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04/07/2024 | FRANCE | N°21/03582

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 04 juillet 2024, 21/03582


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

mm

N° 2024/ 243













N° RG 21/03582 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCTD







[M] [H]

[T] [H]





C/



[U] [X]

[J] [K] épouse [X]



























Copie exécutoire délivrée le :







à :



SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE



SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04707.



APPELANTS



Madame [M] [H]

demeurant [Adresse 5]



représentée par Me Renaud ARLABOSSE de la SELARL ALVAREZ-ARLA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

mm

N° 2024/ 243

N° RG 21/03582 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCTD

[M] [H]

[T] [H]

C/

[U] [X]

[J] [K] épouse [X]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE

SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04707.

APPELANTS

Madame [M] [H]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Renaud ARLABOSSE de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [T] [H]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Renaud ARLABOSSE de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉS

Monsieur [U] [X]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [J] [K] épouse [X]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Frédéric CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] sont respectivement usufruitière et nu-propriétaire d'une parcelle de terre située à [Adresse 6] dans le Var lieudit [Adresse 4] cadastrée Section E [Cadastre 3] et E [Cadastre 1] pour une surface de 00ha 37a 74ca sur laquelle a été édi'é un cabanon qui a fait l'objet de travaux de rénovation en 2009.

Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] sont propriétaires de la parcelle [Cadastre 2] voisine de celle des consorts [H].

Se plaignant d'arrivées d'eau insalubre sur leur parcelle depuis la parcelle des époux [X], située en amont, Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] ont obtenu, par ordonnance en date du 2 mars 2016, du juge des référés près le tribunal de grande instance de Draguignan, la désignation d'un expert judiciaire, en la personne de M [L] qui a déposé son rapport le 27 février 2018.

Suivant acte d'huissier en date du 18 juin 2018 Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] ont fait assigner les époux [X] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux 'ns de faire cesser les troubles allégués.

Ils ont sollicité du tribunal, au visa des articles 544, 1240 du code civil (ancien article 1382), 1241 du code civil (ancien article 1383 du code civil) , 1242 alinéa 1 du code civil (ancien article 1384 alinéa 1) et L 1331-1-1 du code de la santé publique, de :

Condamner solidairement Monsieur [U] [X], et Madame [J] [K] épouse [X] à faire réaliser les travaux consistant au remplacement de leur système d' assainissement non collectif par un système respectant la réglementation en vigueur, conformément aux préconisations de l'expert, assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] à leur payer la somme de 9 200 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi au 22 mai 2018, somme à parfaire jusqu' à la complète réalisation des travaux,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] à leur payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi depuis près de 8 ans,

Débouter Monsieur et Madame [X] de l'intégralité de leurs moyens, demandes, 'ns et conclusions,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] à payer la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et d'huissier, distraits au bénéfice de Maître Renaud Arlabosse, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

Et d'ordonner l' exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] ont demandé au tribunal de:

Constater la prescription de l'action intentée par les consorts [H],

Déclarer Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter,

A titre subsidiaire,

Rejeter les demandes des consorts [H] au titre des troubles anormaux de voisinage,

A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal retenait la théorie des troubles anormaux de voisinage,

Condamner uniquement les consorts [X] à réaliser les travaux préconisés par l' expert (selon l'option 1),

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions adverses,

En tout état de cause,

Condamner Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] à payer la somme de 2.000 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile,

Condamner Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] aux entiers dépens,

Et dire que, conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile, Maître [Z] [V] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

Déclaré les époux [H] irrecevables en leur demandes, pour cause de prescription,

Rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné Madame [M] [H] et et Monsieur [T] [H] aux dépens,

Dit que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître [Z] [V],

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 10 mars 2021, les consorts [H] ont relevé appel de ce jugement

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024, l'audience étant fixée au 6 mai 2024.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 4 juin 2021 par les consorts [H] qui demandent à la cour de :

Vu l'article L. 152-1 du code de l'environnement

Vu l'article 2224 du code civil

Vu le Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union

Vu les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

Vu l'article 544 du code civil

Vu l'article 1240 du code civil (ou ancien article 1382)

Vu l'article 1241 du code civil (ancien article 1383 du code civil)

Vu l'article 1242 alinéa 1 du code civil (ancien article 1384 alinéa 1)

Vu l'article L 1331-1-1 du code de la santé publique

Vu l'arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5

Vu les règles NF DTU 64-1 relatives aux dispositions d'assainissement non collectif pour les maisons individuelles jusqu'à 20 pièces principales,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées au débat,

Il est demandé à la cour de :

Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

SUR LA PRESCRIPTION:

A titre principal,

Juger que l'article L. 152-1 du code de l'environnement doit recevoir application

En conséquence, infirmer le jugement du 28 JANVIER 2021 en ce qu'il a appliqué l'article 2224 du code civil et déclaré prescrite l'action de Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H]

A titre subsidiaire,

Juger que l'application de l'article 2224 du code civil entraîne une ingérence disproportionnée dans le droit fondamental de propriété et le droit à un environnement sain

Décider que l'article 2224 du code civil doit rester inappliqué

En conséquence, infirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il a appliqué l'article 2224 du code civil et déclaré prescrite l'action de Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H]

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que le trouble s'est renouvelé le 20 juin 2016 date à laquelle la prescription quinquennale a recommencé à courir,

En conséquence, infirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il a appliqué l'article 2224 du code civil et déclaré prescrite l'action de Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H]

SUR LE FOND :

Condamner solidairement Monsieur [U] [X], et Madame [J] [K] à faire réaliser les travaux consistant au remplacement de leur système d'assainissement non collectif respectant la réglementation en vigueur conformément aux préconisations de l'expert, assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] à leur payer la somme de 13.200 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi au 28 mai 2021, somme à parfaire jusqu'à la complète réalisation des travaux,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] à leur payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi depuis près de 11 ans,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] à payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et d'huissier,

Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître [E] [W] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Vu les conclusions notifiées le 29 juin 2021 par les époux [X] qui demandent à la cour de :

Vu la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 122 et 124 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Et l'ensemble des pièces versées aux débats,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. et Mme [H] irrecevables en leurs demandes, pour cause de prescription et les a condamnés aux dépens,

Et, statuant à nouveau,

A tire principal,

Rejeter les demandes des consorts [H] comme étant irrecevables pour cause de prescription, en application de l'article 2224 du code de procédure civile,

Déclarer irrecevables les demandes des consorts [H] sur le fondement de l'article L 152-1 du code de l'environnement, comme étant inapplicable en l'espèce,

Rejeter leurs demandes sur ce fondement de ce chef,

Rejeter les prétentions des consorts [H] fondées sur le principe de proportionnalité,

Subsidiairement sur le fond,

Dire et Juger que les conditions cumulatives de la responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage ne sont pas réunies en l'espèce,

Dire et juger que les conditions de la responsabilité délictuelle pour faute prouvée formulée, à titre subsidiaire, par les consorts [H] ne sont pas réunies en l'espèce,

Débouter les consorts [H] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires comme étant infondées et injustifiées,

Débouter les consorts [H] de leur demande de condamnation des consorts [X] à ' faire réaliser les travaux consistant au remplacement de leur système d'assainissement non collectif respectant la réglementation en vigueur, sous astreinte',

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour ne devait pas confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action des consorts [H] prescrite et juger qu'il y a lieu d'ordonner la réalisation de travaux à la charge des concluants, dire et juger que ce ne pourrait être que ceux préconisés en option1 par l'expert judiciaire M [L],

Rejeter toute demande de prononcé d'astreinte,

En tout état de cause,

Condamner Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] à payer aux concluants la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile de première instance et 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamner Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître [Z] [V] qui y a pourvu.

Débouter les consorts [H] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, en ce compris les frais d'expertise et d'huissier.

MOTIVATION :

Sur la prescription

A hauteur d'appel, les consorts [H] fondent leur demande d'infirmation du jugement sur les dispositions de l'article L 152-1 du code de l'environnement aux termes duquel Les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par dix ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage.

Ils ajoutent que les intimés disposent d'un système d'assainissement non collectif soumis aux dispositions de l'article L 1331-1-1 du code de la santé publique et de l'arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5, notamment à ses articles 2 et 3. Ces installations ne doivent pas porter atteinte à la salubrité publique, à la qualité du milieu récepteur, ni à la sécurité des personnes. Elles ne doivent pas présenter de risque pour la santé publique.

En outre , elles ne doivent pas favoriser le développement de gîtes à moustiques susceptibles de transmettre des maladies vectorielles, ni engendrer de nuisance olfactive. Elles doivent être conçues de façon à assurer la sécurité des personnes et éviter tout contact accidentel avec les eaux usées. Elles doivent être conçues, réalisées, réhabilitées et entretenues conformément aux principes généraux et prescriptions techniques de l'arrêté du 7 septembre 2009.

En l'espèce , les consorts [H] s'appuient sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire de M [L] qui a constaté :

-de l'humidité au pied du muret dans la propriété [H]

-la présence de traces de contamination fécale récente

-la filière de traitement n'est pas conforme à la réglementation, notamment en termes de dimensionnement et d'existence de dispositifs de contrôle ; l'expert indiquant en page 13 de son rapport que le dispositif existant est sous-dimensionné au regard du DTU 64-1 relatif aux dispositifs d'assainissement non collectif pour les maisons individuelles jusqu'à 20 pièces principales.

Ils soulignent que l'expert conclut que la présence d'humidité et de traces de contamination fécale est liée à la mise en charge ponctuelle de la filière de traitement [X] sous-dimensionnée au regard de la réglementation. Cette mise en charge a conduit à une saturation de la zone d'épandage, puis à une infiltration en limite particulièrement perméable de la propriété [X] vers la propriété [H] en contrebas. L'expert préconise la réhabilitation du système d'assainissement des époux [H].

Les appelants ajoutent que leur action est non seulement destinée à faire cesser un trouble anormal de voisinage , mais également à faire cesser un dommage à l'environnement résultant de la non conformité de l'installation d'assainissement individuel des époux [X] aux dispositions de l'article L 1331-1-1 du code de la santé publique qui met à la charge des particuliers une obligation de mettre leur système d'assainissement non collectif en conformité afin d'éviter les dommages causés à l'environnement.

Ils ajoutent que l'article L 152-1 du code de l'environnement ne distinguant pas la nature des obligations financières qui bénéficient de la prescription décennale, il y a lieu de décider que celui-ci doit recevoir application.

A titre subsidiaire , ils font valoir que l'application de l'article 2224 du code civil ne peut priver les demandeurs de leurs droits fondamentaux que sont le droit de propriété et le droit de vivre dans un environnement équilibré , respectueux de la santé et que l'application de la prescription quinquennale serait de ce point de vue disproportionnée.

Mais l'article L 152-1 du code de l'environnement s'applique à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par ce même code. Il est inapplicable aux installations d'assainissement non collectif soumises aux dispositions du code de la santé publique.

Par ailleurs, l'action des consorts [H] est fondée à titre principal sur le trouble anormal du voisinage et, subsidiairement sur la responsabilité délictuelle pour faute ou du fait des choses qu'on a sous sa garde.

Quel que soit le fondement de l'action, il s'agit d'une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

En application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est admis que nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage. Ainsi, si l'article 544 du code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire, leur usage ne peut cependant s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage, l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.

S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, aujourd'hui 1240, lui sont inapplicables.

En matière de trouble anormal de voisinage, la jurisprudence considère que le point de départ de la prescription correspond au jour de la première manifestation du trouble, c'est-à-dire la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit, ou de son aggravation.

La date de la révélation du dommage est une question de fait qui relève de l'appréciation des juges du fond, mais aussi du juge de la mise en état en application de l'article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond.

La récurrence du trouble, n'a pas pour effet de reporter le point de départ de la prescription ou de faire partir un nouveau délai, contrairement à son aggravation.

En l'espèce, les époux [X] soutiennent que les demandeurs se plaignent depuis le 31 juillet 2010 de troubles anormaux du voisinage en raison de l'arrivée d'eaux en provenance de leur fonds. Un sinistre a également été déclaré auprès de la compagnie MAIF le 25 août 2010. Il ressort d'une lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2010 , de Mme [H] , valant mise en demeure, qu'à cette date le trouble était manifeste et connu des consorts [H], ce courrier faisant état du constat, par le fils de Mme [H], d'écoulements et d'émanations d'odeurs nauséabondes en provenance du Fonds [X], auxquelles il n'avait été apporté aucun remède, d'où la menace d'engager une action en justice.

Le rapport dé'nitif d'expertise contradictoire du 31 mai 2011 établi par le Cabinet Zenone mandaté par la compagnie MAIF indique une date de sinistre 'xée au 25 août 2010 et retient un écoulement d'eau vraisemblablement consécutif à une fuite au niveau de la fosse septique de M. [X] et ayant pour conséquence1'apparition d'une 'aque malodorante sur le terrain de M. [H].

Or, les appelants ont assigné les époux [X] en référé expertise par acte d'huissier du 10 février 2016, de sorte que le délai légal 'xé par l'article 2224 du code civil était expiré à cette date.

La révélation ou la confirmation de la cause du trouble anormal de voisinage, en l'espèce le diagnostic expertal rattachant les écoulements et odeurs nauséabondes à la fosse septique installée sur le fonds [X], ne saurait non plus avoir pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription, le dommage s'étant manifesté dès 2010.

Bien que l' expertise judiciaire retient que des nouveaux désordres seraient apparus en 2016, il n'en demeure pas moins que la cause demeure identique à celle constatée en 2010 et qu'en l'absence de travaux réalisés sur la fosse septique litigieuse entre 2010 et 2016, il n'est pas possible de considérer qu'un nouveau délai de prescription aurait couru à compter de 2016, ni que le trouble se serait aggravé , ce qui ne ressort pas du rapport d'expertise judiciaire, l'expert retenant un trouble ponctuel récurrent.

Ainsi, la prescription quinquennale a commencé à courir à la date du 25 septembre 2010, jour auquel les demandeurs avaient sans conteste connaissance du dommage leur permettant d'exercer l'action en cessation et réparation d'un trouble anormal de voisinage en provenance du fonds voisin. L'assignation délivrée le l0 février 2016 en référé expertise n'a pas interrompu ce délai puisque la prescription était déjà acquise lors de l'introduction de l'instance , et n'a pas fait partir un nouveau délai.

L'action de Madame [M] [H] et de Monsieur [T] [H] est en conséquence prescrite sur 1'ensemble des fondements invoqués soumis aux mêmes règles de prescription. Il convient d'ajouter que la prescription quinquennale ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, puisqu'elle fait partir la prescription du jour où le titulaire du droit lésé a connaissance des faits lui permettant d'exercer l' action en réparation ou cessation du trouble anormal de voisinage ou l'action en responsabilité délictuelle, ce point de départ étant la première manifestation du trouble ou du dommage. Ce délai est en effet suffisant puisqu'au cas d'espèce, dès le 25 septembre 2010, les consorts [H] avaient mis en demeure les époux [X] de faire cesser le trouble et pouvait agir jusqu'au 25 septembre 2015.

Le jugement est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Parties perdantes, les consorts [H] seront condamnés aux dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître [Z] [V] qui y a pourvu.

Il apparaît inéquitable, eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties de laisser à la charge des époux [X] les frais occasionnés par la procédure d'appel et non compris dans les dépens .

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement,

Y ajoutant

Déboute les consorts [H] de leur demande tendant à voir retenir la prescription décennale de l'article L 152-1 du code de l' environnement,

Condamne Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] aux dépens d'appel distraits au profit de Maître [Z] [V] qui y a pourvu.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [M] [H] et Monsieur [T] [H] à payer à Monsieur [U] [X] et Madame [J] [K] épouse [X] une somme de 3000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/03582
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.03582 ?
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