtrise, coefficient 132 de la convention collective des activités du déchet.

Parallèlement à ses fonctions salariées, Mme [K] a eu différents mandats syndicaux.

Elle a saisi le 17 mars 2006 le conseil de prud'hommes de Fréjus de demandes en paiement de salaires et de dommages et intérêts pour discrimination. Par jugement du 8 février 2007, le conseil de prud'hommes de Fréjus l'a déboutée de ses demandes. La cour d'appel a statué par un arrêt en date du 25 janvier 2011, devenu définitif.

Début 2009, Mme [K] n'exerçait plus que le mandat de conseillère prud'homale.

Par lettre du 5 mars 2009, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 18 mars 2009.

Eu égard à la qualité d'ancienne conseillère prud'homale de la salariée, le comité d'entreprise du groupe Pizzorno a été consulté le 31 mars 2009 sur le projet de licenciement et rendu un avis favorable.

Par décision 06/09 du 2 juin 2009, l'autorisation de licenciement a été refusée par l'inspecteur du travail.

Par lettre du 10 juin 2009, Mme [K] a été convoquée à un nouvel entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 23 juin 2009 et mise à pied conservatoire.

Suite à un recours gracieux formé le 11 juin 2009 par la société Dragui transports à l'encontre de la décision du 2 juin 2009 ayant refusé l'autorisation de licenciement, l'inspecteur du travail a, par décision du 30 juin 2009, retiré la décision du 2 juin 2009.

La société Dragui transports a notifié à Mme [K] son licenciement pour faute grave par lettre du 30 juin 2009.

Par décision 08/09 du 30 juin 2009, l'inspecteur du travail a retiré sa décision de refus d'autorisation de licenciement.

Par requête du 20 juillet 2009, Mme [K] a saisi le tribunal administratif de Toulon en annulation de la décision du 30 juin 2009. Par jugement du 17 juin 2011, le tribunal administratif a annulé la décision du 30 juin 2009 par laquelle l'inspecteur du travail avait retiré sa décision du 2 juin 2009 de refus de licencier Mme [K]. Par ordonnance en date du 20 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête formée par la société Dragui transports contre le jugement du tribunal administratif

Le 31 août 2009, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

En août, septembre et octobre 2011, Mme [K] a sollicité sa réintégration, laquelle a été refusée par la société Dragui transports.

Par jugement du 12 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Draguignan, en sa formation de départage, a dit que Mme [K] se trouvait forclose en vertu du principe de l'unicité de l'instance et a rejeté ses demandes.

Par arrêt en date du 14 avril 2015, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement du 12 novembre 2013.

Par arrêt du 29 juin 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de Mme [K] contre l'arrêt du 14 avril 2015.

Le 6 juin 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan aux fins de solliciter la réintégration dans son poste de travail.

Par jugement du 27 février 2020 notifié le 6 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Draguignan, section commerce, a déclaré Mme [K] irrecevable en ses demandes, l'a déboutée et condamnée à payer à la société Dragui transports la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 26 mai 2020 notifiée par voie électronique, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 26 août 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [K], appelante, demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et le dire bien fondée,

- la recevoir en ce qu'elle sollicite que la cour d'appel condamne la société Dragui transports à la réintégrer sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 17 juin 2011 jusqu'au prononcé du jugement à intervenir et à lui verser la somme de 174 795,02 euros à titre de dommages et intérêts en raison des préjudices résultant du défaut de réintégration,

- la condamner à verser la somme de 250 euros à la société Dragui transports à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Dragui transports sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 24 novembre 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société Dragui transports, relevant appel incident, demande à la cour de:

- dire et juger Mme [K] irrecevable en son action en application des articles 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Mme [K] irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- condamner Mme [K] au paiement d'une amende civile dont le montant sera fixé par la cour dans la limite de 10 000 euros,

- condamner Mme [K] à verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la condamner à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2024, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 13 février 2014, puis renvoyé au 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles, et contre elles, en la même qualité.

L'autorité de la chose jugée suppose donc la réunion de trois conditions que sont l'identité de l'objet, de la cause, ainsi que l'identité des parties.

La société Dragui transports oppose aux demandes formulées par l'appelante une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée. Elle fait valoir qu'elles visent à faire trancher des demandes identiques à celles tranchées par l'arrêt du 14 avril 2015 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et l'arrêt du 29 juin 2017 de la Cour de cassation ; que les causes et les parties sont également identiques.

Mme [K] ne répond pas aux termes de ses écritures sur l'irrecevabilité soulevée en raison de l'autorité de la chose jugée.

En l'espèce, la cour constate en effet qu'il y a identité d'objet, de cause et de parties entre la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel du 14 avril 2015 et les demandes de réintégration sous astreinte et de dommages et intérêts en raison des préjudices résultant du défaut de réintégration. Par ailleurs, le pourvoi en cassation formé par Mme [K] à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation le 29 juin 2017.

Il convient dès lors de confirmer le jugement du 27 février 2020 du conseil de prud'hommes de Draguignan en ce qu'il a déclaré Mme [K] irrecevable en ses demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Comme tout droit subjectif, le droit d'agir en justice est susceptible d'abus qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

La société Dragui transports fait valoir que Mme [K] a adopté un comportement abusif en poursuivant ce qu'elle qualifie de harcèlement judiciaire ; qu'elle a violé en toute connaissance de cause le principe de l'autorité de la chose jugée en relançant une nouvelle procédure reposant sur les mêmes fondements et les mêmes moyens alors même que ses demandes ont été jugées irrecevables par les deux degrés de juridiction et son pourvoi rejeté par la Cour de cassation. La société souligne que les agissements abusifs de l'appelante lui ont causé un préjudice en ce qu'elle s'est trouvée indument attraite devant des juridictions, ce qui lui a imposé de consacrer du temps et d'engager des frais pour se défendre.

En intentant une action dont elle ne pouvait légitimement ignorer qu'elle était à l'évidence irrecevable, Mme [K] a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice et porté préjudice à la société Dragui transports.

Le jugement déféré, qui a condamné Mme [K] à payer à la société Dragui Transports la somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive sera confirmé.

Sur l'amende civile :

En vertu de l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

Il résulte des considérations qui précèdent que l'appelante a agi avec légèreté, dégénérant en abus, en ne présentant aucun moyen sérieux ou pertinent permettant de remettre en cause le jugement des premiers juges la déclarant irrecevable en ses demandes en raison de l'autorité de la chose jugée alors que cette décision est motivée et que le principe du contradictoire a été respecté.

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation à une amende civile au stade de la première instance. Par contre, l'appel étant manifestement abusif, l'appelante sera condamnée en appel à une amende civile de 200 euros.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Succombant dans son recours, Mme [K] supportera les dépens d'appel et sera tenue de verser à la société Dragui transports la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement ;

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme [I] [K] à une amende civile de 200 euros ;

CONDAMNE Mme [I] [K] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE Mme [I] [K] à payer à la société Dragui transports la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 20/04948
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;20.04948 ?
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