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25/06/2024 | FRANCE | N°21/16964

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 25 juin 2024, 21/16964


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 25 JUIN 2024



N° 2024/262









Rôle N° RG 21/16964

N° Portalis DBVB-V-B7F-

BIPK6







[O] [L]



C/



PROCUREUR GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Séverine DECAUX



MINISTÈRE PUBLIC


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 21 janvier 2021





APPELANT



Monsieur [O] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/012139 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 26 août 1964 à [Localité 2] (AL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 25 JUIN 2024

N° 2024/262

Rôle N° RG 21/16964

N° Portalis DBVB-V-B7F-

BIPK6

[O] [L]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Séverine DECAUX

MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 21 janvier 2021

APPELANT

Monsieur [O] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/012139 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 26 août 1964 à [Localité 2] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Séverine DECAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Monsieur Thierry VILLARDO, avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 avril 2024 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène PERRET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [O] [L], se disant né le 26 août 1964 à [Localité 2] (ALGERIE), a formulé le 17 mai 2018 une déclaration de nationalité française, en invoquant son mariage le 12 octobre 1995 à [Localité 3] (ALGERIE) avec Madame [V] [J], de nationalité française et de sa vie commune avec elle.

Le 26 juin 2019, le ministère de l'Intérieur a refusé son enregistrement au motif que la condition de communauté de vie ne pouvait pas être considérée comme étant effective.

Par acte d'huissier du 20 février 2020, Monsieur [O] [L] a fait assigner le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille devant ledit tribunal aux fins de contester cette décision.

Par un jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a débouté Monsieur [O] [L] de l'ensemble de ses demandes, constaté son extranéité, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, et l'a condamné aux dépens,

Le 2 décembre 2021, Monsieur [O] [L] a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 1er mars 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur [O] [L] demande à la cour de :

- Annuler le jugement déféré,

- En conséquence,

- Annuler la décision du 26 juin 2019 du ministère de l'intérieur refusant d'enregistrer la demande d'acquisition de la nationalité française,

- Lui Accorder la nationalité française

- Ordonner au ministère public d'apposer la mention de sa nationalité française en marge de son acte de naissance ;

- Laisser les dépens à la charge de chacune des parties.

Au soutien de ses prétentions, il expose être arrivé en France en 2001, son épouse et leurs deux premiers enfants nés en 1996 et 1998 en ALGERIE, l'ayant rejoint en 2004. Il est titulaire d'une carte de résidant valable de septembre 2011 à septembre 2021 en cours de renouvellement.

Il ajoute qu'en 2014, son épouse et ses deux derniers enfants nés en 2005 et 2007 en France sont partis en Algérie pour leur scolarité, tandis qu'il est resté en France avec les deux ainés. Il affirme que les époux n'ont jamais suspendu leur communauté de vie affective et matérielle puisqu'il envoyait régulièrement de l'argent à son épouse qui revenait régulièrement en France.

Il indique être très attaché à la France, son épouse et les 4 enfants étant de nationalité française. Il soutient que sur chaque avis d'imposition sur les revenus depuis 2010, apparaissent les noms des époux. Il s'est trompé sur sa déclaration de revenu de 2015 en indiquant qu'il était divorcé.

Il ajoute que la communauté de vie entre les époux peut persister malgré un éloignement géographique, si tel est l'intention des époux qui éprouvent de l'affection l'un envers l'autre. Il ne peut pas produire son ancien passeport car les autorités algériennes l'ont conservé.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 30 mai 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur le Procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement, de débouter M. [O] [L] de ses demandes et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Au soutien de ses prétentions, il expose, d'une part, que l'acte de naissance produit aux débats par l'appelant n'a pas été dressé conformément à la législation algérienne et ne fait donc pas foi au regard de l'article 47 du code civil : outre le fait qu'il est impossible qu'une naissance survenue le 26 août 1964 ait donné lieu à l'établissement d'un acte de naissance le 1er juillet 1964, la copie de l'acte de naissance n'est pas conforme à la législation algérienne, puisqu'elle ne contient pas l'heure de naissance, les dates et lieux de naissance ou âges de ses parents, ni les professions de ces derniers. En outre les noms et prénoms de l'officier de l'état civil qui a dressé l'acte et l'heure à laquelle ce dernier a été dressé ne sont pas mentionnés.

D'autre part, il soutient qu'il ressort de l'enquête policière que les époux ont vécu séparément de 2001 à 2004 et de 2014 à 2017 et précise que l'épouse compte repartir en Algérie pour s'occuper des enfants mineurs qui y résident. Dans ces conditions, la distance autant que la durée des périodes de séparation excluent une communauté de vie au sens de l'article 21-2 du code civil.

Les documents administratifs aux deux noms des époux établissent une gestion commune des intérêts matériels du couple mais ne démontrent pas une communauté de vie affective et matérielle au jour de la déclaration. L'appelant ne justifie pas participer financièrement aux frais du ménage ou à l'entretien et à l'éducation des enfants.

Contrairement à ses allégations, l'entreprise de laverie qu'il gérait a été fermée en 2015 et il ne justifie d'aucune activité particulière en France qui expliquerait que le couple ai dû rester séparé postérieurement à la fermeture de cette entreprise.

Enfin, il constate que le passeport de l'épouse ne porte mention d'aucun voyage entre 2012 et 2018 et que le passeport de l'appelant a été délivré postérieurement à la déclaration de nationalité française.

La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 16 octobre 2023.

Par un arrêt avant dire droit du 9 janvier 2024, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile,

- Ordonné la réouverture des débats et le renvoi de la cause et des parties à l'audience du 18 avril 2024 à 08h30 Palais Verdun salle F,

- Enjoint à M. [O] [L] de produire un dossier de pièces conformes aux exigences des articles 16 et 954 du code de procédure, et, en particulier, de s'abstenir de toute cote de plaidoirie et de présenter les pièces dans l'ordre de numérotation du bordereau, tout particulièrement les pièces évoquées dans les motifs ci-dessus, faute de quoi il sera statué en l'état,

- Rappelé que toute pièce d'état civil dont l'appelant entend se prévaloir doit figurer en original et non en photocopie dans le dossier communiqué à la cour,

- Dit que l'ordonnance de clôture interviendra le 04 avril 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 18 avril 2024.

MOTIVATION

L'article 21-2 du code civil prévoit que l'étranger qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom.

Afin de pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-2 du code civil, l'appelant doit en premier lieu justifier d'un état civil probant et fiable au sens de l'article 47 du code civil.

Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

En l'espèce, et afin de justifier de l'état civil de Monsieur [O] [L], ce dernier produit aux débats une photocopie d'une copie délivrée le 18 juin 2020 de son acte de naissance dressé le 1er juillet 1964 à [Localité 2] en ALGERIE.

D'une part, il y a lieu de relever que l'acte d'état civil versé aux débats est versé sous la forme d'une simple photocopie. Ce défaut de production d'originaux ou de copies certifiées conformes selon les règles applicables suffirait à justifier le débouté pour ce seul motif, le document versé étant exempt de toutes garanties d'intégrité et d'authenticité et la cour ne pouvant en conséquence s'assurer de l'authenticité des éléments d'état civil revendiqués.

D'autre part, il ressort de son acte de naissance n°466 qu'il serait né le 26 août 1964 à [Localité 2] de Monsieur [S] [I] [L] et de Madame [X] [M] [D], domiciliés à [Localité 2], l'acte ayant été dressé le 1er juillet 1964 sur déclaration de son père.

Force est de constater qu'il est impossible qu'une naissance intervenue le 26 août 1964 ait donné lieu à l'établissement d'un acte de naissance le 1er juillet 1964. En outre ce document ne contient ni l'heure de naissance de l'intéressé, ni les dates et lieux de naissance des parents de l'appelant ni la profession de ces derniers. En outre, les prénoms et noms de l'officier de l'état civil ayant dressé l'acte et l'heure à laquelle cet acte a été établi ne sont pas mentionnés. Dès lors, cet acte de naissance n'a pas été dressé conformément aux articles 34 et 57 du code civil français, applicables entre l'indépendance de l'Algérie le 4 juillet 1962 et le 1er juillet 1972.

En conséquence, l'état civil de Monsieur [O] [L] n'est pas fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil.

Dans ces conditions, l'appelant ne peut se voir reconnaître la nationalité française et il convient de confirmer la décision querellée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Monsieur [O] [L], qui succombe, supportera la charge des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement du tribunal judiciaire de MARSEILLE du 21 janvier 2021 ;

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [O] [L] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 21/16964
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.16964 ?
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