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27/06/2024 | FRANCE | N°20/13004

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 27 juin 2024, 20/13004


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 239









Rôle N° RG 20/13004 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGWDP







[K] [M]





C/



[P] [C] veuve [A]

[E] [A] épouse [Y]

[W] [A]

[T] [A]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



ASSOCIATION RAYNE - SALOMEZ



SELARL CABINET D'A

VOCATS TARTANSON







Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 18 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00034.





APPELANT



Monsieur [K] [M]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christian SALOMEZ de l'ASSOCIA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 27 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 239

Rôle N° RG 20/13004 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGWDP

[K] [M]

C/

[P] [C] veuve [A]

[E] [A] épouse [Y]

[W] [A]

[T] [A]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

ASSOCIATION RAYNE - SALOMEZ

SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 18 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00034.

APPELANT

Monsieur [K] [M]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christian SALOMEZ de l'ASSOCIATION RAYNE - SALOMEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Madame [P] [C] veuve [A]

demeurant [Adresse 3]

Madame [E] [A] épouse [Y]

demeurant [Adresse 5]

Monsieur [W] [A]

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [T] [A]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024,

Signé par Madame Patricia HOARAU, Conseiller, pour Monsieur Marc MAGNON, Président de chambre, empêché et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [P] [C] veuve [A] et ses trois enfants Mme [E] [A]-[Y], M. [W] [A] et M. [T] [A] sont propriétaires indivis d'un immeuble sis [Adresse 3].

Selon acte notarié du 20 juin 2014, M. [K] [M] et son épouse Mme [H] [L], ont acquis la parcelle immédiatement riveraine située en contre-haut, formant le lot n° 2 du lotissement dénommé « [Adresse 6] » à [Localité 7], concomitamment à l'obtention le 28 avril 2014 de la délivrance d'un permis de construire une maison à usage d'habitation sur ledit terrain.

Se plaignant de l'apparition de fissures sur leur mur de clôture, imputées à l'importance des travaux de terrassement et d'enrochement avec modification de la typologie du terrain voisin, les consorts [A] ont obtenu par ordonnance de référé du 11 août 2016, la désignation d'un expert judiciaire.

M. [D] [Z] a déposé son rapport le 9 mars 2018.

Par exploit d'huissier du 26 décembre 2018, les consorts [A] ont fait assigner M. [K] [M] devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, en exécution des travaux préconisés par l'expert sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a :

- rejeté la demande de contre-expertise,

- dit que l'ouvrage d'enrochement réalisé par M. [M] constitue un trouble anormal de voisinage qui porte déjà atteinte au fonds [A] et le met en péril en cas d'effondrement de cette structure non conforme aux règles de l'art et non pérenne dans sa stabilité,

- condamné M. [K] [M] à réaliser les travaux préconisés par l'expert [Z] pour édifier et stabiliser un ouvrage d'enrochement tels que détaillés dans le devis de l'entreprise Parraud TP du 13 décembre 2017 sous le contrôle d'un maître d''uvre assisté d'un géologue,

- assorti cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la signification de la décision et pour une durée de six mois,

- condamné M. [K] [M] à payer aux consorts [A] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] [M] à supporter les entiers dépens de la procédure qui comprendront les frais d'expertise,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a retenu :

- que les travaux de l'expert sont suffisamment documentés et détaillés pour permettre à la juridiction d'apprécier la solution du litige, après avoir écarté les conclusions des avis privés produits par M. [M] comme non pertinents,

- que l'expert judiciaire a caractérisé la non-conformité de l'enrochement réalisé au mépris des règles de l'art et caractérisé un lien de causalité entre les vices de l'enrochement et les atteintes portées au muret de clôture préexistant, ainsi qu'un risque d'effondrement non actuel, constituant un trouble anormal de voisinage.

Par déclaration du 23 décembre 2020, M. [K] [M] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 12 avril 2022, M. [K] [M] demande à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1353 et 544 du code civil,

Vu l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme,

- infirmer le jugement n°20/215 rendu par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains le 18 novembre 2020 et débouter Mme [P] [C] veuve [A], Mme [E] [A]-[Y], M. [W] [A] et M. [T] [A] de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement déféré et ordonner une contre-expertise confiée à un nouvel expert judiciaire avec mission identique à celle fixée suivant ordonnance de référé rendue le 11 août 2016, sauf à y ajouter le nécessité de faire réaliser une étude géotechnique préalablement à la rédaction de ses conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris s'agissant de la nature des travaux mis à sa charge, et lui ordonner de réaliser les travaux de démolition de l'ouvrage en enrochement et la construction d'un mur de soutènement conforme aux règles de l'art,

En tout état de cause,

- débouter les consorts [A] de leur demande portant sur l'exécution de travaux de démolition et de reconstruction de leur propre mur,

- débouter les consorts [A] de leurs demandes de condamnation du chef des frais irrépétibles et des dépens de procédure,

- condamner solidairement Mme [P] [C] veuve [A]. Mme [E] [A]-[Y], M. [W] [A] et M. [T] [A] aux entiers dépens intégrant le coût de l'expertise judiciaire.

M. [K] [M] fait valoir en substance :

- que l'expert d'assurance M. [T] [F] du cabinet Ixi, missionné par son assureur protection juridique, a déposé un rapport le 13 mai 2019, qui remet en cause l'intégralité des conclusions de l'expert judiciaire et de son sapiteur, lesquels n'ont pas cru devoir faire réaliser préalablement une étude géotechnique qui s'imposait afin de pouvoir répondre précisément aux chefs de la mission confiée,

- l'enrochement réalisé ne se trouve pas en contact avec le mur de clôture [A], et en outre il n'est pas relevé de déformation préjudiciable à sa stabilité,

- la configuration et la faible importance du phénomène de fissuration observé, permet de conclure qu'il n'est pas la conséquence de l'édification de cet enrochement,

- la surcharge relative de la piscine ne peut être prise en compte, la densité de l'eau étant de 2,5 fois inférieure à la densité du déblai extrait de sa fouille,

- la gestion des eaux se trouve parfaitement assurée par le raccordement des gouttières de toiture à un puisard situé au Sud de la parcelle et à une profondeur de 7,00 mètres environ, soit à un niveau bien inférieur à celui de la semelle de fondation du mur de clôture [A], l'enrochement ayant une hauteur de 4 mètres environ,

- que M. [I] a établi un avis géotechnique le 15 septembre 2019, qui critique le travail de l'expert judiciaire [Z] et de son sapiteur,

- on ne peut pas à l'heure actuelle décider de la stabilité du talus sans avoir réalisé des mesures des caractéristiques des sols de part et d'autre des ouvrages et il aurait fallu effectuer des sondages géotechniques et des essais de laboratoire pour pouvoir effectuer des calculs de stabilité fiables,

- les modèles proposés par l'expert judiciaire et son sapiteur ne reposent pas sur des relevés topographiques précis,

- M. [Z] propose aux termes de son rapport une solution technique dont il n'a pas testé la faisabilité, produisant à l'appui une coupe correspondant à un simple schéma non coté,

- compte-tenu de la vétusté du mur, l'origine de la fissure ne peut pas être attribuée de manière certaine aux enrochements,

- c'est de manière injustifiée que l'expert judiciaire a cru devoir mettre sur le même plan, l'ouverture très faible de la fissure sur le témoin en plâtre et la description des autres fissures dont on ne connait pas l'âge, ni l'historique,

- huit ans après la construction de l'ouvrage en enrochement, et plus de quatre ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, les microfissures affectant le mur des consorts [A] n'ont absolument pas évolué, ce muret étant resté parfaitement stable,

- que la solution préconisée par M. [Z] pour un coût de 126 614,80 euros TTC, n'est pas techniquement justifiée, des travaux portant sur l'amélioration de la stabilité interne des enrochements étant parfaitement adaptée et suffisante puisque retenue comme la cause des désordres mise en évidence par l'expert [Z] et son sapiteur,

- que les préconisations de l'expert judiciaire ne sont pas recevables en ce qu'elles portent atteinte à son droit de propriété,

- pour réaliser la démolition d'un ouvrage édifié en vertu d'un arrêté de permis de construire, puis sa reconstruction, le maître d'ouvrage se trouve préalablement tenu d'obtenir un arrêté autorisant sa démolition, puis un nouveau permis de construire,

- il n'a pas la capacité juridique pour présenter une demande de permis de démolir ainsi que de construire un ouvrage sur la propriété [A],

- les travaux de démolition et de reconstruction du mur de clôture des consorts [A] ne pouvant se faire qu'à partir de la propriété de ces derniers, la demande d'exécution sous astreinte formulée par les intimés dépendant de leur bon vouloir, revêt un caractère potestatif,

- qu'il produit aux débats un devis établi par la société ATP Piu du 6 février 2022 portant sur la démolition du mur en enrochement et la reconstruction aux lieu et place, d'un mur en agglos banchés avec ferraillage, mise en 'uvre d'un delta MS ainsi que de barbacanes, outre l'installation d'un drain en bordure du mur.

Dans leurs conclusions d'intimés déposées et notifiées par le RPVA le 22 juin 2021, les consorts [A] demandent à la cour de :

Vu l'article 1382 code civil dans sa version applicable au jour de la réalisation de l'empierrement,

Vu la théorie des troubles anormaux du voisinage,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 18 novembre 2020,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [K] [M] à leur verser la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- le condamner aux entiers dépens de l'appel.

Les consorts [A] soutiennent pour l'essentiel :

- que selon l'expert judiciaire les désordres affectant le mur de clôture existent et ne sont pas contestés, que leur cause résulte bien de l'enrochement réalisé par M. [M] en méconnaissance des règles de l'art,

- que le rapport de l'expert privé [F] est particulièrement laconique et ne saurait constituer une contestation efficace du rapport d'expertise judiciaire,

- M. [M] tente de « rejouer » l'expertise alors qu'il s'est gardé pendant les opérations d'expertise, de faire part des contestations qu'il élève aujourd'hui devant la cour, et préalablement devant le premier juge,

- que la motivation du premier juge ne pourra qu'être adoptée par la cour,

- que l'analyse de M. [I] est superficielle et faussée par les conditions dans lesquelles il a été mandaté, car il précise que son intervention est fondée sur le fait que M. [M] ne dispose pas des moyens pour réaliser les travaux préconisés par l'expert [Z],

- M. [I] ne propose pas de solution,

- l'aspect économique de la solution de reprise est inopérant,

- que le trouble anormal de voisinage est caractérisé,

- leur préjudice direct consiste en un risque d'effondrement à moyen terme compte tenu de l'instabilité de l'enrochement litigieux, et une détérioration du mur leur appartenant avec risque d'effondrement de celui-ci à moyen terme,

- que subsidiairement, M. [M] a nécessairement commis une faute de nature délictuelle, en réalisant un ouvrage d'une telle importance au mépris total des règles de l'art,

- qu'il n'existe pas d'obstacle juridique à la réalisation des travaux préconisés,

- en l'espèce, le mur ne se situe pas sur une partie de la commune sur laquelle le permis de démolir a été instauré,

- l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme dispense de toute formalité, sauf lorsqu'ils sont implantés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, les murs de soutènement,

- le tribunal a laissé un délai suffisant à M. [M] avant de faire courir l'astreinte.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 avril 2024.

La décision sera contradictoire, puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nature et l'origine des désordres

Aux termes de son rapport d'expertise, M. [Z] a constaté l'existence d'un enrochement à proximité immédiate du mur de clôture [A], ainsi que des désordres sur le mur de clôture [A] : fissures et devers, mais plus de ravinement d'eau depuis que la mairie a engagé des travaux qui redirigent les eaux de ruissellement vers la route.

L'expert estime que les charges constituées par le poids du talus, de l'empierrement, des apports d'eau et de la piscine, provoquent une poussée des terres sur la propriété [A] et en particulier leur mur de clôture, qui existe depuis trente-cinq ans et ne comporte pas de raidisseur.

Il est précisé que des témoins ont été posés quatre mois avant expertise, que le mur présente un fruit de 2 centimètres sur sa hauteur, et à l'extrémité Sud du mur, un fruit de 4 centimètres.

L'expert est d'avis que les désordres proviennent de la proximité des ouvrages, de non-conformités des aménagements aux règles de l'art, de l'absence d'étude géologique, de l'absence de drainage, de l'absence de fondations de l'empierrement et d'irrégularité des assemblages des blocs de pierre empilés. Il ajoute que la stabilité du muret n'est pas assurée.

Les moyens préconisés pour remédier, sont le démontage de l'enrochement, l'évacuation après vidage de la piscine, la démolition du muret et de la clôture, le terrassement d'assise au niveau du terrain des consorts [A], la réalisation d'un ouvrage en béton armé formant soutènement des terres et fondation des gabions, avec évacuation des eaux de drainage, une finition par talutage, la réfection de la clôture en grillage, un mur en gabion de 300 centimètres de hauteur, le tout pour un coût estimé à 126 614,80 euros comprenant l'intervention d'un maître d''uvre et d'un géologue, selon devis de l'entreprise Parraud TP qui maintient la piscine existante en place.

Sur la contestation du rapport et la demande de contre-expertise

M. [M] oppose en se fondant sur des rapports privés établis par le cabinet Ixi et M. [I] :

- que les dégradations du mur [A] ne proviennent pas de l'enrochement,

- que les préconisations de l'expert sont maximalistes et se heurtent à des obstacles juridiques, puisqu'elles lui imposent d'obtenir un permis de démolir et reconstruire, le mur [A].

Le cabinet Ixi énonce que l'enrochement a été réalisé par M. [M] avec l'aide de M. [V], entrepreneur en exercice et professionnel de ce type d'ouvrage, sans facturation, que l'enrochement n'est pas en contact avec le mur de clôture [A] et ne peut exercer de poussée, que les désordres de fissuration minimes ne sont pas la conséquence de l'érection de l'enrochement, que la surcharge relative de la piscine ne peut pas être prise en compte la densité de l'eau étant de 2,5 fois inférieure à la densité du déblai extrait, que la gestion des eaux est parfaitement assurée.

Or, il est observé que l'absence de facturation s'accompagne en l'espèce d'une absence totale de descriptif des travaux et d'études préalables, ce qui pose question quant au professionnalisme de l'intervention de l'entrepreneur choisi par M. [M]. Les affirmations du cabinet Ixi sur l'absence de contact de l'enrochement avec la clôture [A], sont contredites par les photographies prises par l'expert judiciaire, ses constatations sur le fait que le mur a « subi des déformations à l'endroit des plus grosses pressions là où le rocher est au plus près du mur », les constatations du sapiteur sur le fait que des blocs se sont déplacés et sont entrés en contact avec le mur. En outre, il est relevé que ce n'est pas tant la piscine dont la construction est mise en cause, mais l'enrochement réalisé sans étude préalable, sans drainage, sans fondation, et dont la stabilité a été mise en cause par le sapiteur que s'est adjoint l'expert judiciaire, celui-ci ayant relevé que les blocs se sont déjà déplacés jusqu'à entraîner un contact avec le muret. Enfin la question du ravinement a été écartée par l'expert judiciaire, comme ayant été réglée.

M. [I], qui se présente comme expert inscrit sur les listes de la cour d'appel, missionné pour vérifier si la solution de M. [Z] est adaptée à la situation, est d'avis que la solution préconisée par l'expert est maximaliste et coûteuse, alors que selon lui, les désordres du mur ne peuvent pas être attribués aux enrochements de façon certaine, que l'évolution des désordres au cours de l'expertise est très faible, que le mur [A] est vulnérable ne possédant ni barbacane, ni joint de dilatation, que l'expert n'a pas effectué de relevé topographique, ni d'études des sols pour déterminer l'épaisseur du remblais, que la stabilité externe des blocs est correcte telle que relevée par le sapiteur.

Cependant, le sapiteur a bien constaté que les blocs qui composent l'enrochement se sont déplacés jusqu'à entrer en contact avec le mur [A], ce qui est en soi, anormal. De ce fait, l'enrochement est à l'origine d'une pression sur le mur [A], lequel n'est pas un mur de soutènement mais un simple mur de clôture, expliquant les désordres qui y ont été constatés, peu important leur évolution par la suite. Cela justifie par suite de refaire ledit enrochement, après étude géologique et selon les règles de l'art, ce qui n'a pas été fait par M. [M].

D'ailleurs, il est observé que M. [M] a obtenu un arrêté de permis modificatif du 11 juillet 2016, suite à son permis de construire du 28 avril 2014 et au permis de construire modificatif refusé du 7 août 2015, afin de régulariser l'enrochement, la piscine et le local technique, ainsi qu'un mur de clôture, pour réduire la hauteur de l'enrochement de 80 centimètres environ, le soutènement en enrochement ayant été réalisé sans autorisation préalable, l'expert précisant dans son rapport déposé le 9 mars 2018, que ce permis de construire modificatif n'a pas été exécuté par M. [M], à cause de l'expertise en cours.

Quant à l'obstacle juridique invoqué tenant à l'impossibilité pour M. [M] de demander un permis de démolir et reconstruire le mur [A], il n'est pas déterminant, ces formalités pouvant être accomplies par les consorts [A] eux-mêmes avant que les travaux soient mis en 'uvre.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [M] de sa demande de contre-expertise judiciaire et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de travaux

Elle est fondée sur le trouble anormal de voisinage et subsidiairement sur la responsabilité délictuelle.

Aux termes de l'article 544 du code civil « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

Par ailleurs, tout fait quelconque de l'homme qui cause préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose de démontrer la triple preuve de la faute, du préjudice et du lien de causalité entre les deux.

La réparation peut être une réparation en nature.

En l'espèce, il ressort des développements ci-dessus que M. [M] a réalisé son enrochement sans respecter les règles d'urbanisme d'une part et sans respecter les règles de l'art d'autre part, que cet enrochement est à l'origine de désordres sur le mur séparatif avec la propriété [A].

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [K] [M] à réaliser les travaux préconisés par l'expert [Z] pour édifier et stabiliser un ouvrage d'enrochement tels que détaillés dans le devis de l'entreprise Parraud TP du 13 décembre 2017 sous le contrôle d'un maître d''uvre assisté d'un géologue.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens comprenant les frais d'expertise, ainsi que sur les frais irrépétibles.

En cause d'appel, M. [M] qui succombe, sera condamné aux dépens et aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge des consorts [A].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [M] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [K] [M] à payer à Mme [P] [C] veuve [A], Mme [E] [A]-[Y], M. [W] [A] et M. [T] [A] ensemble, la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/13004
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;20.13004 ?
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