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21/06/2024 | FRANCE | N°21/02730

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 21 juin 2024, 21/02730


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024



N° 2024/ 227













Rôle N° RG 21/02730 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7YB







S.A.R.L. 1 PACTE PROVENCE LBS





C/



[P] [Y]



























Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :



Me Diane-Daphnée AJAVON de la SARL KACTUS AVOCATS, avo

cat au barreau

D'AIX-EN-PROVENCE



Me Anne-Sylvie VIVES, avocat au barreau de TOULON











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 18 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00156.





APPELANTE


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2024

N° 2024/ 227

Rôle N° RG 21/02730 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG7YB

S.A.R.L. 1 PACTE PROVENCE LBS

C/

[P] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le : 21 juin 2024

à :

Me Diane-Daphnée AJAVON de la SARL KACTUS AVOCATS, avocat au barreau

D'AIX-EN-PROVENCE

Me Anne-Sylvie VIVES, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 18 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00156.

APPELANTE

S.A.R.L. 1 PACTE PROVENCE LBS, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Diane-Daphnée AJAVON de la SARL KACTUS AVOCATS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [P] [Y], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anne-Sylvie VIVES, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Kassandra LE BRIS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2024,

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige:

1. Selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 1er septembre 2010, M.[Y] a été embauché au poste d'attaché commercial expert niveau IV, coefficient 240, par la société Littoral bureautique devenue par la suite la société par actions simplifiées (SAS) 1 Pacte Provence-LBS ayant une activité de gestion d'installations informatiques et systèmes d'impression.

2. Par avenant à son contrat de travail du 2 mai 2017, M. [Y] a été promu au poste de directeur commercial statut cadre.

3. M. [Y] a été placé en arrêt de travail du 23 avril 2018 au 22 octobre 2018 pour maladie en raison d'un syndrome dépressif réactionnel.

4. Le 18 octobre 2018, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 31 octobre 2018.

5. Le 23 octobre 2018, il a été déclaré par le médecin du travail inapte définitivement à son poste avec une impossibilité de reclassement.

6. Le 14 novembre 2018, la SARL Pacte Provence a licencié M. [Y] pour faute grave.

7. Le 24 janvier 2019, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon aux fins de contester son licenciement pour faute grave et le dire sans cause réelle et sérieuse, mais aussi obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

8. Par jugement du 18 janvier 2021, notifié le 26 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Toulon a:

- constaté aucune violation des règles d'ordre public de la procédure de licenciement pour inaptitude,

- constaté que M. [P] [Y] n'a pas été victime de harcèlement moral,

- jugé que les faits reprochés à M. [P] [Y] sont partiellement prescrits,

- jugé le licenciement de M. [P] [Y] sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Pacte Provence - LBS à verser à M. [P] [Y] les sommes suivantes:

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 61 520 euros bruts,

- indemnité compensatrice de préavis: 23 070,09 euros bruts,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 2 307 euros,

- indemnité légale de licenciement: 16 181,10 euros,

- condamné la SAS Pacte Provence au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que l'ensemble des condamnations sont assortis des intérêts au taux légal à compter de deux mois, après la date de réception par l'employeur du jugement,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision,

- débouté l'ensemble des autres demandes des parties.

9. Le 22 février 2021, la SAS Pacte Provence a fait appel de ce jugement.

10. Par ordonnance du 4 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état, saisi par M.[Y] d'une demande tendant à constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel et à voir dire et juger que la cour n'était saisie d'aucune demande, a:

- Déclaré M.[Y] irrecevable en sa demande,

- Débouté M.[Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M.[Y] à payer à la SAS 1 Pacte Provence-LBS la somme de 800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M.[Y] aux dépens de l'incident.

11. A l'issue de ses dernières conclusions du 14 mars 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS 1 Pacte Provence demande à la cour de:

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 18 janvier 2021 en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [P] [Y] sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à verser à M. [P] [Y] les sommes suivantes:

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 61 520 euros brut,

- indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 070,09 euros brut,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 2 307 euros brut,

- indemnité légale de licenciement: 16 181,10 euros brut,

- rejeté sa demande de constatation de la faute grave et la validité du licenciement consécutif,

- jugé que les faits reprochés à M. [P] [Y] sont partiellement prescrits,

- l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire recevable et fondé l'appel interjeté,

- dire que la déclaration d'appel opère pleinement son effet dévolutif,

- dire que la cour est bien saisie des demandes formulées,

- dire que le conseiller de la mise en état a fait une correcte application des textes et confirmer l'ordonnance d'incident du 4 février 2022,

- débouter M. [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel,

- statuant à nouveau, constater que la matérialité des faits invoqués n'est pas établie,

- relever la mauvaise foi de M. [P] [Y],

- constater l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de M. [Y],

- constater la faute grave de M. [P] [Y] et la validité du licenciement consécutif prononcé par elle le 14 novembre 2018,

- dire et juger que le licenciement intervenu est régulier et valable et repose sur une faute grave,

- condamner M. [P] [Y] à verser la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] [Y] aux entiers dépens.

12. A l'issue de ses dernières conclusions du 26 juillet 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] demande à la cour de:

- constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 22 février 2021 enregistrée sous le n°21/02284,

- juger que la cour n'est saisie d'aucun chef ni d'aucune demande,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon,

- juger que le juge de la mise en état a fait une application erronée des textes,

- juger M. [Y] en son action relative à l'absence d'effet dévolutif de l'appel,

- juger qu'il n'y a pas lieu à sa condamnation à payer à la SAS 1 Pacte Provence - LBS la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relative à la procédure d'incident,

- annuler sa condamnation à payer à la SAS 1 Pacte Provence-LBS la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relative à la procédure d'incident.

- à titre subsidiaire, juger que la cour n'est saisie d'aucun chef ni d'aucune demande au sens de l'article 954 du code de procédure civile et des conclusions d'appelant,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon,

- à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a condamné la SAS 1 Pacte Provence-LBS à lui verser les sommes suivantes:

- indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 070,09 euros bruts,

- indemnité compensatrice de CP sur préavis: 2 307 euros bruts,

- condamné la SAS 1 Pacte Provence -LBS au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- dit que l'ensemble des condamnations sont assorties des intérêts au taux légal à compter de 2 mois, après la date de réception par l'employeur du jugement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS 1 Pacte Provence-LBS à verser des sommes en bruts en lieu et place de sommes en net pour les sommes suivantes:

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 61 520 euros bruts,

- - indemnité légale de licenciement: 16 181,10 euros bruts,

- constater, dire et juger la violation des règles d'ordre public de la procédure de licenciement pour inaptitude,

- constater, dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral,

- constater, dire et juger que les faits reprochés sont prescrits et en tout état de cause infondés,

- dire et juger son licenciement nul et en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS 1 Pacte Provence - LBS à lui verser les sommes suivantes:

- Dommages et intérêts pour licenciement nul: 92 000 euros nets,

- pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 62 000 euros nets,

- Indemnité compensatrice de préavis (3 mois): 23 070,09 euros bruts,

- Indemnité compensatrice de CP sur préavis: 2 307 euros bruts,

- Indemnité légale de licenciement: 16 181,10 euros nets,

- Dommages-intérêts pour conditions vexatoires entourant la rupture: 46 000 euros nets,

- Dommages-intérêts pour harcèlement moral: 62 000 euros nets,

- condamner la Sas 1 Pacte Provence - LBS au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ainsi qu'aux entiers dépens,

- dire que les sommes ayant la nature d'indemnité et de dommages intérêts s'entendent nettes de toutes charges sociales et contributions sociales,

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de la copie de la saisine du conseil de prud'hommes pour les sommes à nature salariale, et à compter de la date du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon le 18 janvier 2021 pour les sommes à nature de dommages et intérêts, conformément aux articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

13. La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 mars 2024. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

Motivation:

Sur l'effet dévolutif de l'appel:

14. Il ressort de l'article 562 du code de procédure civile que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible

15. L'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa version en vigueur lors de l'appel formé par l'appelant, prévoyait que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

16. La jurisprudence applicable à ces dispositions retenait que, application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emportait dévolution des chefs critiqués du jugement, qu'il en résultait que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile devaient figurer dans la déclaration d'appel, laquelle était un acte de procédure se suffisant à lui seul mais que, cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant pouvait compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle devait renvoyer.

17. Il en résultait que la déclaration d'appel de l'appelant, qui se bornait à indiquer que l'appel était limité aux chefs de jugement expressément critiqués et comprenait une annexe, à laquelle la déclaration d'appel ne renvoyait pas, et alors qu'il n'était pas justifié d'un empêchement d'ordre technique, n'était pas conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile telles qu'interprétées par la jurisprudence. Dans ces circonstances, l'effet dévolutif de l'appel n'opérait pas et la cour d'appel ne pouvait que constater qu'elle n'était saisie d'aucune contestation à l'égard du jugement déféré.

18. En l'espèce, la déclaration d'appel formée par la SAS 1 Pacte Provence-LBS se borne à indiquer que l'appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqués et comprend une annexe comprenant les chefs du jugement critiqué sans qu'il soit justifié d'un empêchement technique et alors que la déclaration d'appel ne renvoie pas à cette annexe. A la date à laquelle elle a été formée, elle n'a donc pu saisir la cour d'appel d'aucune contestation à l'égard du jugement critiqué, l'effet dévolutif de l'appel n'ayant pu opérer.

19. Cependant, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2022-245 du 25 février 2022 prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe. Il ressort de l'article 6 du décret du 25 février 2022 que cette nouvelle rédaction de l'article 901 du code de procédure civile est immédiatement applicable aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

20.Par ailleurs, il ne résulte pas de la formulation de ces nouvelles dispositions que la formalité de l'annexe n'est réservée qu'aux hypothèses d'empêchement technique ni que la déclaration d'appel doit renvoyer à l'annexe.

21. M.[Y] ne peut en conséquence valablement conclure à l'absence d'effet dévolutif de l'appel. Il sera débouté de ce chef de demande.

Sur l'ordonnance du conseiller de la mise en état:

22.L'article 916 du code de procédure civile dispose que:

Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond.

Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

Elles peuvent être déférées dans les mêmes conditions lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident mettant fin à l'instance, sur une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel.

La requête, remise au greffe de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l'article 57 et à peine d'irrecevabilité, l'indication de la décision déférée ainsi qu'un exposé des moyens en fait et en droit.

Les ordonnances du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, statuant sur la caducité ou l'irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2, peuvent également être déférées à la cour dans les conditions des alinéas précédents.

23.L'ordonnance du 4 février 2022, qui ne bénéficie pas des exceptions prévues par les alinéas 2, 3 et 5 de l'article 916 du code de procédure civile, ne peut faire l'objet que d'un pourvoi en cassation avec l'arrêt au fond. M.[Y] ne peut en conséquence demander, dans le cadre de l'instance au fond, son annulation en ce qu'il a été condamné à payer à la SAS 1 Pacte Provence-LBS une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Cette demande sera déclarée irrecevable.

Sur les conclusions de la SAS 1 Pacte Provence-LBS :

24.Selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

25.La cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » dès lors qu'elles ne sont susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

26.En l'espèce, si dans le dispositif de ses conclusions, la SAS 1 Pacte Provence-LBS demande de constater que la matérialité des faits invoqués n'est pas établie, relever la mauvaise foi de M.[Y], constater l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à l'égard de M.[Y] et constater la faute grave de M.[Y] et la validité de son licenciement, exposant ainsi des moyens auxquels la cour n'est pas tenue de répondre, elle a également demandé de réformer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement de M.[Y] sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité légale de licenciement et de débouter M.[Y] de de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel. Ce faisant, la SAS 1 Pacte Provence-LBS a clairement formé des prétentions dans le dispositif de ses dernières conclusions. M.[Y] ne peut donc prétendre que la cour n'est saisie d'aucune demande de la part de la SAS 1 Pacte Provence-LBS .

Sur le licenciement de M.[Y] :

27.Selon l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

28.Par ailleurs, l'article L.1226-2-1 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi

29.Il en résulte que ces dispositions d'ordre public font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l'inaptitude, peu important que l'employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause (Cour de cassation, chambre sociale, 8 février 2023, n°21-16258).

30.En l'espèce M.[Y] , placé en arrêt de travail pour maladie ou accident non-professionnel, a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 23 octobre 2018 au terme d'une visite médicale de reprise. Il incombait en conséquence à la SAS 1 Pacte Provence-LBS , peu important l'engagement d'une procédure de licenciement pour autre cause, de procéder à son reclassement ou, en cas d'impossibilité de lui proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, de refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces condition ou de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, de procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

31. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

32.En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable au présent litige, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

33.Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

34.Il est de jurisprudence constante qu'est nul le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lorsque cette inaptitude trouve dans sa cause dans des faits de harcèlement moral subi par le salarié.

35.Pour justifier de l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, M.[Y] se prévaut:

- De pressions et menaces constantes de licenciement de la part de la direction de la SAS 1 Pacte Provence-LBS devant les autres salariés,

- De dénigrement, un représentant de la SAS 1 Pacte Provence-LBS lui déclarant notamment qu'il avait une « équipe de merde dans le Var », qu'il était « une tête d'âne » et que « Sur les commissions [ils étaient ] des voleurs dans le Var »,

- De la contrainte de devoir travailler durant ses congés,

- De la gestion abusive et dégradante de sa rémunération aux motifs que sa commission pour le mois de février 2018 lui a été réglée avec retard en mars 2018 avec une moins-value de 351,65€ et que que la SAS 1 Pacte Provence-LBS a abusivement prélevé sur son salaire de septembre 2018 la somme de 2.666,00€ bruts au prétexte d'un indu sur commission.

36.M.[Y] ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à établir qu'il a fait l'objet de pressions et menaces de licenciement, qu'il a été dénigré par la SAS 1 Pacte Provence-LBS ni qu'il a été contraint de devoir travailler pendant ses congés.

37.En revanche, il est constant que, courant mars 2018, M.[Y] a contesté le montant de la commission qu'il avait perçu pour le mois précédent et que la SAS 1 Pacte Provence-LBS a prélevé sur le salaire de M.[Y] pour le mois de septembre 2018 une somme de 2 666 €.

38.M.[Y] a été placé en arrêt de travail pour dépression/burn-out à compter du 23 avril 2018. Il a été examiné le 11 octobre 2018 par le professeur [M] qui a relevé qu'il présentait un score d'épuisement professionnel de 45 correspondant à un burn-out élevé. La contestation sur la commission due pour le mois de février 2018 mais surtout le prélèvement d'une somme substantielle sur la rémunération de M.[Y] en septembre 2018 ainsi que la dégradation concomitante de son état de santé permet de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

39.Il ressort cependant du courrier de la SAS 1 Pacte Provence-LBS du 23 septembre 2018 que le prélèvement litigieux de 2 666 € précité trouve sa cause dans la perception indue par la M.[Y] d'avances sur commissions payées pendant la suspension de son contrat de travail. Une telle décision était en conséquence justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

40.Ne subsiste que le différend opposant M.[Y] à la SAS 1 Pacte Provence-LBS sur le montant de la commission due pour le mois de février 2018. Il est de jurisprudence constante qu'un fait unique ne peut caractériser un harcèlement moral.

41. M.[Y] ne peut en conséquence prétendre à la nullité de son licenciement de ce chef et solliciter l'indemnisation du harcèlement moral qu'il prétend avoir subi.

42.Selon l'article R.1234-4 code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

43.En l'espèce, faute pour M.[Y] de verser aux débats ses bulletins de salaire concernant ses douze derniers mois de travail avant son arrêt de travail, il conviendra, en considération des bulletins de paie versés à l'instance par la SAS 1 Pacte Provence-LBS concernant les trois derniers mois travaillés par M.[Y] , un salaire de référence de 5 536,14 €.

44.M.[Y] est en conséquence fondé à prétendre à une indemnité légale de licenciement de 16 181.10 €, la somme de 23 070,09 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2 307 € au titre des congés payés afférents.

45.Par ailleurs, sur la base du même salaire moyen, sur la base d'une ancienneté de huit ans et dans les limites fixées par l'article L.1235-3 code du travail, le préjudice subi par M.[Y] à raison de la rupture de son contrat de travail, notamment les difficultés à retrouver un nouvel emploi, sera indemnisé en lui allouant la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts.

46.Enfin, les sommes allouées à M.[Y] à titre indemnitaires seront fixées en net.

Sur le licenciement vexatoire :

47.Il est de principe que le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

48.Il ne résulte pas des faits de la cause que le licenciement de M.[Y] est intervenu dans des conditions abusives ou vexatoires. La demande en dommages-intérêts qu'il forme de ce chef sera donc rejetée.

Sur les mesures accessoires:

49 Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes allouées à M.[Y] à titre indemnitaire devront porter intérêts à compter du du présent arrêt alors que les sommes allouées à M.[Y] à titre salarial devront porter à compter de la mise en demeure, soit en l'espèce la convocation de la SAS 1 Pacte Provence-LBS devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

50.Enfin la SAS 1 Pacte Provence-LBS , partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M.[Y] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 18 janvier 2021 en ce qu'il a condamné la SAS 1 Pacte Provence-LBS à payer à M.[Y] les sommes suivantes :

- 61 520 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans

- 16 181,10 euros àtitre d'indemnité légale de licenciement,

LE CONFIRME pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation;

CONDAMNE la SAS 1 Pacte Provence-LBS à payer à M.[Y] les sommes suivantes :

- 16 181.10 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2019,

DIT que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du à compter du présent arrêt,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS 1 Pacte Provence-LBS aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 21/02730
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;21.02730 ?
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