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20/06/2024 | FRANCE | N°21/00614

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 20 juin 2024, 21/00614


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 20 JUIN 2024

MM

N°2024/ 231













Rôle N° RG 21/00614 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZAZ







[A] [Y]

[L] [Y]

[G] [M]

[C] [Z]





C/



[U] [D] veuve [D]





























Copie exécutoire délivrée le :

à :



l'ASSOCIATION CABI

NET ROSÉ



SELARL BRL - BAUDUCCO - ROTA - LHOTELLIER





Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 24 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08251.





APPELANTS



[A] [Y] décédé le 2 novembre 2022 et demeurant de son vivant [Adresse 7]



Monsieu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 20 JUIN 2024

MM

N°2024/ 231

Rôle N° RG 21/00614 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZAZ

[A] [Y]

[L] [Y]

[G] [M]

[C] [Z]

C/

[U] [D] veuve [D]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

l'ASSOCIATION CABINET ROSÉ

SELARL BRL - BAUDUCCO - ROTA - LHOTELLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 24 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 14/08251.

APPELANTS

[A] [Y] décédé le 2 novembre 2022 et demeurant de son vivant [Adresse 7]

Monsieur [L] [Y]

demeurant [Adresse 6]

Monsieur [G] [M]

demeurant [Adresse 8]

Monsieur [C] [Z]

demeurant [Adresse 8]

tous agissant tant en leur qualité d'heritiers de [A] [Y] qu'en leur nom personnel

tous représentés par Me Yves ROSÉ de l'ASSOCIATION CABINET ROSÉ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

Madame [U] [B] veuve [D]

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Laure BAUDUCCO de la SELARL BRL - BAUDUCCO - ROTA - LHOTELLIER, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Karine LHOTELLIER, avocat au barreau de TOULON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Marc MAGNON, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Véronique MÖLLER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :

Madame [U] [B] veuve [D] est propriétaire sur la commune [Localité 22], en bordure de la Nartuby, d'une propriété cadastrée section [Cadastre 26] sise lieudit [Localité 24].

Une servitude de passage avait été préalablement instituée le 22 avril 1993 au pro't de certains riverains des parcelles voisines.

Suite aux inondations du mois de juin 2010, la berge sur laquelle repose l' assiette de la servitude de passage, au droit de la propriété [D] a été endommagée.

Suivant acte d'huissier en date du 1er septembre 2014, [U] [B] veuve [D] a fait assigner la commune [Localité 22], [N] [I], [K] [P], [R] [E], [X] [O], [C] [Z], [G] [M], [L] [Y] et [J] [Y] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux 'ns de voir constater l' extinction de la servitude de passage.

Par ordonnance en date du 8 décembre 2015, le juge de la mise en état a désigné M. [V] en qualité d'expert. M. [H] qui l'a remplacé a déposé son rapport le 17 août 2017.

En lecture du rapport d'expertise Mme [U] [B] veuve [D] a demandé au tribunal, à titre principal, au visa de l'article 703 du code civil, de :

Dire et juger que la servitude de passage consentie par acte notarié du 22 avril 1993 sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 26] lui appartenant au pro't des parcelles cadastrées section [Cadastre 18] n° :

- [Cadastre 19] (Monsieur [N] [I]),

- 83 (Madame [R] [E])

- [Cadastre 13] (Monsieur [X] [O])

- [Cadastre 11] (Monsieur [C] [Z])

- [Cadastre 14] et [Cadastre 16] (Monsieur [L] [Y])

- [Cadastre 17] et [Cadastre 2] (Monsieur [J] [Y])

- [Cadastre 15]et [Cadastre 3] (Madame [P] - Monsieur [F])

se trouve éteinte du fait de l'impossibilité de l'exercer,

Subsidiairement, de :

Condamner les consorts [I]-[P], [E], [O], [Z], [Y] ([J] et [L]), [P]-[F] à payer à Madame [D] la somme de 14.280,30 euros TTC chacun (sauf à parfaire en fonction de la facture 'nale des travaux réalisés), outre les honoraires de maîtrise d''uvre et d'établissement/dépôt d'une demande de permis de construire, après obtention d'une autorisation de travaux définitive, purgée de tous recours ;

Encore plus subsidiairement, de :

Dire et juger que la servitude de passage consentie par acte notarié du 22 avril 1993 sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 26] appartenant à Madame [D] au pro't des parcelles cadastrées section [Cadastre 18] n° :

-[Cadastre 19] (Monsieur [N] [I]),

- 83 (Madame [R] [E])

- [Cadastre 13] (Monsieur [X] [O])

- [Cadastre 11] (Monsieur [C] [Z])

- [Cadastre 14] et [Cadastre 16] (Monsieur [L] [Y])

- [Cadastre 17] et [Cadastre 2] (Monsieur [J] [Y]) -

- [Cadastre 15]et [Cadastre 23] (Madame [P] - Monsieur [F])

se trouve éteinte du fait de l'impossibilité de l' exercer,

Désigner tel expert avec pour mission de dé'nir un nouveau tracé permettant le désenclavement des propriétés :

-104 (Madame [U] [D])

-[Cadastre 19] (Monsieur [N] [I]),

-83 (Madame [R] [E])

-[Cadastre 13] (Monsieur [X] [O])

-[Cadastre 11] (Monsieur [C] [Z])

-[Cadastre 14] et [Cadastre 16] (Monsieur [L] [Y])

-[Cadastre 17] et [Cadastre 2] (Monsieur [J] [Y])

-[Cadastre 15] et [Cadastre 3] (Madame [P] -Monsieur [F])

En tout état de cause,

Débouter les requis de toutes leurs demandes, 'ns et conclusions,

Condamner tout succombant à payer à Madame [U] [D] la somme de 500 €, chacun au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens distraits au pro't de Maître ARLABOSSE, avocat au Barreau de Draguignan, outre les frais d'expertise à hauteur de 13 256,40 €.

[A] [Y], [L] [Y], [G] [M]( propriétaire de la parcelle [Cadastre 20]) et [C] [Z] ont demandé au tribunal, au visa des articles 684, 701, 703 ,704 du code civil, de :

Débouter Madame [U] [B] Veuve [D] de sa demande tendant à la constatation de l'extinction de la servitude de passage grevant son fonds sur la commune [Localité 22] .

Constater que le déplacement de l'assiette de cette servitude de passage est possible sur la parcelle [Cadastre 26] de la propriété [D].

Constater la nullité du rapport d'expertise de M. [H] pour défaut de respect du principe du contradictoire, et constater au surplus que celui-ci n'a pas rempli sa mission quant à la recherche des causes du sinistre.

Instaurer, aux frais avancés de Mme [B] Veuve [D], une nouvelle expertise con'ée à un expert spécialisé en matière de géologie et de travaux publics a'n de fournir tous éléments sur les causes et la nature du sinistre, déterminer l'état de l'assiette de la servitude de passage, déterminer les travaux propres à assurer son utilisation par les propriétaires des fonds dominants et, en cas d'impossibilité, rechercher les conditions de déplacement de l'assiette de la servitude sur le fonds dominant .

Condamner Madame [U] [B] Veuve [D] au paiement de la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au pro't de l' avocat soussigné .

[N] [I] a demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur les demandes de Madame [D] ; de rejeter toute demande de déplacement de la servitude et de condamner tous succombants aux dépens.

La commune [Localité 22], assignée à personne, n'a pas constitué avocat.

[K] [P], assignée à personne, et [X] [O], assigné en l' étude, n'ont pas constitué avocat.

[R] [E] a constitué avocat. Par courrier électronique du 6 décembre 2018, son conseil, Maître IZARD, a indiqué se désintéresser du dossier.

Par jugement réputé contradictoire du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

Rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise;

Débouté [A] [Y], [L] [Y], [G] [M] et [C] [Z] de leur demande d'expertise;

Dit que la servitude de passage instituée sur le fonds servant de [U] [B] veuve [D], cadastré anciennement [Cadastre 26] sis [Localité 22] au pro't des fonds cadastrés section [Cadastre 19], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 11], [Cadastre 20], [Cadastre 14], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 2], [Cadastre 15] et [Cadastre 3] sis [Localité 22], est éteinte en application de l'article 703 du code civil ;

Condamné [A] [Y], [L] [Y], [G] [M] et [C] [Z] à payer à [U] [B] veuve [D] la somme de 500 € Chacun (CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le tribunal a notamment retenu les motifs suivants :

' la Direction Régionale de l'Environnement de l'Aménagement et du logement indique que le site est classé et que les travaux de renforcement de la berge par la mise en place de techniques lourdes ne permettent pas de retour à l'équilibre naturel de la berge. La solution que cette instance propose consiste notamment à végétaliser la berge et à déporter le chemin d'accès sur la gauche en décalant la clôture de Mme [D].

' Le rapport d'expertise amiable du cabinet EUREXO en date du 15 novembre 2010 indique que la berge surplombant la Nartuby et propriété de la demanderesse a été gravement endommagée par la montée soudaine des eaux. Le risque d'effondrement de la berge est avéré et nécessite la mise en 'uvre d'un enrochement sur une distance de [Cadastre 20] mètres.

' Le rapport d'expertise judiciaire retient un risque élevé d'instabilité au glissement en période d'étiage qui est une situation courante ou de crue situation exceptionnelle avec des cercles de glissements qui recoupent le chemin pouvant être emporté, compte tenu de la structure de celui-ci.

' L'expert préconise la réalisation d' une plate-forme bétonnée a'n de conforter le chemin par l' édi'cation d'une passerelle en béton pour un coût estimé de [Cadastre 4].247, 20 euros TTC.

' Compte tenu des sujétions environnementales, il est permis de considérer que la solution technique invasive retenue par l' expert s'ana1yse en un renforcement de la berge par des techniques lourdes. Or, ce type de travaux, au-delà du coût extrêmement important, n'est pas compatible avec la nature spéci'que du site.

' Le maintien de l' utilisation de la servitude de passage telle qu'instituée présente un risque acquis de glissement de terrain puisque la structure de la berge est d'ores et déjà atteinte et que le terrain sur lequel elle s'exerce présente des caractéristiques d'instabilité.

' La proposition de déplacement de l'assiette de la servitude de passage renforce ce constat selon lequel l' assiette actuelle ne peut plus, en l'état des dégradations constatées et du risque d' utilisation avéré, être maintenue.

' L'assiette de la servitude, telle qu'instituée par l'acte du 22 avril 1993 ne peut plus être retenue en raison du risque avéré d'effondrement de son support, en l'espèce la berge qui traverse le fonds appartenant à la demanderesse.

' L'usage de cette servitude est en l'état de la situation devenu impossible en raison de la modi'cation naturelle des lieux et du risque lié à son usage dans le contexte particulier d'un site classé ne permettant pas de réaliser des travaux de nature invasive.

Par déclaration du 14 janvier 2021, les consorts [Y], [M] et [Z] ont relevé appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2023.

MOYENS ET PRTENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions du 24 janvier 2023 de [A] [Y], [L] [Y], [G] [M] et [C] [Z] tendant à :

Vu les articles 684, 701, 703, 704 du code civil, 16, 238, 276,700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement du 24 novembre 2020 de la chambre 3 du Tribunal Judiciaire de Draguignan.

Écarter le rapport d'expertise de M. [H] pour défaut de respect du principe du contradictoire, et constater au surplus que celui-ci n'a pas rempli sa mission quant à la recherche des causes du sinistre ce qui n'a pas été retenu par le premier juge.

Ordonner, aux frais avancés de Mme [U] [B] Veuve [D] une nouvelle expertise confiée à un expert spécialisé en matière de géologie et de travaux publics afin de fournir tous éléments sur les causes et la nature du sinistre, déterminer, l'état de l'assiette de la servitude de passage, déterminer les travaux propres à assurer son utilisation par les propriétaires des fonds dominants et, en cas d'impossibilité, rechercher les conditions de déplacement de l'assiette de la servitude sur le fonds dominant.

Rejeter en l'état la demande de Madame [U] [B] Veuve [D] d'extinction de la servitude de passage grevant son fonds cadastré sur la commune [Localité 22] section [Cadastre 26], (nouvelles parcelles [Cadastre 4]-[Cadastre 5]), [Cadastre 19], [Cadastre 1].

Subsidiairement,

Ordonner le déplacement de l'assiette de la servitude de passage en cause sur le fonds servant de Mme [U] [B] Veuve [D], cadastré [Cadastre 26] (actuelles parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) de la section [Cadastre 18] de la commune [Localité 22] et désigner tel expert afin de déterminer son emplacement.

Infirmer les dispositions du jugement condamnant MM. [A] [Y], [L] [Y], [G] [M] et [C] [Z] aux dépens

Condamner Madame [U] [B] Veuve [D] au paiement de la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné.

Les appelants font valoir notamment les moyens et arguments suivants :

' Sur la critique du rapport d'expertise :

-Les parties ont été informées de ce que le cabinet GEOTERRIA, sapiteur, interviendrait sur l'assiette de la servitude ; l'étude réalisée a donné lieu à un rapport daté du 13 avril 2017, joint au pré-rapport de l'Expert. C'est à partir de ce rapport technique que l'expert a retenu ses premières conclusions .

Or, les résultats des sondages effectués n'ont pas été communiqués aux parties dans le cadre du caractère contradictoire de l'expertise et ce afin qu'elles puissent présenter des observations, avant même que le sapiteur technique tire des conclusions et préconise des travaux.

-Les investigations n'ont porté que sur l'assiette de la servitude sur le fonds [B]-[D] alors que l'expert avait indiqué que la partie située sur le fonds BARTOS était impliquée, avec présence d'un gros pin en partie déraciné.

-Le sapiteur fait état de ce que les désordres seraient survenus suite à de fortes pluies en juin 2016, alors que l'origine est la conséquence du débordement de la Nartuby en 2010.

-Les conclusions du pré-rapport procédant exclusivement de l'étude technique du sapiteur ont appelé des observations exposées dans le dire technique et critique de M. [G] [M] joint à celui qui a été adressé à l'Expert.

Ces observations portaient tout à la fois sur la mise en cause du filet de câbles( destiné à consolider la berge), que sur les sondages effectués dont le détail n'a pas été communiqué, faute de contradictoire, et qui se sont révélés insuffisants, que sur les travaux à entreprendre .

-Au surplus de telles conclusions ne pouvaient être retenues en l'état, dès lors que la cause du sinistre n'avait pas été identifiée et vérifiée, telle qu'elle avait été exposée dès la première réunion contradictoire : « A la suite des inondations la berge rive gauche de la Nartuby a été localement affouillée et emportée ».

-A la suite des inondations le chemin lui-même, qui date de plus d'un siècle, n'avait subi aucun dommage malgré un trafic important nécessité par les diverses constructions réalisées .

-Les causes des désordres situés en contrebas sont connues: un afflux important d'eaux en amont et l'encombrement de la rivière par des matériaux divers et au surplus un ouvrage en amont du pont contribuant à diriger le flot vers la berge sinistrée.

-Il était en conséquence demandé à l'Expert, et préalablement à toute conclusion sur les travaux à envisager, de poursuivre les investigations pour répondre au quatrième chef de la mission.

-L'expert est passé totalement outre aux observations faites et a maintenu son pré-rapport, ses préconisations et conclusions n' étant pas acceptables.

-L'expert s'en est remis à l'avis d'un sapiteur dont il n'a pas cru devoir communiquer aux parties, le résultat des sondages effectués, dans le cadre du caractère contradictoire de ses opérations.

-Les travaux préconisés, très coûteux, ne seront pas efficaces car leur choix ne procède pas de la recherche des causes du sinistre et ne sont pas adaptés au classement de la zone en secteur environnemental protégé.

-L'attention de l'Expert avait été attirée, dès son premier accédit, sur la partie la plus inquiétante pour l'instabilité de l'assiette de la servitude, à savoir la partie située en amont de celle qui a été traitée par la pose d'un filet de protection, à savoir la partie nord-ouest de la berge de la propriété [D] et la berge voisine dépendant de la propriété de M. [S] dont la mise en cause s'imposait.

-Cette berge comporte un énorme pin dont la base est affouillée.

-L'expert, malgré ce, n'a effectué ses investigations que sur la partie limitée à l'assiette du chemin de servitude, environ 27 ml, entre les profils 1 et 2, alors que l'instabilité constatée en amont, en limite des parcelles [Cadastre 21] et [Cadastre 26], a nécessairement une incidence sur celle-ci.

' Sur la demande d'extinction de la servitude :

-La décision du premier juge de déclarer éteinte une servitude de passage qui, compte tenu des divisions des fonds qui en bénéficiaient, dessert 12 parcelles bâties, en l'absence de motifs vérifiés et du rejet de la nouvelle demande d'expertise faute par l'expert désigné d'avoir rempli sa mission doit être réformée et la demande de Mme [B] Veuve [D] doit être rejetée en l'état .

-L'assiette de cette servitude de passage n'a pas été modifiée dans sa structure par les arrivées anormales d'eaux de juin 2010, même si elle a été fragilisée puisque depuis elle est toujours utilisée.

-L'extinction de la servitude ne pouvait être prononcée sans avoir, au préalable, mis en 'uvre toutes les mesures d'investigation nécessaires pour assurer le maintien de l'assiette de la servitude ou son déplacement et ce d'autant plus que la responsabilité du propriétaire du fonds servant demeure engagée au titre même de ses obligations relatives à l'existence et au maintien même de la servitude et que les bénéficiaires sont totalement étrangers au sinistre qui est survenu et dont ils supportent les conséquences .

-L'avis donné sur ce point par l'expert commis dans son rapport doit être écarté car il n'était pas prévu dans sa mission et qu'il n'avait pas été débattu contradictoirement et ce en violation des dispositions de l'article 238 du code de procédure civile .

-Par acte du 8 avril 1995, les auteurs de Mme [U] [B] Veuve [D] ont concédé cette servitude de passage à titre de servitude réelle et perpétuelle pour permettre d'accéder à la voie publique.

-L'impossibilité d'utiliser l'assiette primitive de la servitude de passage, ne peut avoir pour conséquence d'éteindre l'obligation du propriétaire du fonds dominant de désenclaver les parcelles dont l'enclave résulte de la division de ce fonds et ce, en application de l'article 684 du code civil.

-Selon l'article 701 alinéa 3 du code civil, dans l'hypothèse où l'assignation primitive, empêcherait « le propriétaire du fonds dominant »(SIC), d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits et celui-ci ne pourrait le refuser.

-Le déplacement est parfaitement possible puisqu'il est la seule solution envisagée par l'autorité administrative compétente pour autoriser les travaux à effectuer en bordure de la Nartuby, compte tenu de l'existence d'un site classé.

-Le plan annexe 1 du rapport d'expertise permet de constater que ce déplacement est parfaitement possible sur la partie de la propriété de Mme [U] [B] Veuve [D] anciennement cadastrée [Cadastre 26] de la section [Cadastre 18] de la commune [Localité 22] (parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5] actuelles), située entre son portail et l'emplacement de l'habitation. Au surplus, Mme [B] est la première utilisatrice de cette servitude qui se situe dans le prolongement de celle existant sur la propriété voisine et qui lui permet de rejoindre la voie publique .

Vu les conclusions de Mme [U] [B] veuve [D] du 27 avril 2021 tendant à

Vu le jugement du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN du 24 novembre 2020,

Vu le rapport d'expertise [H] en date du 17 août 2017,

Vu la position de la DREAL PACA en date du 12 avril 2012,

Vu l'article 703 du code civil,

Débouter les consorts [Y]-[M]-[Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 24 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

Constater l'extinction de la servitude de passage consentie par acte notarié du 22 avril 1993 sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 26] appartenant à Madame [D], au profit des parcelles cadastrées section [Cadastre 18] n° :

-[Cadastre 19] (Monsieur [N] [I]),

-83 (Madame [R] [E])

-[Cadastre 13] (Monsieur [X] [O])

-[Cadastre 11] (Monsieur [C] [Z])

-[Cadastre 14], [Cadastre 16] (Monsieur [L] [Y])

-[Cadastre 17], [Cadastre 2] (Monsieur [J] [Y])

-[Cadastre 15], [Cadastre 3] (Madame [P]-Monsieur [F])

du fait de l'impossibilité de l'exercer,

Subsidiairement,

Condamner les consorts [I]-[P], [E], [O], [Z], [Y] ([J] et [L]), [P]-[F] à payer à Madame [D] la somme de 14.280,90 euros TTC chacun (sauf à parfaire en fonction de la facture finale des travaux réalisés), outre les honoraires de maîtrise d''uvre et d'établissement/dépôt d'une demande de permis de construire, après obtention d'une autorisation de travaux définitive, purgée de tous recours,

En tout état de cause,

Condamner les consorts [Y]-[M]-[Z] à payer à Madame [U] [D] la somme de 500 € chacun au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens distraits au profit de Maître Laure BAUDUCCO, avocat au Barreau de TOULON, outre les frais d'expertise à hauteur de 13 256,40 €.

L'intimée réplique en substance:

' sur la critique du rapport d'expertise :

'Les consorts [Y]-[M]-[Z] soutiennent que l'expert aurait mené des investigations insuffisantes et non contradictoires, rendant son rapport nul' et soutiennent la nécessaire désignation d'un nouvel expert, aux frais de l'exposante.

'Madame [D] ne peut partager cette appréciation dans la mesure où les différents experts intervenus amiablement sur site aux côtés de l'expert judiciaire, sont parvenus aux mêmes conclusions que lui, et ont tous relevé la dangerosité du chemin de servitude et la nécessité de réaliser des travaux non seulement urgents, mais également cyclopéens dépassant largement ses possibilités économiques.

'Si l'expert a effectivement constaté durant son expertise que la partie du chemin située devant la propriété [S] était également endommagée et constituait un risque, il n'a pas estimé opportun d'alourdir les frais d'expertise en faisant attraire cette nouvelle partie à l'expertise.

'L'expert indique dans son rapport définitif que l'entreprise GEOTERRIA est intervenue pour réaliser ses sondages les 3 et 4 novembre 2016 et précise en page 17 de son rapport les modalités d'intervention du sapiteur, dont il a communiqué les éléments dans son pré-rapport transmis aux parties le 24 avril 2017 au titre duquel le conseil des appelants a d'ailleurs rédigé un dire le 11 juillet 2017.

' Les consorts [Y]-[M]-[Z] remettent en cause les dates de crues auxquelles se réfère l'expert, mais la lecture de son rapport définitif montre qu'il fait bien référence en page 20 à la crue de 2010, précisément celle qui a déstabilisé les berges de la Nartuby sur la propriété [D].

' Les appelants considèrent également que les travaux préconisés par l'expert s'avèrent insuffisants et aléatoires, d'une part parce qu'il ne prévoit pas de stabiliser le talus considéré comme présentant un risque élevé d'instabilité, d'autre part parce que cette instabilité n'aurait pas été analysée sur la parcelle [Cadastre 21] appartenant à Monsieur [S].

' Mais, en pages 20 et 21 (Remarques 3 et 4) du rapport d'expertise, Monsieur [H] estime les travaux de stabilisation de la berge trop onéreux et incompatibles avec les considérations environnementales rappelées à plusieurs reprises par la DREAL PACA :

' L'expert a répondu à chacun des points de sa mission, avec sérieux et la demande d'annulation de son rapport doit être rejetée.

' Sur l'extinction de la servitude de passage grevant le fonds [D] :

' En synthèse, les consorts [Y]-[M]-[Z] veulent pouvoir continuer à passer sur le fonds [D], mais refusent de participer aux travaux de remise en état de la servitude au prétexte qu'ils ne sont pas responsables de l'inondation ayant sapé les berges de la Nartuby, induisant que Madame [D] le serait.

' L'extinction de la servitude de passage sur le fonds [D] est légitimement fondée sur l'impossibilité de réaliser les travaux permettant de sécuriser le passage compte tenu de leurs coûts et de leur incompatibilité environnementale.

' Au terme de l'article 703 du code civil, les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user.

' Cette cause d'extinction vise aussi bien les événements naturels (éboulements, glissements de terrain') que le fait d'un tiers, ou de l'administration (expropriation pour cause d'utilité publique'), à la condition que l'impossibilité de l'usage soit définitive et résulte d'une situation permanente.

' L'impossibilité d'exercice extinctive de la servitude peut ainsi résulter des modifications dans l'état matériel des lieux ou d'ouvrages permanents. (Civ. 3e, 9 avr. 1974, Bull. civ. III, n°144)

' La destruction matérielle de l'un des fonds lorsqu' il disparaît à la suite d'une érosion maritime ou fluviale, d'un éboulement, d'un séisme ou d'une autre cause naturelle ou provoquée est une cause d'extinction de la servitude si la remise en état du fonds complètement détruit est impossible.

' Dans un arrêt rendu en 2012 à l'occasion de la destruction d'un pont consécutive à la crue d'une rivière : (Civ. 3e, 11 déc. 2012, n° 11-25.947, AJDI 2013. 135) la cour de cassation a jugé qu'une cour d'appel avait justifié sa décision de juger éteinte une servitude conventionnelle de passage, en retenant qu'il résultait du rapport de l'expert judiciaire que le pont servant d'assiette à la servitude de passage litigieuse avait été détruit, lors de la crue de la rivière qu'il enjambait, et que l'usage de la servitude était devenu impossible en raison de la modification des lieux.

' L'impossibilité matérielle d'user de la servitude n'est pas le seul critère à retenir : la Cour d'Appel de GRENOBLE a ainsi relevé l'impossibilité d'aménager la servitude sans engager des travaux gigantesque et onéreux.

(CA GRENOBLE 17 Février 2003 POMMIER BOUCHET VIRETTE / MARTEL RONNE JurisData : 2003-209709)

' L'analyse du Tribunal Judiciaire de Draguignan est tout à fait pertinente eu égard non seulement à l'impossibilité matérielle d'user de la servitude en raison du risque d'éboulement avéré, confirmé par l'expert et son sapiteur GEOTERRIA, mais également du caractère dispendieux des travaux à mettre en 'uvre pour envisager de la restituer dans sa configuration initiale, sans compter le veto de la DREAL PACA pour des travaux à réaliser en site classé.

' Il n'est pas contestable que les événements climatiques survenus le 16 juin 2010 ont été à l'origine de désordres sur les berges de la Nartuby, tels qu'ils compromettent la sécurité des usagers du chemin de servitude les longeant.

' Si la propriété [D] est effectivement débitrice d'une servitude de passage au profit des fonds mentionnés plus haut, il s'évince de la situation actuelle des lieux une impossibilité manifeste d'en user pour des raisons tenant à la dangerosité du site et à son absence de remise en état compte tenu du coût engendré.

' Les travaux confortatifs du chemin préconisés par l'expert sous forme de «création d'une passerelle béton pour véhicule légers

'Le risque d'éboulement de la berge est avéré à la suite des sondages réalisés par le sapiteur GEOTERRIA, d'autre part, le montant des travaux ne peut être supporté par Madame [D] dont les revenus ne permettent pas l'engagement d'une telle dépense.

' Les travaux préconisés par l'expert n'ont pas reçu l'aval de la DREAL PACA, malgré les diverses démarches faites à son endroit afin de connaître sa position.

' La servitude de passage instituée en 1993 doit être regardée comme n'étant plus praticable selon sa destination et sa consistance initiales.

' Sur la demande de déplacement de l'assiette de la servitude :

' La propriété [D] ne pourrait supporter un tel déplacement, sauf à restreindre considérablement son droit de propriété d'une part, et lui imposer une charge telle qu'elle aurait pour effet de diminuer la valeur vénale de son bien de manière conséquente d'autre part.

' En effet, le déplacement de la servitude ne pourrait être envisagé que dans le jardin d'agrément de la propriété [D].

' En outre, le déplacement de la servitude ne résoudrait pas le problème du passage au niveau de la propriété [S], qui doit nécessairement faire partie des travaux de confortement des berges de la Nartuby.

' En effet, ainsi que l'ont indiqué les appelants, un déplacement de servitude ne résout pas le problème du passage dangereux au niveau de la parcelle [Cadastre 21] appartenant à Monsieur [S], qui n'a pas fait l'objet d'une étude approfondie en raison des coûts qui seraient induits inutilement, mais que l'expert a relevé comme instable :

' En revanche, il est constant que les propriétés [Y]-[M]-[Z] sont, à l'instar de la propriété [D], actuellement désenclavées par un chemin existant tout à fait praticable constitué depuis le Nord par le chemin de Parot, voie ouverte à la circulation publique jusqu'à la parcelle [Cadastre 10] qu'il traverse par son côté Ouest.

' Sur le maintien de la servitude actuelle :

' Si la servitude actuelle devait être maintenue en ordonnant la réalisation de travaux, ceux-ci devraient être partagés par la totalité de ses bénéficiaires.

' En application des articles 697 et 698 du Code civil, les coûts afférents aux ouvrages et aménagements nécessités par l'exercice de la servitude, ainsi que leur entretien, incombent par principe au seul propriétaire du fonds dominant.

' Dès lors qu'il existe une communauté d'usage de l'assiette d'une servitude de passage pour cause d'enclave par le propriétaire du fonds dominant et celui du fonds servant, ce dernier doit, comme en matière de servitude conventionnelle, contribuer aux frais d'aménagement et d'entretien que nécessite cette situation.

(Cass. 3e civ., 14 nov. 1990 : JCP G 1991, IV, 16 ; JCP N 1991, II, p. 218)

' Les frais de remise en état doivent d'autant plus être partagés que les dégradations actuelles et futures du chemin ne peuvent pas être seulement imputées à Mme [D] car les risques sont d'ordre naturel et géologique.

' Suite aux travaux réalisés, il sera également nécessaire de prévoir un entretien des

lieux au prorata du nombre d'utilisateurs, ce que prévoit l'acte de concession de la servitude.

MOTIVATION :

Sur le rapport d'expertise :

Il ressort des dispositions de l'article 175 du code de procédure civile que la nullité des mesures d'instruction est soumise aux dispositions régissant la nullité des actes de procédure pour vice de forme. Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Le principe de la contradiction prévu par l'article 16 du code de procédure civile s'applique pendant toutes les phases du procès et notamment dans le cadre des mesures d'instruction ordonnées par le juge. Il impose ainsi à l'expert de soumettre aux parties tout élément dont il entend faire état pour répondre aux questions de sa mission. A défaut , les opérations d'expertise sont irrégulières. Il a ainsi été jugé que l'expert ne peut poursuivre son instruction en recueillant des informations ayant servi à la détermination de ses conclusions sans les avoir portées à la connaissance des parties afin de leur permettre d'en discuter devant lui avant de déposer son rapport.

En l'espèce, il est reproché à l'expert d'avoir appuyé l'avis formulé dans son pré-rapport sur les investigations et les résultats d'analyses de sondages de son sapiteur GEOTERRIA sans savoir communiqué au préalable ces résultats aux parties. Cependant, le rapport du sapiteur GEOTERRIA dont les investigations sont décrites en pages 17 et 18 du rapport de l'expert a été communiqué aux parties avec le pré-rapport. Ces dernières ont ainsi été mises en mesure d'en prendre connaissance et d' adresser des dires à l'expert qui y a répondu. Pour le reste , les griefs formulées contre la méthodologie de l' expert judiciaire et ses investigations concernent la valeur probatoire du rapport et le débat au fond.

L'exception de nullité du rapport d'expertise est en conséquence rejetée.

Sur l' extinction de la servitude de passage :

L'article 703 du code civil énonce que « Les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user. » Mme [B] veuve [D] soutient qu'en suite des inondations survenues en juin 2010 l' assiette de la servitude de passage instituée le 22 avril 1993 et grevant son fonds cadastré section [Cadastre 26] n'est plus utilisable par les riverains des fonds cadastrés section [Cadastre 19], 83, [Cadastre 13], [Cadastre 11], [Cadastre 20], [Cadastre 14], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 2], [Cadastre 15] et [Cadastre 3] et présente un risque d'éboulement avéré.

Le rapport d'expertise amiable du cabinet EUREXO, en date du 15 novembre 2010, indique que la berge surplombant la Nartuby et propriété de la demanderesse a été gravement endommagée par la montée soudaine des eaux, que le risque d'effondrement de la berge est avéré et nécessite la mise en 'uvre d'un enrochement sur une distance de 80 mètres.

Dans son rapport d'expertise déposé le 17 août 2017, et en s'appuyant sur les résultats des investigations de son sapiteur GEOTERRIA, l'expert [H] relève « un risque élevé d'instabilité au glissement » qu'il explique techniquement en ces termes( page 18 de son rapport) :

« Les sondages réalisés sur le chemin par la société GEOTERRIA ont mis en évidence des limons argileux et sableux moyennement compacts et de faible résistance entraînant un risque élevé d'instabilité au glissement en période d'étiage ou de crue. (') Le risque de mouvement de terrain de type grand glissement en cas de crue de la

Nartuby est donc avéré. Un confortement du chemin doit être réalisé sous peine d'un risque d'emportement de la berge instable notamment en cas de déjaugeage important (') »

Le risque d'instabilité au glissement en période d'étiage qui est une situation courante ou de crue situation exceptionnelle, avec des cercles de glissements qui recoupent le chemin pouvant être emporté, est élevé la structure de celui-ci reposant sur une base composée de limons argileux, moyennement compactant sur des limons sableux de faible résistance. Le site est situé en bordure de zone inondable et aucun dispositif de drainage n'a été aménagé sur le chemin.

La nature du sol composant la berge est contestée par M [M], ingénieur divisionnaire, qui évoque la présence de tuf calcaire en formation compacte et résistante.

L'expert judiciaire ajoute que la présence d'un filet de câble d'aciers ancré sur une partie de l'affouillement n'est pas adaptée pour conforter une berge non rocheuse et constitue par ailleurs une surcharge préjudiciable à la stabilité de la berge. Cet avis est également contesté par les appelants qui indiquent que ce filet, maintenu par des tirants qui ont bien résisté aux crues, avait été posé avant la crue de juin 2010, a résisté à cette crue et à celle centennale de novembre 2011, et a justement permis de protéger localement le talus en évitant qu'il soit emporté.

Toutefois, l'expert a également relevé que l'assiette du chemin de servitude n 'était pas endommagée par des fissures et était restée en place, de sorte que ce chemin continuerait d'être emprunté par des véhicules légers après avoir été temporairement fermé pour des raisons de sécurité.

La consolidation de la berge du cours d'eau au droit de la propriété [D] étant impossible dans le lit de la Nartuby par des techniques lourdes, compte tenu de la situation du lieu dans le périmètre classé du site du [Localité 25], l'expert préconise la réalisation d' une plate forme bétonnée de type passerelle coulée sur des micropieux ancrés dans le sol a'n de conforter le chemin pour un coût estimé de 114.247, 20 euros TTC. Cette solution est également la reprise de l'avis du sapiteur GEOTERRIA.

Or, il s'avère que par courrier du 12 avril 2012, le chef du service biodiversité et paysages de la DREAL ( direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement) a indiqué à l'assureur de Mme [D] :

« Lors de la réunion du 28 mars 2012 sur le site avec votre expert '.il a été constaté l'érosion de la berge supportant ce chemin et, de ce fait sa fermeture, sans doute pour des raisons de sécurité . Il est apparu que ce phénomène était un problème récurrent.

En effet, cette berge avait déjà fait l'objet de travaux de confortement en 2009 à l'aide notamment d'un treillis métallique, qui n'a pas résisté à la crue de 2010. Le phénomène d'érosion est apparemment lié à l' engraissement de la berge par des remblais d'origine anthropique sur environ 120 mètres linéaires. Dans les parties érodées de la berge, sont nettement visibles divers déchets dont des tessons de bouteilles , morceaux de tuiles, briques, carrelages etc.

L'examen de documents anciens par la DDTM a clairement montré que par le passé, au droit de cette section érodée, le lit de la Nartuby était plus large qu'à l'heure actuelle et le profil des berges moins abrupt. De fait, les affirmations selon lesquelles ce chemin aurait été gagné sur la Nartuby, en toute illégalité, seraient fondées.

Il nous a été indiqué que les travaux projetés pourraient consister à renforcer la berge pour rétablir le chemin actuel. Au titre du site classé , cette solution n'est pas compatible avec la préservation et la mise en valeur du site classé du [Localité 25], dans la mesure où elle nécessiterait la mise en place de techniques lourdes et ne permettrait pas le retour à un profil d'équilibre de la berge. Les participants à cette réunion ont convenu qu'il était donc souhaitable de supprimer le remblais sur les 120 mètres de linéaires, de reprendre la pente de la berge selon son profil d'origine, de la végétaliser avec des essences locales adaptées et de déporter le chemin d'accès sur la gauche en décalant la clôture de Mme [D]. »

Cette correspondance ajoute que le site classé du [Localité 25] est soumis à une servitude d'utilité publique pour la protection des paysages et que toute modification de l'aspect du site nécessite une autorisation préalable du ministre de l'écologie.

Mme [D] en déduit que face à l'impossibilité de sécuriser le chemin par des travaux de consolidation de la berge qui ne seront pas autorisés compte tenu du classement du site protégé du [Localité 25], pas plus que ne le seront les travaux de réalisation de la passerelle en béton préconisée par l'expert sur l'assiette actuelle, la servitude a disparu par l'impossibilité d'en user.

Cependant, la servitude n'a pas en l'état disparu, puisque son assiette existe toujours et que le chemin continue d'être emprunté par des véhicules légers.

Par ailleurs , si l'expert judiciaire indique dans son pré-rapport que le déplacement de l'assiette de la servitude sur le terrain [D] « induirait des préjudices conséquents pour celle-ci et nécessiterait également un déplacement du chemin en amont , difficilement réalisable », il n'a pas réellement étudié cette solution et ne conclut pas à l' impossibilité technique de déplacer l'assiette du chemin.

Or, l'aggravation de la condition du fonds servant n'est pas en soi une cause d'extinction d'une servitude conventionnelle de passage ( Cassation 3ème civ. 7 novembre 1990 pourvoi 88-14886). Dès lors et sauf à établir que le déplacement de l'assiette est techniquement impossible ou tellement préjudiciable pour le fonds servant qu' il équivaudrait à une impossibilité, cette solution ne peut être écartée sans investigations complémentaires.

Par ailleurs, il convient d'envisager la possibilité de maintenir l'assiette actuelle en consolidant la berge par des techniques douces, solution suggérée dans le dire de M [M], qui n'a pas été soumise à la DREAL.

Dès lors avant de se prononcer sur la disparition de la servitude conventionnelle de passage, il convient d'ordonner une nouvelle expertise aux frais partagés des parties. Et de surseoir à statuer sur les demandes des parties et les dépens.

La cour relève également que Mme [D] forme à titre subsidiaire des demandes de paiement d'une fraction du coût des travaux préconisés par l'expert judiciaire, pour le cas où la servitude serait maintenue et ces travaux ordonnés, contre des défendeurs en première instance qui ne sont pas parties à l'instance d'appel: "les consorts [I]-[P], [E], [O], [P]-[F] ".

Ces demandes sont en l'état irrecevables et il lui appartiendra, si elle entend les maintenir, d'appeler en cause et aux nouvelles opérations d'expertise [N] [I], [R] [E], [X] [O], [K] [P], étant relevé qu'il ne ressort pas du jugement, ni du dossier du Tribunal, que M [F] ait été partie en première instance

PAR CES MOTIFS

La cour , statuant par arrêt mis à disposition au greffe, par défaut, en dernier ressort

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du rapport d'expertise judiciaire [H],

Avant dire droit,

Ordonne une expertise confiée à :

M [W] [T]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Avec pour mission de :

Se faire remettre tous documents utiles qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission et entendre si besoin, tout sachant selon les modalités figurant ci-après ;

Se rendre sur les lieux, lieudit [Localité 24] à [Localité 22], en présence des parties ou à défaut celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception ; visiter les lieux et en faire une description ;

Les décrire dans leur état actuel;

Recueillir tous les éléments de fait permettant d'apprécier si l'assiette de la servitude de passage grevant le fonds de Madame [B] veuve [D] est en l' état d'être utilisée ou s'il existe une impossibilité manifeste d'en user, en particulier, en raison du danger résultant de la proximité du cours d'eau la Nartuby et de l'érosion de sa berge; si cette servitude reste utilisable, préciser si elle l'est à pied seulement ou également en véhicule et jusqu'à quelle limite(PTAC) ;

En recueillant au besoin l'avis d'un hydromorphologue, décrire le mécanisme ayant conduit à la fragilisation de la berge en bordure du chemin de servitude au droit de la propriété [D] ;

Dans l'hypothèse où l' assiette de la servitude ne pourrait plus être utilisée en l' état, compte tenu de sa fragilisation par les variations d' étiages ou les crues de la Nartuby, décrire les travaux qui permettraient de la consolider ou de la rétablir ;

Dire si ces travaux sont compatibles avec la localisation du chemin dans le périmètre classé du [Localité 25] et la réglementation applicable à cette zone, pour la protection des paysages, sites naturels et cours d'eau ;

Décrire et chiffrer au besoin les travaux de consolidation de la berge de la Nartuby en bordure du chemin de servitude, selon des « techniques douces » qui seraient compatibles avec la réglementation de la zone classée, en prenant l'attache de la DREAL ou de tout service compétent en la matière ;

Dans l'impossibilité d'exécuter des travaux de consolidation, compte tenu de la réglementation de la zone classée, recueillir l'avis d'un géomètre expert spécialisé en matière de servitude de passage, afin d'étudier la possibilité de déplacer l'assiette de la servitude sur la propriété [D] ;

Dans l' hypothèse où le déplacement de l'assiette serait techniquement possible, le sapiteur dressera un plan de la nouvelle assiette du chemin et évaluera l'indemnité due à Madame [D] ainsi que le coût des travaux nécessaires au déplacement de l'assiette de la servitude sur le fonds servant;

Apporter tous les éléments essentiels à la résolution du litige ;

Fixe à la somme de 4000 euros ( quatre mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée pour moitié, par les appelants, et pour l'autre moitié, par l'intimée, au greffe de la cour (régie) dans le délai de DEUX MOIS à compter de la présente décision, sans autre avis,

Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité. L'instance sera poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner,

Dit que lors de la première réunion, ou au plus tard de la seconde réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours,

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle, la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de Procédure Civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix, après y avoir été autorisé par le magistrat chargé du contrôle des expertises,

Dit qu'en cas de difficulté, l'expert saisira le magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour, désigné pour suivre la mesure d'instruction,

Dit qu'au terme de ses investigations, l' expert notifiera aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai pour faire valoir leurs observations sous forme de dires, auxquels il répondra avant de déposer son rapport définitif au greffe de la cour,

Dit que l'expert devra déposer au greffe de la cour le rapport définitif de ses opérations dans le délai de SIX MOIS à dater de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera copie à chacune des parties en cause,

Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport,

Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,

Désigne le magistrat de la mise en état de la chambre 1-5 pour contrôler les opérations d'expertise,

Invite Madame [U] [B] veuve [D] , si elle entend maintenir ses demandes subsidiaires contre [N] [I], [R] [E], [X] [O], [K] [P], à les appeler en cause et ce, avant le commencement des opérations d'expertise.

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes des parties et les dépens jusqu'en fin d'instance.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00614
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.00614 ?
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