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04/07/2024 | FRANCE | N°21/00992

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 04 juillet 2024, 21/00992


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

ac

N° 2024/ 245









Rôle N° RG 21/00992 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2IG







[M] [I]

[V] [I]





C/



[N] [H]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Johanna CANO



SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON









Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 26 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/06068.





APPELANTS



Monsieur [M] [I]

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me Johanna CANO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Thoma...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2024

ac

N° 2024/ 245

Rôle N° RG 21/00992 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2IG

[M] [I]

[V] [I]

C/

[N] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Johanna CANO

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 26 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/06068.

APPELANTS

Monsieur [M] [I]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Johanna CANO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Thomas TRIBOT de la SCP SCP MOTEMPS & TRIBOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [V] [I]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Johanna CANO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Thomas TRIBOT de la SCP SCP MOTEMPS & TRIBOT, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [N] [H]

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me François SUSINI de la SCP AMIEL - SUSINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

[M] [I] et [V] [R] épouse [I] sont propriétaires de lots à usage d'habitation dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 1], cadastré section O-[Cadastre 3] à [Localité 6]. Une des pièces, à usage de chambre, possède deux fenêtres donnant sur une cour voisine et un lavoir situés [Adresse 2] et appartenant à [N] [H].

Selon le permis de construire délivré le 5 octobre 2011, M.[H] a fait procéder à la construction d'un appartement situé au-dessus du lavoir et en face desdites fenêtres. Cette décision a été annulée le 1er juin 2015 par la cour administrative d'appel de Marseille pour défaut de déclaration des travaux réalisés sans autorisation régulière par les anciens propriétaires de l'immeuble.

Par acte du 30 mai 2017 les époux [I] l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de prononcer la démolition des constructions et la remise en état des lieux sous astreinte.

Par décision du 26 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Marseille a statué en ces termes :

Déboute Monsieur et Madame [I] de leur demande de démolition, de remise en état des lieux et de dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [N] [H],

Condamne Monsieur [M] [I] et Madame [V] [I] à payer à Monsieur [N] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

Condamne Monsieur [M] [I] et Madame [V] [I] aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire,

Dit que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du Code de procédure civil au profit des avocats qui en ont fait la demande

Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu :

-que les époux [I] ne mentionnent pas la règle d'urbanisme méconnue au sens de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, que leur demande se fonde sur la violation d'une servitude de vue dont ils bénéficieraient, qu'aucun préjudice en relation directe avec une infraction à une règle d'urbanisme n'est rapportée,

-que sur la demande au titre du trouble anormal du voisinage, ils ne produisent aucun acte justifiant d'une servitude conventionnelle de vue ni de la construction des deux fenêtres.

Par acte du 21 janvier 2021, [M] [I] et [V] [I] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, [M] [I] et [V] [I] demandent à la cour de:

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Marseille en date du 26 novembre 2020 en ce qu'il a :

-DEBOUTE les consorts [I] de leur demande de démolition, de remise en état des lieux et de dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [N] [H]

-CONDAMNE les consorts [I] à payer à Monsieur [N] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

-ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision

-CONDAMNE Monsieur [M] [I] et Madame [V] [I] aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure

-DIT que les dépens seront distraits conformément à l'article 699 du Code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL :

-ORDONNER la démolition des constructions d'aménagement de toutes sortes et irrégulièrement effectuées par Monsieur [N] [H] sur son bien, sis [Adresse 2] à [Localité 7] au visa de l'article L480-13 du Code de l'urbanisme

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- ORDONNER la démolition des constructions d'aménagement de toutes sortes et irrégulièrement effectuées par Monsieur [N] [H] sur son bien, sis [Adresse 2] à [Localité 7] au visa des articles 544 et 651 du Code civil.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER Monsieur [N] [H] à payer aux consorts [I], en réparations des préjudices subis, la somme de :

72.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

60.000 euros au titre du préjudice économique (perte de valeur du bien) ;

10.000 euros au titre du préjudice moral et d'anxiété.

-CONDAMNER, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Monsieur [N] [H] à payer aux consorts [I] la somme de 6.000 € au titre des honoraires de la procédure d'appel et 4.000 € au titre des honoraires de la procédure de première instance

- Le CONDAMNER aux entiers dépens.

[M] [I] et [V] [I] font valoir :

-que la condition relative à l'annulation du permis de construire est établie ;

- que l'existence de la violation d'une règle de l'urbanisme édictée par l'article L111-12 du Code de l'urbanisme ne peut être valablement contestée.

- que le 1er juillet 1999, les consorts [F], auteurs de M.[H], ont été destinataires d'une notification d'opposition à une déclaration de travaux de surélévation de toiture et création d'une terrasse accessible,

- que ces travaux ont été réalisés sans autorisation ;

- que conformément aux dispositions de l'article L111-12 du code de l'urbanisme, il appartenait à M.[H] de présenter un permis de construire portant régularisation des travaux réalisés par l'ancien propriétaire en méconnaissance de l'opposition du Maire de la Commune de [Localité 6] à la déclaration préalable intervenue en date du 1er juillet 1998.

- que la construction est située dans une des zones limitativement énumérées par l'article L480-13 du Code de l'urbanisme ;

- que les trois conditions nécessaires pour obtenir la démolition sur le fondement de l'article L480-13 du Code de l'urbanisme sont établies.

- à titre subsidiaire ils se fondent sur le trouble anormal du voisinage pour solliciter la démolition ;

- qu'une action en démolition pour trouble anormal du voisinage ne peut pas se voir opposer l'article L 480-13 du Code de l'urbanisme puisque engagée sur un autre fondement que la violation d'une des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique ;

- que la chambre parentale possède deux fenêtres,

- que jusqu'à la réalisation des travaux par Monsieur [N] [H], ces fenêtres donnaient sur un lavoir.

- que depuis l'accomplissement des travaux, une de ces deux fenêtres donne dans le salon de M.[H] ;

- que depuis 10 ans ils ne peuvent plus jouir de leur chambre, en raison de la perte d'intimité et de la présence d'humidité causée par la perte d'entrée d'air frais

- que la chambre est devenue une pièce noire entraînant une perte de valeur du bien ;

- que cette situation est une cause de stress et de tensions conjugales ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2024 [N] [H] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris

Statuant à nouveau

Débouter [M] [I] et [V] [I] de l'intégralité de leurs demandes

A titre reconventionnel

Les Condamner à la remise en état par l'obturation des ouvertures illégales sur son fonds ;

Les condamner à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'impossibilité d'exploiter les locaux loués

En tout état de cause

Les condamner à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens

[N] [H] réplique:

- que la demande de démolition est imprécise,

- qu'ils ne démontrent pas que le bien de Monsieur [H] se situe dans un site patrimonial et remarquable.

- que la circonstance que l'avis préalable de l'Atelier du [8] soit nécessaire lors du dépôt de la déclaration préalable des travaux de surélévation de la toiture est inopérante ;

- qu'aucun acte de classement délimitant un périmètre pour le site patrimonial remarquable dans lequel serait inscrit le bien litigieux n'est produit ;

- que l'autorisation de réaliser les travaux n'a pas été soumise à l'accord préalable de l'architecte des Bâtiments de France entité différente de l'atelier du [8] dont la consultation n'est imposée par aucun texte ;

- que les appelants ne caractérisent pas un lien de causalité entre la règle d'urbanisme méconnue, et le préjudice allégué par les demandeurs à la démolition.

- que contrairement à ce qu'indiquent les Époux [I], les Consorts [F] avaient obtenu une autorisation de travaux en date du 04 juin 1998.

- que la demande de démolition présentée par les Époux [I] n'a aucun lien avec la cause d'annulation du permis de construire précité qui est intervenue pour une raison de pure forme au titre du défaut de régularisation d'une surélévation de toiture et création de terrasse sur laquelle les Époux [I] n'ont aucune vue ;

- que la création de cette ouverture par les époux [I] est parfaitement irrégulière au sens de l'article 678 du code civil , et se situe sur un mur partie commune,

- qu'ils ne démontrent pas que ces ouvertures existaient dès l'origine du bien immobilier ;

- que le fait que deux pièces se trouvent à proximité et en cohabitation avec des fonds voisins ne constitue pas en lui-même un trouble anormal de voisinage dès lors que les contraintes de voisinage sont normales et découlent de la configuration naturelle des lieux.

- qu'il n'existe aucune preuve de nature à considérer que la perte de valeur vénale estimée arbitrairement serait la conséquence de la réalisation des travaux réalisés par Monsieur [H].

- à titre reconventionnel l'ouverture irrégulière donnant des vues sur la propriété voisine est sanctionnée par leur suppression selon l'article 678 du code civil ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles présentées par M.[H]

L'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Par avis du 13 mai 2024 les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité soulevée d'office de la demande présentée par M.[H] au titre de l'obturation des fenêtres.

Celles-ci ont présentées leurs observations écrites le 24 mai 2024. M.[H] soutient en substance que cette demande n'est pas nouvelle mais la conséquence de l'abandon par les époux [I] de leur demande au titre de la servitude de vue. Les époux [I] soutiennent pour leur part que cette demande doit être qualifiée de nouvelle et donc encourir l'irrecevabilité.

En l'espèce il est constant que M.[H] n'a pas formé en première instance de demande au titre de l'obturation des ouvertures illégales sur son fonds et de l'indemnisation d'une perte d'exploitation. Cette demande nouvelle, régie par les dispositions susvisées, doit donc être déclarée irrecevable.

Sur la demande de démolition

[M] [I] et [V] [R] épouse [I] sollicitent à titre principal la démolition des aménagements effectués sur le bien appartenant à l'intimé et invoquent les dispositions de l'article L 111-12 et L 480-13 du code de l'urbanisme

L'article L480-13 du Code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige dispose lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une des zones suivantes :

a) Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard mentionnés à l'article L. 122-9 et au 2° de l'article L. 122-26, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols ;

b) Les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques mentionnés à l'article L. 146-6, lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols, sauf s'il s'agit d'une construction en bois antérieure au 1er janvier 2010, d'une superficie inférieure à mille mètres carrés, destinée à une exploitation d'agriculture biologique satisfaisant aux exigences ou conditions mentionnées à l'article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime et bénéficiant d'une appellation d'origine protégée définie à l'article L. 641-10 du même code ;

c) La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares mentionnée à l'article L. 122-12 du présent code ;

d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ;

e) Les c'urs des parcs nationaux délimités en application de l'article L. 331-2 du code de l'environnement ;

f) Les réserves naturelles et les périmètres de protection autour de ces réserves institués en application, respectivement, de l'article L. 332-1 et des articles L. 332-16 à L. 332-18 du même code ;

g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 dudit code ;

h) Les sites désignés Natura 2000 en application de l'article L. 414-1 du même code ;

i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L. 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;

j) Les périmètres des servitudes relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement instituées en application de l'article L. 515-8 du code de l'environnement, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ;

k) Les périmètres des servitudes sur des terrains pollués, sur l'emprise des sites de stockage de déchets, sur l'emprise d'anciennes carrières ou dans le voisinage d'un site de stockage géologique de dioxyde de carbone instituées en application de l'article L. 515-12 du même code, lorsque les servitudes instituées dans ces périmètres comportent une limitation ou une suppression du droit d'implanter des constructions ou des ouvrages ;

l) Les sites patrimoniaux remarquables créés en application des articles L. 631-1 et L. 631-2 du code du patrimoine ;

m) Les abords des monuments historiques prévus aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du même code ;

n) Les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme en application des articles L. 151-19 et L. 151-23 du présent code.

L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;

L'article L 631-2 du code du patrimoine indique que « les sites patrimoniaux remarquables sont classés par décision du ministre chargé de la culture, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et enquête publique conduite par l'autorité administrative, sur proposition ou après accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale et, le cas échéant, consultation de la ou des communes concernées. La Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture peuvent proposer le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables. Cette faculté est également ouverte aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale lorsque le projet de classement concerne une zone intégralement ou partiellement située sur leur territoire. A défaut d'accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, le site patrimonial remarquable est classé par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture. L'acte classant le site patrimonial remarquable en délimite le périmètre. »

Enfin l'article L 111-12 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au cas d'espèce qui prévoit que « lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : a) Lorsque la construction est de nature, par sa situation, à exposer ses usagers ou des tiers à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;b) Lorsqu'une action en démolition a été engagée dans les conditions prévues par l'article L. 480-13 ; c) Lorsque la construction est située dans un site classé en application des articles L. 341-2 et suivants du code de l'environnement ou un parc naturel créé en application des articles L. 331-1 et suivants du même code ; d) Lorsque la construction est sur le domaine public ;e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ; f) Dans les zones visées au 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement » .

Il s'infère de ces dispositions qu'il appartient au demandeur à la démolition d'exposer la règle d'urbanisme méconnue, de rapporter la preuve de l'annulation du permis de construire, et de démontrer le lien entre le préjudice personnel et la violation de la règle d'urbanisme.

S'agissant de l'annulation du permis de construire et de la violation de la règle d'urbanisme, il n'est pas contesté que la cour administrative d'appel de Marseille a considéré qu'en l'absence de demande de régularisation des travaux réalisés antérieurement à l'acquisition de bien par l'ancien propriétaire, le permis de construire délivré le 5 octobre 2011 à [N] [H] devait être annulé. Cette décision ne renvoie pas à la circonstance de sujétions liées à la situation du bien dans une zone classée mais uniquement à l'absence de régularisation des précédents travaux.

S'agissant de la condition relative au périmètre de situation du bien, les appelants soutiennent que le lavoir au-dessus duquel ont été édifiés les locaux incriminés bénéficie de la qualification de site patrimonial remarquable au sens de l'article précité.

Au cas d'espèce, les appelants produisent la notification d'opposition à la déclaration de travaux déposée le 4 mai 1998 par M.[F], auteur de [N] [H], au titre des travaux de surélévation de la toiture. Cette décision notifiée le 1er juillet 1999 mentionne que le projet n'a pas reçu l'accord de l'Atelier du [8], que son architecture et son aspect extérieur sont de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants. L'avis de l'atelier du [8] a en effet été défavorable au titre du volume de la toiture.

Ces informations ne renvoient aucunement à la présence du bien dans une zone particulièrement remarquable au sens des dispositions du code du patrimoine. De même la sollicitation pour avis de l'atelier du patrimoine ne peut être assimilée à un classement du bien appartenant à l'intimé dans un site patrimonial remarquable. Les appelants ne produisent en effet aucun document officiel ayant conduit au classement des lieux par décision du ministre chargé de la culture.

Au surplus, les appelants ne font pas état de l'existence d'un préjudice personnel en lien direct avec la violation de la règle d'urbanisme.

Ils échouent en conséquence à démontrer l'existence des critères imposés par la loi pour solliciter la démolition d'ouvrage consécutive à l'annulation d'un permis de construire et l'existence d'un préjudice qui en résulterait. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre du trouble anormal du voisinage

Les appelants soutiennent à titre subsidiaire subir un trouble anormal du voisinage en raison de la perte d'intimité et de la présence d'humidité résultant de l'édification de locaux à proximité immédiate de leurs deux fenêtres.

Il est admis que nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage. En effet, si l'article 544 du code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire, leur usage ne peut cependant s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut.

S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions de l'article 1240 lui sont inapplicables.

Il est constant que les deux fenêtres de la chambre des appelants sont disposées immédiatement face aux locaux édifiés par l'intimé au-dessus du lavoir. Les appelants ne contestent pas être à l'origine de la création de ces deux ouvertures situées sur un mur mitoyen et dans un immeuble soumis aux statuts de la copropriété, le tout sans justifier d'une quelconque autorisation.

Le constat d'huissier du 11 mars 2010 représente la situation des lieux et notamment la présence des deux ouvertures donnant directement sur l'espace couvert du lavoir, sombre et encaissé. Le constat d'huissier réalisé le 24 janvier 2017 décrit quant à lui la pièce donnant sur ces ouvertures, sombre et présentant des traces d'humidité.

Il sera pourtant relevé que la configuration des lieux, antérieure à la création des ouvertures, n'est pas favorable à la préservation d'intimité en raison de la vue directe sur l'espace lavoir, et ce indépendamment des travaux réalisés par l'intimé. En effet, la création d'ouvertures sur un mur mitoyen donnant sur un espace extérieur couvert présente en soi la probabilité d'une perte d'intimité.

Quant à la présence d'humidité dans la pièce les photographies versées aux débats sont insuffisantes à caractériser le lien entre ce désagrément et la construction litigieuse.

Ainsi la présence de ces deux fenêtres dans un espace qui initialement n'en était pas pourvu s'oppose à toute caractérisation de l'anormalité résultant de l'édification d'une construction en situation de proximité immédiate.

En conséquence, les appelants seront également déboutés de leur demande de démolition au titre du trouble anormal du voisinage.

Sur les demandes indemnitaires

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les appelants considèrent que la violation de l'article L 111-12 du code de l'urbanisme et l'existence d'un trouble anormal du voisinage constituent le fait générateur de la responsabilité civile de l'intimé.

L'arrêt rendu le 11 mai 2015 par la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'arrêté délivrant le permis de construire les locaux litigieux aux motifs que l'autorité administrative devait, au moment de l'examen de la demande, tenir compte des dispositions de l'article L 111-12 du code de l'urbanisme et solliciter que [N] [H] présente une demande de permis de construire portant sur les travaux litigieux et sur les travaux réalisés par son auteur M.[F], et que l'absence de demande de régularisation ne pouvait conduire à la délivrance d'un permis de construire.

Il s'évince de cette motivation qu'aucune faute n'est imputable à [N] [H] dans l'absence de demande de régularisation des travaux antérieurs ayant conduit, par une méconnaissance de la règle applicable par l'autorité administrative, à obtenir néanmoins un permis de construire. Au surplus, les appelants qui forment notamment des demandes financières, ne produisent aucun élément permettant de les caractériser. Il n'est pas davantage établi que la méconnaissance de la règle d'urbanisme soit essentiellement la cause du préjudice moral invoqué par les appelants.

Le trouble anormal du voisinage qui a été écarté ne peut par ailleurs servir de fondement à une demande indemnitaire.

En conséquence, les appelants seront déboutés de leurs demandes indemnitaires, le jugement sera confirmé sur ce point.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

[M] [I] et [V] [R] épouse [I] qui succombent seront condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de [N] [H].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare [N] [H] irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant

Condamne [M] [I] et [V] [R] épouse [I] aux entiers dépens ;

Condamne [M] [I] et [R] épouse [V] [I] à verser à [N] [H] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00992
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.00992 ?
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