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20/06/2024 | FRANCE | N°23/09764

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 20 juin 2024, 23/09764


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024



N° 2024/ 147









Rôle N° RG 23/09764 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVNE







S.A.S. E-SAT





C/



S.A.S. THEMYS









Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Pierre-yves IMPERATORE







Me Nadine ABDALLAH-MARTIN





Décision déférée à la Cour :



Or

donnance du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00018.





APPELANTE



S.A.S. E-SAT - prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège socuial sis : [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/ 147

Rôle N° RG 23/09764 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLVNE

S.A.S. E-SAT

C/

S.A.S. THEMYS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE

Me Nadine ABDALLAH-MARTIN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 06 Juillet 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023R00018.

APPELANTE

S.A.S. E-SAT - prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège socuial sis : [Adresse 1]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Victor CHAMPEY de la SELARL BERENICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. THEMYS Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

dont le siège social sis : [Adresse 2]

représentée par Me Aurélie POLI de la SELARL LEXPLUS CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant, Me Nadine ABDALLAH-MARTIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Marie-Amélie VINCENT a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 6 décembre 2005, la Sas Themys, ayant notamment pour activité la fourniture d'équipements électroniques de communication et de navigation dans le domaine maritime, a conclu avec la Sas E-Sat, spécialisée dans la commercialisation, la diffusion et la distribution de réseaux de communication par voie satellite, un pacte d'actionnaire comportant en son article 10 une clause « d'exclusivité et de non-concurrence ».

Arguant de violations de cette clause, la Sas E-Sat a fait assigner, par exploit délivré le 6 janvier 2023, la Sas Themys devant le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille, aux fins de désignation d'un expert, dont la mission tendait à mesurer l'ampleur de partenariats conclus avec des opérateurs de communication par satellite susceptibles de relever de ses activités propres, et les conséquences préjudiciables en découlant.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a :

- débouté la Sas E-Sat de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- laissé à la charge de la Sas E-Sat les dépens ;

- rejeté tout surplus des demandes comme non justifié.

Par acte du 21 juillet 2023, la Sas E-Sat a interjeté appel de cette ordonnance.

----------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 19 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas E-Sat soutient que :

- l'ordonnance entreprise encourt la nullité en ce qu'elle adopte des motifs contradictoires, sans répondre aux moyens soulevés ;

- elle dispose d'un motif légitime à voir ordonner une expertise en ce qu'elle justifie d'indices concordants d'une violation de son engagement par la Sas Themys, lequel tendait à exclure l'entrée de cette dernière sur le marché des prestations de communication par satellite ;

- elle dispose d'un droit d'agir à l'encontre de la Sas Themys, laquelle ne démontre pas que l'action au fond serait manifestement prescrite, n'ayant pu prendre connaissance de la violation par la Sas Themys de son engagement qu'au cours des années 2022 et 2023 ;

- l'engagement de la Sas Themys repose sur l'article 10 du pacte d'actionnaires, lequel constitue une clause d'exclusivité dont les conditions de validité sont réunies ; si l'engagement devait être qualifié de clause de non-concurrence, il demeurerait néanmoins valable, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur la qualification ou la validité de cet engagement ;

- la mission d'expertise est légalement admissible car circonscrite à certains opérateurs de communication par satellite, et limitée dans le temps à dix ans, étant précisé que sont exclus les documents et échanges susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou d'être couverts par le secret professionnel des avocats ou le secret de la défense nationale.

Au visa des articles 145, 455 et 458 du code de procédure civile, elle sollicite de la cour de :

- annuler l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 6 juillet 2023 en toutes ses dispositions pour contrariété de motifs et défaut de réponse à conclusions ;

- subsidiairement, infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Marseille le 6 juillet 2023 en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, juger la Sas E-Sat recevable en son action et bien fondée en sa demande de désignation d'expert ;

- en conséquence, désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de :

- entendre les parties, interroger tout sachant et se faire remettre tous documents utiles à la réalisation de sa mission, à l'exclusion des documents et échanges susceptibles de porter atteinte à la vie privée ou d'être couverts par le secret professionnel des avocats ou le secret de la défense nationale (i.e. les prestations fournies par la Sas Themys à la Marine Nationale et aux services de la douane française) ;

- se faire remettre par la Sas Themys l'ensemble des contrats qu'elle pourrait avoir conclus avec des opérateurs de communication par satellite et des sociétés de prestation de services de communication par satellite, à savoir les contrats conclus par la Sas Themys avec :

La société (ou toute entité du groupe) Telenor ;

La société (ou toute entité du groupe) Inmarsat ;

La société (ou toute entité du groupe) Iridium ;

La société (ou toute entité du groupe) Viasat ;

La société (ou toute entité du groupe) Marlink ;

La société (ou toute entité du groupe) Ast Distribution ;

La société (ou toute entité du groupe) Eutelsat/One Web ;

La société (ou toute entité du groupe) Space X/Starlink ;

- se faire remettre par la Sas Themys le contrat que celle-ci a conclu avec La Méridionale, relatif à la fourniture de prestations de services de communication par satellite ;

- se faire remettre par la Sas Themys l'ensemble des pièces, notamment comptables (devis, factures, grands livres, balance générale) permettant de retracer :

L'ensemble des prestations de services de communication par satellite proposées et/ou fournies par la Sas Themys à ses clients, en partenariat avec les sociétés (ou toute entité des groupes) Telenor, Inmarsat, Iridium, Viasat, Marlink, Ast Distribution, Eutelsat/One Web, Space X/Starlink ;

Le volume de chiffres d'affaires généré par la fourniture de ces prestations ;

- donner tous éléments techniques et de fait relatifs aux prestations de services de communication par satellite proposées et/ou fournies par la Sas Themys à ses clients, en partenariat avec les sociétés (ou toute entité des groupes) Telenor, Inmarsat, Iridium, Viasat, Marlink, Ast Distribution, Eutelsat/One Web, Space X/Starlink ;

- donner tous éléments techniques et de fait relatifs aux prestations de services de communication par satellite proposées et/ou fournies par des tiers aux clients de la Sas Themys à ses clients, et/ou en partenariat avec la Sas Themys, à savoir les sociétés (ou toute entité des groupes) Telenor, Inmarsat, Iridium, Viasat, Marlink, Ast Distribution, Eutelsat/One Web, Space X/Starlink ;

- donner tous éléments techniques et de fait relatifs au chiffre d'affaires généré par la fourniture, par la Sas Themys, en partenariat avec les sociétés (ou toute entité des groupes) Telenor, Inmarsat, Iridium, Viasat, Marlink, Ast Distribution, Eutelsat/One Web, Space X/Starlink, ou par ces mêmes tiers, en partenariat avec la Sas Themys, de prestations de services de communication par satellite aux clients de la Sas Themys ;

- plus généralement, donner tous éléments techniques et commerciaux (notamment les brochures commerciales) et de fait relatifs permettant de déterminer les activités développées et exploitées par la Sas Themys, en partenariat avec les sociétés (ou toute entité des groupes) Telenor, Inmarsat, Iridium, Viasat, Marlink, Ast Distribution, Eutelsat/One Web, Space X/Starlink ;

- en tout état de cause, débouter la Sas Themys de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;

- condamner la Sas Themys à verser à la Sas E-Sat la somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas Themys aux entiers dépens de première instance et d'appel.

----------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 11 janvier 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas Themys soutient que les conditions posées par l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas remplies en ce que :

- la Sas E-Sat ne justifie pas de l'existence d'une situation litigieuse entre les parties, ne démontrant aucune violation des accords pris ;

- l'appréciation du motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, est subordonnée à la démonstration de ce qu'une action au fond ne serait pas manifestement irrecevable ou vouée à l'échec ; le juge des référés est compétent pour apprécier si la prescription de l'action au fond est susceptible d'être encourue, celle-ci faisant alors obstacle à ce que soit constatée l'existence d'un motif légitime ; or la Sas E-Sat a connaissance, depuis 2011 au moins, que la Sas Themys commercialisait des prestations de communications VSat Marine, de sorte que l'action en responsabilité envisagée est manifestement prescrite et irrecevable ; en outre, cette action est fondée sur une clause de non-concurrence non-valable, en ce qu'elle ne comporte aucune limitation géographique, ni aucun objet limité, et se révèle disproportionnée au regard des intérêts en cause ;

- les mesures d'instruction sollicitées ne sont pas légalement admissibles, car elles portent sur des informations couvertes par le secret de la défense nationale, et sont disproportionnées, portant sur tous types de documents sans aucune limitation de durée ;

Au visa des articles 32-1, 145 du code de procédure civile, 2224 du code civil, 413-1 et suivants du code pénal, et R2311-7, 23-7-1 du code de la défense, elle demande à la cour de :

- rejeter la demande de nullité de l'ordonnance entreprise,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la Sas E-Sat de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- à titre infiniment subsidiaire, limiter la mesure d'expertise en excluant notamment la remise de :

- toute pièce antérieure au 6 janvier 2018 ;

- toute pièce afférente aux prestations de services de communication par satellite relatives à la technologie VSat Marine, y compris le volume de chiffres d'affaires généré par cette activité,

- toute pièce concernant la Marine nationale et les services douaniers ;

- toute pièce afférente aux prestations de services de communication par satellite proposées et/ou fournies par la Sas Themys par l'intermédiaire de la Sas E-Sat,

- toute pièce permettant de retracer le volume de chiffres d'affaires généré par les prestations de services de communication par satellites proposées et/ou fournies par la Sas Themys par l'intermédiaire de la Sas E-Sat ;

- ordonner à l'expert d'établir un pré-rapport qui sera soumis à chacune des parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs dires et y répondre ;

- fixer la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, à consigner au greffe par la Sas E-Sat dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir ;

- en tout état de cause, infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté tout surplus des demandes comme non justifié ;

- et au contraire, dire et juger que la Sas E-Sat a abusé de son droit d'ester en justice,

- condamner la Sas E-Sat à payer à la Sas Themys la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi à cette occasion,

- condamner la Sas E-Sat à verser à la Sas Themys la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sas E-Sat aux entiers dépens.

MOTIFS

- Sur la nullité de l'ordonnance

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Conformément à l'article 458 de ce même code, ce qui est prescrit par les dispositions sus-visées doit être observé à peine de nullité.

Au cas présent, la Sas E-Sat soutient que l'ordonnance attaquée a adopté des motifs contradictoires équivalant à un défaut de motifs, en retenant que les parties ont des interprétations divergentes sur l'engagement pris par la Sas Themys et sur les documents entrant dans la sphère contractuelle, tout en jugeant qu'elle ne justifie pas d'un litige plausible, et qu'elle ne répond pas au moyen soulevé tenant à l'existence d'un motif légitime, ne précisant pas en quoi les échanges de courriels depuis 2011 seraient de nature à écarter le motif légitime, de sorte qu'elle encourt la nullité.

Toutefois, le fait que le premier juge ait retenu que « la Sas E-Sat ne démontre pas que ces affirmations reposent sur des faits précis, objectifs et vérifiables » pour caractériser l'insuffisance du caractère plausible du litige n'apparaît pas contradictoire avec un constat d'interprétations divergentes, le litige plausible ne pouvant résulter à lui seul d'interprétations divergentes des parties, mais devant être étayé par des éléments produits aux débats de nature à démontrer que l'action n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec.

En outre, il ne saurait être fait grief à l'ordonnance attaquée de ne pas répondre aux moyens soulevés, alors que le premier juge a apprécié que les pièces et développements versés aux débats démontraient l'absence de toute situation litigieuse opposant les parties, et que les conditions posées par l'article 145 du code de procédure civile sont cumulatives, de sorte qu'aucune obligation de statuer sur les moyens surabondants, liés à l'application des dispositions de cet article, ne s'imposait au premier juge.

Dès lors, l'ordonnance entreprise est régulièrement motivée, et la demande de nullité sera écartée.

- Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le juge, saisi d'une demande au titre de l'article 145 du code de procédure civile, n'a pas à se prononcer sur le bien-fondé ou même l'opportunité d'un procès éventuel mais il doit apprécier la crédibilité du litige éventuel en vue duquel des éléments de preuve sont recherchés.

Il peut ainsi écarter la demande d'expertise après avoir constaté que les prétentions sont manifestement irrecevables ou mal fondées rendant peu plausible l'existence d'un procès au fond à venir.

En l'espèce, le pacte d'actionnaire signé le 6 décembre 2005 entre la Sas E-Sat et la Sas Themys prévoit en son article 10 que « la société Themys s'engage à ce que tout développement dans les secteurs et domaines d'activités propres et apparentés à ceux de la Société, tant en France qu'à l'étranger, y compris les développements par voie de licence ou de contrats de franchises ou assimilés, soit effectué au sein de la Société ou par l'intermédiaire de filiales existantes ou à créer, détenues à 100% par la Société.

De même, la société Themys s'interdit de participer ou de s'intéresser, directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, à ces activités de même nature que celles exploitées et développées par la Société ou susceptibles de concurrencer celles de la Société, et notamment à ne pas acquérir, prendre ou détenir une quelconque participation dans une société exploitant et développant de telles activités.

Plus particulièrement, la société Themys s'interdit de procéder à la facturation des communications par satellite, quelles qu'elles soient, de ses clients, activité réservée à la Société, à compter de la signature des présentes ».

La Sas E-Sat fait valoir que la Sas Themys n'a pas respecté ses engagements contractuels, en la concurrençant sur ses activités propres, et en concluant des partenariats avec des opérateurs de communication par satellite pour fournir des services de communication par satellite à ses clients.

Au soutien de sa demande d'expertise, elle produit des extraits de la page LinkedIn ainsi que deux newsletters d'avril et juin 2022 de la Sas Themys, faisant état de divers partenariats conclus avec des opérateurs de communication par satellite, notamment Viatsat Inc et Telenor, un extrait du site internet de la Sas Themys mentionnant qu'elle propose des services de communication par satellite en partenariat avec divers opérateurs tels qu'Inmarsat et Iridium, un « devis/quotation n°49052 » pour la fourniture et la facturation de prestations de communication satellite via Telenor, et un courriel du 20 janvier 2022 dont il résulte que « la synergie entre nos sociétés ne s'opère plus ».

Ces éléments ne sont pas contestés par la Sas Themys, laquelle réplique que ces pièces résultent uniquement de l'application de la répartition mise en place entre les parties, aucune violation de la clause contractuelle litigieuse ne pouvant être reprochée.

A cet égard, ainsi que justement relevé par le premier juge, il résulte des pièces de la Sas Themys, et notamment des courriels produits, que depuis 2011 la Sas E-Sat sollicite la Sas Themys aux fins d'établir des offres tarifaires en matière de communication VSat Marine. Le « Guide de bonnes pratiques Themys-E-Sat », transmis par courriel du 31 août 2021 de la présidente de la Sas E-Sat au président de la Sas Themys, entérine ce mode opératoire, mentionnant que les communications VSat Marine relevent du champ de compétences de la Sas Themys, tandis que la fourniture de prestations de communications satellitaires terrestres et en bande L relèvent de la Sas E-Sat. Aucun détournement de clients n'est démontré, le courriel du 14 juin 2023 émanant de la Sas E-Sat à destination de La Méridionale évoquant une prestation de communication V-Sat gérée par Themys dont il n'est pas justifié qu'elle violerait le guide des bonnes pratiques.

Dès lors, les pièces sus-visées, produites au soutien de l'appel, ne constituent qu'une application des pratiques entretenues depuis 2011.

De la même manière, tant la Sas E-Sat que la Sas Themys ne fournissant pas des services de communication, mais commercialisant les services d'opérateurs satellitaires, la diffusion, par la société intimée, de newsletters, relayant des offres de divers opérateurs de télécommunications, en ce qu'elles permettent de proposer aux clients une offre de communication auprès de différents opérateurs, et ne constituent qu'une activité de promotion susceptible de bénéficier aux deux parties, ne démontre pas l'existence d'un litige plausible. Ces communications s'inscrivent a contrario dans le cadre de la collaboration mise en place entre les parties.

Il est enfin à observer qu'aucune des pièces versées par la Sas E-Sat n'est de nature à démontrer son référencement au titre de la V-Sat Marine. Les factures produites, si elles comportent la mention VSat, ne spécifient toutefois pas qu'il puisse s'agir de la V-Sat Marine, tout comme les échanges avec les opérateurs satellitaires, lesquels ne constituent au demeurant que des prospects publicitaires, non démonstratifs dudit référencement.

Le litige plausible ne peut résulter à lui seul d'interprétations divergentes des parties, mais doit être étayé par des éléments produits aux débats de nature à démontrer que l'action n'apparaît pas manifestement vouée à l'échec. Force est ainsi de constater que la Sas E-Sat ne démontre l'existence d'aucun indice permettant d'établir la vraisemblance de la violation contractuelle reprochée par laquelle elle entend justifier le caractère légitime de la mesure d'instruction.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge a débouté la Sas E-Sat de l'ensemble de ses demandes, et il convient de confirmer l'ordonnance entreprise de ce chef, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés.

- Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Pour autant, il convient de rappeler que l' « amende » civile prononcée sur le fondement de l'article 32-1du code de procédure civile ne peut l'être qu'à l'initiative du juge et non des parties, cette amende revenant à l'Etat.

En conséquence, doit être déboutée de sa demande, la société intimée qui fonde sa demande de dommages et intérêts exclusivement sur les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile. L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée de ce chef.

- Sur les demandes accessoires

La Sas E-Sat, partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et sera tenue de payer à la Sas Themys la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande de nullité de l'ordonnance rendue le 6 juillet 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 6 juillet 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille,

Y ajoutant,

Dit que la Sas E-Sat, sera condamnée aux entiers dépens de l'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la Sas E-Sat, à payer à la Sas Themys la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 23/09764
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.09764 ?
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