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27/06/2024 | FRANCE | N°21/00214

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 27 juin 2024, 21/00214


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

ac

N° 2024/ 241









Rôle N° RG 21/00214 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXXN







[F] [S]





C/



[H] [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON





SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH





Décision

déférée à la Cour :



Ordonnance du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 25 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00994.





APPELANT



Monsieur [F] [S]

demeurant [Adresse 10]



représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

ac

N° 2024/ 241

Rôle N° RG 21/00214 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXXN

[F] [S]

C/

[H] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 25 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00994.

APPELANT

Monsieur [F] [S]

demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMEE

Madame [H] [Y]

demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Patrice REVAH de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

[F] [S] est propriétaire de parcelles cadastrées B [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 6] situées à [Localité 12].

[H] [Y] est quant à elle propriétaire des parcelles cadastrées B [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 7], et [Cadastre 8].

Dans le cadre d'un litige opposant M.[S], Mme [Y] et les époux [U] propriétaires de la parcelle B[Cadastre 3] et portant sur l'existence d'un droit de passage, une expertise judiciaire a été réalisée le 20 janvier 2017.

Sur la base de ces conclusions, [H] [Y] a fait assigner [F] [S] en revendication de la propriété de la construction dénommée La Pétachone située en bordure de la parcelle B[Cadastre 5].

Par décision du 25 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Digne Les Bains a statué en ces termes :

- Dit que Madame [H] [Y] est propriétaire de la construction dite « La Pétachone» lieu-dit [Localité 16] sur la commune du [Localité 12] ;

- Constate l'empiétement sur la parcelle B[Cadastre 5] du chemin créé par Monsieur [F] [S] sur une surface totale de 130m2 ;

- Condamne en conséquence de l'atteinte au droit de propriété Monsieur [I] [S] à payer à Madame [H] [Y] les sommes de 500 euros pour la perte d'exploitation et de 500 euros pour la gêne occasionnée par le passage de véhicules sur la propriété ;

- Rejette la demande de Madame [H] [Y] en réparation de son préjudice moral ;

- Déboute Monsieur [I] [S] de sa demande d'allocation de dommages et intérêts en raison d'un empiétement sur ses terres cultivées ;

- Rejette toutes autres demandes des parties ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamne Monsieur [F] [S] aux dépens de l'instance ;

- Dit que les dépens de l'instance en référé comprenant le coût de la mesure d'instruction seront partagés entre les parties.

Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu :

- que les investigations menées par l'expert mettent en évidence la présence d'un chemin gravillonné aboutissant à la parcelle de M.[S] B[Cadastre 6], qu'il la contourne et se dirige vers le long de la parcelle B[Cadastre 5] ;

- que le tracé de ce chemin a été modifié en 2012 par M.[S] pour passer à gauche du bâtiment litigieux ;

- que le bâtiment ne figurait pas dans le périmètre de la vente du 10 janvier 2001 entre [M] [O] et M.[S],

- que la prescription abrégée ou de droit commun ne peut s'appliquer au profit de M.[S],

- que les actes d'entretien qu'il revendique présentent un caractère précaire;

- que l'empiétement sur le fonds [Y], résultant du déplacement du chemin par M.[S], a été constaté par huissier et par l'expert judiciaire ;

Par acte du 7 janvier 2021 [F] [S] a interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2021, l'appelant demande à la cour de:

REFORMER LE jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de DIGNE LES BAINS le 25/11/2020 dans l'ensemble de ses dispositions, excepté celle où Madame [Y] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et autres demandes.

STATUANT A NOUVEAU:

DIRE que Monsieur [S] est propriétaire de la ruine dite La Pétachone, sur la commune de le [Localité 12], et rattachée à la parcelle cadastrée B [Cadastre 4].

CONSTATER qu'aucune preuve d'un quelconque empiétement dont Monsieur [S] serait à l'origine n'est rapportée.

DEBOUTER Madame [H] [Y] de l'ensemble de ses demandes comme totalement infondées et injustifiées.

CONDAMNER Madame [H] [Y] à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 500€ par an, en réparation du trouble causé par l'empiétement sur les terres cultivées par Monsieur [S] (en limite des points J-K et L), soit à ce jour 3.500€, en application des articles 1240 et suivants du code civil.

DEBOUTER Madame [H] [Y] des demandes présentées au titre des frais de remise en état, du préjudice subi (perte agricole et gêne), et au titre du préjudice moral, ainsi qu'en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER Madame [H] [Y] à payer à Monsieur [F] [S] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Madame [H] [Y], aux entiers dépens d'instance, comprenant les frais d'expertise.

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir :

-que la ruine dite de la Pétachone fait partie de la propriété de Monsieur [S], et plus précisément, de la parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 4].

- que selon le plan cadastral ce bâtiment présent sur la parcelle cadastrée [Cadastre 9] est rattaché à la parcelle cadastrée [Cadastre 4] ;

- que la superficie de la surface est constante depuis 1935,

- que dans le procès-verbal d'adjudication, ses auteurs ont acquis le lot n°7 comprenant « Le bâtiment dit la Pétachone avec ses patèques pris sur la pièce du four d'une largeur de trois mètres des côtés midi, couchant, et nord de ce bâtiment » ;

- que le document sous seing privé du 9 décembre 1993 produit par l'intimée n'a pas de valeur probante ;

- Que cet acte sous seing privé n'a pas fait l'objet d'une publication au fichier immobilier alors que les actes authentiques de 1933, 1976 et 1981 transférant la propriété de cette ruine côté [S] l'ont été ;

- que depuis la rénovation du cadastre en 1935, Monsieur [S], et avant ses auteurs, payent la taxe foncière concernant ce bâti, alors que Madame [H] [Y], et avant ses auteurs, n'ont jamais payé le moindre impôt relatif à ce bâti ;

- qu'il dispose d'un juste titre et peut bénéficier de la prescription abrégée.

- qu'il rapporte la preuve de l'entretien de la parcelle en tant qu'actes de possession,

- que l'empiétement a disparu par la création d'un nouveau chemin d'accès pour accéder à la propriété des époux [U] ;

- qu'en revanche Madame [Y] est à l'origine d'un empiétement de 150 M2 la propriété de M. [S] puisque le fermier en charge de l'exploitation des parcelles cultive au-delà de la propriété et empiète selon les points J-K et L du plan ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 juillet 2021, l'intimée demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS excepté celles déboutant Madame [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral, et des frais de remise en état du chemin

En conséquence,

Homologuer le rapport d'expertise judiciaire de M. [C]

Dire et juger que Madame [Y] est propriétaire de la petite construction nommée la Pétachone

Déclarer Monsieur [F] [S] responsable des empiétements sur la propriété de la requérante ;

Condamner Monsieur [S] au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais de remise en état ;

Le condamner au paiement de 1000 euros au titre du préjudice subi (perte agricole et gêne)

Le condamner au paiement de la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral pour l'atteinte au droit de propriété ;

Débouter Monsieur [S] de toutes ses prétentions plus amples ou contraires ;

Condamner Monsieur [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont les frais d'expertise, outre la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'intimée réplique:

- que l'acte sous seing privé du 9 décembre 1933 mentionne qu'il est établi en 2 exemplaires ;

- qu'il n'existe aucun doute sur la réalité des signatures de Mme [O] ;

- que l'authenticité de ce document a été spécifiée par l'expert judiciaire,

- que l'acte du 9 décembre 1933 est conforme aux prescriptions de l'article 1375 du code civil

- que le fait qu'il n'ait pas été publié à la conservation des hypothèques est inopérant puisque la publication au bureau des hypothèques ne sera exigée et organisée que suite au décret de 1955 ;

- que le fait que cet acte n'ait pas été publié n'affecte donc pas sa validité ;

- que la preuve du transfert de propriété résultant légalement de l'échange des consentements,

- que l'acte sous seing privé du 9 décembre 1933 est opposable aux héritiers et ayants cause ;

- que le cadastre est un simple document fiscal qui n'est pas susceptible d'établir un droit de propriété

- qu'en 2001 [M] [O] n'a pas vendu la Pétachone à la famille [S] ;

- que l'expert note dans son pré rapport que l'étude des documents cadastraux récents et anciens permet de constater que les parcelles B [Cadastre 4] et B [Cadastre 5] sont issues d'un regroupement de plusieurs parcelles du plan cadastral napoléonien dont les limites internes n'avaient rien de commun avec celles d'aujourd'hui ;

- que le dernier acte faisant référence au bâtiment de la Pétachone est l'acte sous seing privé de 1933.

- que le rattachement par une flèche sur le plan cadastral de La Pétachone à la parcelle [Cadastre 4] résulte d'une erreur,

-que le paiement de la taxe foncière ne constitue pas un acte de possession ;

- que sur l'empiétement reproché elle ne saurait répondre des actes de son fermier qui cultiverait soi-disant sur les terres de Monsieur [S],

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des parties comporte des demandes de « juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie. 

La partie intimée mentionne également dans le corps de ses conclusions une demande d'expertise qui n'est pas reprise au titre du dispositif, de sorte que la cour n'est pas tenue par celle-ci.

Sur la revendication de la propriété du bâtiment dénommé Ruine de la Pétachone

L'article 544 du code civil expose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Les parties considèrent être chacune propriétaire du bâtiment dénommé « la ruine de la Pétachone ».

L'expert judiciaire, qui a procédé à l'analyse des documents relatifs à la propriété des parcelles appartenant aux parties, a retenu ceci :

- les parcelles B [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] appartenaient dans leur ensemble à [G] [J] veuve de [S] [W] ;

- ces parcelles ont fait l'objet d'un procès verbal d'adjudication dressé par acte authentique du 22 mars 1868 à l'issue duquel les parcelles B [Cadastre 5] et [Cadastre 7] ont été acquises par [T] [L] auteur d'[H] [Y], tandis que les parcelles B [Cadastre 4] et [Cadastre 6] ont été acquises par [E] [N] auteur de [I] puis [F] [S] ;

- les parcelles B [Cadastre 4] et B [Cadastre 6] forment un ensemble dénommé Domaine [Localité 13] qui comprend selon l'extrait de transcription de l'acte d'adjudication du 22 mars 1868 le lot 7 composé « de toute la pièce de terre labourable appelé pra-rocher confrontant au levant et par pied [N], du midi le chemin de [Localité 18], du couchant et en tête sentier conduisant chez [R] et du nord le dit [Localité 17]. Il y entrera : 1° le bâtiment dit la petachone avec ses patèques pris sur la pièce du four d'une largeur de trois mètres des côtés midi, couchant et nord de ce bâtiment ».

- l'acte de notoriété, établi le 9 décembre 1933 par Me [D] au titre du partage de la succession de Mme [Z], attribue à [P] [R] épouse [O], auteur de [F] [S], le Domaine du Gaudemard d'une superficie de 32 ha 14a 08ca comprenant la parcelle B[Cadastre 9] correspondant à la cabane de la Pétachone,

- par acte sous seing privé du 9 décembre 1933, soit le même jour, [P] [R] épouse [O] a vendu à [A] [X] épouse [V], auteur de [H] [Y], la construction appelée la Pétachone en ces termes «  aux termes d'un partage reçu par Me [D] notaire à [Localité 14] décembre mil neuf cent trente trois intervenu entre les héritiers de Madame [K] [R] née [Z], il a été attribué à Madame [O] la totalité du domaine dit [Localité 13] sis au [Localité 12] dépendant de la succession de ladite dame. Dans cette attribution est compris notamment une petite construction appelée « Pétachone » attenante à la propriété de Mme [V]. Pour satisfaire à l'accord existant entre les parties, Madame [O], cède et vend à Madame [V], qui accepte, ladite construction appelée « Pétachone » et ses dépendances pour en jouir à compter d'aujourd'hui. Cette vente a lieu moyennant le prix de dix francs que Mme [O] reconnaît avoir reçu. Fait en double exemplaire à [Localité 14] décembre mil cent trente trois ».

L'analyse de ces différents actes conduit donc à considérer que le bâtiment litigieux de la Pétachone, initialement intégré dans les parcelles des auteurs de [F] [S], est entré dans le patrimoine d'[H] [Y] depuis le 9 décembre 1933.

La force probante de ce document est discutée par l'appelant aux motifs qu'il n'a fait l'objet d'aucune publication au fichier immobilier, que les signatures ne seraient pas concordantes et que le prix est non conforme au marché.

L'article 1372 du code civil dispose que l'acte sous signature privée, reconnu par la partie à laquelle on l'oppose ou légalement tenu pour reconnu à son égard, fait foi entre ceux qui l'ont souscrit et à l'égard de leurs héritiers et ayants cause.

L'article 1375 du code civil énonce que l'acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l'unique exemplaire dressé. Chaque original doit mentionner le nombre des originaux qui en ont été faits. Celui qui a exécuté le contrat, même partiellement, ne peut opposer le défaut de la pluralité d'originaux ou de la mention de leur nombre. L'exigence d'une pluralité d'originaux est réputée satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l'acte est établi et conservé conformément aux articles 1366 et 1367, et que le procédé permet à chaque partie de disposer d'un exemplaire sur support durable ou d'y avoir accès.

En l'espèce le document mentionne que l'acte a été établi en deux exemplaires, correspondant au nombre de parties signataires et qu'il est fait mention du versement du prix.

[F] [S] ne produit aucun élément de nature à contredire l'authenticité de cet écrit, tandis qu'un examen visuel des actes portant lesdites signatures ne révèle pas de dissemblances évidentes.

S'agissant de l'absence de publication, il ne peut être méconnu que la publication au bureau des hypothèques a été organisée à compter du décret du 30 septembre 1955, de sorte que l'acte sous seing privé rédigé en 1933 ne relève pas de ces dispositions.

Enfin s'agissant du prix, [F] [S], qui soutient que celui-ci est dérisoire, ne produit aucun élément objectif permettant de considérer que le bâtiment de la Pétachone ne pouvait être cédé au prix de 10 francs en 1933.

[F] [S] se fonde également sur les dispositions de l'article 1198 du code civil selon lesquelles lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d'une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d'acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi.

Or au cas d'espèce, la cour relève que l'acte d'acquisition conclu le 10 janvier 2001 entre [M] [O] et [I] [S], père de l'appelant, bien que publié à la conservation des Hypothèques de [Localité 15] le 22 février 2001, ne concerne pas la situation de deux acquéreurs successifs d'un même immeuble puisque les parties sont propriétaires de parcelles différentes et revendiquent que celles-ci contiennent celle de la Pétachone qui n'est pas cadastrée en tant que telle.

Il ne s'agit donc pas de questionner la date de l'effet translatif de la propriété, prévue par les dispositions sus-mentionnées, mais davantage de considérer si la Pétachone fait partie du périmètre foncier de la parcelle B [Cadastre 4] appartenant à [F] [S] ou B [Cadastre 5] appartenant à [H] [Y].

En conséquence, il sera retenu que la vente consentie sous seing privé le 9 décembre 1933 et portant sur le bâtiment de la Pétachone est opposable à [F] [S].

Pour s'opposer à cette circonstance, [F] [S] invoque le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée puisqu'il soutient détenir un juste titre.

L'article 2261 du code civil dispose que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

L'article 2272 du code civil précise que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

A cet égard, [F] [S] qui soutient avoir toujours réglé les impôts fonciers de la parcelle B [Cadastre 4] ne produit aucun de ces éléments. Au demeurant, sa qualité de propriétaire de la parcelle B [Cadastre 4] n'est pas contestée, seul le contenu de la parcelle fait l'objet d'un débat. Le fait que le cadastre de 1935 mentionne par une flèche la situation du bâtiment litigieux sur la parcelle B [Cadastre 4] n'a par ailleurs pas de valeur au sens de l'établissement d'une possession du bien puisque il convient de rappeler que le cadastre sert à l'évaluation des bases d'imposition destinées à l'établissement des taxes foncières et ne constitue, en cas de litige, qu'un élément d'appréciation de la propriété. Il ne confère pas l'équivalent d' un titre de propriété.

Par ailleurs, il est établi par les investigations menées par l'expert que le tracé du chemin séparant les parcelles litigieuses a été modifié à deux reprises en 2012 et en 2015, que le nouveau tracé contourne désormais par la gauche le bâtiment de la Pétachone et conduit de fait à englober matériellement dans le périmètre de la parcelle B [Cadastre 4] appartenant à [F] [S] ledit bâtiment, alors même que la situation originelle et résultant de la situation des lieux, telle que représentée sur le plan cadastral de 1935 et décrite dans l'acte d'adjudication de 1868, situe le bâtiment litigieux au nord du tracé du chemin et donc englobé dans la parcelle B [Cadastre 5] appartenant à [H] [Y].

[F] [S], qui ne conteste pas être l'auteur de la modification du tracé du chemin, situation à l'origine du contentieux entre les parties, ne peut donc ignorer que l'ancien tracé du chemin confrontait au Sud le bâtiment de la Pétachone situé au-dessus du talus surplombant sa parcelle en nature de terre B [Cadastre 4]. Ce changement de la configuration des lieux empêche dès lors de considérer l'existence d'une possession non équivoque du bâtiment.

Il n'apporte pas davantage d'éléments probants pour caractériser l'accomplissement d'actes matériels relevant de sa volonté de se comporter comme un propriétaire, à l'exception des allégations d'entretien des végétaux entourant le bâtiment, et pour lequel il n'est pas contesté qu'il est actuellement en état de ruine.

[F] [S] échoue en conséquence à établir que les éléments permettant de disposer d'une prescription abrégée à compter de la donation desdites parcelles le 28 décembre 2007 ou de droit commun trentenaire du fait de son auteur sont réunis.

En conséquence il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit qu'[H] [Y] est propriétaire de la construction dite « La Pétachone » lieu-dit [Localité 16] sur la commune du [Localité 12].

La situation d'empiétement résultant du déplacement du chemin par l'appelant, événement non contesté par ce dernier, a été objectivée par l'expert judiciaire puisqu'il conclut que les limites de propriétés entre les parcelles appartenant aux parties sont définies en annexe E.5 de son rapport et que l'empiétement y est caractérisé à hauteur de 130 m². Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

[H] [Y] qui sollicite une nouvelle évaluation du préjudice résultant de l'empiétement ne produit aucun élément nouveau permettant de remettre en question l'appréciation retenue par le premier juge , le jugement sera donc confirmé.

Sur la demande indemnitaire présentée par [F] [S] au titre de l'empiétement

[F] [S] soutient subir un empiétement du fait de l'activité de culture sur ses terres par le fermier en charge de l'exploitation des parcelles cultivées d'[H] [Y]. Pour autant au même titre qu'en première instance il ne produit aucun élément probant pour appuyer ses affirmations. Le jugement sera donc également confirmé à ce titre.

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice moral

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, [H] [Y] qui soutient subir un préjudice moral pour l'atteinte à son droit de propriété ne produit aucune pièce permettant de caractériser l'existence de ce type de préjudice. Elle ne définit pas davantage la souffrance morale résultant de la situation litigieuse.

Le jugement sera confirmé.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement dans ses dispositions concernant l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a dit que les dépens de l'instance en référé comprenant le coût de la mesure d'instruction seront partagés entre les parties, et de le confirmer pour le surplus.

[F] [S] qui succombe principalement sera condamné aux dépens de la première instance en ce compris les dépens de l'instance en référé comprenant le coût de la mesure d'instruction, et aux dépens d'appel, ainsi qu'aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge d'[H] [Y].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Condamne [F] [S] aux dépens de la première instance en ce compris les dépens de l'instance en référé comprenant le coût de la mesure d'instruction, et aux dépens d'appel,

Condamne [F] [S] à verser à [H] [Y] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00214
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.00214 ?
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