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04/07/2024 | FRANCE | N°20/04454

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 04 juillet 2024, 20/04454


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT AU FOND

DU 4 JUILLET 2024



N° 2024/193







Rôle N° RG 20/04454 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZKL





S.A.S. RAGNI





C/



S.A.R.L. ESSENTIEL GOLF ACADEMY

S.A.S. EUROFILET FRANCE

S.A. GOLF [Localité 2]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean-michel RENUCCI



Me Paul GUEDJ <

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Me Roselyne SIMON-THIBAUD













Décision déférée à la cour :



Jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 02 mars 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04847.





APPELANTE



SAS RAGNI agissant poursuites et diligences de des représentants l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 4 JUILLET 2024

N° 2024/193

Rôle N° RG 20/04454 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZKL

S.A.S. RAGNI

C/

S.A.R.L. ESSENTIEL GOLF ACADEMY

S.A.S. EUROFILET FRANCE

S.A. GOLF [Localité 2]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-michel RENUCCI

Me Paul GUEDJ

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 02 mars 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04847.

APPELANTE

SAS RAGNI agissant poursuites et diligences de des représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

sis [Adresse 4]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI de la SELARL ACTANCE MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

S.A. GOLF [Localité 2] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social

sis [Adresse 1]

S.A.R.L. ESSENTIEL GOLF ACADEMY prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au siège social

sis [Adresse 1]

représentées par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-philippe MONTERO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistées de Me Laurence CRESSIN-BENSA, avocat au barreau de NICE substitué par Me Frédéric DEVOT, avocat au barreau de NICE

S.A.S. EUROFILET FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice; domicilié en cette qualité audit siège

sis 109 rue Ludovic Guize - 06210 MANDELIEU LA NAPOULE

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Fabienne MORIN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 avril 2024 en audience publique.

Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Cathy CESARO-PAUTROT, présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente rapporteure,

Madame Béatrice MARS, conseillère,

Madame Florence TANGUY, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024, prorogé au 27 juin 2024 puis au 4 juillet 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024,

Signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Golf [Localité 2], qui exploite le golf situé [Adresse 5] à [Localité 3], a entrepris l'aménagement du practice avec l'installation de filets.

Le 22 juin 2012, la société Ragni a établi un devis concernant la fourniture de mâts destinés à recevoir les filets de rétention des balles de golf, avec une offre de prix pour un montant de 34.468,72 euros ttc, qui a été acceptée le 25 octobre 2012.

La livraison est intervenue le 31 octobre 2012 et la facture en date du 17 décembre 2012 a été réglée pour un montant de 34.468,72 euros.

La SA Golf [Localité 2] a réalisé les plots béton destinés à recevoir les mâts, posé et fixé les poteaux sur ces plots.

La société Eurofilet a installé les filets, avec les crochets qu'elle a fournis, sur les anneaux fixés sur les mâts fournis par la société Ragni, et elle a procédé à la pose et tension des filets.

A la suite des intempéries survenues au mois de novembre 2013 et surtout au mois de janvier 2014, les dispositifs de protection, filets et mâts du terrain d'entraînement ont été endommagés. La société Golf [Localité 2] a notamment constaté le décrochage de tendeurs, de câbles et la casse d'anneaux de fixation soudés sur les poteaux. Elle a fait dresser un constat d'huissier le 18 avril 2014.

Par ordonnance du juge des référés du 2 juin 2014, la société Golf [Localité 2] a obtenu la désignation d'un expert judiciaire, en la personne de M. [P], au contradictoire de la société Ragni.

Par ordonnance du 13 octobre 2014, la décision a été déclarée commune et opposable à la société Eurofilet France.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 22 mai 2015.

Par acte en date du 7 septembre 2015, la SA Golf [Localité 2] et la SARL Essentiel Golf Academy ont assigné devant le tribunal de grande instance de Grasse la société Ragni et la société Pollustock Eurofilet à l'effet d'être indemnisées à hauteur de142 818,60 euros pour la première et de 49 800 euros pour la seconde, sommes qui ont été portées ensuite à 267.818,60 euros et 82.800 euros.

*

Vu le jugement en date du 2 mars 2020 par lequel le tribunal judiciaire de Grasse a :

-reçu l'intervention volontaire de la SAS Eurofilet France,

-dit qu'il n'y a pas lieu à la nullité de l'assignation en date du 14 septembre 2015,

-condamné in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SA Golf [Localité 2] une somme de 67.818,60 euros pour la reprise des désordres, et une somme de 24.000 euros pour le préjudice financier de la SA Golf [Localité 2],

-condamné in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SARL Essentiel Golf Academy une somme de 8.000 euros pour le préjudice financier,

-débouté la SAS Eurofilet Francede ses demandes à l'encontre de la SA Golf [Localité 2],

-débouté la SAS Eurofilet France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-rejeté tout autre ou plus ample demande,

-condamné in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SARL Essentiel Golf Academy et à la SA Golf [Localité 2] une somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France aux entiers dépens de la présente instance en ce compris les frais d'expertise avec distraction,

-ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des sommes allouées ;

Vu l'appel relevé le 3 avril 2020 par la SAS Ragni ;

Vu l'appel relevé le 15 avril 2020 par la société Eurofilet France ;

Vu l'ordonnance de jonction en date du 16 février 2023 ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 21 mars 2024, par lesquelles la SAS Ragni demande à la cour de :

A titre principal,

-confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande principale formulée par les sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf Academy sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil,

-réformer pour le surplus la décision de première instance en ce qu'elle est entrée en voie de condamnation à l'encontre de la société Ragni,

-rejeter les demandes formulées à l'encontre de la société Ragni au visa des articles 1792 et suivant du code civil et celles fondées au visa de l'article 1147 du code civil dans son ancienne rédaction en ce que la société concluante ne saurait voir engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité décennale, les sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf Academy ne démontrant ni n'invoquant que la société concluante aurait la qualité de constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil, la société Ragni ayant uniquement procédé à la vente des mâts sans avoir été contractuellement tenue de se positionner sur leur implantation et installation,

-débouter les sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf Academy de l'intégralité de leurs demandes formulées à l'encontre de la société concluante en ce que la responsabilité de la société Golf du Claux Amix et de la société Eurofilet dans la survenance des désordres est pleine et entière au motif que :

-la société Ragni n'est nullement intervenue dans la maîtrise d''uvre du projet de réaménagement,

-la société Ragni ne s'est vue délivrer aucune indiction particulière concernant notamment l'installation et la fixation des filets et que la société Eurofilet a accompli sa prestation contractuelle sans n'émettre aucune réserve sur les mâts fournis par la société Ragni qu'elle a ainsi acceptés,

-la société Golf [Localité 2] a procédé elle-même à l'implantation, la pose et l'installation des poteaux dans des conditions contraires au respect des règles de l'art,

-l'installation des mâts a été défectueuse et a obligatoirement entraîné des mouvements de ces derniers qui ont eux-mêmes causé des charges importantes sur les tirants et les anneaux,

-la société du Golf [Localité 2], concepteur de l'installation, et la société Eurofilet ont considérablement aggravé en remplaçant les tendeurs M8 par des tendeurs M12 et en accroissant parallèlement la tension des filets,

-la société du Golf [Localité 2] n'a pas suivi et mis en 'uvre les propositions préconisées par la société concluante,

A titre subsidiaire,

-ordonner une contre-expertise en reprenant la mission d'expertise initialement confiée à M. [P], qui sera dévolue à l'expert qu'il plaira de désigner, cet expert devant prendre en compte dans son rapport, les rapports techniques communiqués par l'ingénieur du bureau d'études de la société Ragni

-dire et juger que l'expert judiciaire devra :

-se rendre sur les lieux

-se faire communiquer par les parties tous documents et informations nécessaires à sa mission

-décrire et évaluer les désordres

-prendre en compte les rapports techniques établis par les sociétés appelantes et les confronter techniquement aux constatations opérées par M. [P] dans osn rapport d'expertise judiciaire

-donner à la cour toutes informations utiles sur la cause des désordres et les responsabilités dans leur survenance

-réactualiser le montant des travaux de réparation des désordres

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SA Golf [Localité 2] une somme de 67.818,60 euros pour la reprise des désordres, et une somme de 24.000 euros pour le préjudice financier, et à verser à la SARL Essentiel Golf Academy une somme de 8.000 euros pour le préjudice financier, elle devra toutefois :

-limiter le montant des condamnations :

Sur l'appel incident des sociétés SA Golf [Localité 2] et SARL Essentiel Golf Academy,

si par extraordinaire la cour de céans devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamnait in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SA Golf [Localité 2] une somme de 67.818,60 euros pour la reprise des désordres, et une somme de 24.000 euros pour le préjudice financier, et à verser à la SARL Essentiel Golf Academy une somme de 8.000 euros pour le préjudice financier, elle devra toutefois à tout le moins :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions, la cour ne pouvant modifier le quantum des condamnations, en l'absence de demande de réformation du jugement dans le dispositif des premières conclusions d'appel des sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf.

En tout état de cause,

-condamner la ou les parties succombantes au paiement de la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Me Jean-Michel Renucci, avocat au Barreau de Nice, représentant la Selarl Actance Méditerranée ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 mai 2022, par lesquelles la SAS Eurofilet France demande à la cour de :

-déclarer recevable et fondé l'appel de la société concluante à l'encontre du jugement rendu le 2 mars 2020 par le tribunal de grande instance de Grasse,

-le réformer et par nouvelle décision,

-juger que la faute commise par la société Golf [Localité 2] est à l'origine des désordres invoqués,

-débouter les sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf Academy en toutes leurs demandes y compris leur appel incident,

-juger que les fautes commises par les sociétés Golf [Localité 2] et SAS Ragni sont à l'origine des désordres invoqués et en tout cas exonératoires de celle susceptible d'être retenue à l'encontre de la société Eurofilet,

-décharger la société Eurofilet de toute responsabilité ;

A titre subsidiaire,

-juger que les responsabilités seront réparties entre les trois intervenants dans des proportions que la cour arbitrera mais en délaissant le taux le plus important aux sociétés Golf [Localité 2] et SAS Ragni,

-juger que chacun des sociétés supportera selon la même répartition et en fonction des travaux réalisés par chacune d'entre elles les travaux de remise en état selon les préconisations de l'expert judiciaire,

-juger que les préjudices allégués par les sociétés Golf [Localité 2] et Essentiel Golf Academy ne reposent sur aucune pièce probante et par conséquent les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

Faisant droit à la demande reconventionnelle de la société Eurofilet,

-condamner la SA Golf [Localité 2] à lui payer la somme de 16.693,99 euros en réparation de son préjudice matériel,

-condamner les deux demanderesses à lui payer respectivement 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédures abusive et 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions, notifiées le 29 février 2024, par lesquelles la S.A. Golf [Localité 2] et la S.A.R.L. Essentiel Golf Academy demandent à la cour de :

Vu principalement les articles 1792 et suivants du code civil, notamment l'article 1792-4 ;

Vu subsidiairement les anciens articles 1134, 1137 et 1147 du code civil devenus les articles 1103, 1104, 1217 et 1231-1 du code civil ;

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France, responsables des désordres constatés par l'expert judiciaire M. [P] et des préjudices subis,

-confirmer la condamnation de la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France au paiement de la reprise des désordres évaluée à la somme de 67.818,60 euros,

-infirmer le jugement sur le chef du jugement ayant limité le montant des préjudices subis et la condamnation à réparation de ceux-ci de la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à la somme de 24.000 euros ;

Et statuant à nouveau,

-condamner in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à payer au titre des préjudices financiers subis :

-à la société Golf [Localité 2] la somme de 1.704.191,50 euros

-à la société Essentiel Golf Academy la somme de 73.000 euros

-condamner les mêmes parties in solidum à payer à la SA Golf [Localité 2] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj sur son offre de droit, Avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Les désordres

Le rapport d'expertise judiciaire fait ressortir notamment les éléments suivants :

-la visite du practice conduit à constater la situation suivante : trois mâts de hauteur de 8 et 10 m sont couchés et arrachés de leur support à la suite de la rupture des tiges de scellement ; les câbles et filets ont été démontés et évacués ;

- Les désordres peuvent être classés en deux catégories distinctes :

.ceux qui sont liés à la rupture des attaches des filets, soit du fait de la rupture des anneaux tels qu'ils avaient été installés à l'origine sous forme de maillons d'acier diamètre 7 mm soudés sur un côté des mâts, soit du fait des déformations des tendeurs de câbles ; ces désordres sont apparus dès le mois de novembre 2013 et se sont reproduits le 26 janvier 2014 lors d'intempéries comprenant de forts coups de vent avec des rafales jusqu'à 120 km/h,

.ceux qui sont liés à la chute de trois mâts n°6,7,8 survenue le 26 janvier 2014 ; l'examen des tiges d'ancrage rompues laisse à penser que les ancrages du mât n° 7 ont cédé les premiers entraînant dans sa chute les deux mâts adjacents n° 6 et 8 ;

-les dommages constatés sont consécutifs à :

*la rupture d'anneaux de fixation soudés sur les mâts destinés à recevoir les câbles-support des filets ; les anneaux ont été fournis et soudés par le sous-traitant de la SAS Ragni ; la rupture s'est produite le plus souvent à la limite de la zone soudée par le phénomène de fissuration dans la zone affectée par la chaleur de la soudure ; l'affaiblissement des anneaux par la soudure a été clairement mis en évidence par l'analyse métallurgique réalisée par l'institut de soudure sur les anneaux prélevés ; ce rapport a aussi mis en évidence la présence de défauts majeurs dans les zones soudées conduisant à une réduction considérable de la section résistante des anneaux expliquant les ruptures constatées ; les anneaux ont été déformés et rompus par les efforts transmis par les câbles sous l'effet des tendeurs et de la pression du vent sur les filets ; aucun dimensionnement rigoureux n'a été réalisé pour définir les caractéristiques des anneaux ; le fournisseur des filets Eurofilet, qui a installé les câbles supports tendus entre les mâts, n'a réalisé aucune mesure ni contrôle de la tension des câbles ; les câbles ont été tendus de façon totalement empirique avec seulement des critères d'ordre esthétique susceptibles d'engendrer des efforts excessifs sur les points d'ancrage ; l'effet du vent sur les filets venant s'ajouter à cette tension initiale des câbles a contribué à appliquer sur les points de fixation des efforts dépassant la capacité de résistance des anneaux entraînant leur rupture et par conséquent la chute des câbles et des filets ; le choix et le dessin des anneaux ayant été réalisés sans aucune justification ni calcul, les dimensions choisies se sont révélées à l'usage insuffisantes pour résister aux efforts transmis par les câbles supportant les filets ; les efforts maxima transmis aux anneaux soudés par les tendeurs ont pu être de 5 à 10 fois supérieurs à l'estimation de le la SAS Ragni ;les essais de traction réalisés par la SAS Ragni, de façon non contradictoire, ne sont pas représentatifs car ils ne reproduisent pas les sollicitations réelles exercées sur les anneaux et les conclusions de ces essais ne peuvent justifier la bonne tenue des anneaux soudés sur les mâts ;

La rupture des anneaux soudés sur les mâts fournis par la SAS Ragni est due à leur résistance insuffisante par rapport aux efforts exercés par les câbles supports, ce qui constitue une erreur de conception et à des malfaçons dans les soudures de ces anneaux réalisées par le sous-traitant de la SAS Ragni ;

- la déformation et l'ouverture des crochets des tendeurs

Le réglage aléatoire de la tension des câbles supportant les filets a pu induire des efforts initiaux excessifs conduisant sous l'effet du vent à des sollicitations totales dépassant la résistance des anneaux et des tendeurs ;

L'ouverture de certains crochets de tendeurs s'est produite sous l'effet de la superposition de l'effort dû à l'effet du vent sur les filets et de la tension initiale des câbles-supports ; le réglage aléatoire de la tension initiale de ces câbles-supports installés par le fournisseur, des filets Eurofilet constitue une négligence dans l'exécution du montage des filets ;

-la rupture des ancrages ayant entraîné la chute des trois mâts

Les tiges de scellement livrées par la SAS Ragni et installées par la SA Golf [Localité 2] pour les mâts de 8 m ont un diamètre de 18 mm au lieu de 24 mm qui ne sont pas justifiées ;

Il y a un défaut de montage (serrage partiel ou insuffisant des tirants des platines d'ancrage) ; l'installation des mâts sur leur socle, par la SA Golf [Localité 2], est non conforme aux règles de l'art, ce qui constitue une malfaçon dans la mise en 'uvre de l'installation des mâts ;

-les travaux de remise en état de l'installation de protection du practice nécessite la réinstallation des mâts n°6,7 et 8, la vérification des ancrages de tous les mâts, la modification du dispositif d'accrochage des câbles supportant les filets, la pose de nouveaux câbles supports selon une procédure rigoureuse, la pose de nouveaux filets.

Les responsabilités

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les appels ont été interjetés les 3 et 15 avril 2020. La SA Golf [Localité 2] et la SARL Essentiel Golf Academy concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé la SAS Ragni et la SAS Eurofilet responsables des désordres constatés. Dès leurs premières conclusions, elles ont sollicité, Vu principalement les articles 1792 et suivants du Code civil, notamment l'article 1792-4 ;Vu subsidiairement les anciens articles 1134 et 1147 du Code civil devenus les articles 1103, 1104, 1217 et 1231-1 du Code civil, la confirmation du jugement dont appel sauf en ce qui concerne le quantum des préjudices. La SAS Ragni oppose vainement la jurisprudence issue de l'arrêt du 17 septembre 2020 18-23626 au regard de sa date d'application.

S'il ne saurait être fait grief aux intimées d'invoquer plusieurs fondements juridiques à l'appui de leur demande de confirmation de la décision attaquée, encore faut-il qu'elles établissent que les conditions de mise en 'uvre des articles 1792 et suivants sont réunies, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, comme l'a jugé la juridiction de première instance. De plus, la SAS Ragni conteste, à bon droit, sa qualité de constructeur d'une part, et l'installation litigieuse ne peut être qualifiée d'ouvrage d'autre part.

La SAS Ragni conteste également sa responsabilité contractuelle, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur ancienne rédaction, et critique le rapport d'expertise. Elle soutient qu'elle n'a fait qu'assurer la fourniture de plusieurs mâts de dimensions différentes, qu'elle n'est pas intervenue dans la maîtrise d''uvre du projet de réaménagement et dans la mise en place des poteaux. Elle met en avant les fautes commises par la SA Golf [Localité 2] qui l'exonère de toute responsabilité puisqu'elle n'a pas respecté les distances d'écartement préconisées sur le plan d'implantation de référence et qu'elle a réalisé une fixation défectueuse des poteaux supports. Elle prétend que l'intimée a assuré les fonctions de maître d'ouvrage et de maître d''uvre dans l'opération de réalisation de son practice de golf. Elle invoque aussi, comme cause d'exonération, la responsabilité de la société Eurofilet qui n'a pas émis de réserves concernant les mâts.

La société Eurofilet soutient que la SA Golf [Localité 2] porte une responsabilité entière et, à défaut, dominante dans la survenance du dommage. Elle relève la fixation des mâts non conforme aux règles de l'art et l'absence de mortier sans retrait dans l'espace existant entre les massifs bétons et la face intérieure des platines de jonction des mâts. Elle souligne que ces défauts ont accentué les phénomènes d'oscillation sous les conditions climatiques exceptionnelles et les rafales de vent. Elle prétend que la SA Golf [Localité 2], informée d'anomalies au mois de novembre 2013, aurait dû faire déposer les filets afin d'anticiper leur détérioration et, qu'ayant en charge la gestion du chantier, elle devait prendre toutes mesures de prévention, de contrôle et de vérification. Elle conteste sa responsabilité et affirme qu'aucune surtension anormale n'a été exercée sur les tendeurs et les câbles. Elle valide le choix qui ont été faits concernant les tendeurs des câblesqui, selon elle, a été imposé par des critères objectifs. Elle invoque la responsabilité de la SAS Ragni qui a fourni des mâts sans consigne d'installation et dont les défaillances ressortent du rapport d'expertise judiciaire.

La SA Golf [Localité 2] et la SARL Essentiel Golf Academy font valoir qu'une étude technique a été réalisée par le bureau d'étude de la société Ragni avec le concours de la société Eurofilet. Elles exposent que les deux sociétés se sont rendues sur place avant la commande afin de déterminer les caractéristiques des équipements et qu'elles connaissaient la nécessité de sécuriser les lieux pour les personnes sur le green. Elles soulignent les problèmes de soudure, de dimensionnement, de réglage de la tension des câbles et les défaillances des sociétés qui résultent du rapport d'expertise judiciaire. Elles ajoutent qu'elles ont manqué à leur obligation de résultat, ainsi qu'à leur obligation d'information, et qu'elles auraient dû, en tant que professionnelles, refuser l'installation en cause. Elles demandent de ne pas retenir que l'espacement des mâts est constitutif du sinistre et mettent en exergue la qualité de non professionnel de la SA Golf [Localité 2], précisant que des analyses techniques complexes ont été nécessaires pour déterminer les carences des sociétés Ragni et Eurofilet. Elle rappellent que l'exécution des plots d'ancrage d'ancrage des mâts a été effectuée à partir des fiches communiquées par la SAS Ragni et que la société Eurofilet n'a jamais alerté sur la nécessité de revoir l'espacement des mâts.

En l'espèce, la SAS Ragni a fait réaliser une note détaillée de validation de tenue mécanique des mâts, avec un calcul des descentes de charges pour les mâts de 8, 10, 12,14 mètres et des plans qui font apparaître les anneaux.

Dans un courrier du 21 décembre 2013 en réponse aux inquiétudes de la SAS Ragni, elle admet que la tenue mécanique des poteaux est sous sa responsabilité, "nous le garantissons suite à une étude de faisabilité réalisée par rapport au site" et précise avoir lancé la fabrication des pièces en acier métal après une analyse de son bureau d'études.

L'expert judiciaire rappelle que la SAS Ragni a sous-traité la réalisation complète des mâts, y compris les calculs de résistance, et qu'aucun calcul ne semble avoir été réalisé pour dimensionner les anneaux de fixation des câbles. Il note que les soudures des anneaux présentent des malfaçons qui ont directement contribué à la rupture des anneaux. A la suite de ces omissions qui constituent une erreur de conception et une négligence dans le suivi des tâches confiées à son sous-traitant, la SAS Ragni a livré des mâts supports de filets qui se sont rapidement révélés défaillants pour l'usage prévu. La réalisation des massifs d'ancrage par la SA Golf [Localité 2] a été effectuée à partir des fiches de validation de tenue mécanique des mâts communiquées par la SAS Ragni. Sur ces documents figuraient les caractéristiques des tiges de scellement à utiliser ainsi que les dimensions des massifs en béton à réaliser, ces documents ne comportaient aucun détail d'installation des mâts sur les massifs, ni d'indication des couples de serrage des tiges.

Par ailleurs, s'agissant de la mise en place des câbles supportant les filets réalisée par la société Eurofilet, la méthode de réglage de la tension des câbles accrochés sur les anneaux des mâts apparaît très aléatoire, principalement à partir de critères esthétiques et sans aucune mesure. L'utilisation de tendeur de câbles, dont la charge de rupture est très supérieure à la résistance des anneaux de fixation, a pu conduire à l'application de forces capables de provoquer la rupture de ces anneaux sans qu'aucune vérification préalable n'ait été effectuée. Il appartenait à la SAS Eurofilet de communiquer à la SAS Ragni la valeur des tensions qu'elle envisageait d'appliquer sur les câbles et ensuite d'utiliser un moyen rigoureux et fiable pour contrôler les valeurs de tension appliquées. Le fait de ne pas avoir pris ces précautions constitue une négligence dans la mise en 'uvre de l'installation des câbles et filets.

Ainsi, les appelantes ont commis des fautes dûment démontrées en lien causal avec les désordres, ainsi qu'il résulte des éléments mis en évidence par le rapport d'expertise et ci-dessus rappelés. La SAS Ragni oppose vainement les études de M. [Y] [G] et aucune contre-expertise n'est nécessaire à la solution du litige.

Les premiers juges ont retenu, à juste titre, la responsabilité contractuelle de la socité Ragni et celle de la société Eurofilet, laquelle a aussi accepté de poser des filets sur des supports inadaptés.

Les manquements de ces sociétés à leur obligation de conseil et d'information sont égalementclairement établis.

Il est constant que la SA Golf [Localité 2] n'a pas la qualité de professionnel concernant l'installation en cause et sa mise en 'uvre.

Elle n'est pas intervenue en qualité de maître d''uvre comme le soutiennent, à tort, les appelantes.

Son rôle est circonscrit dans la réalisation des massifs d'ancrage et la pose des mâts sur des plots béton et ne peut être appréhendé qu'à l'aune de l'insuffisance des informations, conseils et instructions données par les appelantes. Le manquement aux règles de l'art évoqué par l'expert ne saurait constituer une cause d'exonération ou de mise en oeuvre de sa responsabilité même partiellement.

En conséquence des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé sur l'analyse des responsabilités.

Les préjudices

Les travaux de remise en état sont les suivants : dépose des filets 6.960 euros, réparation des filets et pose 55 585.80 euros, réparation des poteaux : 2.940 euros, fourniture des colliers de serrage 2 332,80 euros soit au total 67.818, 60 euros. Le préjudice étant justifié, le jugement sera confirmé de ce chef.

La SA Golf [Localité 2] sollicite l'infirmation du jugement sur son préjudice financier et l'octroi de la somme de 1 704 191,50 euros décomposée comme suit :

-perte de loyers : 2.500 euros x 73 mois = 182.500,00 euros

-perte du chiffre d'affaires : 20.845,09 x 73 = 1.521.691,50 euros.

La SAS Ragni s'oppose aux demandes. Elle objecte que les sommes exorbitantes demandées font double emploi et ne sont pas justifiées. Elle soutient que la perte de chiffre d'affaires est liée à des motifs d'insatisfaction du golf et que l'absence de filets n'empêche pas les joueurs de s'entraîner sur le practice. Elle ajoute que l'intimée aurait pu reconstruire l'installation après le dépôt du rapport d'expertise au mois de mai 2015.

La société Eurofilet souligne le caractère inexploitable des pièces produites par l'intimée. Elle rappelle que le practice préexistait à la survenance du sinistre du mois de janvier 2014 et que son utilisation dans les mêmes conditions qu'auparavant était possible.

Il convient de relever que " la convention de mise à disposition des infrastructures " communiquée au débat n'est pas datée et l'avenant du 11 mars 2014 est insuffisant, faute de pièces complémentaires.

L'intimée produit une fiche informatique sur le détail des comptes en 2009 et 2010 qui ne revêt aucun caractère probant et elle s'abstient de communiquer des documents probants pertinents notamment comptables.

Le practice n'a pas été rendu inutilisable même s'il a été endommagé.

Les premiers juges ont correctement apprécié le préjudice fiancier en lien causal avec les manquements fautifs des appelantes à la somme de 24 000 euros.

La SARL Essential Golf Academy sollicite l'infirmation du jugement et l'octroi de la somme de 73 000 euros au titre de la perte financière calculée sur la base de 1 000 euros par mois pour la période du 26 janvier 2014 au 20 mars 2020 (73 mois).

Toutefois, elle ne fournit pas de pièces justificatives au soutien de son appel incident, de sorte que le jugement sera confirmé sur l'indemnisation allouée en première instance pour les motifs retenus.

Les autres demandes

La société Eurofilet sollicite la somme de 16 693,99 euros au titre de ses interventions pour " dépanner et aider " la SA Golf [Localité 2]. Cependant, ces travaux n'ont pas permis de remédier et mettre fin aux désordres. Sa responsabilité dans la survenance de ceux-ci est, par ailleurs, reconnue ainsi qu'il a été dit. Le jugement sera, par conséquent, confirmé sur le rejet de la demande, de même que celle au titre de la procédure abusive en l'absence de faute des intimées dans leur droit d'agir en justice.

Il sera alloué à la SA Golf [Localité 2] une indemnité au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France à verser à la SA Golf [Localité 2] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SAS Ragni et la SAS Eurofilet France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 20/04454
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.04454 ?
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