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27/06/2024 | FRANCE | N°21/03020

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 27 juin 2024, 21/03020


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024



N°2024/

SM/FP-D











Rôle N° RG 21/03020 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHAVO







[A] [N]





C/



S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES































Copie exécutoire délivrée

le :

27 JUIN 2024

à :

Me Christine GAILHBAUD, avocat au bar

reau de GRASSE



Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 11 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00632.







APPELANT



Monsieur [A] [N], demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

N°2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 21/03020 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHAVO

[A] [N]

C/

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES

Copie exécutoire délivrée

le :

27 JUIN 2024

à :

Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 11 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00632.

APPELANT

Monsieur [A] [N], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et parMe Cécile CURT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Angélique TEZZA, avocat au barreau de LYON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente, et Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La S.A.S. Carrefour hypermarchés (l'employeur) a engagé M. [A] [N] (le salarié) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet prenant effet le 1er février 1995 et non versé au débat.

Par avenant du 1er septembre 2011, les parties ont convenu de la mutation de M. [N] en qualité de directeur stagiaire du magasin Carrefour Lattes.

Par avenant du 1er décembre 2011, M. [N] a été nommé en qualité de directeur du magasin Carrefour [Localité 11], position D1, moyennant le versement d'une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 6 000 euros, outre primes conventionnelles.

Par avenant du 31 juillet 2013 prenant effet le 1er août suivant, M. [N] a été nommé en qualité de directeur du magasin Carrefour [Localité 5] [Localité 4], position D2, moyennant le versement d'une rémunération mensuelle brute forfaitaire de 6 600 euros, outre primes conventionnelles.

Suivant avenant du 25 mars 2017, les parties ont convenu de la mutation de M. [N] en qualité de directeur, position D2, au sein du magasin Carrefour [12] à compter du 1er avril 2017, moyennant le versement d'une rémunération annuelle forfaitaire brute de 101 250 euros payable sur 13,5 mois.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courrier remis en main propre en date du 25 janvier 2019, la société a convoqué le salarié le 8 février 2019 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 février 2019, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

' Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 8 février 2019, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [RG] [O], Délégué syndical et Secrétaire du Comité d'établissement, et vous notifions par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les motifs qui vous ont été exposés à cette occasion et que nous vous rappelons ci-après.

Vous occupez le poste de Directeur de magasin, statut Cadre, au sein de l'hypermarché de [Localité 8] [12], depuis le mois d'avril 2017.

Il s'agit d'un poste « clé » au sein de l'organisation de la société CARREFOUR HYPERMARCHES qui vous conduit à assurer la Direction d'un hypermarché du « TOP 20 de France » avec un effectif de 400 collaborateurs dont 22 salariés Cadres.

A ce titre, il vous a été consenti les pouvoirs les plus étendus dans le cadre d'une délégation de pouvoirs pour vous permettre d'assurer la gestion de l'hypermarché de [Localité 8] [12] en conformité avec les politiques de notre enseigne et dans le strict respect des dispositions du Code du travail et de nos dispositions conventionnelles.

Ainsi, de par vos fonctions, il vous incombe notamment de manager vos équipes visant la Préférence Clients et l'épanouissement des collaborateurs.

Dans ce cadre, vous avez été largement sensibilisé sur le fait que le management bienveillant est un véritable levier de réussite à long terme, tant en matière de santé des personnes que de productivité, et est donc totalement bénéfique pour notre société et nos collaborateurs.

A ce titre, vous êtes tenu de :

- Développer et enrichir les compétences des collaborateurs par un management bienveillant et respectueux dans leur fonction ou pour les préparer à évoluer vers d'autres fonctions,

- Mettre en place une stratégie sociale adaptée au contexte de votre magasin et maîtriser le climat social en associant l'équipe de direction,

- Diffuser, appliquer et faire appliquer la politique Ressources Humaines de l'enseigne : recrutement, formation, gestion de carrière, rémunération, relations sociales,

- Garantir le bon fonctionnement et animer les Instances Représentatives du Personnel et favoriser un dialogue social constructif,

- et donc adopter vous-même un comportement exemplaire, notamment en favorisant l'écoute et le dialogue, dans un esprit d'ouverture et d'équité, en donnant du sens à vos décisions et plus généralement en faisant vivre au quotidien, les valeurs de partage, de respect et de confiance qui font partie de l'éthique de l'enseigne et en respectant vous-même les procédures.

" A l'occasion d'une visite en date du 28 décembre 2018 de Monsieur [GJ] [HI], Directeur Régional, et de Monsieur [L] [AZ], Directeur Opérationnel, au sein de l'hypermarché de [Localité 8] [12], vous avez fait preuve, sur la surface de vente, d'un comportement inconvenant à l'encontre de Monsieur [L] [AZ].

A ce titre, vous l'avez délibérément pris à partie afin de lui faire part de votre opposition à l'encontre des décisions de notre société alors que ce n'était ni lieu, ni l'objet de cette rencontre, ce qui a fortement perturbé le bon déroulement de cette visite.

Surtout, votre attitude a empêché Monsieur [L] [AZ] de rencontrer les salariés du magasin, ce qui a provoqué chez eux un sentiment de frustration.

En effet, dans la mesure où il était impossible de vous raisonner, Monsieur [GJ] [HI] a été contraint de poursuivre cette visite en compagnie de Monsieur [TR] [SS], Directeur Commercial et Marketing, et de ses équipes, ce qui n'est pas acceptable.

C'est dans ce contexte que plusieurs salariés de votre magasin ont porté à notre connaissance vos pratiques managériales intolérables à l'origine d'un climat anxiogène et délétère au sein du magasin, et ce de manière durable.

Dans ce cadre, les faits concordants rapportés ont mis à jour votre comportement inconvenant, dénigrant à l'égard de vos collaborateurs et de vos collègues contraires aux exigences légales ainsi qu'auprès de votre hiérarchie et de nos partenaires extérieurs d'une part et votre comportement inadapté dans vos relations avec les Représentants du Personnel de votre hypermarché contraires à tout dialogue social respectueux et constructif d'autre part.

Vos agissements fautifs se sont notamment illustrés au travers des différents constats et faits non exhaustifs suivants.

1. Sur votre comportement et votre posture totalement inconvenants et contraires aux exigences légales et à vos obligations contractuelles

'En application de l'article L.4122-1 du Code du Travail, il appartient à chaque travailleur de prendre soin de la santé et de la sécurité des personnes concernées par ses actes ou omissions au travail.

Sont donc fautifs, tous les comportements qui caractérisent une violation des dispositions de l'article L.4122-1 du Code du Travail.

Des témoignages précis et concordants ont, une nouvelle fois, confirmé votre attitude méprisante, humiliante et dégradante à l'égard de vos collaborateurs, de vos collègues et de votre hiérarchie mais aussi de nos partenaires extérieurs.

" À titre d'exemples :

- Vous avez fait preuve de mépris à l'encontre des salariés qui relèvent des fonctions dites « d'appui » au sein de notre société, en utilisant de manière régulière à leur encontre un discours infect et dénigrant.

À ce titre, Monsieur [RT] [I], Responsable Transport, nous a rapporté que vous lui avez reproché ainsi qu'à son équipe d'avoir fait preuve d'irresponsabilité et d'irrespect à votre encontre pour être arrivé en retard à votre rendez-vous du 1° décembre 2018 alors qu'ils avaient été bloqués sur le trajet en raison d'un accident survenu sur l'autoroute.

À cet effet, vous n'avez ainsi pas hésité à leur dire « qu'ils ne servaient à rien » et qu'ils étaient responsables des dysfonctionnements des hypermarchés.

Vos reproches sont manifestement disproportionnés et injustifiés compte tenu des circonstances et démontrent surtout la réalité de votre posture méprisante.

Vous avez ensuite favorisé un climat de défiance et de tension lors de la réunion, ce qui a empêché un dialogue serein et efficace au détriment des intérêts de notre société, d'autant plus que les « services d'appui » sont là pour optimiser et fluidifier notre organisation et vous faciliter l'atteinte des objectifs.

- Puis, nous avons aussi été informés que vous interpelliez les membres de l'équipe de Madame [FX] [LL], Directrice Organisation BASSIN, et elle-même pour leur souligner leurs incompétences sur le simple motif qu'ils ne répondaient pas à vos attentes sans donner du sens à vos remarques.

À ce titre, Madame [T] [H], Chef de projet informatique, nous a précisé avoir été destinataire, à plusieurs reprises, de mails menaçants de votre part et visant à dénigrer ouvertement son travail en mettant en copie plusieurs Directeurs de magasin de votre région ainsi que votre Directrice Régionale.

Madame [T] [H] nous a également fait part de vos nombreux appels téléphoniques pour l'accabler de tous reproches et l'intimider.

Face à votre attitude et à vos violentes critiques, Madame [T] [H] a « fondu en larmes » et a dû solliciter l'intervention de Madame [FX] [LL] pour faire cesser votre acharnement.

Ces situations sont à juste titre perçues comme de véritables scènes d'humiliation, ce qui est inconcevable dans un établissement de notre enseigne et qui plus est dans une relation de travail normale.

- Aussi, Monsieur [FK] [VO], Contrôleur de Gestion, nous a rapporté que vous lui aviez dit au mois de mars dernier que « moi je ne suis pas comme toi le cul assis derrière un ordinateur à attendre que ça se passe » et que vous l'aviez également menacé dans les termes suivants : « la prochaine fois que tu me mets en porte à faux devant ma patronne ça se passera mal ».

- De la même façon, Monsieur [TR] [SS], Directeur Commercial et Marketing, et ses équipes ont été victimes de vos agressions verbales au point de provoquer chez ces derniers une réelle réticence à venir dans votre hypermarché pour éviter vos propos désobligeants et dévalorisants concernant leurs fonctions respectives au sein de l'organisation Bassin.

Il est évident que de telles pratiques sont totalement inacceptables et incompatibles avec vos fonctions et notre principe de « Business Partner ».

Dans le même registre, vos équipes d'encadrement de votre magasin nous ont également indiqués être victimes de vos pratiques managériales agressives et insupportables.

A ce titre, il nous a été rapporté, de manière non exhaustive, les faits suivants :

- Vous n'hésitez pas à relancer, de manière incessante et injustifiée, vos collaborateurs lors de leurs jours de congés ou de repos, ce qui est totalement illégal.

En effet, en agissant de la sorte vous ne respectiez ni leurs temps de repos, ni leur droit aux congés et encore moins leur droit à la déconnexion.

De surcroît, de tels agissements sont susceptibles d'engager la responsabilité de la société, ce qui est inacceptable.

- Vous avez également usé, de manière régulière, de propos déplacés et dégradants à l'encontre de vos Cadres dans l'unique but de dévaloriser leur travail et remettre en cause leurs compétences, et ce en présence de plusieurs collaborateurs.

A titre d'exemple, vous avez ouvertement remis en cause les compétences de Madame [UP] [J], Manager Caisse, en utilisant à son encontre des propos rabaissants et dénigrants en présence de salariés placés sous sa responsabilité.

Ainsi, vous avez, à plusieurs reprises, indiqué auprès de l'équipe de Direction et donc de ses collègues que « le costard était trop grand pour elle » sur le seul motif qu'elle serait trop jeune.

S'ajoute à cela une multiplication de critiques excessives et infondées à son égard, allant même jusqu'à lui reprocher de ne pas répondre à vos messages ou appels lors de ses jours de congés et de repos ou encore de prendre ses congés.

A ce titre, vous avez également contraint Madame [UP] [J] à émettre, contre son gré, des souhaits de mobilité lors des ses Entretiens Compétences et Carrières, en rajoutant un commentaire inadapté tel que « il va falloir bouger d'ici un an ou deux ma grande ».

Outre le fait qu'un tel discours soit totalement inacceptable et contraire au principe du management bienveillant, il est, de toute évidence, contre-productif et a pour unique but de déstabiliser et de décrédibiliser votre collaboratrice vis-à-vis de ses équipes.

En outre, nous avons appris que vous aviez retiré Madame [UP] [J] de la liste du programme des « women leaders » sans prendre la peine de l'informer au préalable et donc sans donner du sens à votre décision.

Ainsi, Madame [UP] [J] a pris connaissance de votre décision par l'intermédiaire de ses collègues participant au programme, ce qui a occasionné chez elle un sentiment d'incompréhension et de déception dans la mesure où vous n'avez pas tenu vos engagements.

En agissant de la sorte vous avez, là-aussi, contraint votre collaboratrice à vous éviter, ce qui est incompatible avec la bonne marche d'un établissement de notre enseigne.

De tels faits ont obligé vos collaborateurs à redoubler de vigilance à votre égard et à formaliser chaque échange par un écrit notamment par manque totale de confiance et par crainte de reproches ou représailles de votre part, ce qui ne correspond pas à une situation normale de travail.

S'ajoute à cela votre comportement à l'occasion d'une rencontre en date du 18 janvier 2019 avec Monsieur [GJ] [HI] aux termes de laquelle vous avez ouvertement défié votre hiérarchie en prétendant être en capacité de « faire tomber » notre Directeur Opérationnel avec l'appui de plusieurs collaborateurs, ce qui est en tout point intolérable et inadmissible.

'Enfin, vos relations avec nos partenaires extérieurs notamment avec l'association des commerçants et son président, le Cabinet [CB] (en charge la gestion du Centre Commercial de [Localité 8] [12]) et certains commerçants confirment votre attitude déplacée avec des conséquences nécessairement préjudiciables sur la qualité de nos relations avec nos partenaires pourtant indispensables et notre image, ce qui est, là-encore, inadmissible.

A ce titre, nous avons, lä-aussi, été informé que vous étiez très souvent impliqués dans des conflits et incidents intervenus au sein du Centre Commerciale de [Localité 8] [12], ce qui n'est pas du tout conforme à la posture d'un Directeur de magasin de notre société et à votre devoir d'exemplarité.

Pour exemple, nous avons été informés de votre attitude inadmissible et inconcevable à l'occasion de l'inauguration de la réouverture du magasin DECATHLON au cours de laquelle vous avez pris la parole en public pour dénigrer ouvertement l'aménagement du magasin en présence de la Directrice de celui-ci ainsi que de son Directeur Régional.

Face à votre attitude extrême choquante et déplacée, vous avez contraint la Direction de ce magasin à faire intervenir le Responsable de Sécurité pour vous faire sortir de l'établissement, ce qui est en tout point intolérable et nécessairement dommageable pour l'image de notre enseigne.

Ces témoignages attestent, de manière claire et non équivoque, que vous n'avez jamais cessé de privilégier votre communication offensante et dégradante ainsi que votre attitude menaçante, intimidante voire agressive dans l'exercice de vos fonctions en totale opposition avec vos obligations professionnelles et contractuelles.

A ce titre, vous n'hésitez pas à affirmer que le management bienveillant ne serait qu'un « concept marketing » pour l'entreprise ainsi que pour votre hiérarchie, ce qui démontre votre posture d'opposition à l'encontre de nos principes et valeurs.

Vous avez, par ailleurs, maintenu ces propos lors de votre entretien préalable en me visant personnellement ainsi que Monsieur [L] [AZ], ce qui atteste de manière incontestable votre absence totale de remise en cause mais surtout votre volonté de persister dans votre attitude totalement fautive.

2. Sur votre comportement inadapté dans le cadre de vos relations avec les Représentants du Personnel du magasin contraire à tout dialogue social respectueux et constructif

' Nous avons également été amenés à déplorer votre comportement inadapté et inacceptable dans le cadre de vos relations avec les Représentants du Personnel.

Dans ce cadre, votre discours inconvenant, agressif et dénigrant a empêché l'instauration d'un dialogue social efficace et pérenne, au détriment des intérêts de notre société.

En effet, vous ne pouviez ignorer, compte tenu de votre niveau de responsabilité et de vos fonctions, qu'un dialogue social de qualité est indispensable pour notre enseigne et nos projets de développement.

Votre attitude inadaptée s'est notamment illustrée dans le cadre du processus de consultation avec les Représentants du Personnel concernant le projet d'ouverture du dimanche, alors qu'il s'agit d'une priorité pour notre enseigne et plus particulièrement pour votre hypermarché qui va être prochainement confronté à une nouvelle concurrence du « SUPER U », ce que vous ne pouviez ignorer.

Vous êtes parfaitement informé que les ouvertures du dimanche constituent un véritable levier de développement et de croissance pour notre enseigne surtout dans votre région très touristique et votre magasin très urbain avec un format en expansion.

À ce titre, les autres hypermarchés CARREFOUR de votre secteur (Exemples : [9] et [Localité 3]) ont mis en place les ouvertures du dimanche, tout comme nos concurrents (par exemple : MONOPRIX).

' Or, en dépit de ses réels enjeux pour notre société, vous n'avez volontairement pas suivi les conseils de votre Directrice Régionale de l'époque. En effet, vous avez abordé le dossier avec les partenaires sociaux sans véritable dialogue et sans faire preuve de souplesse et de pédagogie, comme cela vous avait été expressément demandé.

En agissant de la sorte, vous avez ainsi obtenu le blocage complet de toutes les organisations syndicales du collège « Employés » par un vote défavorable au CE, y compris de l'organisation syndicale que vous désigniez comme votre alliée sur ce sujet.

Vous avez ainsi stoppé toutes discussions avec les Représentants du Personnel sur ce projet important pour notre société.

En outre, vous vous en êtes pris directement à certains des représentants du personnel par des échanges menaçants et des termes choquants afin de susciter une réaction, ce qui a fini par provoquer le blocage pur et simple des élus et ainsi tout dialogue constructif sur le projet d'ouverture du dimanche.

Il est évident que vos maladresses et votre refus systématique de suivre et d'appliquer les directives de votre hiérarchie ont braqué définitivement les partenaires sociaux sur cette question pourtant essentielle pour notre enseigne.

Pire encore, votre attitude nous interroge sérieusement sur votre réelle volonté d'ouvrir le magasin les dimanches matin, ce qui est inconcevable pour un Directeur de magasin qui est censé être le garant de l'application de notre politique commerciale.

Au final, ces faits avérés traduisent l'incompatibilité de votre posture avec les orientations stratégiques de la société, ce qui n'est pas acceptable compte tenu de votre fonction. Vous manquez une nouvelle fois à votre obligation d'exemplarité, ce qui est complètement antinomique surtout pour un Cadre de votre niveau occupant un poste clé au sein de notre organisation.

Vous n'avez ainsi jamais cessé de montrer un réel mépris vis-à-vis de votre hiérarchie, des fonctions supports ainsi qu'à nos principes et valeurs en privilégiant vos intérêts personnels avant nos intérêts communs, ce qui est en tout point intolérable.

Face à ces constats négatifs, il nous est donc totalement impossible de pouvoir compter sur vous pour mener à bien les défis stratégiques, notamment le plan de transformation, qui nous attendent prochainement alors que nous avons besoin de toutes nos « forces vives », ce qui inclut les Directeurs de magasin.

'De surcroît, vous n'avez également pas cru bon de modifier votre comportement fautif malgré nos précédentes mises en gardes et nos mesures d'accompagnement pour vous aider dans votre changement managérial.

En effet, à l'époque où vous occupiez la fonction de Directeur de magasin au sein de l'hypermarché de [Localité 4] entre 2013 et 2017, nous avions déjà déploré votre posture managériale inadaptée et offensante à l'égard de vos collaborateurs, et ce de manière durable et répétée.

À tel point que vos agissements fautifs et contraires à vos obligations contractuelles étaient sources de réels risques psychosociaux au sein de l'hypermarché de [Localité 4].

À ce titre, vos collaborateurs vous avaient directement reproché d'être à l'origine d'un environnement oppressant et intimidant, ce qui les empêchait de s'épanouir dans leurs fonctions.

Vos pratiques managériales avaient ainsi fait l'objet de plusieurs signalements et alertes de la part de vos Représentants du Personnel, y compris des membres du CHSCT.

Par ailleurs, lors de vos Entretiens Compétences et Carrières, vous aviez été directement avisé sur la nécessité d'adapter et de modérer votre discours en faisant attention « aux petites dérives », que « toutes les choses ne sont pas toujours bonnes à dire », « à avoir plus de rondeur » et à « rester dans les politiques ». Ainsi, vous avez été largement averti sur vos problématiques relatives à votre savoir-être totalement contraire à nos valeurs et principes.

Ces préconisations vous ont été également rappelées au mois de septembre 2017, à l'occasion d'un entretien de restitution concernant votre candidature à la franchise avec Monsieur [WN] [PU], Directeur opérationnel Franchise, en présence de Madame [DA] [HP], Directrice des Ressources Humaines Bassin, en insistant sur votre posture managériale inadaptée et les conséquences négatives de vos pratiques sur les salariés et l'image de l'enseigne.

Face à un tel constat, nous avions pris l'initiative de vous faire accompagner afin de remédier à vos méthodes managériales incompatibles avec vos fonctions de Directeur de magasin.

Ainsi, vous avez pu assister, au mois d'avril 2017, à une réunion de sensibilisation sur les Risques Psychosociaux dans le cadre d'une nouvelle démarche d'accompagnement des magasins animée entre autres par le Docteur [FK] [NW], Médecin spécialisé dans les relations de travail et les risques psychosociaux.

En complément, nous vous avons mis en place une mesure de coaching individualisé réalisée par un cabinet spécialisé et en l'occurrence par le même Docteur [FK] [NW] toujours dans l'optique de vous accompagner dans votre changement managérial et vous faire prendre conscience des conséquences néfastes de vos méthodes sur les conditions de travail et les personnes ainsi que sur la bonne marche d'un établissement de notre enseigne.

À ce titre, vous avez rencontré à plusieurs reprises, cinq fois exactement, le Docteur [FK] [NW] entre le mois de septembre et novembre 2017, ce qui atteste du réel accompagnement et du suivi dont vous avez bénéficié.

Ainsi, nous avons engagé de véritables actions pour vous faire réaliser la nécessité de changer votre management et vous donner les outils et les bons réflexes pour vous permettre d'appliquer, au quotidien, un management bienveillant et à l'écoute de vos collaborateurs.

Malgré notre soutien et ces actions, nous constatons malheureusement votre totale incapacité à vous remettre en question, ce qui ne nous laisse plus espérer aucune amélioration possible pour l'avenir.

'L'ensemble de ces faits, qui constituent des manquements graves et répétés à vos obligations contractuelles, est constitutif de fautes graves de nature à nuire au bon fonctionnement et au climat social du magasin dont vous avez la responsabilité.

Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Au contraire, nous déplorons le fait que les conséquences de vos actes sur la santé de vos collaborateurs et de vos collègues de travail vous laissaient manifestement sans réaction.

Par ailleurs, vous avez, à nouveau, fait preuve d'une attitude menaçante à l'encontre de Madame [DA] [HP] et moi-même au cours de cet entretien en affirmant ouvertement qu'une action de groupe serait engagée en cas de décision défavorable à votre encontre, ce qui confirme la véracité des reproches qui vous sont imputés.

Votre incapacité évidente à prendre la mesure de vos fautes et à vous remettre en cause confirme que votre maintien dans la société est impossible, y compris pendant la durée de votre préavis.

En conséquence, nous avons décidé de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

La date d'envoi de la présente marquera la fin de nos relations contractuelles et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Par ailleurs, nous vous précisons qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, la période de mise à pied conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 25 janvier 2019 ne vous sera pas rémunérée.

En outre, et à toutes fins utiles, nous vous précisons que, conformément à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 et ses avenants, vous pouvez prétendre au maintien, à titre gratuit et pendant une durée maximale de 12 mois, des garanties des régimes collectifs de prévoyance «incapacité-invalidité-décès» et de remboursement de frais de santé dont vous bénéficiez en tant que salarié de l'entreprise, dans les conditions fixées par l'article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale, à savoir notamment que vous puissiez justifier de votre prise en charge au titre de l'assurance chômage.

Vous trouverez, en annexe de la présente, une notice d'information complète sur ce dispositif.

Nous vous rappelons enfin qu'indépendamment de votre obligation de discrétion à l'égard de tous les éléments confidentiels dont vous auriez pu avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de votre contrat de travail, vous demeurez tenu, dès la fin de votre contrat de travail, au respect d'une obligation générale de loyauté à notre égard.

Pour finir, vous pourrez éventuellement, après votre départ, faire procéder au déblocage de votre participation dans le respect des textes en vigueur en vous adressant à :

INTEREPARGNE

Service Carrefour 8589

[Localité 2]

en joignant une copie de votre certificat de travail à votre demande écrite de déblocage.

Vous êtes également tenu de restituer à la société, au plus tard à la date de votre départ effectif, tout équipement et/ou document appartenant à celle-ci qui serait encore en votre possession, à savoir en particulier : votre véhicule de fonction, votre ordinateur, votre téléphone portable, votre carte bancaire professionnelle ainsi que les badges d'accès et clés du magasin.

Enfin, nous vous délions de tout engagement de non-concurrence ayant pu nous lier.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.'

Suivant requête enregistrée au greffe le 28 juin 2019, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Nice à l'encontre de la S.A.S. Carrefour hypermarchés pour voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Suivant jugement du 11 février 2021, le conseil des prud'hommes de Nice a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [A] [N] par la société Carrefour hypermarchés est justifié pour faute grave,

En conséquence,

- débouté M. [A] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté les deux parties de leurs autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge des parties pour le montant par chacune engagé.

****

La cour est saisie de l'appel formé le 26 février 2021 par le salarié.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 30 novembre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [A] [N] demande à la cour de :

- Dire l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 février 2021 par le Conseil de prud'hommes de Nice recevable et bien fondé ;

- Infirmer les chefs de jugement critiqués dans la décision du conseil de prud'hommes de Nice :

- Ayant dit et jugé que le licenciement de Monsieur [A] [N] par la société CARREFOUR HYPERMARCHES est justifié pour faute grave,

- l'ayant débouté de ses demandes, fins et conclusions

- l'ayant débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du CPC.

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de céans de :

- Dire le licenciement de Monsieur [A] [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- A titre subsidiaire dire le licenciement abusif,

- Condamner la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à Monsieur [A] [N] les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : à titre principal (24 mois) : 239.449,92 € nets ou titre subsidiaire (17,5 mois) : 174.598,90 € nets

- Indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 29.933,40 € bruts

- Congés payés afférents : 2.993,34 € bruts

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 191.573,86 €

- Rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 6.668,23 € bruts

- Congés payés afférents : 376,90 € bruts

- Rappel de salaire au titre du bonus 2019 : 27.038,80 € bruts

- Congés payés afférents : 2.703,88 € bruts

- Ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour et par document compter d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt ;

- Condamner la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à Monsieur [N] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance

- Condamner la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à Monsieur [N] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel

- Condamner la SAS CARREFOUR aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 7 février 2023 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.S. Carrefour hypermarchés, représentée, demande à la cour de :

- dire que les faits à l'origine du licenciement de M. [A] [N] sont constitutifs d'une faute grave,

- dire que le licenciement pour faute grave de M. [A] [N] est parfaitement justifié,

En conséquence,

- débouter M. [N] en son appel,

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il a débouté M. [A] [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nice en ce qu'il a débouté la société Carrefour hypermarchés de sa demande de condamnation de M. [A] [N] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Y ajoutant,

- condamner M. [A] [N] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- condamner M. [A] [N] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

- condamner M. [A] [N] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 avril 2024.

MOTIFS :

1. Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié précise n'avoir jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire en 24 ans d'ancienneté et avoir toujours donné satisfaction.

Il indique produire ses entretiens d'évaluation, démontrant l'importance et le sérieux de son investissement personnel, et affirme avoir été félicité pour son management bienveillant le 19 octobre 2018, soit trois mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire.

Il ajoute verser au débat les témoignages d'anciens collaborateurs et représentants du personnel attestant de ses qualités professionnelles et managériales.

Il soutient que l'employeur instrumentalise un désaccord avec une partie de la représentation syndicale au sein de l'établissement de [Localité 8] pour lui imputer d'éventuelles difficultés avec la représentation du personnel et libérer son poste malgré son refus de mutation à [Localité 10].

Il explique par ailleurs que l'employeur n'a jamais mis en place d'accompagnement par un intervenant externe pour l'amener à modifier ses pratiques managériales, les rencontres avec le Dr [V] étant intervenues sur son initiative personnelle.

Il fait également valoir que les attestations produites par l'employeur ont été rédigées sous l'influence du lien de subordination exercé par la société vis-à-vis des salariés qui ne travaillaient pas avec lui au quotidien.

Le salarié estime enfin que l'employeur ne rapporte pas la preuve des faits allégués aux termes de la lettre de licenciement, et souligne une erreur sur l'incident allégué avec M. [I], fait qui serait désormais prescrit.

En réponse, l'employeur admet que M. [N] est un bon commerçant et gestionnaire mais souligne que le licenciement est fondé sur des faits distincts, à savoir ses méthodes managériales inadaptées.

Il rappelle à ce titre être tenu à une obligation de sécurité à l'égard des autres salariés, lui imposant de réagir quand il est prévenu de l'existence de méthodes managériales générant des souffrances au travail.

Il fait par ailleurs valoir que M. [N] était tenu à une obligation de loyauté renforcée à l'égard de la direction, eu égard aux fonctions exercées.

L'employeur explique qu'à la suite du comportement inadapté du salarié le 28 décembre 2018 à l'égard de son N+2, les collaborateurs de M. [N] ont décidé d'attester des multiples déviances dont ils étaient victimes.

Il estime que les éléments de preuve produits par le salarié ne permettent pas de remettre en cause les faits qui lui sont reprochés, et souligne notamment que Mmes [G] et [OV] travaillent au sein du magasin de [Localité 5] [Localité 4] et non de celui de [Localité 8] [12].

Il ajoute que malgré son soutien et les actions mises en place, il a dû constater l'incapacité de M. [N] à se remettre en question, ce qui ne laissait espérer aucune amélioration pour l'avenir.

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement pour faute grave dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société reproche au salarié:

- un comportement et une posture inconvenants et contraires aux exigences légales et à ses obligations contractuelles à l'égard de ses collègues, de la hiérarchie mais également des partenaires extérieurs,

- une absence de dialogue social respectueux et constructif avec les représentants personnels du magasin, rendant impossible le suivi des orientations stratégiques de la société (ouverture du magasin le dimanche).

L'employeur se fonde sur les éléments suivants :

- une attestation de Mme [DA] [HP], cadre dirigeant de la direction opérationnelle Sud-Est, faisant état des qualités de gestionnaire de M. [N], '(...) savoir faire gâché par un savoir être et un management bien souvent inadapté et oppressant. (...), [A] [N] est manipulateur et extrêmement maladroit notamment avec les partenaires sociaux. (...) Sur la fin 2018, les échanges s'enveniment entre les différents partenaires sociaux du magasin et la posture de [A] [N] attise ces tensions (cf fin sept 18 - enquête CHSCT) [A] [N] prend la maîtrise de la situation et il devient agressif, menaçant, dénigrant vis-à-vis aussi de sa hiérarchie.

Le 28/12/18, lors d'une visite de magasin de [L] [AZ] directeur opérationnel, en présence du directeur région et [GJ] [HI] & [TR] [SS], Directeur commercial & marketing, [A] [N] a interpellé et monopolisé le Directeur opérationnel pour lui dire tout le mal qu'il pensait de l'entreprise, des décisions prises. Il accapare ainsi le directeur opérationnel qui n'aura pas le loisir de saluer ce jour là les équipes.

Le 18/01/19, [A] [N] annonce à son Directeur régional [GJ] [HI] que de toute façon avec d'autres cadres 'ils seraient en train de faire le nécessaire avec le national pour faire partir [L] [AZ]'.

Son Directeur régional nous alerte, [A] [N] apparaît comme méprisant, ingérable et totalement incapable de se remettre en cause dans cette période de transformation profonde qui plus est';

la cour relève que l'employeur ne produit pas l'enquête C.H.S.C.T. évoquée par Mme [HP].

- les entretiens compétence et carrière réalisés sur les années 2014 à 2018.

Ainsi que le souligne l'employeur dans le courrier de licenciement, l'entretien 2016 portant sur l'année 2015 mentionne notamment cette phrase du manager de M. [N] : '(...) D'une grande exigence, il faut malgré tout faire attention aux petites dérives, soigner la diplomatie. 'Toutes les choses ne sont pas toujours bonnes à dire'.

De même, dans les points de développement relatifs à l'esprit collectif, il est noté que M. [N] doit 'avoir un peu plus de rondeur'.

La cour relève néanmoins qu'au sein du même entretien, au titre de l'entretien de performance, l'employeur a évalué la catégorie 'Femmes & hommes' 'au-dessus du niveau' en précisant : 'Excellente ambiance magasin et partenaires sociaux'.

Lors de l'évaluation 2017 portant sur l'année 2016, l'entretien de développement personnel met notamment en avant les points de développement suivants : 'Rester dans les politiques' (esprit d'initiative) et 'Inciter les équipes à prendre encore plus d'initiatives et à les valoriser' (leadership).

Lors de l'entretien du 22 février 2018 portant sur l'évaluation de l'année 2017, le manager a notamment indiqué : 'Ceci lui a permis de canaliser son énergie, de travailler sur l'agilité entraînant ses équipes et mettant en avant ses qualités de commerçant'.

- une attestation de M. [L] [AZ], directeur opérationnel, indiquant notamment que le 28 décembre 2018, '(...) Tout au début de la visite, M. [B] [N] a souhaité m'isoler et me dire quelques mots en privé ce que j'ai accepté. Malheureusement les propos de M. [B] [N] sont devenus très négatifs et la discussion s'est prolongée, ce qui a eu comme conséquence de perturber le bon déroulement de la visite et de m'empêcher de rencontrer les collaborateurs comme je le souhaitais ce qui a créé beaucoup de frustration.'

- une attestation de M. [GJ] [HI], directeur régional P.A.C.A., mentionnant notamment :

'Lors de la passation des responsabilités avec [D] [VC] [KA], celle-ci avait exprimé ses difficultés pour travailler avec lui ; arrogance, pression et menaces répétées. Un manque de confiance au quotidien. (...)

- Les équipes du bassin Sud Est se plaignent de l'agressivité de celui-ci (propos humiliants et discriminants). Je lui demande de revisiter son comportement.

- En réunion téléphonique ou comité régional, il faut régulièrement demander à Mr [N] de tempérer ses propos et lui rappeler son rôle de directeur (...)

- Mr [N] cultive un climat anxiogène et délibéré auprès de ses collègues et mon contrôleur de gestion (...)

- Aucun partage de bonnes pratiques ou plutôt positives ; uniquement des envois à ses collègues et au bassin de ce qui ne va pas (vidéo des rayons avec des ruptures ; la qualité de préparation des palettes etc...)

Cette attitude malveillante et permanente est humiliante pour les équipes.

(...) La posture de Mr [N] lors de la visite du 28/2/2018 au magasin de [Localité 8] [12]. S'agissant d'une visite client Mr [N] était une nouvelle fois arrogant envers Mr [AZ] sur la surface de vente ; impossible de le raisonner (...)

- Lors de mon entretien avec Mr [N] à [Localité 7] le 18.01.2019, ce dernier a exprimé les actions en cours avec d'autres, pour faire 'tomber' ou 'muter' Mr [AZ] le DO ('ou s'occuper de lui en haut lieu')

- Mr [N] m'a pointé du doigt ainsi que [DA] [HP] (RH Bassin) lors de l'entretien du 08.02.2019 à [Localité 3] : 4 personnes sur le bassin sont en souffrance dont 3 sur la région, une action en groupe sera menée si cela se passe mal pour moi (nouvelle menace)';

- un rapport de restitution du 22 septembre 2017, pointant notamment les axes suivants à développer :

'- un management bienveillant et exigeant sur la durée

- mieux mesurer l'impact de ses propos, actes et décisions et les conséquences humaines, financières et sur l'image de l'enseigne (...)';

- une attestation de M. [RT] [I], affirmant que le 1er décembre 2017, 'Suite à un accident sur l'autoroute nous sommes arrivés en retard, Mr [N] nous a déclaré à l'arrivée que nous étions irresponsables et que nous lui manquions de respect. Le reste de la réunion s'est déroulé dans un climat de défiance et de tention de la part de Mr [N]';

- une attestation de Mme [T] [H] en ces termes : 'J'ai fait l'objet à maintes reprises, de la part de Mr [A] [N], de dévalorisations de mon travail, de rabaissements et même d'accusations de manque de respect.

Lors de ma dernière visite au magasin de [12] avec 4 collègues de la Supply chain carrefour, il nous a reproché d'être arrivés en retard (en cause un accident de la route sur l'A8) alors que je l'avais prévenu, et nous a rabaissé en réunion devant un de ses managers métiers en nous disant 'vous ne servez à rien', 'c'est à cause de vous que les hypermarchés vont mal.

Je déplore également les nombreux échanges de mails au ton menaçant et aux accusations de manque de sérieux de mon travail avec en copie trop souvent l'ensemble des directeurs de magasins de sa région et sa directrice régionale de l'époque.

Enfin j'évoquerai les nombreux appels téléphoniques dont un en particulier à propos d'un de ses mails de reproche pour lequel il m'a accusé 'd'avoir été pleurer à [L] [AZ]' car il avait reçu un appel téléphonique de sa Directrice Régionale qui lui avait reproché son comportement à mon égard. Il m'a finalement dit ce jour là 'c'est toi qui a mal compris ce que j'ai écrit et tu es la seule à avoir mal compris'...';

- Mme [FX] [LL], travaillant dans l'équipe support du bassin, évoque le 'peu de respect' de M. [N] envers les équipes support, 'des paroles sévères, un acharnement parfois colérique', 'un comportement irrascible envers les équipes en charge de l'accompagner';

- une attestation de M. [FK] [VO], contrôleur de gestion régional de la région P.A.C.A. mentionne 'une tendance au mépris de l'autre et une propension à travestir la vérité'. Il précise ainsi que M. [N] a changé de version quant à l'information qu'il avait reçue relativement aux critères de sa rémunération variable, et indique que ce dernier s'est adressé à lui en ces termes: 'Moi je ne suis pas comme toi le cul assis derrière un ordinateur à attendre que ça se passe', 'la prochaine fois que tu me mets en porte à faux devant ma patronne ça se passera mal';

- un courriel de M. [TR] [SS] portant attestation en ces termes : '(...) Durant ces 2 dernières années, à plusieurs reprise une partie de mes équipes travaillant sur le magasin de [Localité 8] [12] ([Z] [OI], [PH] [X] [WB], [IH] [Y]) mon remonter leurs difficultés à collaboré avec M. [A] [N], mettant en avant le fait que les échanges avec M. [N] se traduisait la plus par du temps par des monologues, avec souvent de l'agressivité verbal qui avait pour conséquence que les équipes du bassin ne souhaitaient plus se rendre sur le magasin de M. [N] ou y allez avec une certaine appréhension. (...)';

- une attestation de M. [FK] [KM], directeur de magasin, en ces termes : 'J'atteste avoir été témoinà de nombreuses reprises de comportements préjudiciables à l'encontre de l'entreprise de la part de Monsieur [N]. En effet, monsieur [N] me téléphonait pour me dénigrer monsieur [HI] directeur régional et monsieur [AZ] directeur opérationnel.

Monsieur [N] haranguait les autres directeurs de magasin en réunion et au téléphone afin de les élever contre la hiérarchie de l'entreprise. En me rendant au magasin de [Localité 8] [12], j'ai entendu de nombreux salariés témoignant de faits de harcèlement moral et quelque fois d'injures envers eux.

En tout état de cause, depuis le départ de ce monsieur, les salariés, les commerçants du centre éprouvent un grand soulagement et de la sérénité retrouvée';

- une attestation de M. [FK] [R] faisait état des retours de trois managers au cours de l'année 2018 et par conséquent de propos auxquels il n'a pas assisté personnellement;

- une attestation de M. [LY] [YG] faisant état de son jugement de valeur sur le comportement de M. [N], sans que ses propos ne soient circonstanciés et corroborés par des faits précis permettant à la cour d'apporter son contrôle sur l'appréciation portée;

- une attestation de M. [YL] [NJ], manager R.H., faisant état de tensions au sein du personnel et avec les personnes extérieures à compter de l'arrivée de M. [N] au sein du magasin de [Localité 8] [12]. Il précise notamment que M. [N] 'avait souvent raison sur le fond mais la forme manquait de 'politiquement correct';

- Mme [UP] [J] fait état de la défiance de M. [N] à son égard en raison de son jeune âge. Elle ajoute que M. [N] lui a téléphoné à plusieurs reprises un jour de congés pour des raisons professionnelles et qu'il lui a, en une autre occasion, reproché d'avoir pris des congés en même temps que deux autres managers aux missions pourtant différentes. Elle affirme également que M. [N], 'par ses manières, son comportement (qui n'a de bienveillant que le nom) a encouragé la délation ainsi que la suspicion entre cadres. (...) La manière dont il a agit avec chacun de nous a été tout bonnement odieuse. Chacun était constamment mis en porte à faux par rapport à l'autre, il s'agissait de prêcher le faux (...) Créer un climat totalement inéquitables avec des règles absurdes auxquelles il prenait soin de déroger quand elles finissaient par le concerner. (...) Il m'a aussi fait progresser dans mon métier mais à quel prix !! Je juge que l'on peut faire avancer les gens sans pour autant être aussi rude, intransigeant et parfois même méchant. (...) J'ai donc passé une année à ses côtés plus que compliquée, à dormir peu car je ne savais pas ce qui allait me tomber sur le coin de la figure le lendemain, à être parfois humiliée au milieu de mes équipes. La première année principalement, car j'ai ensuite pris de l'assurance et ai compris le personnage pour soit m'opposer quand cela était nécessaire (donc souvent), soit pour prendre sur moi pour obtenir une forme de tranquilité dans mon travail';

- une attestation de M. [MX] [P], manager service réception, affirmant que M. [N] l'a invité à envisager une mutation non sollicitée qu'il a refusée en raison de la résidence alternée de ses enfants. Il précise : '(...) A cela il me répond que je n'aurais qu'à voir mes enfants une fois toutes les trois semaines et il a même été jusqu'à rajouter que pour voir mes enfants plus souvent, je pouvais repasser niveau IV (être rétrogradé), ce qui me laisserais plus de temps avec eux. Pour une personne qui n'a que le mot 'bienveillance' à la bouche, je ne vois pas où se trouver la bienveillance dans tout cela. Il est arrivé à M. [N] de me téléphoner un matin vers 6h30, sur mon téléphone personnel, en prétextant si j'avais bien reçu mes camions ; tout cela juste pour savoir si j'étais déjà présent au magasin. Je me sentais surveillé même fliqué alors que je suis un cadre autonome.';

- le code d'éthique de l'entreprise et le code de conduite professionnelle signés par M. [N] le 19 avril 2017;

- une attestation de M. [F] [EY], responsable technique, faisant état d'un climat de suspicion entre salariés à la suite de l'arrivée de M. [N] et de la dégradation des relations avec les partenaires. Il fait également état de la 'détresse psychologique' de la responsable caisse et d'un manque d'empathie;

- une attestation de M. [MK] [KZ], subordonné, évoquant également un climat de suspicion ayant contribué à la dégradation des relations entre salariés et avec les partenaires du magasin tels que les responsables du centre commercial;

- un courrier non daté adressé par Mme [TE] [BL], représentante du personnel et déléguée syndicale C.F.D.T. à Carrefour [Localité 8] [12], à M. [N] en ces termes : 'J'exerce mes fonctions syndicales depuis l'année 2011 et je n'ai jusqu'à ce jour, jamais eu aucun souci relationnel dans l'exercice de mes divers mandats avant notre collaboration. En effet, depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, je fais l'objet d'un enchainement d'agissements hostiles de votre part, visant à me discréditer, m'intimider, par des provocations et des violences verbales, sans cesse répétées, récurrentes, qui provoquent une altération de mes conditions de vie au travail et constitue un véritable harcèlement en vue de me discriminer en tant que représentante CFDT.(...)

- une attestation de M. [XM] [DZ] indiquant : 'Mr [A] [N] l'a affirmé lors d'un entretien qu'il aurait déjà 'viré Mr [DM] [C] s'il n'était pas délégué syndicale' sans aucune raison';

- une attestation de M. [DM] [C], manager boucherie, faisant état de la dégradation de l'ambiance au sein du magasin [12] depuis l'arrivée de M. [N] en raison de ses mensonges ; il exclut par ailleurs toute bienveillance du salarié;

- un courriel du Dr [FK] [EL] affirmant avoir rencontré M. [N] à cinq reprises au cours de l'année 2018;

- une attestation de M. [TR] [U], référent syndical de la région PACA entre 2014 et 2019, faisant état d'un changement d'ambiance à compter de l'arrivée de M. [N] et de nombreuses alertes du délégué syndical et élu au C.S.E. du magasin sur 'le comportement détestable du directeur envers plusieurs membres de l'encadrement (janvier 2018).

A ma demande, notre élu a recueilli auprès de ses collègues les éléments factuels justifiant leurs plaintes. Ceux-ci ont évoqués notamment :

- que le directeur n'hésite pas à leur faire des réflexions en présence d'employés, ce qui les décrébilisent.

- les ordres donnés par le directeur ne suivent pas la voie hiérarchique, le manager n'est pas consulté et les employés sont sollicités en direct par le directeur.

- la façon de parler envers eux est dur voire menaçante et surtout en présence de l'équipe du manager.

- l'équité entre les cadres n'est pas de mise. Certains bénéficient de privilèges en retour d'informations, notamment sur les ragots. D'autres peuvent pratiquer la permanence magasin en choisissant leurs horaires d'arrivée ou de départ. Le copinage permet de s'assurer une certaine tranquilité de la part du directeur.

- le directeur ne permet pas l'autonomie de ses cadres et contrôle l'heure d'arrivée et de départ pour le reprocher à certains.

- le volontariat pour le travail dominical n'est pas respecter, la pression est mise afin d'assurer une présence pour certains et pas pour d'autres. Certains doivent être obligatoirement présents.

- les plus grands privilèges sont accordés au responsable du secteur produits frais liés à leur amitié et au retour d'informations qu'il rapporte au directeur, sur les faits et gestes de certains cadres.

(...) Face à cette situation, la direction régionale de l'entreprise ne pouvait pas se permettre de laisser ce directeur continuer ainsi et sa mise à pied est devenue inéluctable pour préserver la santé de certains membres de l'encadrement. (...)'.

La cour relève en premier lieu que les attestations de salariés ainsi versées au débat ne permettent pas de corroborer l'ensemble des faits évoqués par M. [U], à l'exception de M. [P] qui fait état d'un appel qu'il a interprété comme visant à contrôler ses horaires de travail.

Plus largement, la majorité des témoignages produits par l'employeur vise à porter un jugement de valeur sur le comportement de M. [N], sans faire état d'éléments précis ayant conduit leurs auteurs à émettre une telle opinion, empêchant ainsi le contrôle de la cour sur l'appréciation portée.

La plupart des témoins se contentent également de rapporter des propos, sans y avoir personnellement assisté.

Ces attestations, purement déclaratives, ne reposent donc sur aucun fait précis et se trouvent, par conséquent, dénuées de force probante.

Seuls M. [I] et Mme [H], M. [VO], Mme [J] et M. [P] mentionnent des faits précis et circonstanciés.

Les faits rapportés par les deux premiers témoins visés remontent toutefois à l'année 2017.

Mme [J], qui est la seule personne à évoquer des appels téléphoniques pendant un jour de congés à une reprise, indique également principalement parler de l'année 2017.

M. [N] produit pour sa part de nombreuses attestations de salariés, y compris au sein de magasin de [Localité 8] [12], mettant en avant ses qualités d'écoute et de manager, même si M. [UD] a également pu pointer un manque de tact et des maladresses, tandis que Mme [G] a évoqué un fort tempérament.

Il verse également au débat de nombreux messages de soutien et d'incompréhension de salariés travaillant avec lui à la suite de son licenciement.

M. [FK] [S], qui a été le collègue de M. [N] entre 2011 et 2013, affirme pour sa part que le salarié était régulièrement félicité par sa hiérarchie 'tant sur la partie managériale qu'économique du magasin dont il avait la charge'.

Le salarié produit surtout une enquête de satisfaction menée auprès de 121 salariés du magasin de [Localité 8] [12] tirés au sort durant la semaine du 15 octobre 2018, soit près de dix-huit mois après la prise de poste de M. [N] et trois mois avant sa convocation à entretien préalable ainsi que le courriel de félicitation de M. [PH] [E] [XZ] adressé à Mme [HP] en ces termes :

'Bonjour [DA],

Tu peux féliciter [A] pour le travail social réalisé auprès des collaborateurs (ouverture du dialogue, communication participative, implication personnelle, état d'esprit plutôt positif chez la plupart des collaborateurs dans des conditions de travail pas si simples que ça).

Il y a une évolution réelle par rapport à l'enquête de satisfaction précédente alors que le contexte macro est beaucoup plus complexe et instable avec la transformation.'

Il résulte ainsi de la confrontation entre les éléments produits par les parties que si quelques salariés évoquent précisément certains propos déplacés de M. [N] à leur encontre, ces derniers ont été tenus avant l'enquête de satisfaction diligentée la semaine du 15 octobre 2018 auprès d'une très grande majorité des salariés et aux termes de laquelle le salarié a été félicité pour le travail social mené.

Si l'employeur affirme avoir été avisé des plaintes de salariés après l'incident survenu lors de la visite du 28 décembre 2018, il ne produit aucun élément en ce sens, l'ensemble des attestations versées au débat ayant été rédigées après la convocation à entretien préalable.

L'employeur ne peut davantage affirmer avoir sensibilisé M. [N] sur son management par le passé, alors que MM. [SF] et [W] affirment, aux termes de leurs attestations, que l'intervention du Dr [NW] s'est inscrite dans une démarche d'accompagnement au niveau de l'entreprise et non au niveau de M. [N], qui s'est simplement porté volontaire pour bénéficier d'un tel accompagnement.

La cour relève également que M. [HI] n'explique aucunement le cadre et le moment de la mise au point qu'il évoque, alors qu'aucun élément objectif ne permet de conforter son affirmation sur ce point.

En outre, les pistes de développement mentionnées dans les évaluations demeurent peu précises, alors que la dernière évaluation, relative à la première année d'exercice au sein du magasin de [Localité 8] [12] est au contraire élogieuse sur le management de M. [N].

L'employeur échoue donc à démontrer avoir alerté le salarié sur les difficultés liées à son management et avoir mis des mesures de soutien en place.

Après analyse de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus, la cour dit plus largement que l'employeur ne démontre pas l'existence d'un comportement et d'une posture de M. [N] inconvenants et contraires aux exigences légales et à ses obligations contractuelles à l'égard de ses collègues justifiant son licenciement pour faute grave.

Par ailleurs, s'il résulte des attestations produites par l'employeur que M. [N] a interpellé M. [AZ] lors de sa visite le 28 décembre 2018 et s'est ensuite entretenu individuellement avec lui, l'empêchant ainsi de poursuivre sa visite, la cour dit que ces faits ne sont pas de nature à caractériser une cause sérieuse de licenciement.

De même, les menaces évoquées de M. [N] à l'encontre de M. [AZ] le 18 janvier 2019 puis à l'encontre de Mme [HP] et M. [HI] à l'occasion de l'entretien préalable ne permettent pas d'établir l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement du salarié eu égard au contexte et à l'ancienneté de 24 années sans passé disciplinaire du salarié.

Ensuite, si M. [KZ] et M. [EY] évoquent, de manière non circonstanciée, des relations complexes avec les partenaires du centre commercial, M. [N] verse au débat une attestation de M. [IO] [M], commerçant propriétaire et président de l'association des commerçants et du conseil syndical, affirmant avoir toujours entretenu des 'supers relations' avec M. [N] qu'il qualifie de 'bienveillant'.

Le fait tenant à l'adoption d'un comportement problématique avec les partenaires extérieurs n'est donc pas établi.

Enfin, M. [N] produit une attestation de M. [RG] [O], délégué UNSA au sein du magasin [Localité 8] [12], qui précise pour sa part que son ressenti sur les relations avec le salarié 'a pu être difficile à des moments sur des sujets difficiles mais dans l'ensemble possible, le dialogue social existait'.

M. [N] verse ensuite un message SMS de Mme [K] [OV], élue F.O. ayant travaillé avec lui au sein du magasin de [Localité 5] [Localité 4], concluant : 'Ne lâché rien, je ne connais pas la cause mais moi j'ai toujours eu confiance en vous. Vous êtes une personne juste et honnête.'

La seule production, par l'employeur, de l'attestation d'une déléguée C.F.D.T. ne permet donc pas de démontrer que le comportement de M. [N] rendait impossible un dialogue constructif avec les représentants du personnel, alors au surplus que le salarié évoque un conflit exacerbé avec ce syndicat.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la violation par le salarié des obligations découlant de son contrat de travail justifiant la rupture du contrat de travail.

Dans ces conditions, le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et le jugement déféré sera par conséquent infirmé de ce chef.

2. Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail :

2.1 : Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire :

Il résulte des dispositions de l'article L.1332-3 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire.

En l'espèce, il ressort des bulletins de salaire des mois de février et mars 2019 que la somme totale de 6 668,23 euros a été retenue au titre de la mise à pied conservatoire.

Le licenciement de M. [N] n'étant pas fondé sur une faute grave comme il a été précédemment dit, l'employeur sera dès lors condamné à lui payer la somme de 6 668,23 euros à titre de rappel de salaire sur ce fondement.

Par ailleurs, la S.A.S. Carrefour hypermarchés sera condamné à lui payer la somme de 376,90 euros au titre des congés payés afférents dès lors que le salarié a entendu limiter sa demande à ce montant aux termes du dispositif de ses écritures.

2.2 : Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Le salarié fait valoir qu'il bénéficiait d'un préavis de trois mois en vertu de l'article 7 de l'annexe III de la convention collective nationale applicable.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au mois deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L.1234-5 du même code dispose pour sa part que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L.1235-2.

L'article 5 de l'annexe III la convention collective applicable prévoit enfin une durée de préavis fixée à 3 mois, sauf en cas de faute grave ou lourde.

Le licenciement pour faute grave n'étant pas fondé, le salarié a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis, avec les congés payés afférents, équivalente à trois mois de salaire sur la base du salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de la rémunération.

Il ressort à ce propos du bulletin de salaire du mois de janvier 2019, dernier mois complet travaillé par le salarié, que celui-ci a perçu la somme brute de 8 041,35 euros.

L'employeur sera dès lors condamné à payer à M. [N] la somme de 24 124,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 2 412,40 euros au titre des congés payés afférents.

2.3. Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

En l'espèce, le salarié fait valoir que la convention collective 'Carrefour' prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 80 % du salaire de référence par année d'ancienneté dans la limité de 24 mois d'ancienneté.

La cour relève en premier lieu que le salarié entend se prévaloir d'une convention collective 'Carrefour' alors qu'aux termes des avenants au contrat de travail versés au débat, seule la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire est applicable, outre les accords d'entreprise Carrefour.

Or le salarié ne produit aucun accord d'entreprise en ce sens.

La cour fera donc application des dispositions de la convention collective applicable, et notamment de l'article 7 de l'annexe III, aux termes duquel les cadres ayant plus de 5 ans d'ancienneté au moment du licenciement, calculée à compter de la date d'entrée dans l'entreprise:

- 3/10e de mois par année de présence, pour la tranche jusqu'à 10 ans ;

- 4/10e de mois par année de présence, pour la tranche de 10 à 20 ans ;

- 5/10e de mois par année de présence, pour la tranche au-delà de 20 ans.

Le montant de l'indemnité ne peut dépasser un maximum de 12 mois.

En l'espèce, en tenant compte d'un préavis d'une durée de trois mois, le contrat de travail a expiré le 21 mai 2019, ce dont il résulte que l'ancienneté s'établit à 24 ans et 3 mois.

Il ressort des bulletins de salaire des mois de février 2018 à janvier 2019 que le salaire moyen brut de M. [N] s'élève à la somme de 9 981,06 euros.

Dès lors que M. [N] se fonde sur un salaire mensuel de référence de 9 977,08 euros, ladite somme sera par conséquent retenue pour le calcul des différentes indemnités dues dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément à l'article R1234-4 du code du travail.

En conséquence, l'indemnité de licenciement se calcule comme suit :

(9 977,08 x 3/10 x 10) + (9 977,08 x 4/10 x 10) + ( 9 977,08 x 5/10 x 4) + ( 9 977,08 x 5/10 x 3/12) = 91 040,84 euros.

L'employeur sera par conséquent condamné à payer à M. [N] la somme de 91 040,84 euros sur ce fondement.

2.4 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le salarié fait valoir que la société Carrefour a commis un abus du droit de résilier qui peut être sanctionné par l'article 1780 du code civil, en-dehors du plafond de l'article L.1235-3 du code du travail.

Il souligne à ce propos que son licenciement présente un caractère brutal après 24 années d'expérience et l'absence de passé disciplinaire. Il ajoute avoir créé une activité professionnelle indépendante fin 2019 sans toutefois être en mesure de percevoir de rémunération alors qu'il assume la charge de deux enfants scolarisés ou en étude et d'un crédit immobilier.

En réponse, l'employeur estime que le barème posé par l'article L.1235-3 du code du travail s'impose à M. [N].

Il ajoute que le salarié ne démontre pas la réalité du préjudice allégué et observe que les résultats des deux sociétés créées par ce dernier lui permettaient tout à fait de se verser des dividendes conséquents.

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié.

Il sera rappelé en premier lieu que le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail. Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application du barème au regard de cette convention internationale. La loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.

Par ailleurs, l'article 1780 du code civil, de portée générale, ne peut déroger au texte spécial constitué par l'article L.1235-3 reproduit ci-dessus.

En l'espèce, la société Carrefour emploie plus de dix salariés.

M. [N], qui était âgé de 45 ans au jour du licenciement, bénéficiait alors d'une ancienneté de plus de 24 années au sein de l'entreprise et percevait un salaire mensuel moyen qu'il évalue à 9 977,08 euros.

Il ressort des pièces versées au débat que M. [N] a constitué deux sociétés postérieurement à son licenciement, la S.A.S. Eole et la S.A.S.U. Calidis.

S'il résulte des procès-verbaux versés au débat qu'il ne s'est versé aucune rémunération au titre de ses fonctions de président des deux sociétés, l'employeur verse au débat les bilans extraits du site societe.com mentionnant un bénéfice de 259 000 euros au titre de l'exercice 2020 s'agissant de la société Calidis et de 423 800 euros au titre du même exercice s'agissant de la société Eole.

En conséquence, en considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération mensuelle brute versée au salarié, de son âge au jour de son licenciement, de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient de réparer le préjudice par le salarié du fait de la perte injustifiée de son emploi en lui allouant la somme de 100 000 euros.

3. Sur la demande de rappel de salaire au titre du bonus 2019 :

Le salarié estime qu'aucun motif ne justifie que le bonus 2019 lui ait été retiré.

En réponse, l'employeur relève que M. [N] ne s'explique ni sur le principe ni sur le quantum de la somme ainsi réclamée.

En l'espèce, alors que les premiers juges ont rejeté la demande présentée sur ce fondement faute de précision sur le principe et le quantum du bonus sollicité, et que l'employeur développe une argumentation identique en cause d'appel, force est de constater que M. [N] ne fournit aucun élément d'appréciation en cause d'appel et ne précise pas davantage le fondement de sa demande.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée sur ce fondement.

4. Sur la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat :

Il convient d'ordonner à l'employeur de remettre à M. [N] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi devenu France Travail conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai de deux mois à compter de son prononcé.

La demande au titre de l'astreinte est rejetée.

5. Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient, en ajoutant au jugement déféré, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.

6. Sur les autres demandes :

La S.A.S. Carrefour hypermarchés, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance.

Par ailleurs, il n'est pas équitable de laisser à M. [N] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; l'employeur sera donc condamné à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'instance d'appel.

En revanche, la S.A.S. Carrefour hypermarchés sera déboutée de la demande présentée au titre de ses frais irrépétibles, tant au titre de la première instance que de l'instance en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [A] [N] de sa demande de rappel de salaire au titre du bonus 2019 et des congés payés afférents,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [A] [N] est dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.S. Carrefour hypermarchés à payer à M. [A] [N] les sommes de :

- 6 668,23 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre celle de 376,90 euros au titre des congés payés afférents,

- 24 124,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 2 412,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 91 040,84 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes ainsi allouées sont exprimées en brut,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à la S.A.S. Carrefour hypermarchés de remettre à M. [A] [N] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi devenu France Travail conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai de deux mois à compter de son prononcé,

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

ORDONNE à la S.A.S. Carrefour hypermarchés de rembourser aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation,

CONDAMNE la S.A.S. Carrefour hypermarchés au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance,

DEBOUTE la S.A.S. Carrefour de sa demande au titre des frais irrépétibles, tant au titre de la première instance que de l'instance en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 21/03020
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.03020 ?
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