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04/07/2024 | FRANCE | N°23/15059

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 04 juillet 2024, 23/15059


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024



N° 2024/200







Rôle N° RG 23/15059 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMIEQ





S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A. SMA SA















Copie exécutoire délivrée



le :



à :



Me Sébastien GUENOT



Me Isabelle FICI















Décision défé

rée à la cour :



Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 27 novembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05654.





APPELANTE



AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 3...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

N° 2024/200

Rôle N° RG 23/15059 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMIEQ

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A. SMA SA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien GUENOT

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 27 novembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05654.

APPELANTE

AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 3]

représentée par Me Sébastien GUENOT de la SCP SEBASTIEN GUENOT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

SMA SA, ès qualités d'assureur de SOVEAL MEDITERRANEE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 mai 2024 en audience publique.

Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Florence TANGUY, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente,

Madame Béatrice MARS, conseillère,

Madame Florence TANGUY, conseillère rapporteure,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024,

Signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Sensation, maître d'ouvrage assurée en dommages-ouvrage auprès de la société Axa France Iard, a fait construire un hôtel à [Localité 4], [Adresse 2].

Sont notamment intervenus à l'acte de construire :

*M. [Z] [E], an qualité d'architecte, assuré auprès de la Maf, aujourd'hui décédé,

*la SA Bureau Veritas, contrôleur technique,

*la société Sygma Dutheil, entreprise générale, assurée auprès de la société Axa France,

*la société Agri services entretien, assurée auprès de Swisslife et la société STG, sous-traitants du lot VRD,

*la société CCME et la société Soveal, sous-traitants du lot charpente/couverture,

*la société Maison Martegale, sous-traitant lot carrelage.

La réception de l'ouvrage a eu lieu le 22 juillet 2010.

Se plaignant de plusieurs sinistres, la société Sensation a sollicité en référé une expertise judiciaire, par assignation du 10 juin 2020 et par ordonnance du 10 février 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a désigné M. [H] [I] en qualité d'expert.

La société Axa France Iard a assigné devant le tribunal judiciaire de Draguignan, le 22 juillet 2020, la société Swisslife, la société STG, la société CCME, la société Smabtp en qualité d'assureur de la société CCME et de la société Soveal, la société Maison Martegale et la Maf devant le tribunal judiciaire de Draguignan.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 20/05654.

Le 10 septembre 2020, la société Axa France Iard a appelé en cause la Sma en sa qualité d'assureur de la société Soveal Méditerranée.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 20/5655.
Le 3 juin 2021, la Maf a appelé en la cause la société Axa France Iard prise en sa qualité d'assureur de la société Sygma Dutheil et la société Sma en sa qualité d'assureur de la société Soveal.

Cette instance a été enregistrée sous le n° RG 21/03 807.

Par ordonnance du 13 septembre 2021, le juge de la mise en état a joint ces trois instances.

Par conclusions noti'ées le 16 mai 2022, la Smabtp et la société Sma ont saisi le juge de la mise en état en invoquant un défaut d'intérêt à agir de la société Axa contre la Smabtp en tant qu'assureur de la société Soveal, l'assureur de cette société étant la société Sma et en opposant la forclusion de son action en garantie décennale dirigée contre la société Sma en sa qualité d'assureur de la société Soveal, cette action étant forclose depuis le 23 juillet 2020 alors qu'elle n'a été assignée que le 10 septembre 2020.

Par ordonnance du 27 novembre 2023, le juge de la mise en état a :

-déclaré irrecevables les demandes formées par la SA Axa France Iard contre la compagnie Smabtp en qualité d'assureur de la société Soveal et contre la SA Sma en qualité d'assureur de la société Soveal Méditerranée ;

-déclaré recevables les demandes formées parla SA Axa France Iard contre la SA Bureau Veritas ;

-condamné la SA Axa France Iard aux dépens de l'incident et à payer à la SA Sma et à la compagnie Smabtp la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-renvoyé l'affaire à la mise en état pour conclusions d'incident sursis à statuer dans l'attente de la fin des opérations d'expertise ou conclusions au fond de la SA Maf, à défaut de quoi, la clôture sera prononcée à cette date.

Par déclaration du 8 décembre 2023, la société Axa France Iard a relevé appel de cette ordonnance du juge de la mise en état.
Par conclusions remises au greffe le 8 février 2024, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour :

-d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :

*jugé irrecevable la compagnie Axa France en son action à l'encontre de la société Sma SA,

*condamné la compagnie Axa France au paiement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de la Sma SA.

-statuant à nouveau,

-de juger que la compagnie Axa France et la société Sma SA sont signataires de la convention de règlement en assurance construction et de son avenant n° 1,

-de juger que contractuellement, les parties au litige ont ainsi convenu que l'envoi d'une simple lettre recommandée avec accusé réception avait valeur interruptive du délai de forclusion décennale découlant de l'article 1792-4-1 du code civil,

-de juger que la Sma SA a bien été rendue destinataire d'un tel courrier recommandé avec accusé réception,

-en conséquence,

-de juger que le délai de forclusion décennale a été valablement interrompu,

-de juger recevable l'action de la compagnie Axa France à l'encontre de la société Sma SA,

-de juger de surcroît que la compagnie Axa France a non seulement assigné la Sma SA en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, mais également en sa qualité d'assureur de la responsabilité civile décennale de la société Sigma Dutheuil et qu'à ce titre, le délai de prescription de l'article 1792-4-1 du code civil était inapplicable, l'action de la société Axa étant fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, dont le délai de prescription n'était guère échu au moment de la délivrance de ladite assignation,

-de juger dès lors recevable l'action de la compagnie Axa France à ce titre,

-à tout le moins,

-de juger de surcroît que la clause de concertation stipulée à l'article 3.12 de la Convention de Règlement en Assurance Construction ne peut être opposée par la Sma SA dès lors que cette procédure de concertation a bien été mise en 'uvre d'une part et dès lors d'autre part qu'une telle clause est en revanche réputée non écrite, dès lors que le fondement du litige s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article 1792 du code civil,

-de condamner la Sma SA au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-de la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe le 11 janvier 2024, et auxquelles il y a lieu de se référer, la société Sma SA demande à la cour :

-vu les articles 2241 et 1792 et suivants du code civil,

-vu l'article 122 du code de procédure civile,

-vu la réception de l'ouvrage du 22 juillet 2010,

-vu l'assignation délivrée à la Sma SA, ès qualités d'assureur de Soveal le 10 septembre 2020,

-vu l'expiration du délai décennal à la date de l'assignation,

-vu l'avenant n°1 à la convention CRAC,

-vu la circulaire n°10.2009,

-vu que pour les sinistres supérieurs à 76 000 euros seule l'envoi d'une LRAR entre les sociétés adhérentes est de nature à interrompre le délai de prescription ou de forclusion,

-vu l'absence de lettre recommandée avec accusé de réception entre les société adhérentes,

-de confirmer l'ordonnance du 27 novembre 2023 rendu par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'elle a déclaré la SA Axa France Iard irrecevable en son action à l'égard de la Sma SA ès qualités d'assureur de Soveal,

-en tant que de besoin,

-de prononcer l'irrecevabilité de l'action de la compagnie Axa France Iard à l'égard de la Sma SA, ès qualités d'assureur de la société Soveal pour cause de forclusion,

-à titre subsidiaire,

-vu l'avenant n°1 et plus précisément le paragraphe 3.12,

-vu l'absence de mise en 'uvre d'une procédure de concertation préalable,

-de prononcer l'irrecevabilité de l'action de la compagnie Axa France Iard à l'égard de la Sma SA, ès qualités d'assureur de la société Soveal pour défaut de mise en 'uvre de concertation préalable à toute action judiciaire et ce, en violation de l'article 3.12 de l'avenant n°1 de la convention CRAC,

-en tout état de cause,

-de condamner la compagnie Axa France Iard à payer à la Sma SA, ès qualités d'assureur de la société Soveal, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner la compagnie Axa France Iard aux dépens de l'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2024.

Motifs :

La société Axa fait appel de l'ordonnance du juge de la mise en état qui a déclaré irrecevables ses demandes formées contre la société Sma prise en sa qualité d'assureur de la société Soveal Méditerranée.

La société Axa est à la fois assureur dommages-ouvrage et assureur en responsabilité décennale de la société Sygma Dutheuil qui est l'entreprise générale.

L'assureur dommages-ouvrage, subrogé aux droits du maître de l'ouvrage n'a pas plus de droits que lui lorsqu'il exerce son recours subrogatoire.

Or, au jour de l'assignation au fond par la société Axa le 10 septembre 2020, le délai de garantie décennale était expiré depuis le 23 juillet 2020.

Pour voir toutefois déclarer sa demande recevable contre la Sma, la société Axa France Iard invoque la convention de règlement en assurance construction et son avenant n°1 qui prévoit en son article 3.14 que « les prescriptions visées par l'article 2270 du code civil (devenu 1792-4-1 du même code) sont interrompues par l'envoi d'une simple lettre recommandée avec accusé de réception entre les sociétés adhérentes », la société Sma étant partie à cette convention.

Elle se prévaut à ce titre des dispositions de l'article 2254 du code civil qui permettent aux parties d'ajouter aux causes d'interruption ou de suspension de la prescription prévues par la loi.

Cependant, aux termes de l'article 2220 du code civil, « les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre », à savoir le titre XX intitulé « De la prescription extinctive » et comprenant les articles 2219 à 2254.

Aucune disposition contraire ne prévoit l'interruption du délai de forclusion, notamment par l'envoi d'une lettre recommandée, seule la citation en justice étant interruptive du délai de forclusion en application de l'article 2241 du code civil. L'article 2254 ne concerne que la prescription et n'est pas applicable à la forclusion.

En outre, si le bénéficiaire de l'assurance dommage-ouvrage dispose d'un délai de deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance pour déclarer un sinistre à l'assureur dommage-ouvrage conformément à l'article L.114-1 du code des assurances dès lors que le sinistre est intervenu dans le délai de garantie de 10 ans, ce délai ne bénéficie pas à l'assureur dommages-ouvrage qui est subrogé dans les droits et actions du bénéficiaire. En effet, il appartient à l'assureur dommages-ouvrage d'exercer son recours subrogatoire dans le délai décennal même s'il n'a pas encore versé l'indemnité d'assurance, à charge pour lui de justifier de ce versement avant que le juge du fond ne statue.

La société Axa en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage est donc forclose en son action contre la société Sma.

La société Axa est également assureur en responsabilité décennale de la société Sygma Dutheuil et elle critique la décision du juge de la mise en état qui n'a pas statué sur ce moyen.

Il y a lieu de rappeler que la société Sygma Dutheuil est l'entreprise générale et que l'action exercée par la société Axa n'est pas celle de l'assureur d'un constructeur contre un autre constructeur mais celle de l'assureur de l'entreprise générale contre l'un de ses sous-traitants.

En application de l'article 1792-4-1, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Il s'agit d'un délai de forclusion qui ne peut faire l'objet d'une interruption par l'envoi d'une lettre recommandée, de sorte que la société Axa, ès qualités d'assureur de la société Sygma Dutheuil, est également forclose en son recours contre la société Sma

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sma les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

Par ces motifs :

Confirme l'ordonnance déférée en ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

Condamne la société Axa France Iard à payer à la société Sma la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 23/15059
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.15059 ?
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