La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/10679

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 20 juin 2024, 23/10679


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/ 149









Rôle N° RG 23/10679 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYIG







S.A.S. TEO INVESTISSEMENT





C/



[Z] [U]





Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Maud DAVAL-GUEDJ





Me Joseph MAGNAN





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce

de CANNES en date du 03 Août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00036.



APPELANTE



S.A.S. TEO INVESTISSEMENT poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis,

do,nt le siège social sis : [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/ 149

Rôle N° RG 23/10679 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLYIG

S.A.S. TEO INVESTISSEMENT

C/

[Z] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 03 Août 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00036.

APPELANTE

S.A.S. TEO INVESTISSEMENT poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis,

do,nt le siège social sis : [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant, Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE, , Me Joseph MAGNAN

INTIMEE

Madame [Z] [U],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julien SALOMON de la SELARL JULIEN SALOMON, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant, Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme [X] [R] a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 juin 2023 Mme [Z] [U], déplorant les nuisances sonores et les désordres engendrés par les travaux de rénovation entrepris par le propriétaire de la parcelle voisine, la société Teo Investissement, et notamment les travaux d'excavation, a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes afin qu'il soit fait injonction sous astreinte à la société de respecter les horaires applicables aux travaux de chantier et afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.

Mme [Z] [U] a également sollicité l'arrêt des travaux en l'attente de l'avis de l'expert.

Par ordonnance en date du 3 août 2023 le juge des référés a :

Vu les articles 249 et suivants du code de procédure civile,

- désigné [F] [N] [I] demeurant [Adresse 2] ' en qualité d'expert judiciaire avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux, prendre connaissance de tous les documents administratifs et notamment du dossier de permis de construire de la SAS Teo Investissement, des contrats de maîtrise d''uvre, de bureau d'études et de bureaux de contrôle, prendre connaissance des études de sol et des préconisations

' des bureaux d'études et des bureaux de contrôle technique chargés de la réalisation du projet et du suivi du chantier, ainsi que des compte rendus de chantier de la maîtrise d''uvre ;

* constater l'état et l'avancement des travaux

* constater si les procédés constructifs mis en 'uvre par la SAS Teo Investissement sont de nature à fragiliser le terrain et la construction de la requérante ;

* constater si les conditions de reprise du chantier sont réunies sans qu'une expertise plus approfondie soit nécessaire.

- fixé à 3 000 € le montant de la provision à consigner par la société Teo Investissement avant le 31 août 2023 au greffe du tribunal de Commerce de cannes, à peine de caducité de la présente désignation, par application des articles 269 et 271 du Code de Procédure Civile ;

- dit que le greffier informera l'expert de la consignation intervenue qui ne débutera sa mission qu'à partir de la consignation effective ;

- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout technicien de son choix et devra déposer son rapport au plus tard dans les 2 mois suivant la consignation effective ;

- dit que le contrôle de la mission sera assuré par le Président du Tribunal de céans et

que l'expert pourra l'aviser de toute difficulté rencontrée lors de l'exécution de sa mission ;

- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé par simple ordonnance sur requête ;

Vu les articles 835 et 873 du code de procédure civile,

- enjoint la société Teo Investissement de respecter les horaires applicables aux travaux de chantier sur la commune de [Localité 5] sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de l'ordonnance à intervenir ;

- ordonné l'arrêt du chantier ;

- condamné la société Teo Investissement aux dépens.

réservé l'examen des frais exposés non compris dans les dépens au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir à nouveau la juridiction de céans à compter de la remise du rapport, aux fins d'examiner l'opportunité de désigner un expert avec une mission élargie et d'examiner les conditions de reprise du chantier

-------

Par acte en date du 8 août 2023 la société Teo Investissement a interjeté partiellement appel de l'ordonnance.

-------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 15 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Teo Investissement (Sas) demande à la cour de :

Vu les articles 9 et 145 du CPC

Vu les articles 835 et 873 du CPC

Vu l'article 488 du CPC

Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- Désigné [F] [N] [I] demeurant [Adresse 2] ' en qualité d'expert judiciaire avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux, prendre connaissance de tous les documents administratifs et notamment du dossier de permis de construire de la SAS Teo Investissement, des contrats de maîtrise d''uvre, de bureau d'études et de bureaux de contrôle, prendre connaissance des études de sol et des préconisations

' des bureaux d'études et des bureaux de contrôle technique chargés de la réalisation du projet et du suivi du chantier, ainsi que des compte rendus de chantier de la maîtrise d''uvre ;

* constater l'état et l'avancement des travaux

* constater si les procédés constructifs mis en 'uvre par la SAS Teo Investissement sont de nature à fragiliser le terrain et la construction de la requérante ;

* constater si les conditions de reprise du chantier sont réunies sans qu'une expertise plus approfondie soit nécessaire.

- Fixé à 3 000 € le montant de la provision à consigner par la société Teo Investissement avant le 31 août 2023 au greffe du tribunal de Commerce de cannes, à peine de caducité de la présente désignation, par application des articles 269 et 271 du Code de Procédure Civile ;

- Dit que le greffier informera l'expert de la consignation intervenue qui ne débutera sa mission qu'à partir de la consignation effective ;

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout technicien de son choix et devra déposer son rapport au plus tard dans les 2 mois suivant la consignation effective ;

- Dit que le contrôle de la mission sera assuré par le Président du Tribunal de céans et que l'expert pourra l'aviser de toute difficulté rencontrée lors de l'exécution de sa mission ;

- Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé par simple ordonnance sur requête ;

- Ordonné l'arrêt du Chantier ;

- Condamné la société Teo Investissement aux dépens.

Et statuant à nouveau,

Juger que Madame [U] ne démontre aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent pour justifier l'arrêt du chantier, a fortiori depuis que le brise roche n'est définitivement plus utilisé

Juger en tout état de cause irrecevable la demande de prononcé d'une astreinte de 30 000 € venant assortir la condamnation d'arrêter le chantier ayant été rejeté par l'ordonnance de référé du 9 novembre 2023

Juger que l'expertise judiciaire ne reposait pas sur un motif légitime en ce que la mission devait comprendre l'analyse de désordres

Condamner Madame [U] au paiement de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens.

Au soutien de son appel, la société Teo Investissement fait valoir que :

en l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, l'arrêt du chantier ordonné à la demande de Mme [Z] [U] est injustifié ; de plus, l'arrêt du chantier, qui ne reposait que sur l'usage du brise roche, n'a plus lieu d'être dès lors que les travaux de terrassement sont terminés,

à défaut de consignation la mesure d'expertise est caduque et Mme [Z] [U] n'a pas elle-même consigné ; en l'absence de preuve de désordres la mesure d'expertise n'était pas justifiée,

Mme [Z] [U] réitère sa demande d'expertise avec une mission modifiée alors que l'intérêt de cette expertise a disparu et qu'elle n'établit pas la persistance de troubles ; il n'existe donc pas de motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile,

Mme [Z] [U] a été déboutée de sa deuxième procédure aux fins d'obtenir que l'arrêt du chantier soit assorti d'une astreinte ; l'ordonnance du 9 novembre 2023 ayant autorité de la chose jugée sa demande en ce sens en cause d'appel est irrecevable ; Mme [Z] [U] ne peut bloquer le chantier alors que les travaux d'excavation sont terminés

-------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 13 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Z] [U] demande à la cour de :

Vu l'ordonnance rendue le 3 août 2023 par le juge des référés près le tribunal de commerce de Cannes

Vu les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

Confirmer l'ordonnance entreprise s'agissant de la désignation de Monsieur [I] pour mener une expertise judiciaire et la mise à la charge de la société Teo Investissement de l'avance des frais d'expertise

Réformer l'ordonnance entreprise s'agissant de la mission confiée à l'expert et, statuant à nouveau, fixer ladite mission comme suit :

' Se rendre sur les lieux, de prendre connaissance des documents administratifs et notamment du dossier de permis de construire de la SAS Teo Investissement, prendre connaissance des études de sol et des préconisations des bureaux d'études chargés de la réalisation du projet

' Examiner la propriété de Madame [U] et ses équipements, mesurer le volume de bruit induit par les engins de chantier et l'impact des nuisances sur la jouissance paisible de son logement au besoin avec l'aide d'un sapiteur choisi par l'Expert judiciaire

' Constater l'état et l'avancement des terrassements

' Rechercher si les procédés constructifs mis en 'uvre par la SAS Teo Investissement sont de nature à fragiliser le terrain et la construction de la requérante

' Donner son avis sur le mode constructif choisi par l'entreprise, et dire si un mode constructif moins lourd et moins bruyant aurait pu être privilégié

' Se prononcer sur l'impact sur la propriété voisine, et notamment dire si le mode constructif utilisé porte atteinte à la solidité de l'immeuble voisin

' Se prononcer sur les préjudices subis par Madame [U]

' Et plus généralement, fournir tous éléments d'informations à la juridiction

Réformer l'ordonnance entreprise s'agissant de l'avance des frais d'expertise et, statuant à nouveau, dire que celle-ci sera prioritairement à la charge de la société Teo Investissement mais laisser un délai à Madame [U] pour régulariser la consignation des frais d'expertise dans l'hypothèse où la société Teo Investissement n'y procéderait pas elle même

Vu les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles R.1334-31 et suivants du code de la santé publique,

Confirmer l'ordonnance entreprise s'agissant de l'arrêt de chantier ordonné mais, statuant à nouveau, assortir cette disposition d'une astreinte de 30.000 € par jour de retard courant à compter du 3 août 2023

Vu les dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

Confirmer l'ordonnance entreprise s'agissant de la condamnation de la société Teo Investissement aux dépens de 1 ère instance

Réformer l'ordonnance entreprise en ce que les frais irrépétibles ont été réservés et, statuant à nouveau, condamner la société Teo Investissement à verser à Madame [U] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de 1 ère instance

Condamner la société Teo Investissement à payer à Madame [U] une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

Débouter la société Teo Investissement de toutes ses demandes, fins et conclusions.

En réponse, Mme [Z] [U] fait valoir que :

les nuisances sonores et vibratoires du chantier ont des conséquences néfastes sur sa famille et les occupants de la villa et présentent également un risque pour le bâti de sa propriété,

elle demande confirmation de l'ordonnance sauf à y ajouter une extension de mission, et sauf à prendre en considération les modalités d'avance des frais d'expertise en l'absence de consignation de la part de la société Teo Investissement et infirmer les dispositions relatives aux frais irrépétibles ; la société Teo Investissement n'a pas interjeté appel de l'obligation de respecter sous astreinte les horaires des travaux, de sorte que cette disposition est définitive,

elle dispose d'un intérêt légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile à obtenir une expertise au regard des troubles anormaux du voisinage subis et des désordres apparus sur sa maison,

l'arrêt du chantier est également justifié au regard des nuisances sonores engendrées et ce, en application des articles R.1334-3 et R.1134-36 du code de la santé publique, ainsi qu'au regard du risque de déstabilisation du bâti et de la création de fissures ; contrairement à ce que soutient la société Teo Investissement les travaux de démolition se poursuivent et celle-ci fait preuve de manque de transparence quant à la réalité des travaux mis en 'uvre

MOTIFS

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 15 mai 2024 Mme [Z] [U] demande la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 29 avril 2024 et subsidiairement que soit écartée des débats la pièce produite par la société Teo Investissement le 25 avril 2024.

Par conclusions de rejet enregistrées par voie dématérialisée le 15 mai 2024 la société Teo Investissement demande à la cour d'écarter des débats les conclusions et pièces notifiées et déposées le 14 mai 2024.

A l'audience, la société Teo Investissement accepte de retirer des débats la pièce numérotée 16 communiquée le 25 avril 2024.

Dès lors, les conclusions prises par Mme [Z] [U] le 14 mai 2024 tendant à répliquer à la communication de cette pièce sont sans objet.

En conséquence, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 29 avril 2024.

Les conclusions et pièces postérieures de Mme [Z] [U] doivent être écartées des débats.

Sur la demande d'expertise :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Les mesures légalement admissibles sont celles qui sont circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Ainsi, il incombe au juge de vérifier si la mesure était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

En l'espèce, au vu des pièces produites, et notamment du rapport établi le 29 juin 2023 par la société Edifis Conseil, il apparaît que Mme [Z] [U] justifie du caractère plausible des dommages qu'elle allègue au titre des conséquences des travaux entrepris par la société Teo Investissement.

Ainsi, ledit rapport souligne l'existence de « microfissures sur les murs des façades côté Ouest » et « l'état de fatigue morale des habitants de la villa de Mme [U] ».

Il apparaît en conséquence que la mesure d'expertise ordonnée apparaît utile à caractériser la conformité des procédés de construction déployés, la nature des désordres éventuellement causés au bâtiment appartenant à Mme [Z] [U] et à établir un lien de causalité potentiel avec les travaux effectués à proximité par la société Teo Investissement, et ce, alors que l'intimée allègue également les troubles générés par ces travaux pour elle-même et ses proches en raison de leur niveau sonore et de leur durée.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée sur ce point sauf à préciser qu'en l'absence de consignation dans le délai imparti à la société Teo Investissement la mesure est devenue caduque en application des dispositions de l'article 271 du code de procédure civile.

Pour autant, en l'état de l'utilité de la mesure il y a lieu de relever les parties de la caducité de la mesure d'expertise, de juger que le délai de consignation doit être prorogé au plus tard au 1er septembre 2024 et que la provision à valoir sur les honoraires de l'expert sera mise à la charge de Mme [Z] [U], partie qui a intérêt à voir prospérer la mesure d'instruction.

La mission inclura également une évaluation des dommages éventuellement subis par Mme [Z] [U] au titre des seuls désordres au bâti, le surplus ne relevant pas de la compétence de l'architecte désigné, à l'exclusion des autres chefs de mission sollicités.

Sur l'arrêt du chantier :

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Par ailleurs, en application de l'article 873 du même code, le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, au-delà des nuisances sonores et vibratoires invoquées par Mme [Z] [U], cette dernière ne justifie pas de l'existence de dommages imminents qu'il conviendrait de prévenir considérant qu'au-delà des micro-fissures invoquées, aucun risque pour la solidité du bâti n'est établi, susceptible de justifier un arrêt du chantier de construction.

En outre, il ressort du procès-verbal de constat établi par maître [C] le 2 novembre 2023 que les travaux d'excavation et de terrassement sont achevés, les ouvriers ayant entamé la phase de reconstruction de la villa et notamment de la dalle de béton, de sorte que l'arrêt du chantier apparaît disproportionné et inadapté.

De même, considérant que le respect des horaires du chantier n'est plus en débat en l'état de l'appel circonscrit de la société Teo Investissement et de la liquidation de l'astreinte afférente à la décision du juge des référés sur ce point, l'existence d'un trouble manifestement illicite ne peut être déduite des pièces communiquées dès lors que les travaux ont été entrepris après le dépôt d'un permis de construire, dont rien n'indique à cette date qu'il serait susceptible d'être annulé, en dépit du recours administratif déposé par Mme [Z] [U].

En conséquence, la décision sera infirmée en ce qu'elle a ordonné l'arrêt du chantier effectué par la société Teo Investissement.

Sur les frais et dépens :

Le juge des référés n'ayant pas vocation à connaître du litige au fond, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a réservé l'examen des frais exposés non compris dans les dépens au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, aucun élément ne permettant à ce stade de déterminer les responsabilités éventuelles dans l'apparition des dommages et leur imputabilité, il y lieu de rejeter la demande présentée par Mme [Z] [U] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de juger que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 29 avril 2024 en l'état du retrait par la société Teo Investissement de sa pièce numérotée 16 transmise le 25 avril 2024,

Dit en conséquence que sont écartées des débats les conclusions et pièces transmises le 14 mai 2024, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture, par Mme [Z] [U] en réponse à la transmission de cette pièce,

Confirme l'ordonnance rendue le 3 août 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes en ce qu'elle a :

- Désigné [F] [N] [I] demeurant [Adresse 2] ' en qualité d'expert judiciaire avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux, prendre connaissance de tous les documents administratifs et notamment du dossier de permis de construire de la SAS Teo Investissement, des contrats de maîtrise d''uvre, de bureau d'études et de bureaux de contrôle, prendre connaissance des études de sol et des préconisations

' des bureaux d'études et des bureaux de contrôle technique chargés de la réalisation du projet et du suivi du chantier, ainsi que des compte rendus de chantier de la maîtrise d''uvre ;

* constater l'état et l'avancement des travaux

* constater si les procédés constructifs mis en 'uvre par la SAS Teo Investissement sont de nature à fragiliser le terrain et la construction de la requérante ;

- Dit que le greffier informera l'expert de la consignation intervenue qui ne débutera sa mission qu'à partir de la consignation effective ;

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout technicien de son choix et devra déposer son rapport au plus tard dans les 2 mois suivant la consignation effective ;

- Dit que le contrôle de la mission sera assuré par le Président du Tribunal de céans et que l'expert pourra l'aviser de toute difficulté rencontrée lors de l'exécution de sa mission ;

- Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé par simple ordonnance sur requête ;

- Condamné la société Teo Investissement aux dépens

L'infirme pour le surplus dans les limites de l'appel dévolu à la cour, et,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Fixe à 3 000 euros le montant de la provision à consigner par Mme [Z] [U] avant le 1er septembre 2024 au greffe du tribunal de commerce de Cannes, à peine de caducité de la présente désignation, par application des articles 269 et 271 du code de procédure civile,

Déboute Mme [Z] [U] de sa demande d'arrêt du chantier effectué par la société Teo Investissement 66, avenue du Roi [Localité 4] à [Localité 5],

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Dit que l'expert devra également procéder à une évaluation des préjudices éventuellement subis par Mme [Z] [U] au titre des seuls désordres au bâti, et devra proposer les solutions techniques propres à y remédier et chiffrer le cas échéant le coût de la remise en état,

Rejette le surplus des missions sollicitées par Mme [Z] [U] au titre de l'expertise,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 23/10679
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.10679 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award