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05/07/2024 | FRANCE | N°20/04210

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 05 juillet 2024, 20/04210


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024



N°2024/ 235













Rôle N° RG 20/04210 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFY2C







[N] [S]





C/



Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE





































Copie exécutoire délivrée

le :05/07/2024

à :>


Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON

Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 04 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00138.







APPELANT



Monsie...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2024

N°2024/ 235

Rôle N° RG 20/04210 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFY2C

[N] [S]

C/

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :05/07/2024

à :

Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON

Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 04 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00138.

APPELANT

Monsieur [N] [S], demeurant [Adresse 3] - [Localité 4] / FRANCE

représenté par Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON substitué pour plaidoirie par Me Tiffany REBOH avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2] - [Localité 1]

représentée par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller.

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024..

ARRÊT

Contradictoirement,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

1. Selon contrat à durée indéterminée du 2 mai 1980, M. [S] a été embauché en qualité d'employé pour l'agence bancaire Banque populaire Méditerranée de [Localité 5] centre.

2. Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de directeur d'agence de [Localité 4] centre statut cadre niveau H pour une rémunération brute mensuelle de 3 970,49 euros bruts.

3. Le 10 octobre 2017, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 octobre 2017 et a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

4. Le 17 octobre 2017, M. [S] a été placé en arrêt de travail.

5. Le 2 novembre 2017, la Banque populaire Méditerranée se prévalant de la révélation de nouveaux faits, a convoqué M. [S] à un nouvel entretien préalable à licenciement prévu le 15 novembre 2017. M. [S] ne s'est pas présenté à cet entretien.

6. Le 24 novembre 2017, la SA Banque populaire Méditerranée a licencié M. [S] pour faute grave.

7. Le 30 novembre 2017, M. [S] a saisi la commission paritaire de recours de la branche conformément aux dispositions de l'article 27-1 de la convention collective des personnels de banque, laquelle a estimé le 21 décembre 2017 la mesure de licenciement fondée.

8. Le 9 janvier 2018, la SA Banque populaire Méditerranée a confirmé le licenciement de M. [S] pour faute grave.

9. Le 6 mars 2018, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une contestation de son licenciement.

10. Par jugement du 4 février 2020, notifié le 25 février 2020, le conseil de prud'hommes de Toulon a :

confirmé que le licenciement de M. [N] [S] repose bien sur une faute grave réelle et sérieuse,

débouté M. [N] [S] de l'ensemble de ses demandes,

condamné M. [N] [S] à verser à la SA Banque populaire Méditerranée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la SA Banque populaire Méditerranée de sa demande de dommages et intérêts,

condamné M. [N] [S] aux entiers dépens.

11. Le 20 mars 2020, M. [S] a fait appel de ce jugement.

12. A l'issue de ses dernières conclusions du 5 janvier 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [S] demande à la cour de :

déclarer l'appel interjeté recevable, régulier et bien fondé,

infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 février 2020, en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une faute grave réelle et sérieuse, en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il l'a condamné à verser à la SA Banque populaire Méditerranée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens,

confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 février 2020, la SA Banque populaire Méditerranée ayant formé un appel incident, uniquement en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes reconventionnelles tendant à sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et à la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l'atteinte de l'image de la banque,

juger qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal abusif du fait de l'information de la clientèle de son licenciement avant la tenue de l'entretien préalable et avant l'avis de la commission paritaire de la banque,

juger qu'il a fait l'objet d'un licenciement abusif du fait de l'information de la clientèle de son licenciement avant l'avis de la commission paritaire de la banque,

juger que son licenciement pour faute grave est abusif dans la mesure où il repose sur des accusations parfaitement mensongères,

juger que la société n'a pas exécuté le contrat de bonne foi contrairement aux dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail dans la mesure où elle l'a convoqué à un second entretien auquel il ne pouvait pas se présenter et a refusé de décaler cet entretien, bafouant le droit à la défense du salarié,

fixer son salaire mensuel moyen à 3 665,07 euros bruts pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

fixer son salaire mensuel moyen à 3 970,49 euros bruts pour l'évaluation des dommages et intérêts,

juger qu'en saisissant le conseil de prud'hommes de Toulon et en interjetant appel du jugement rendu, il n'a fait qu'utiliser une voie de justice légitime pour faire valoir ses droits,

juger qu'il n'a jamais porté atteinte à l'image de la banque,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 78 862,20 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 10 184,07 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 1 018,40 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 4 093,31 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 409,33 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 79 409,80 euros nets de toutes charges à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 3 970,49 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la société qui a volontairement refusé de fixer l'entretien préalable du 15 novembre 2017 à un horaire de sortie autorisé pour lui,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée à lui verser la somme de 4 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

assortir ces sommes des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

débouter la SA Banque populaire Méditerranée de ses demandes reconventionnelles tendant à sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte de l'image de la banque,

condamner la SA Banque populaire Méditerranée aux entiers dépens de l'instance.

13. A l'issue de ses dernières conclusions du 16 mars 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA Banque populaire Méditerranée demande à la cour de :

confirmer la décision rendue en ce qu'elle a dit que le licenciement de M. [N] [S] repose bien sur une faute grave, réelle et sérieuse, débouté M. [N] [S] de l'ensemble de ses demandes, condamné M. [N] [S] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer la décision rendue en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, la cour y fera droit à titre reconventionnel,

condamner M. [N] [S] à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamner M. [N] [S] à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts venant réparer le préjudice subi en raison de l'atteinte à son image,

condamner M. [N] [S] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [N] [S] aux entiers dépens.

14. La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 janvier 2024. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

MOTIVATION

Sur le licenciement verbal :

Moyens des parties :

15. M. [S] soutient qu'il a fait l'objet de la part de la Banque populaire Méditerranée d'un licenciement verbal, privant la rupture de son contrat de travail de cause réelle et sérieuse au motif que, dès le 17 octobre 2017, la banque avait informé la clientèle qu'il gérait, qu'il avait quitté la banque de manière définitive.

16. De son côté, la Banque populaire Méditerranée conteste tout licenciement verbal au motif qu'elle n'a pas informé M. [S] de son licenciement ni la clientèle de celui-ci de la rupture de son contrat de travail avant l'envoi de la lettre de licenciement du 24 novembre 2017, que c'est M. [S] qui a informé ses clients de son licenciement et, en tout état de cause, que la circonstance que des salariés de l'agence, informés de la mise à pied conservatoire de M. [S], aient informé la clientèle de ce dernier de son licenciement, ne saurait engager l'employeur.

Réponse de la cour :

17. Il est de jurisprudence constante que le licenciement verbal d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

18. Il est de principe qu'il incombe au salarié qui invoque un licenciement verbal d'en rapporter la preuve.

19. En l'espèce, il n'est pas établi par M. [S] que, antérieurement à la notification de son licenciement, la Banque populaire Méditerranée l'a informé verbalement de la rupture de son contrat de travail.

20. De même, les divers témoignages d'anciens clients produits aux débats par M. [S], dont il ressort qu'ils ont été informés par des salariés de la Banque populaire Méditerranée qu'il ne faisait plus partie de l'établissement ou qu'il avait quitté ce dernier, qui peuvent aussi s'expliquer par l'interprétation par ces derniers de la mise à pied conservatoire de M. [S], ne peut suffire à démontrer que la Banque populaire Méditerranée a annoncé à son personnel et/ou sa clientèle le licenciement de M. [S] avant la notification du licenciement de ce salarié. Ce dernier ne peut donc se prévaloir d'un licenciement verbal pour prétendre que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la faute grave :

Moyens des parties :

21. M. [S] conteste les faits reprochés par la Banque populaire Méditerranée au soutien de son licenciement pour faute grave aux motifs qu'il avait une grande ancienneté dans l'entreprise et aucun antécédent disciplinaire lors de son licenciement, que son employeur s'est fondé sur les déclarations contestables de salariées dont la prestation de travail était contestable ou qui se sont fait manipuler par les autres, qu'il n'a commis aucun fait constitutif d'un harcèlement moral ou tenu des propos racistes, qu'en sa qualité de directeur d'agence, il se devait de contrôler la réalisation des objectifs par les salariés placés sous son autorité et que les termes défavorables du rapport d'enquête du CHSCT s'expliquent par des tensions existant avec les représentants syndicaux.

22. En réponse, la Banque populaire Méditerranée fait valoir qu'il ressort des témoignages qu'elle produit et de l'audition de ses salariées par les services de police que M. [S] s'est rendu auteur de faits de harcèlement moral et harcèlement sexuel, qu'il a tenu des propos racistes et dénigré son employeur.

Réponse de la cour :

23. Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à prouver.

24. La lettre de licenciement adressée le 24 novembre 2017 par la Banque populaire Méditerranée à M. [S] est rédigée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à la commission paritaire de la branche Banque Populaire en formation recours qui s'est tenue en date du 20 décembre 2017 et dont l'avis ne nous a pas permis de modifier notre décision. Nous vous confirmons en conséquence votre licenciement dans les termes suivants.

Par courrier du 10 octobre 2017, nous vous convoquions à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 25 octobre 2017 à 9h30, auquel vous vous êtes présenté accompagné de [O] [L], représentant du personnel.

Vous êtes engagé en qualité de directeur d'agence sur l'établissement de la Valette centre et encadrez à ce titre, plusieurs collaboratrices.

Vous êtes, également, garant de la qualité du service délivré aux clients.

Or, nous avons découvert que vous aviez commis des manquements très graves dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.

Au cours d'une visite effectuée le 22 septembre 2017 dans votre agence, votre directeur de groupe a ressenti une ambiance très tendue, ce qui l'a amené à s'entretenir avec vos collaboratrices qu'il a trouvées en grande souffrance.

Lors de ces entretiens, vos collaboratrices ont alerté le directeur de groupe sur le comportement que vous aviez adopté à leur encontre, mais également à l'égard des clientes, et de façon plus générale à l'encontre des personnes de sexe féminin.

Il est apparu que vous avez tenu des propos intolérables et inacceptables et que vous entamiez, avec vos collaboratrices, des discussions portant sur les attributs qui vous attiraient chez les femmes.

Mlle [Z], étudiante en BTS banque et sous contrat professionnel s'est plainte de ce que dès son arrivée, vous avez, devant elle, « fait des blagues à connotation sexuelle qui l'ont mise mal à l'aise ».

Mlle [Z] a donné quelques exemples, à savoir que lorsque vous l'avez accompagné dans le local des automates vous avez dit aux autres collaboratrices « si on ne revient pas dans deux heures' », Sous entendant la possibilité que vous puissiez avoir une relation sexuelle avec celle-ci.

Mlle [Z] a trouvé vos attitudes et propos malsains et très gênants puisque dès son arrivée, vous vous êtes permis de faire des remarques sur sa tenue vestimentaire et sur son physique.

Elle nous a expliqué que vos comportements l'avaient conduit à ne plus oser se mettre dos à vous, de peur d'être observée.

L'un de vos comportements à, particulièrement, choqué Mlle [Z], lorsqu'un jour, vous avez ramené une boîte de bonbons à l'équipe, et avait dit « c'est Chamallows ou bistouquette ».

Mlle [Z] a constaté que vous adoptiez ce type de comportement à l'égard de l'ensemble des collaboratrices, mais également à l'égard des clientes.

Mme [A], chargée de Clientèle Particuliers, a dénoncé un harcèlement moral et sexuel depuis son arrivée dans l'agence.

Elle nous a expliqué que tous les matins, elle « avait droit à un déshabillage visuel en règle », qu'au bout d'un mois de présence, vous avez écrit, devant elle, sur un post-it que vous lui avez ensuite remis : « I LOVE YOU ».

Là encore, vous avez questionné votre collaboratrice sur sa vie privée, et lui avez fait des propositions.

Pour exemple, vous avez déclaré :

« Vous êtes célibataire, vous avez l'air tendu en ce moment, je peux vous rendre service avec un petit coup», ce à quoi elle a répondu « je ne coucherai jamais avec vous ».

Malgré ce refus clair et catégorique, vous avez insisté et avez indiqué :

« Vous finirez bien par céder, il vous faut un mec, je peux vous aider ».

Mlle [Z], âgée d'à peine une vingtaine d'années et connaissant sa première expérience professionnelle, a été très affectée par votre comportement.

En plus de ces paroles, vous lui imposiez un comportement gênant en donnant pour consigne de ne pas fermer les portes, en l'observant de façon insistante et soutenue parfois même en collant votre visage à la vitre.

d'une façon générale, vos collaboratrices avaient l'impression d'être épiées et déshabillées du regard.

Mme [H], conseillère clientèle de particuliers, a également dénoncé vos agissements.

Vous avez déclaré devant elle :

« C'est un fantasme d'être collé à vous ! Si j'avais été collée à vous, vous l'auriez senti » « Vous êtes jolie, dommage que vous êtes jeunes »

En marge de ces agissements qui caractérisent à eux seuls un harcèlement sexuel, vous lui avez imposé vos remarques sexistes et déplacées visant des clientes en déclarant :

« Elle est bien gaulée, je me la ferai bien ».

Il est apparu que vous avez, également, adopté un comportement inadapté et déplacé vis-à-vis de clientes.

Concernant votre comportement vis-à-vis des clientes, nous avons appris que vous n'hésitiez pas à « draguer ouvertement et à observer la poitrine » de clientes, allant même jusqu'à dire à une cliente qu'il fallait « se déshabiller pour entrer dans le sas »

Certaines clientes ne souhaitaient plus se retrouver seules avec vous, demandant à changer de conseiller ou se faisant systématiquement accompagner.

Au-delà de ces comportements à connotation sexuelle, vous avez tenu devant vos collaboratrices des propos et adopté des comportements à connotation raciste.

Ainsi, vous avez refusé d'effectuer une opération pour une cliente en motivant sur ce refus par le fait qu'elle était « noire ».

Vous avez, adopté le même type de comportement vis-à-vis d'un homme d'origine étrangère qui selon vous était « musulman ».

Mme [H], de nationalité française ayant des origines étrangères, s'est plainte de ce que vous teniez, tous les jours, devant elle, des propos à connotation raciste et faisiez état de vos intentions de vote.

Vous avez stigmatisé celle-ci quant à ses origines étrangères.

A titre d'exemple, alors que les périodes de congé étaient évoquées, vous avez déclaré « [D], je ne sais pas si elle va rentrer au bled ».

Au sujet d'une autre collaboratrice prénommé [R], vous avez déclaré : « [R] c'est bien français ! ».

Mme [H] s'est également plainte de ce que vous lui aviez fait visionner une vidéo à connotation raciste et violente, ce qui a été confirmé par un témoin. Vous avez vous-même confirmé devant la commission de recours du 20 décembre 2017 cet épisode, indiquant le nom de la vidéo (« viens foutre le bordels chez li gaulois ») et du site l'hébergeant (www.fdesouche.com).

En marge de ces comportements à connotation sexuelle et racistes vous avez adopté des comportements violents.

A titre d'exemple, Mlle [Z] a expliqué que vous vous « énerviez facilement » et qu'un jour, alors qu'elle se trouvait dans votre bureau, vous aviez jeté un carton par terre.

Mme [H] s'est également plainte de ce type de comportement, de ce que vous criiez « tout le temps », de ce que vous étiez « impulsif ».

Mme [H] a dénoncé un « harcèlement moral quotidien ».

Il est également apparu que vous avez dénigré la banque et votre directeur de groupe devant vos collaboratrices.

A titre d'exemple, au sujet de votre directeur de groupe, vous avez déclaré :

« Il est juste bon à faire le coq »

Sur la banque en général, vous avez déclaré :

« On bosse vraiment dans une banque de merde, il n'y a que des connards ».

Il est apparu qu'un client s'est plaint en déclarant « on est mal reçu ici par le directeur, on est traité comme de la merde ».

Dans ces situations, vous répondiez aux clients d'aller voir ailleurs s'ils n'étaient pas contents.

De plus, il est apparu que vous étiez conscient du caractère totalement anormal de vos comportements, et que vous avez menacé certaines de vos collaboratrices afin qu'elles ne témoignent pas de vos agissements.

A titre d'exemple, vous avez convoqué Mme [Z] lors de son deuxième jour de présence à l'agence, et lui avez déclaré « ce qui se passe à l'agence, reste à l'agence ».

Lorsque ces situations, nous ont été révélées, nous avons été dans l'obligation d'agir, en vous notifiant une convocation à entretien préalable assortie d'une mise à pied conservatoire afin de les protéger. Nous avons également placé un vigile devant l'agence afin de les rassurer.

Parallèlement à cela, une enquête commune avec le CHSCT a été diligentée.

Aux termes de cette enquête, le CHSCT a rendu l'avis suivant :

« Nous avons dans cette agence une situation inacceptable.

Le manager, Monsieur [N] [S] fait preuve d'un manque de professionnalisme caractérisé et profère à longueur de journée des propos racistes et des provocations sexuelles relevant pour nous d'un harcèlement sexuel et moral envers les collaboratrices de l'agence.

Vu les déclarations des collaboratrices (unanimes et cohérentes dans leurs déclarations) le CHSCT demande à la direction de faire cesser les agissements de Monsieur [N] [S] et appuiera toutes les mesures nécessaires pour protéger nos collègues et suspendre ce manager qui au-delà de la souffrance qu'il infligea son équipe, mais également fortement à l'image de notre établissement par son comportement au quotidien et en dénigrant notre banque auprès de nos clients. »

Lors de l'entretien préalable, nous vous avons exposé les faits qui vous étaient reprochés et avons recueilli vos explications.

À l'écoute de ces faits et plus précisément lorsque nous vous avons évoqué le visionnage d'une vidéo raciste très violente à deux collaborateurs, vous avez indiqué que vous saviez de qui il s'agissait.

Pour toute explication sur ces faits, vous nous avez indiqué que selon vous, il était « évident que pour se dédouaner d'un manque de résultat, il était facile de s'en prendre à celui qui les demande ».

Nous vous avons répondu que l'une d'entre elle avait toujours eu de bons résultats jusqu'ici, et que la collaboratrice en contrat d'alternance venait d'arriver et n'avait donc rien encore à prouver'

Vous avez ajouté que la collaboratrice en CDI avait peur de ne pas être validée et que le CDD voulait se faire embaucher et que c'était pour cette raison qu'elles avaient raconté cela.

Au cours de ce même entretien, nous vous avons également rappelé que vous aviez déjà eu une mise en garde en date du 26 février 2016 relatif à votre comportement, votre manque de professionnalisme et votre management.

Cet entretien ne nous a pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Suite à cet entretien, nous avons eu un nouveau témoignage :

Mme [C], conseillère clientèle particuliers, a dénoncé vos agissements, à savoir qu'à plusieurs reprises, vous lui aviez fait des avances et propositions de relations sexuelles, qu'elle avait repoussées.

Lorsque celle-ci vous a repoussé en vous expliquant qu'elle refusait les relations extra professionnelles, vous avez insisté pour qu'elle vous explique les raisons de ses refus.

Mme [C] a, également, attesté qu'à plusieurs reprises, vous lui aviez demandé de lui « présenter » ses clientes afin que vous puissiez faire « plus ample connaissance » car vous les trouviez « sexy ».

Là encore, Mme [C] a refusé d'accéder à vos demandes répétées.

Mme [C] nous a décrit la façon dont vous lui imposiez vos comportements et propos pour le moins déplacés. Pour exemple parmi d'autres, alors qu'une jeune femme d'environ 18 ans intervenait au sein de l'agence pour faire le ménage, vous vous êtes rendu dans le bureau de Mme [C] et avez déclaré, au sujet de cette jeune femme, que vous la « croqueriez bien ».

Mme [C] a dû vous demander de quitter son bureau car elle trouvait vos propos déplacés.

Votre comportement à l'égard de cette jeune femme l'a, d'ailleurs, apeurée, et elle s'était confiée en indiquant qu'elle ne se sentait pas en sécurité au sein de l'agence.

Malheureusement, vos agissements à l'encontre de vos collaboratrices n'ont pas cessé puisque suite à cet entretien, nous avons eu connaissance de faits nouveaux.

Souhaitant vous entendre sur ces faits, nous vous avons convoqué à un nouvel entretien préalable fixé au 15 novembre auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Les griefs sur lesquels nous souhaitions vous entendre portaient sur votre présence aux abords immédiats de l'agence, observant vos collaboratrices sortir de leur agence à l'heure de la fermeture depuis un commerce voisin, le visage collé à la vitre et en les fixant longuement, et ce alors que vous étiez mis à pied à titre conservatoire.

Vos collaboratrices nous ont alertés sur ce comportement qu'elles ont perçu comme une nouvelle forme de menace et de harcèlement, qui a renforcé leur traumatisme et leur sentiment d'insécurité.

Vos comportements ont abouti à créer un climat délétère, mêlant harcèlement sexuel et moral.

Ces comportements ont eu des répercussions très graves sur les conditions de travail de vos subordonnées, et étaient de nature à nuire à leur santé physique et mentale.

Vos agissements sont intolérables et ont causé un traumatisme chez vos collaboratrices et un préjudice à notre banque, notamment en termes d'image vis-à-vis de notre clientèle. La gravité de ces faits rend impossible votre maintien au sein de notre banque. Nous vous licencions donc pour faute grave sans préavis, ni indemnité de licenciement. La mesure de licenciement prendra effet dès l'envoi de la présente'».

25. La Banque populaire de Méditerranée verse aux débats les attestations rédigées par Mmes [Z], [A], [H] et [C] et M.[M] et les témoignages de Mmes [Z], [A], [H], [F] et [C] devant les services de police dont il ressort de manière précise et concordante l'imputation à M. [S] d'un comportement inadapté à l'égard de salariées placées sous son autorité caractérisé notamment par un déshabillage visuel, des questions intrusives sur leur vie privée, des propos sexistes tenant dans des propositions de relation sexuelle, des allusions sexuelles ou encore des remarques sexuelles sur leur physique ou celui de clientes de l'agence, des propos racistes, le visionnage d'une vidéo raciste ou encore des critiques excessives et injurieuses à l'égard de la direction de la Banque populaire Méditerranée.

26. Ces témoins relatent également les man'uvres d'évitement mises en 'uvre pour éviter de se retrouver seules avec M. [S] ou encore les conséquences de cette attitude qualifiée d'invivable et pouvant contraindre une partie d'entre elles à venir travailler « la boule au ventre».

27. Il est constant que les attestations produites par la Banque populaire Méditerranée relevant les faits reprochés à M. [S] sont antérieures à la lettre de licenciement. Cependant, s'il en ressort que l'employeur a veillé à s'assurer, avant l'engagement de la procédure de la véracité des faits, imputés par certaines salariées, à M. [S], aucun des éléments de preuve produits aux débats ne permet d'établir que ces salariées ont été sollicitées par la Banque populaire Méditerranée dans le but de construire un dossier à l'encontre de M. [S] ni que les déclarations des témoins résultent d'une cabale à l'encontre de ce dernier ni d'un différend de nature syndicale. Par ailleurs, Mme [H] a indiqué avoir sollicité son affectation dans l'agence dirigée par M. [S] pour des raisons de convenances personnelles. Il ne peut donc être tiré aucune conséquence utile de cette demande pour remettre en cause les déclarations de ce témoin. Enfin, l'argument tiré du défaut de saisine par ces salariées du médecin du travail repose sur le présupposé qu'une salariée, victime de harcèlement sexuel ou de propos sexistes saisit nécessairement ce praticien et s'avère donc privé de toute pertinence.

28. M. [S] produit de nombreux témoignages de salariées ayant travaillé sous son autorité ou de clientes de l'agence expliquant ne pas avoir fait l'objet de la part de ce dernier d'un comportement ou de propos à connotation sexuelle. Cependant, la circonstance que des témoins exposent ne pas avoir fait l'objet d'un harcèlement sexuel ou de propos sexistes est inopérante dès lors que l'absence de comportement ou de propos à connotation sexuelle à l'égard d'une partie des collaborateurs ou des clients n'empêche pas la commission de ces faits à l'égard de certaines salariées.

29. La réalité des faits reprochés à M. [S] par la Banque populaire Méditerranée, caractérisés par un comportement et des propos à connotation sexuelle, des propos racistes et le dénigrement de la direction de l'entreprise ressort clairement des témoignages précis et concordants de par Mmes [Z], [A], [H] et [C] et M.[M] et des déclarations de Mmes [Z], [A], [H], [F] et [C] devant les services de police.

30. Les premiers faits relèvent sans équivoque de la définition du harcèlement sexuel telle que prévue par l'article L. 1153-1 du code du travail.

31. L'article L. 1153-5 du code du travail dispose l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner. En vertu de ces dispositions, il incombait à la Banque populaire Méditerranée de sanctionner M. [S].

32. Par ailleurs, compte tenu de son niveau de responsabilité et de son lien hiérarchique sur les salariées concernées par les faits de harcèlement sexuel, de la nature raciste de ses propos et du manquement à son obligation de loyauté en raison du dénigrement de la direction de la Banque populaire Méditerranée, les faits établis à son encontre constituent de sa part une violation des obligations découlant de son contrat de travail rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait son licenciement pour faute grave. Le jugement déféré, qui a débouté M. [S] de sa contestation de ce chef, sera donc confirmé.

Sur le surplus des demandes :

33. Il est de jurisprudence constante que le salarié n'engage sa responsabilité civile à l'égard de son employeur que pour faute lourde et que la faute lourde doit résulter d'une faute caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur. M. [S] a été licencié pour faute grave par la Banque populaire Méditerranée, excluant ainsi l'intention de nuire à l'encontre de son employeur. Celle-ci ne peut en conséquence prétendre à des dommages-intérêts pour atteinte à son image.

34. Les faits de l'espèce ne révèlent pas d'abus dans le droit d'agir en justice. La Banque populaire Méditerranée sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.

35. Enfin M. [S], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles, devra payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 4 février 2020 en toutes ses dispositions,

CONDAMNE M. [S] à payer à la Banque populaire Méditerranée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE M. [S] aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 20/04210
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;20.04210 ?
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