La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°21/01083

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 20 juin 2024, 21/01083


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 232













N° RG 21/01083 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2R7







[Y] [M] épouse [P]

[R] [P]





C/



[G], [N], [O] [H]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON



SCP PASC

AL - CHAMPDOIZEAU





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de Fréjus en date du 30 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 11-19-0000.



APPELANTS



Madame [Y] [M] épouse [P]

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 232

N° RG 21/01083 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2R7

[Y] [M] épouse [P]

[R] [P]

C/

[G], [N], [O] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

SCP PASCAL - CHAMPDOIZEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de Fréjus en date du 30 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 11-19-0000.

APPELANTS

Madame [Y] [M] épouse [P]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Laurent LE GLAUNEC de la SCP MOEYAERT-LE GLAUNEC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Monsieur [R] [P]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Laurent LE GLAUNEC de la SCP MOEYAERT-LE GLAUNEC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

Madame [G], [N], [O] [H]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU-PASCAL de la SCP PASCAL - CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-Laurent EMOD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :

Par assignation en date du 10 janvier 2019 Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [M] ont assigné Madame [G] [H] devant le Tribunal de proximité de Fréjus a'n de la voir condamner à tailler les arbres et arbustes situés à deux mètres de la ligne séparative de leur parcelle selon les préconisations légales outre les branches dépassant sur leur propriété sous astreinte de 250 euros par jour de retard sous un délai de 8 jours après la signification de la décision à intervenir, la condamner à tailler tout arbre ou végétation portant atteinte à la vue de leur propriété sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours après signi'cation de la décision à intervenir et au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble du voisinage subi en sus du paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, le tout assorti de 1'exécution provisoire.

Madame [H] a soulevé in limine litis la prescription de la demande des époux [P] fondée sur l'article 14 du règlement de copropriété tendant à la condamner à tailler tout arbre ou végétation portant atteinte à leur vue. Elle a demandé d'écarter des débats les pièces adverses numéros 11 et 12 qu'elle considère inexploitables et obtenues dans des conditions irrégulières, de débouter les requérants du surplus de leurs prétentions des lors qu'elle s'est conformée aux dispositions des articles 671 et suivants du code civil et de l'arrêté préfectoral du 30 mars 2015.

A titre reconventionnel, elle a réclamé le paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi par l'abus de droit opéré par les époux [P] et au paiement de la même somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens, en ce compris les coûts des mesures de constat, le tout assorti de l'exécution provisoire.

Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal de proximité a

DIT N Y AVOIR LIEU d' écarter des débats les pièces numéros 11 et 12 produites par les requérants,

DEBOUTÉ les époux [P] de leurs demandes fondées sur les dispositions des articles 671 et suivants du code civil et sur la violation du règlement de copropriété,

DEBOUTÉ les parties de leurs demandes en dommages et intérêts,

CONDAMNÉ Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [P] née [M] à payer à Madame [G] [H] la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNÉ Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [P] aux dépens, précision faite que Madame [H] conservera à sa charge les frais de constat qu'elle a exposés.

Les époux [P] ont relevé appel de cette décision le 22 janvier 2021.

l'ordonnance de clôture est du 26 mars 2024.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS EES PARTIES :

Les époux [P] ont conclu au fond en dernier lieu le 25 mars 2024, demandant à la cour de :

INFIRMER le jugement entrepris et rendu par le Tribunal de Proximité de FREJUS le

30 novembre 2020 en toutes ses dispositions.

CONDAMNER Madame [G] [H] à tailler leurs arbres et arbustes situés

à deux mètres de la ligne séparative de la parcelle de Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [P] selon les préconisations légales outre les branches dépassant sur leur propriété et les arbres et arbustes formant des bouquets dangereux en matière de lutte contre les incendies, sous astreinte de 250 euros par jour de retard sous un délai de huit jours après la signification de la décision à intervenir.

CONDAMNER Madame [G] [H] à tailler tout arbre et végétation portant atteinte à la vue de la propriété de Monsieur [R] [P] et Madame

[Y] [P] et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé un délai de huit jours après signi'cation de la décision à intervenir.

CONDAMNER Madame [G] [H] à tailler tout arbre et végétation conformément aux dispositions de l'arrêté préfectoral du 30 mars 2015 et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard passe un délai de huit jours après signification de la décision a intervenir.

DEBOUTER Madame [H] de toutes ses demandes, 'ns et prétentions.

CONDAMNER Madame [G] [H] à verser à Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [P] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble de voisinage subi.

CONDAMNER Madame [G] [H] à verser à Monsieur [R] [P] et Madame [Y] [P] la somme de « 000 euros » en vertu de l'application de l'Article 700 du Code de Procédure Civile, et la somme de 555.97 euros correspondant aux frais du procès-verbal de constat, outre les entiers dépens.

Leurs précédentes conclusions sont du 22 mars 2024.

Ils ont notifié des conclusions de procédure le 3 avril 2024 pour demander de débouter Mme [H] de ses demandes de rejet des pièces communiquées par les appelants les 20 et 25 Mars 2024 et de leurs conclusions des 22 et 25 Mars 2024

L'intimée a conclu en dernier lieu le 24 janvier 2024 pour demander à la cour de

Vu les articles 671, 672, 673 et 1240 du Code civil,

Vu le règlement de copropriété du lotissement,

Vu l 'arrêté préfectoral du 30 mars 2015,

Statuant sur Appel d'un Jugement rendu le 30 Novembre 2020 par le Tribunal de Proximité de Fréjus,

In limine litis, juger prescrite toute demande des époux [P] sur le fondement de l'article 14 du règlement de copropriété, sollicitant que Madame [H] soit condamnée à tailler tout arbre et végétation portant atteinte à leur vue sous astreinte de 250 euros par jours de retard.

Écarter par ailleurs des débats les pièces n° 11 et 12 des appelants en ce qu'elles sont soit inexploitables, soit obtenues dans des conditions irrégulières.

Pour le surplus et, connaissance prise des termes de la demande des époux [P] fondée sur les articles 671, 672 et 673 du Code Civil ainsi que sur l'arrêté préfectoral du 30 mars 2015, Juger qu'il résulte des mesures de constat des 28 juillet 2017 et 18, 22 mai et 1er juin 2018 et des différentes factures d'entretien successives que preuve est rapportée de ce que ladite Madame [H] s'est bien conformée à leurs dispositions.

Juger par suite infondées les demandes des époux [P] à son encontre

Les en débouter et confirmer ainsi le Jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [P] de toutes leurs demandes et en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 et aux dépens

Juger par ailleurs que compte tenu des fonctions électives qu'ils ont occupées ou continuent d'occuper au sein de la copropriété, leur comportement à son encontre est constitutif d'un véritable abus de droit lié à un acharnement tant administratif que judiciaire. Juger par suite recevables et bien fondées les demandes incidentes de l'intimée ;

Statuant à nouveau, y ajoutant :

Condamner les époux [P] à payer à Madame [H] la somme forfaitaire de 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral et du harcèlement continu qu'elle subit depuis plusieurs années

Condamner les époux [P] en outre à payer à Madame [H] une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme allouée par le Jugement contesté

Condamner les époux [P] aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment le coût des mesures de constat des 28 juillet 2017 et 18, 22 mai et 1 er juin 2018 ainsi que l'acte de dénonciation du 8 septembre 2018.

Par courrier du 25 mars 2024, l'intimée a sollicité le rejet des pièces adverses communiquées les 20 et 25 Mars 2024 et les conclusions des 22 et 25 Mars 2024 de Monsieur et Madame [P], notifiées tardivement en violation du principe du contradictoire a défaut d'avoir été mis en mesure de répliquer avant l' ordonnance de clôture,

MOTIVATION :

Sur le rejet des dernières conclusions et pièces communiquées par les appelants :

Il résulte des articles 15 et 16 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties, que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, il est constant que le 9 novembre 2023 , le greffe a transmis aux parties un bulletin fixant la clôture de l'instruction au 26 mars 2024 et l'audience de plaidoiries au 8 avril 2024.

Le conseil de l'intimée a notifié de nouvelles conclusions le 24 janvier 2024 accompagnées de 14 nouvelles pièces qui, inévitablement, appelaient une réponse des appelants, réponse qui est intervenue le 22 mars 2024, précédée de la communication, le 20 mars 2024, de 20 nouvelles pièces. Il convient d'ajouter que l'avis de fixation intervenu à la suite de la demande de fixation du conseil de l'intimée du 7 septembre 2023, spécifiait que, sauf demande d'un nouveau calendrier de procédure, la clôture interviendrait le 26 mars 2024.

En revanche, le 25 mars 2024 veille de la clôture annoncée depuis 4 mois, les appelants ont notifié de nouvelles conclusions accompagnées de quatre pièces nouvelles.

La lecture de ces nouvelles pièces et conclusions montre qu'elles n'apportent rien qui ne fût déjà soutenu au travers des moyens et arguments développés dans les précédentes écritures et pièces communiquées, de sorte qu'elles ne justifient pas une réplique utile.

Il n'y a pas lieu dans ces conditions d'écarter les conclusions et pièces communiquées par les appelants en réplique aux conclusions et pièces communiquées par l'intimée le 24 janvier 2024.

Sur la prescription de la demande des époux [P] fondée sur les articles 13 et 14 du règlement de copropriété :

Selon l'article 13 du règlement de copropriété, «  les plantations d'arbres de haute tige seront faites avec la préoccupation constante pour le propriétaire de chaque lot de ne pas masquer les vues des lots voisins sur le paysage environnant, en conséquence , elles ne pourront excéder une hauteur fixée par le syndic »

L'article 14 précise que « le propriétaire de chaque lot bénéficie d'une servitude de vue à son profit sur le paysage environnant à travers les lots voisins. Cette servitude s'entend en tenant compte de l'état de la végétation au moment de la prise de possession de chaque lot ».

Les époux [P] indiquent prendre attache régulièrement avec Mme [H] pour qu'elle veille à la taille des arbres et arbustes présents sur sa propriété y compris ceux se situant en limite de leur propriété afin d'une part de respecter les dispositions réglementaires et, d'autre part, de pouvoir « préserver leur propriété des vues auxquelles elle a droit ».

Madame [H] soulève la prescription des demandes fondées sur le règlement de copropriété tendant à la voir condamnée à tailler tout arbre et végétation portant atteinte à la vue des époux [P].

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, les actions personnelles entre copropriétaires nées de l'application de la loi de 1965 sur le régime de la copropriété se prescrivaient par 10 ans. La loi de 2018 a aligné ce délai sur celui de l'article 2224 du code civil.

En application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer. Avant l'entrée en vigueur de ce texte, le délai de prescription des actions personnelles était de 30 ans.

Conformément aux dispositions de l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, le point de départ du délai de prescription de la demande tendant à tailler tout arbre ou toute végétation portant atteinte à la vue des requérants, en application du réglement de copropriété, doit être fixé à la date de première constatation des manquements aux articles 13 et 14 précités.

En l'espèce , il ressort de la pièce 26 des appelants que M [P] s'est plaint auprès de la mairie de [Localité 3] de l'état de la végétation sur plusieurs lots du Domaine des Mas du Golfe et notamment sur le lot n° 39 propriété de Mme [H]. A la suite de ces doléances, la visite d'un technicien mandaté par la Mairie a été effectuée le 29 octobre 2007 , celui-ci relevant sur plusieurs lots dont celui de l'intimée:

« -des haies séparatives trop hautes et trop larges avec présence de rejets de mimosas et présentant une continuité de végétation avec les arbres en place, ces haies pouvant s'avérer dangereuses en cas d'incendie de forêt... ;

-la présence d'arbres dangereux situés à proximité immédiate des murs de la maison, parfois même des fenêtres ou baies vitrées. Il s'agit souvent de cyprès ;

-le feuillage de chênes surplombant la toiture, voire des amas d'aiguilles de pin sur la toiture ;

-des bouquets d'arbres trop denses sur le terrain, avec parfois présence de pins enrésinés ».

Par lettre du 26 mai 2008, le conseil syndical de la copropriété au sein duquel siégeait M [P] a adressé aux copropriétaires le compte-rendu de la visite du technicien , avec les courriers du maire au sujet du débroussaillement, en indiquant qu'un courrier individuel serait adressé aux propriétaires concernés.

Cette lettre du conseil syndical, signée de M [P], attirait l'attention des copropriétaires sur l'obligation de respecter les servitudes de vue à travers les lots voisins, prévues par le règlement de copropriété.

Par ailleurs, selon le rapport d'expertise de protection juridique SYNTEX produit par les appelants, la haie de mimosas, principale cause du préjudice de vue des époux [P], était déjà présente et haute en 2003 et ce contrairement à l'état initial lors de l'achat de leur maison en 1999. Ce rapport précise que depuis leur acquisition, les époux [P] n'ont eu de cesse que de déplorer une dégradation de la qualité de leur vue.

Le point de départ de la prescription sur le fondement de l'action entre copropriétaires, en application du règlement de copropriété, sera en conséquence fixé au 26 mai 2008. Étant antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, le délai de prescription de dix ans s'est écoulé jusqu'au 26 mai 2018, de sorte que l'action introduite sur ce fondement par assignation du 10 janvier 2019 est prescrite.

Sur la demande d 'écarter les pièces 11 et 12 des appelants , en ce qu'elles sont soit inexploitables , soit obtenues dans des conditions irrégulières :

C'est par une appréciation exacte des faits et du droit des parties que la cour fait sienne que le tribunal a rejeté la demande de Mme [H] tendant à voir écarter des débats le rapport du cabinet d'expertise SYNTEX et le procès-verbal de constat d'huissier du 2 octobre 2018. Le fait que le rapport SYNTEX, qui a pu être soumis à la libre discussion des parties, comporte des photographies en noir et blanc de mauvaise qualité concerne la force probante de ce document , mais n'affecte pas sa régularité.

S'agissant du procès-verbal de constat d'huissier du 2 octobre 2018 de Me [E], il n'est pas établi que l'huissier aurait pénétré sur la propriété de Mme [H] sans y être autorisé.

Sur l'action fondée sur les dispositions des articles 671, 672 et 673 du code civil et le règlement préfectoral de lutte contre l'incendie de 2015 :

Au delà des dispositions des articles 671 et suivants du code civil, les époux [P] font valoir que Mme [H] ne respecte pas les dispositions de l'arrêté préfectoral du 30 mars 2015 sur la prévention du risque incendie , dont ils estiment être en droit de se prévaloir , leur fonds étant exposé au risque incendie que crée la végétation exubérante de Madame [H], en infraction avec les dispositions de cet arrêté.

Selon l'article 671 du code civil : «  Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers. »

L'article 672 du même code ajoute que : « Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. »

Selon l'article 673 : « Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.

Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. ».

Selon l'arrêté préfectoral de 2015, les modalités techniques de débroussaillement consistent notamment à :

' maintenir, par des moyens de taille et d'élagage , les premiers feuillages des arbres à une distance minimale de tout point des constructions, de leurs toitures et installations d'au moins trois mètres ;

' la coupe et l'élimination des arbres et arbustes morts, malades ou dominés ;

' l'éloignement des houppiers des arbres et arbustes maintenus d'au moins 3 mètres les uns des autres .

Les époux [P] se prévalent d'un nouveau constat d'huissier réalisé entre le 15 janvier et le 25 mars 2021 par Maître [E], dont il ressort les éléments suivants :

Le 15 janvier 2021, l'huissier a constaté que  :

-les mimosas sont toujours présents en limite de propriété , les branchages s'enchevêtrent à proximité immédiate de la toiture de la villa voisine

-Les mimosas s'entremêlent dans la haie dans l'angle Sud-Est qui n'est pas correctement rabattue.

-Nous constatons la présence de deux cyprès qui prospèrent à proximité immédiate de l'habitation.

-Nous constatons que les houppiers des arbres implantés en 2ème rideau se touchent contrairement aux directives préfectorales de lutte contre l'incendie préconisant de laisser au moins 3 mètres entre chaque houppier des arbres dans la zone des 50 mètres .

-le mimosa côté Ouest se développe se rapprochant du pin voisin

-L'accumulation des végétaux : mimosas, cyprès, pin, eucalyptus plus en retrait et chênes forment toujours un écran végétal occultant la vue de nos requérants sur les collines environnantes.

-Derrière l'abri voitures, la haie implantée en limite de propriété dépasse largement les 2 m de haut arrivant à hauteur de la toiture, soit 4 m.

Le 25 mars 2021, l'huissier instrumentaire est revenu sur place et a constaté que :

-les mimosas ont bien été élagués , mais les troncs se trouvent toujours à proximité de l' habitation ;

-les cyprès sont toujours aussi près de la toiture ;

-les arbres en deuxième rideau n'ont pas été élagués en hauteur, les houppiers se touchent toujours et occultent la vue sur les collines et en profondeur ;

-le mimosa côté Ouest a légèrement été rabattu , mais insuffisamment, d'autant qu'il est implanté en limite avec la parcelle voisine où seule une haie de 2 mètres est autorisée.

Madame [H] a quant à elle fait effectuer un nouveau constat d'huissier le 8 juin 2021, dont il ressort l'appréciation suivante :

« -à ce jour , comme lors de mes précédentes constatations , je constate que le jardin se trouve en bon état d'entretien ;

-les haies sont taillées, les bosquets et la pelouse sont entretenus et les arbres élagués ;

-il n'existe aucune forme de broussailles, ni aucune végétation morte ou desséchée laissant risquer, sauf avis contraire d'un expert incendie, un départ naturel potentiel ou un développement d'incendie ;

-Bien que la densité de végétation soit plus importante entre les limites de propriétés, comme cela peut être constaté dans les autres propriétés du domaine, chacun souhaitant légitimement préserver son intimité , le talus remontant vers la propriété belligérante est également entretenu ;

-à droite de l'accès à sa partie haute, le talus comporte un alignement de mimosas aux troncs tortueux et imposants pour cette catégorie d'arbres laissant supposer un âge avancé . Ces arbres sont élagués en partie haute et entretenus ;

-Si la proximité originelle de ces arbres amène nécessairement les branches à s'entremêler, sauf à ne laisser plus que les troncs , ces derniers se trouvent à distance de la toiture de la villa de ma requérante et du bâti contrairement aux impressions de proximité visées dans les conclusions, et délaisse donc, sauf avis contraire d'un expert incendie , toute supposition inexperte de risque incendie ;

-à gauche, un autre petit bosquet de mimosas est entretenu et élagué ;

-il existe à ce jour entre les branches de mimosas et celles du pin le plus proche , une distance d'environ quatre mètres. »

Si comme le relève le tribunal et comme l'établissent les constats et attestations versées aux débats, la vue environnante dont disposaient les époux [P], depuis leur acquisition, s'est altérée au fil du temps en raison des plantations présentes sur le fonds de Madame [H], cette altération remonte à plus de 10 ans avant l'assignation délivrée, alors que l'intimée produit des factures de taille et d'élagage de 2018 et 2022, qui établissent l'entretien de la végétation présente sur sa propriété et l' existence de perspectives de vue sur le paysage environnant comme le montrent les photographies versées par elle en pièce 14.

Au surplus, la cour ne peut que constater que les demandes formées en application des articles 671 et suivants du code civil et sur le fondement du règlement préfectoral de 2015 ne ciblent pas les éléments de végétation qui enfreignent ces dispositions, de sorte que la cour ne peut se contenter d'appréciations subjectives, alors qu'aucune mesure des distances et hauteurs n'a été effectuée établissant la méconnaissance des dispositions précitées. La cour ne peut en conséquence faire droit à une demande de condamnation générale indifférenciée, sujette à une appréciation subjective du poursuivant, d'autant que les manquements aux dispositions qui fondent les poursuites demeurent incertains

Les époux [P] à qui incombe la charge de la preuve des faits nécessaires au succès de leurs prétentions échouent ainsi à démontrer une perte de vue constitutive d'un trouble anormal du voisinage, pas plus qu'ils ne démontrent l' aggravation du risque incendie auquel les exposerait la végétation présente sur le fonds de l'intimée.

Dans ces conditions le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les époux [P] de leurs demandes .

Sur la demande indemnitaire de Madame [H] :

Le caractère abusif de la procédure initiée par les époux [P] n'étant pas démontré, Madame [H] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement.

Sur les demandes annexes :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes, les époux [P] sont condamnés aux dépens d'appel. Lesquels ne peuvent comprendre les frais des constats d'huissier

L'équité justifie de les condamner au paiement d'une somme de 3000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité des dernières conclusions et pièces notifiées par les parties,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Constate la prescription des demandes fondées sur les articles 13 et 14 du règlement de copropriété,

Condamne [R] et [Y] [P] aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne à payer à [G] [H] une somme de 3000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/01083
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.01083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award