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04/07/2024 | FRANCE | N°21/02845

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 04 juillet 2024, 21/02845


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

ph

N° 2024/ 248









Rôle N° RG 21/02845 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHACO







[S] [X]

[I] [A] épouse [X]





C/



[H] [P]

SCI [Adresse 15]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN



SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON<

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 12 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02086.





APPELANTS



Monsieur [S] [X]

demeurant [Adresse 8]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

ph

N° 2024/ 248

Rôle N° RG 21/02845 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHACO

[S] [X]

[I] [A] épouse [X]

C/

[H] [P]

SCI [Adresse 15]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 12 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02086.

APPELANTS

Monsieur [S] [X]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric MANAIGO de la SELASU CABINET D'AVOCAT MANAIGO, avocat au barreau de NICE

Madame [I] [A] épouse [X]

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Eric MANAIGO de la SELASU CABINET D'AVOCAT MANAIGO, avocat au barreau de NICE

INTIMES

SCI [Adresse 15] sis [Adresse 14], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Cathy LELLOUCHE HANOUNE de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de NICE, plaidant

Maître [H] [P], mandataire judiciaires, demeurant en ses bureaux [Adresse 1], agissant en sa qualité d'administrateur provisoire de la SCI [Adresse 15]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cathy LELLOUCHE HANOUNE de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 16 février 2001, la ville de [Localité 13] a vendu à la SCI [Adresse 15], les parcelles cadastrée section B numéros [Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 4], [Cadastre 3], [Cadastre 2] et [Cadastre 7], d'une superficie totale de 18831 m², avec la mention que ces parcelles appartiennent à la ville de [Localité 13] pour lui avoir été restituées aux termes d'un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 21 avril 1995 publié au quatrième bureau des hypothèques de [Localité 13] le 27 septembre 1999, confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 25 mars 1999 également publié le même jour.

Dans le jugement du 21 avril 1995, le tribunal statuant à la demande de la commune de [Localité 13] sur la question du défaut de règlement du prix de 280 000 francs en exécution d'un acte de rétrocession amiable portant sur les parcelles n° [Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 4], [Cadastre 3], [Cadastre 2] et [Cadastre 7], signé le 14 février 1992 entre la ville de [Localité 13] d'une part et Mme [L] [U] veuve [X] et M. [S] [X] d'autre part, a constaté l'irrecevabilité de la demande de la ville de [Localité 13] à l'encontre de Me [M] en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [S] [X] et a constaté la déchéance du droit de rétrocession de Mme [L] [U] veuve [X] en condamnant celle-ci à rétrocéder à la ville de [Localité 13], lesdites parcelles.

Par arrêt du 25 mars 1999, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a partiellement infirmé le jugement du 21 avril 1995 en ce qu'il a mis hors de cause M. [S] [X] et a déclaré celui-ci déchu du droit à rétrocession des parcelles dont la déchéance a été constatée comme acquise à la date du 14 mars 1992.

La SCI [Adresse 15], qui a été immatriculée le 19 novembre 1996, a été constituée par M. [N] [X] et Mme [E] [X] selon statuts mis à jour le 6 novembre 2000, et par ordonnance de référé du 30 avril 2015, Me [H] [P] a été désignée administrateur provisoire de la SCI [Adresse 15], en raison de la mésentente des associés.

Prétendant avoir toujours occupé la maison édifiée sur la parcelle cadastrée n° [Cadastre 7] située [Adresse 8] à [Localité 10] et les parcelles n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 2] sur lesquelles se trouvent des bâtiments industriels et n'avoir appris l'existence de cette acquisition par la SCI [Adresse 15] que très récemment, M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] ont, par exploit d'huissier du 7 avril 2017, fait assigner la SCI [Adresse 15] représentée par Me [H] [P] administrateur judiciaire, devant le tribunal de grande instance de Nice, aux fins de voir dire qu'ils sont propriétaires de ces immeubles au visa de l'article 2272 du code civil par prescription acquisitive et au visa de l'article 545 du code civil faute d'accomplissement de l'expropriation dans les cinq ans prévus par l'arrêté préfectoral de déclaration d'utilité publique du 13 avril 1971.

Par jugement du 25 février 2019, le tribunal de grande instance de Nice a ordonné la réouverture des débats en enjoignant à la SCI [Adresse 15] de produire les deux décisions judiciaires et des avis complets des taxes foncières correspondant aux parcelles litigieuses.

Par jugement contradictoire du 12 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice a :

- débouté M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] de toutes leurs demandes,

- débouté la SCI [Adresse 15] représentée par Me [H] [P] ès-qualités d'administrateur provisoire, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- condamné in solidum M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] à verser à la SCI [Adresse 15], la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] aux dépens distraits au profit de de la SCP Gastaud Lellouche Hanoune Monnot.

Le tribunal a retenu :

- qu'au vu des procédures judiciaires d'expropriation et de rétrocession de parcelles, M. [S] [X] ne peut soutenir valablement aujourd'hui que l'ordonnance du 20 avril 1971 est non avenue faute d'avoir été exécutée dans un délai de cinq ans alors qu'en 1992, il a accepté que des parcelles faisant l'objet de ladite expropriation lui soit rétrocédées moyennant la somme de 280 000 francs, qu'il ne peut donc se revendiquer propriétaire desdites parcelles sur le fondement d'un titre de propriété de 1965 dès lors que l'ordonnance d'expropriation a pour effet d'éteindre tous les droits réels ou personnels exercés sur l'immeuble cédé, qu'il ne pouvait ignorer l'existence de ces procédures, qu'il ne peut donc se revendiquer comme ayant exercé sur lesdites parcelles possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque à titre de propriétaire pendant trente ans avant la date d'acquisition du bien par la SCI [Adresse 15] en 2001 doit depuis 1971,

- que si Mme et M. [X] ont contracté un contrat de mariage en 1959 et se sont mariés sous le régime de la séparation de biens, il est difficile d'imaginer que Mme [X] n'ait pas eu connaissance des procédures judiciaires à commencer par l'ordonnance d'expropriation et ses suites judiciaires, qui avaient pour conséquence de lui faire quitter son lieu d'habitation et l'acte de rétrocession amiable de 1992 ayant pour objet d'acquérir à nouveau la parcelle où elle déclare habiter.

Par déclaration du 24 février 2021, M. [S] [X] et Mme [I] [A] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 19 novembre 2021, M. [S] [X] et Mme [I] [A] demandent à la cour de :

Vu l'article 2258 du code civil,

Vu l'article 2272 du code civil,

Vu l'article 2261 du code civil,

Vu l'article 545 du code civil,

Vu les faits exposés et les pièces versées aux débats,

- réformer le jugement du 12 février 2021 entrepris et ce faisant,

- constater que Mme [I] [A] n'est pas partie à la procédure d'expropriation de 1971, ni à la procédure en déchéance du droit à rétrocession de M. [S] [X],

- juger en conséquence que la procédure d'expropriation et ses suites ne sont pas opposables à Mme [I] [A],

- constater que l'expropriation de M. [S] [X] n'a pas été accomplie dans le délai de cinq ans à compter de l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 13 avril 1971,

- juger au regard des pièces versées aux débats que, d'une part Mme [I] [A], et d'autre part M. [S] [X], justifient chacun pour ce qui les concerne, d'une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaires depuis 1965 sur les biens immobiliers sis [Adresse 8] à [Localité 10],

- juger que d'une part Mme [I] [A], et, d'autre part M. [S] [X], justifient chacun pour ce qui les concerne, de leur propriété de la maison sise [Adresse 8] à [Localité 10] édifiée sur la parcelle n° [Cadastre 7] et des bâtiments industriels sis [Adresse 8] à [Localité 10] édifiés sur les parcelles cadastrées n°°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 2],

- Par titre depuis le 23 octobre 1965, faute de mise en 'uvre de la procédure d'expropriation par la ville de [Localité 13] dans le délai légal de cinq ans,

- En tout état de cause, par acquisition de la prescription trentenaire de l'article 2272 du code civil au regard des preuves fournies d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire des biens immeubles objet du litige soit pendant plus de trente ans écoulés antérieurement à l'acte d'acquisition desdits biens en 2001 par la SCI [Adresse 15] à la ville de [Localité 13],

- juger en conséquence d'une part Mme [I] [A] et d'autre part M. [S] [X], propriétaires de la maison sise [Adresse 8] à [Localité 10] édifiée sur la parcelle n° [Cadastre 7] par acquisition de la prescription trentenaire de l'article 2272 du code civil,

- juger en conséquence d'une part Mme [I] [A] et d'autre part M. [S] [X], propriétaires des parcelles n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 2] et des bâtiments industriels qui y sont édifiés sis [Adresse 8] à [Localité 10] par acquisition de la prescription trentenaire de l'article 2272 du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nice et seulement en ce qu'il a débouté la société civile [Adresse 15] représentée par Me [H] [P], es-qualités d'administrateur provisoire, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En conséquence,

- rejeter toutes demandes notamment de leur condamnation solidaire au versement de dommages et intérêts au profit de la SCI [Adresse 15],

- condamner la SCl [Adresse 15] à verser la somme de 6 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

M. [S] [X] et Mme [I] [A] font valoir en substance :

- qu'ils ont continué d'habiter et d'exploiter les parcelles dont ils sont demeurés en possession, nonobstant l'ordonnance d'expropriation du 20 avril 1971, non mise en 'uvre par la ville de [Localité 13],

- qu'ils ont régulièrement payé les taxes depuis 1970 en ce qui concerne la maison et continué leur activité industrielle,

- qu'ils justifient d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaires pendant trente ans depuis 1965, l'expropriation ordonnée en 1971 n'ayant jamais été mise en 'uvre,

- que M. [S] [X] n'est pas intervenu personnellement à la procédure qui a donné lieu au jugement du 21 avril 1995 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 25 mars 1999, mais était représenté par Me [J] [M], mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [S] [X] prononcée par jugement du tribunal de commerce de Nice du 24 mars 1992 et que son épouse Mme [I] [A] n'a pas été mise en cause dans le cadre de cette procédure,

- que Mme [I] [A] épouse [X] démontre des actes matériels d'occupation en tant que propriétaire, tout au long de sa vie, depuis 1965 et que c'est à tort que le premier juge l'a déboutée de sa demande en jugeant qu'il est difficile d'imaginer qu'elle n'ait pas eu connaissance des procédures judiciaires de son mari,

- qu'il importe peu que M. [S] [X] ait été déchu de son droit de rétrocession puisque l'expropriation n'a jamais eu lieu et qu'ils ont continué à exploiter et résider sur les lieux,

- que la procédure d'expropriation étant caduque, M. [S] [X] qui est demeuré sur place pendant plus de trente ans et dont les actes de possession révèlent son intention non équivoque de se comporter comme propriétaire, est parfaitement fondé à demander l'acquisition par application de l'écoulement du temps de la prescription trentenaire,

- que les conditions légales de l'usucapion sont réunies pour la maison,

- M. [S] [X] ne s'est pas maintenu par la force dans la maison, dont il n'a pas été expulsé suite à l'ordonnance d'expropriation de 1971, tandis que Mme [A] n'était pas concernée par l'ordonnance d'expropriation,

- de nombreux témoignages attestent de cette possession,

- la possession est sans équivoque,

- la possession est à titre de propriétaire par M. [S] [X] depuis sa naissance et par Mme [A] depuis son mariage il y a près de soixante ans,

- que les conditions légales de l'usucapion sont réunies pour les parcelles sur lesquelles sont édifiés les bâtiments industriels,

- ces bâtiments ont été exploités par M. [S] [X] à titre de propriétaire en nom propre il y a plus de trente ans, puis sous l'enseigne SAR (service azuréen de récupération) à compter de 1980 et à la retraite de M. [S] [X], Mme [A] a continué l'exploitation dans le cadre de la SAR, cette société ayant donné le bâtiment en location-gérance à une société Azurpral, dont Mme [A] est gérante,

- ils n'ont jamais été inquiétés à raison de l'occupation desdits terrains,

- M. [S] [X] a été autorisé à exploiter ces biens par diverses administrations,

- M. [S] [X] y exploite une usine d'équarrissage sur ces parcelles, activité publique enregistrée au répertoire des métiers,

- la possession est non équivoque, la ville de [Localité 13] confirmant par ses propres productions documentaires, que les terrains appartiennent aux époux [X] dans le cadre d'un acte de servitude de captage et de passage d'une canalisation enterrée sur le vallon du Roguez,

- la possession est à titre de propriétaire avec le règlement de la taxe professionnelle,

- que la vente du 16 février 2001 est sans effet sur la prescription acquisitive,

- la SCI ne saurait opposer une ordonnance d'expropriation rendue en 1971, mais jamais mise en 'uvre, alors qu'elle devait l'être dans les cinq ans, plus de quarante ans après, à des personnes qui n'ont jamais été expropriées,

- l'arrêt du 25 mars 1999 n'a pas été suivi d'effet, puisque M. [S] [X] n'a pas été expulsé,

Sur l'appel incident,

- que la demande de dommages et intérêts est irrecevable et injustifiée.

Dans ses conclusions d'intimée déposées et notifiées par le RPVA le 20 août 2021, la SCI [Adresse 15] représentée par Me [H] [P] en qualité d'administrateur provisoire demande à la cour de :

Vu les articles 2258 à 2277 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces communiquées,

Vu le jugement du 25 février 2019,

Vu le jugement du 21 avril 1995 et l'arrêt de la cour d'appel du 25 mars 1999,

- confirmer le jugement du 12 février 2021 en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de M. et Mme [X] et en ce qu'il les a condamnés au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens et en conséquence,

- débouter M. [S] [X] et Mme [I] [X] de leur demande fondée sur la prescription acquisitive trentenaire portant sur la propriété de la parcelle n° [Cadastre 7] sise [Adresse 8] à [Localité 10],

- constater que la SCI [Adresse 15] est propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 7] sise [Adresse 8] à [Localité 10] en vertu de l'acte de vente du 16 février 2001,

- débouter M. [S] [X] et Mme [I] [X] de leur demande fondée sur la prescription acquisitive trentenaire portant sur la propriété des parcelles n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] sises [Adresse 8] à [Localité 10],

- constater que la SCI [Adresse 15] est propriétaire des parcelles n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] sises [Adresse 8] à [Localité 10], en vertu de l'acte de vente du 16 février 2001,

- réformer le jugement du 12 février 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI [Adresse 15] pour procédure abusive et en conséquence,

- condamner solidairement M. [S] [X] et Mme [I] [X] au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner les demandeurs au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Badie Simon Thibaud Juston, sous sa due affirmation.

La SCI [Adresse 15] réplique :

- que les allégations sur l'absence de mise en 'uvre de la procédure d'expropriation sont fallacieuses, l'arrêté du 13 avril 1971 ayant déclaré d'utilité publique le projet de création d'un nouveau cimetière devant être situé sur la commune d'[Localité 9], de [Localité 10] et de [Localité 12] et un crématorium ayant bien été construit, sis [Adresse 11] à [Localité 12],

- la ville de [Localité 13] a respecté la déclaration d'utilité publique et n'a cédé à la SCI [Adresse 15] que les parcelles expropriées non utilisées pour la construction du crématorium,

- M. [S] [X] a contesté le jugement fixant l'indemnité d'expropriation jusqu'en cassation et la Cour de cassation, après avoir cassé l'arrêt d'appel, a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes, qui a fixé un nouveau montant de l'expropriation, par arrêt du 17 mai 1983 à 261 934 francs,

- la somme a bien été versée ainsi qu'en atteste le commissaire enquêteur,

- que le prétendu acte de rétrocession ne pourra pas être pris en compte et ne pourra fonder une prétendue prescription acquisitive,

- la cour d'appel a précisé que la déchéance du droit à rétrocession est rétroactive et qu'elle a été acquise à la date du 14 février 1992 et qu'en conséquence les biens immobiliers litigieux ne sont jamais sortis du patrimoine de l'expropriant, la ville de [Localité 13], peu important que M. [S] [X] ait été placé en liquidation judiciaire en mars 1992 et que la ville de [Localité 13] n'ait pas déclaré sa créance au titre du prix de rétrocession,

- la cour a donc confirmé la déchéance du droit à rétrocession de M. [S] [X] tant en sa qualité d'unique héritier de Mme [U] veuve [X] qu'à titre personnel,

- que les biens immobiliers n'ont jamais appartenu à Mme [A], mais à son mari et à la famille de ce dernier et c'est donc logique qu'elle n'ait pas été partie à ces instances judiciaires,

- que la condition de la possession continue et non interrompue n'est ni invoquée ni explicitée par les demandeurs,

- l'ordonnance d'expropriation du 20 avril 1971 a été confirmée par le jugement du 21 avril 1995 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 21 avril 1995,

- le procès-verbal de constat d'huissier de 1979 énonce que la maison d'habitation et le bâtiment à usage d'atelier se trouvent dépourvus de tout confort et sont pratiquement à l'état de ruine et d'abandon,

- la vente du 16 février 2001 a été réalisée en toute connaissance de cause des demandeurs à la présente procédure compte tenu des liens familiaux des parties en cause et des relations contractuelles de la société SAR dont M. et Mme [X] [S] étaient associés,

- la seule production d'un courrier répondant à l'envoi d'un hypothétique projet ne peut constituer une preuve probante dans le cadre d'une procédure en usucapion,

- que la possession n'a pas été paisible,

- les appelants se sont maintenus dans la maison d'habitation malgré une ordonnance d'expropriation prise à leur encontre,

- par ordonnance du 9 février 2018, le juge des référés a indiqué que les époux [X] ne justifient d'aucun titre d'occupation des parcelles sur lesquelles sont édifiés des bâtiments industriels et que leurs agissements ont pour seule finalité, via notamment la multiplication des obstacles et entraves à la circulation, d'empêcher la société Secanim Sud Est titulaire d'un bail, de bénéficier des conditions d'une exploitation paisible,

- s'il est exact que cette ordonnance n'a pas d'incidence sur la décision à intervenir au fond, elle démontre l'existence de voies de fait commises par les époux [X],

- l'arrêt cité par les époux [X] (Civ. 3ème, 15 février 1968) admet que le possesseur défende légitimement sa possession mais les époux [X] omettent de préciser que ce comportement est admis uniquement en réponse à une autre violence et non pas en revendication de leur bien comme ils le prétendent,

- la Cour de cassation a retenu que malgré la perception des fermages, le paiement des impôts et le fait que la commune se soit adressée à elle pour avoir l'autorisation d'aménager un dépôt d'ordures, ces éléments n'ont pas été considérés comme des actes matériels manifestant l'exercice d'une possession réelle par la demanderesse (Cass 3ème civ. 3 octobre 1990, n° 88-14.069),

- que la possession n'est pas publique,

- sur les dix-huit attestations, dix attestations sont à écarter faute de mentions obligatoires,

- il n'est pas contesté que la maison d'habitation soit occupée par eux compte tenu de leurs relations familiales,

- si de nombreuses pièces sont produites, bon nombre d'entre elles ne sont pas probantes,

- l'immatriculation au répertoire des métiers est obligatoire pour l'exercice d'une activité artisanale de production, de transformation ou de prestation de service et il n'a jamais été contesté que M. [X] a exercé son activité au sein des bâtiments industriels édifiés sur les parcelles litigieuses,

- que la possession n'est pas non équivoque,

- selon l'article 2262 du code civil, « Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription »,

- la production de quittances d'assurance n'est nullement de nature à démontrer la possession à titre de propriétaire, ni le règlement des taxes d'habitation, le paiement d'un impôt se révélant être un acte juridique insuffisant pour caractériser la possession,

- les travaux réalisés dans la maison d'habitation ont été financés par la SCI [Adresse 15],

- les factures produites sont peu nombreuses et elles concernent de faibles montants,

- la possession à titre de propriétaire ne peut plus être défendue puisqu'en concluant un contrat de bail commercial avec la SCI [Adresse 15] en sa qualité de bailleur, les époux [X] qui étaient auparavant actionnaires de la société preneuse ne peuvent invoquer leur ignorance concernant la propriété des parcelles litigieuses par la SCI [Adresse 15] détenue par leurs propres enfants,

- que la possession n'est pas à titre de propriétaire,

- les époux [X] sont de mauvaise foi,

- la taxe professionnelle est payée par l'exploitant qu'il soit propriétaire ou pas,

Sur sa demande de dommages et intérêts,

- que la production des décisions judiciaires justifie la condamnation des époux [X] à de lourds dommages et intérêts, ceux-ci connaissant pertinemment l'inanité de leurs moyens,

- que la chronologie de la procédure judiciaire qui a opposé M. [S] [X] à la commune de [Localité 13], ainsi que la volonté de dissimulation des décisions judiciaires démontrent l'abus,

- que le préjudice est justifié par les efforts importants et le temps passé pour reconstituer la chronologie des faits, étant rappelé que Me [P] en qualité d'administrateur provisoire n'avait pas connaissance des précédents judiciaires,

- que l'impossibilité en l'état de cette procédure de céder ou de louer de façon plus pérenne les biens immobiliers est constitutive d'un préjudice conséquent.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2024.

L'arrêt sera contradictoire, puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile énonce que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions des appelants comporte des demandes de « constater » et « juger », qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur l'usucapion

Les époux [X] invoquent pour chacun d'eux l'acquisition par prescription trentenaire de la propriété des parcelles suivantes : n° [Cadastre 7] située [Adresse 8] à [Localité 10] sur laquelle est édifiée une maison, et les parcelles n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 2] sur lesquelles se trouvent des bâtiments industriels, en arguant que l'ordonnance d'expropriation rendue en 1971 n'a jamais été mise en 'uvre, que l'arrêt du 25 mars 1999 n'a pas été suivi d'effet et que cette prescription était acquise avant la vente par la ville de [Localité 13] à la SCI [Adresse 15] le 16 février 2001.

Aux termes de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

L'article 2261 du même code énonce que pour prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, pendant la durée de trente ans pour la propriété immobilière, selon l'article 2272.

L'article 2262 du même code précise que les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance, ne peuvent fonder ni possession, ni prescription.

Il ressort du simple exposé des faits, tel que relaté ci-dessus, que l'ordonnance d'expropriation du 20 avril 1971 au profit de la commune de [Localité 13], a bien été mise en 'uvre, même s'il n'est produit aucune pièce concernant la procédure de ladite expropriation, pourtant à la connaissance de M. [S] [X], et qu'il a totalement éludée dans sa présentation des faits.

A cet égard, il est souligné qu'il est justifié par la production de la pièce n° 21 de l'intimée, que la procédure d'expropriation a donné lieu à un arrêté de déconsignation et de paiement de la commune de [Localité 13] rappelant les éléments d'information suivants :

- jugement d'expropriation du 2 novembre 1972 fixant à 222 000 francs le montant de l'indemnité due aux consorts [X] (Mme [L] [U] veuve [X], Mme [Y] [X] épouse [G], Mme [V] [X] épouse [O], M. [S] [X]) au titre des droits réels et 55 600 francs au titre du préjudice commercial,

- arrêt infirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 avril 1974 fixant à 209 500 francs le montant de l'indemnité due aux consorts [X] au titre des droits réels et 71 000 francs au titre du préjudice commercial,

- sur pourvoi de M. [S] [X], arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 1975 de cassation partielle,

- arrêt de la cour d'appel de Nîmes statuant sur renvoi de cassation du 17 mai 1983, après mesure d'expertise ordonnée avant dire droit, fixant à 261 934 francs le montant de l'indemnité globale due à M. [S] [X].

En outre, un acte de rétrocession amiable a été signé le 14 février 1992 entre la commune de [Localité 13] d'une part, et M. [S] [X] et sa mère Mme [L] [U] veuve [X] d'autre part, moyennant le prix de 280 000 francs, ce qui signifie nécessairement que le transfert de la propriété des parcelles litigieuses, à la commune de [Localité 13], a été opéré.

Cet acte de rétrocession amiable n'a pas reçu son plein effet, puisque sa déchéance a été poursuivie par la commune de [Localité 13] et obtenue par jugement du tribunal de grande instance de Nice du 21 avril 1995 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 25 mars 1999.

Il en ressort que M. [S] [X] ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive depuis le 23 octobre 1965 date de son titre de propriété, compte tenu de l'ordonnance d'expropriation du 20 avril 1971, dont il avait pleinement conscience des conséquences sur son droit de propriété, puisqu'il a contesté jusqu'à la décision définitive rendue par la cour d'appel de Nîmes du 17 mai 1983, l'indemnité en contrepartie de l'expropriation. Par la suite, il a obtenu avec sa mère, une rétrocession amiable en contrepartie du règlement d'un prix, jamais intervenu et qui a été contesté en justice jusqu'en dernier lieu, la décision du 25 mars 1999.

Ainsi, c'est vainement qu'il est prétendu que l'expropriation n'a jamais été exécutée, le maintien dans les lieux s'expliquant seulement, d'abord par le caractère non définitif de l'expropriation jusqu'au 17 mai 1983, puis par la contestation quant à l'exécution de l'acte de rétrocession amiable du 14 février 1992.

S'agissant de Mme [I] [A] son épouse, il n'est pas établi qu'elle a occupé le bien en tant que propriétaire, mais seulement en tant qu'épouse de M. [S] [X] propriétaire depuis l'acte du 23 octobre 1965, propriété à laquelle il a été mis fin par la procédure d'expropriation initiée par l'ordonnance du 20 avril 1971.

En conséquence, le jugement du tribunal judiciaire de Nice sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] de toutes leurs demandes.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, il est démontré que M. [S] [X] et son épouse, ont fait une présentation tronquée des faits en éludant totalement toute la procédure d'expropriation à laquelle M. [S] [X] a activement participé, ce qui caractérise leur mauvaise foi.

La SCI [Adresse 15] allègue des efforts importants et du temps passé pour reconstituer la chronologie des faits.

Au regard de la pluralité de décisions rendues concernant l'expropriation d'une part, l'acte de rétrocession amiable d'autre part, il y a lieu de conclure que la SCI [Adresse 15] établit l'existence d'un préjudice et son lien de causalité avec la présentation tronquée et de mauvaise foi, des faits, par M. [S] [X] et son épouse et de fixer ce préjudice à hauteur de 5 000 euros.

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas, la jurisprudence admettant la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.

En l'espèce, M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] ont bien causé un dommage unique, ce qui justifie leur condamnation in solidum.

M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] seront donc condamnés in solidum à verser à la SCI [Adresse 15], la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens, ainsi que sur les frais irrépétibles.

M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de la SCI [Adresse 15] qui la réclame, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la SCI [Adresse 15].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement appelé sauf en ce qu'il a débouté la SCI [Adresse 15] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] in solidum, à verser à la SCI [Adresse 15], représentée par Me [H] [P] en qualité d'administrateur provisoire, la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP Badie Simon Thibaud Juston ;

Condamne M. [S] [X] et Mme [I] [A] épouse [X] à verser à la SCI [Adresse 15], représentée par Me [H] [P] en qualité d'administrateur provisoire, la somme de 6 000 euros (six mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/02845
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.02845 ?
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