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20/06/2024 | FRANCE | N°21/00596

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 20 juin 2024, 21/00596


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 228









Rôle N° RG 21/00596 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY7C







[I] [S]





C/



[J] [T]

[Z] [B] épouse [T]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL JURISBELAIR





SELAS CG CHRISTOPHE GALLI AVOCATS





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 26 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 11-17-3890.





APPELANT



Monsieur [I] [S]

emeurant [Adresse 5]



représenté par Me Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 228

Rôle N° RG 21/00596 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGY7C

[I] [S]

C/

[J] [T]

[Z] [B] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL JURISBELAIR

SELAS CG CHRISTOPHE GALLI AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 26 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 11-17-3890.

APPELANT

Monsieur [I] [S]

emeurant [Adresse 5]

représenté par Me Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur [J] [T]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Christophe GALLI de la SELAS CG CHRISTOPHE GALLI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Murielle LEFEBVRE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [Z] [B] épouse [T]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Christophe GALLI de la SELAS CG CHRISTOPHE GALLI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Murielle LEFEBVRE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 5 février 1990, M. [J] [T] et Mme [Z] [B] épouse [T] ont fait l'acquisition dans la commune de Le Castelet, lieudit le Rayol, du lot n° 2, soit la moitié indivise de la parcelle cadastrée section [Cadastre 3] d'une superficie de 27a 17ca, sur laquelle est édifiée une maison à usage d'habitation.

M. [I] [S] est propriétaire du fonds voisin, cadastré section [Cadastre 1] et Mme [D] [S] est propriétaire du fonds cadastré section [Cadastre 2].

Lui reprochant de s'être branché sur leur réseau d'eaux usées privé sans autorisation, M. et Mme [T] ont assigné M. [I] [S] devant le président du tribunal de grande instance de Toulon, lequel par ordonnance du 8 novembre 2016 les a déboutés de leur demande en l'absence de trouble manifestement illicite, en l'état d'une convention tripartite signée le 29 août 1986 autorisant ce raccordement.

Par exploits d'huissier des 29 novembre 2017 et 1er décembre 2017, M. et Mme [T] ont fait assigner M. [I] [S] et Mme [D] [S] devant le tribunal de grande instance de Toulon au visa de l'article 544 du code civil.

Par jugement avant dire droit du 20 septembre 2018, le tribunal a ordonné une expertise aux frais avancés des demandeurs, afin notamment d'une part de voir si la canalisation du fonds n° 1622 est raccordée au fonds n° 1824 selon les modalités déterminées par la convention du 29 août 1986, et d'autre part si le fonds n° 1623 est raccordé au regard privé des demandeurs ou sur le tout-à-l'égout communal.

Les demandeurs n'ayant pas souhaité consigner le complément de frais d'expertise, M. [U] [C] a déposé un rapport en l'état le 19 juin 2019.

Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulon a :

- dit que Mme [D] [S] et M. [I] [S] ne bénéficient d'aucune servitude d'évacuation des eaux usées opposable aux époux [T],

- condamné M. [I] [S] à supprimer le raccordement d'évacuation des eaux usées du fonds 1622 au collecteur privé du fonds n° 1824 implanté sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux époux [T] dans le délai de huit mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jours de retard pendant trois mois à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

- condamné Mme [D] [S] à supprimer le raccordement d'évacuation des eaux usées du fonds 1622 (sic) au collecteur privé du fonds n° 1824 implanté sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux époux [T] dans le délai de huit mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jours de retard pendant trois mois à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

- débouté les époux [T] de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

- débouté les époux [T] de leur demande en paiement de la somme de 983,86 euros,

- débouté M. [I] [S] et Mme [D] [S] de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné in solidum M. [I] [S] et Mme [D] [S] aux entiers dépens en ce compris le procès-verbal de constat du 13 janvier 2016 qui constate les raccordements d'évacuation des eaux usées des fonds n° 1623 et 1622, et en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires.

Le tribunal a considéré que les défendeurs n'établissent pas que la convention du 29 août 1986 ait été portée à la connaissance des époux [T] lors de leur acquisition du fonds n° 1824, ni que les époux [T] aient été informés au plus tard à cette date de l'existence d'une servitude d'écoulement d'eaux usées grevant leur fonds au profit du fonds n° 1622 et a fortiori d'une servitude d'écoulement d'eaux usées grevant leur fonds au profit du fonds n° 1623, cette dernière servitude n'ayant pas même été prévue ni autorisée par la convention du 29 août 1986.

Par déclaration du 14 janvier 2021, M. [I] [S] a relevé appel de ce jugement en intimant M. et Mme [T].

Par ordonnance du 9 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté qu'aux termes de leurs dernières conclusions M. et Mme [T] se sont désistés de leur demande incidente tendant à l'obtenir la condamnation de M. [S] au paiement de la somme de 983,86 euros suivant facture du 8 octobre 2012.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 14 avril 2023, M. [I] [S] demande à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

- débouter les époux [T] des fins de leur appel incident,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que M. [I] [S] ne justifie d'aucune servitude d'évacuation des eaux usées opposable aux époux [T],

- condamné M. [I] [S] à supprimer le raccordement d'évacuation des eaux usées du fonds 1622 au collecteur privé implanté sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux époux [T] dans le délai de huit mois à compter de la signification du jugement sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard pendant trois mois à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

- condamné in solidum M. [S] et Mme [S] à payer une somme de 1 000 euros aux époux [T] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [S] et Mme [S] aux entiers dépens en ce compris le procès-verbal de constat du 13 janvier 2016 et les frais d'expertise judiciaire,

- le confirmer en ce qu'il a débouté les époux [T] du surplus de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'accord du 29 août 1986 initialement conclu entre M. [H] [P] et [N] [A], alors propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 3] et MM. [L] et [I] [S] alors propriétaires indivis de la parcelle [Cadastre 1], constitue une convention opposable à M. et Mme [T] comme à leurs éventuels acquéreurs successifs,

- condamner les époux [T] à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les époux [T] des fins de leur appel incident, comme étant dépourvu de fondement, leur demande tendant au remboursement d'une facture du 8 octobre 2012 d'un montant de 983,66 euros étant en outre prescrite au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil,

- condamner M. et Mme [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise.

M. [I] [S] fait essentiellement valoir :

Sur l'opposabilité de la convention du 29 août 1986,

- que si cette convention n'a pas été mentionnée dans l'acte de vente par lequel les époux [P] ont procédé à la cession de leur lot aux époux [T], ces derniers ont toujours eu une parfaite connaissance de cette convention,

- Mme [M] divorcée [P] en atteste,

- M. [A] ancien propriétaire de la parcelle [Cadastre 3], en atteste,

- dans un rapport daté du 14 janvier 1993, l'expert judiciaire désigné par le tribunal d'instance de Toulon aux fins de réaliser un bornage, M. [Y] [O], faisait déjà état de l'existence de la canalisation dont on conteste aujourd'hui la présence, canalisation qui avait fait l'objet d'une rupture, à la suite des travaux entrepris par les époux [T] dans leur fonds ; sur la base du rapport de l'expert judiciaire, le tribunal avait du reste dans un jugement du 11 septembre 1997, condamné les époux [T] à rembourser à Mme [G], auteur de Mme [D] [S], une somme de 1 126,50 francs, qui représentait alors le coût de réparation de la canalisation,

- à l'époque M. et Mme [T] ne se sont pas opposés à cette demande en contestant le caractère régulier de la canalisation,

- que la section de la canalisation est clairement précisée dans la convention et que cela a été fait avec le consentement des signataires, qu'il s'agit d'une canalisation privative mise en place en 1986 pour gérer quatre villas,

- que la solution dégagée par le premier juge est en tout état de cause manifestement contraire à la position prise par la Cour de cassation dans un arrêt très remarqué rendu le 6 juillet 2022 (Cass. Civ 3ème RG 21-12763) qui considère que le nouveau propriétaire d'un bien ne peut pas contester une situation acceptée par son prédécesseur, cet arrêt bien que rendu dans un litige relatif à un empiètement, est tout à fait transposable au cas d'espèce,

- que M. et Mme [T] sont incapables de démontrer l'existence de désordres liés à une quelconque non-conformité de la canalisation qui a été réalisée dans un diamètre permettant de desservir quatre maisons, à l'appui d'une allégation de trouble anormal du voisinage subi,

- que la Cour de cassation a jugé qu'un empiètement qui serait la conséquence d'un accord amiable ne constitue pas une voie de fait (Civ. 1ère 8 mars 1988).

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 9 janvier 2024, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

Vu les articles 544,545 et 691 du code civil,

Vu l'article 548 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le rapport d'expertise de M. [U] [C],

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné :

- M. [I] [S] à supprimer le raccordement d'évacuation des eaux usées du fonds 1622 au collecteur privé implanté sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux époux [T] dans le délai de huit mois à compter de la signification du jugement sous astreinte, passé ce délai, de 50 euros par jour de retard pendant trois mois à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

- solidairement M. [I] [S] et Mme [D] [S] aux entiers dépens de première instance en ce compris le procès-verbal de constat du 13 janvier 2016 qui constate les raccordements d'évacuation des eaux usées des fonds n° 1623 et 1622, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

Juger :

- que la convention du 29 août 1986 n'a jamais été publiée au service de la publicité foncière,

- qu'aucune servitude n'a été constituée ni rappelée dans leur acte d'acquisition du 05 février 1990,

- que les attestations des ex-conjoints [P] établissent que :

1) ni l'un ni l'autre n'a personnellement informé les époux [T] de l'existence d'une quelconque servitude d'écoulement d'eaux usées, ni d'une convention la ou les consacrant

2) aucune information concernant l'existence d'une quelconque servitude d'écoulement d'eaux usées ou d'une convention la consacrant n'a été portée à la connaissance des époux [T] préalablement à la vente

3) ni le père de M. [H] [P], ni Mme [M] n'ont révélé, ni même évoqué la convention de 1986 le jour de la vente

4) ni le père de M. [H] [P], ni Mme [M] n'étaient en possession de la convention de 1986 le jour de la vente

- qu'il n'est pas établi que les époux [T] aient eu connaissance le jour de la vente, de la convention du 29 août 1986, ou d'une quelconque servitude dont leur fonds aurait été grevé,

- que la convention du 29 août 1986 n'est pas opposable aux époux [T],

- qu'il n'existe pas de servitude de canalisation grevant le fonds n° 1824 au profit du fonds n° 1622,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté les époux [T] de leur demande au titre de la réparation de leur préjudice moral pour un montant de 5 000 euros,

- alloué seulement 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Statuant à nouveau :

- condamner M. [I] [S] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi par eux du fait des soucis et tracasseries liés à l'instance,

- condamner M. [I] [S] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, relativement à la procédure de première instance,

Y ajoutant :

- débouter M. [I] [S] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- condamner M. [I] [S] à leur verser en cause d'appel la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] [S] aux entiers dépens d'appel.

M. et Mme [T] soutiennent en substance :

- que la servitude d'évacuation des eaux usées est une servitude non apparente et discontinue, qui en vertu de l'article 691 du code civil ne peut s'établir que par titres,

- il n'existe aucun titre établissant une servitude d'évacuation des eaux usées, opposable,

- les attestations n'apportent aucun élément déterminant quant à la connaissance par eux de ces raccordements lors de l'acquisition,

- la convention ne concerne que la parcelle [Cadastre 1] de M. [I] [S] et pas la parcelle [Cadastre 2] de Mme [D] [S],

- Mme [M] ne prétend pas les avoir elle-même informés, mais que c'est son ex beau-père aujourd'hui décédé qui s'en serait chargé, cette attestation est particulièrement laconique et vient en contradiction avec une autre attestation faite ensuite,

- il en est de même pour l'attestation de M. [P],

- ils n'ont eu connaissance de la convention qui aurait été signée en 1986 que lors d'une instance en bornage qu'ils ont introduite en avril 1992, et à l'occasion de laquelle une expertise a été ordonnée,

- ils émettent des doutes sur l'attestation de M. [A] établie vingt-cinq ans après celle établie le 5 mars 1995, dont l'écriture est manifestement différente, - il n'est pas établi qu'ils ont eu connaissance le jour de la vente, de la convention du 29 août 1986, ou d'une servitude de canalisation d'eaux usées dont leur fonds aurait été grevé,

- la jurisprudence alléguée n'est pas transposable au cas d'espèce et conduirait à enterrer toute la législation et toute la jurisprudence, relatives aux servitudes discontinues et non apparentes,

- que l'expertise, même sommaire, a le mérite d'établir contradictoirement, sans surprise, une situation déjà observée par un constat d'huissier du 13 janvier 2016,

- que selon la société Veolia, les branchements sont sous dimensionnés, tandis que l'exploitation de l'occupation des lieux par M. [S] s'est amplifiée, ce qui leur cause préjudice : refoulement régulier, relents nauséabonds, mauvaises évacuations dans les sanitaires,

- ils sont tourmentés depuis plus de trois ans par le présent procès, alors qu'à leur âge très avancé, ils aspirent à la tranquillité,

- leur désistement de la demande de remboursement de la somme de 983,86 euros a déjà été constaté.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 mars 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions des intimés, comporte des demandes de « juger », qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur l'existence d'une servitude de canalisation

Selon les dispositions de l'article 686 du code civil, il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les articles qui suivent.

Les articles 688 et 689 du même code, énoncent que les servitudes sont ou continues, ou discontinues, apparentes ou non apparentes.

Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce. Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.

Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc. Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée.

L'article 691 du même code précise que les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres. La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière.

Il est argué d'une convention concernant la parcelle [Cadastre 1], qui est celle de M. [I] [S].

Aux termes de cette convention du 29 août 1986, conclue entre d'une part M. [H] [P] et M. [N] [A] copropriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 3], et d'autre part M. [L] [S] et M. [I] [S] propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 1], concernant « la réalisation de travaux de raccordement pour assainissement devant desservir les deux parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1] par une canalisation en PVC de 160 de diamètre partant du collecteur communal qui se situe en bordure du [Adresse 6] et à l'angle SUD OUEST de la parcelle [Cadastre 3] appartenant à la copropriété [P]-[A] à environ 50 Cm de la limite SUD et parallèle à celle-ci pour une longueur de 60 mètres environ où se trouvent Deux regards de visite », MM. [P] et [A] ont conféré à MM. [I] et [L] [S] le droit de raccordement sur cette canalisation sans aucune réserve et sans contrepartie, suite à la participation de MM. [S] aux travaux de réalisation décrits. Il y est prévu que les frais d'entretien de la canalisation se fera au prorata des droits de chacun et que cette autorisation vaut droit de servitude entre les soussignés et leurs successeurs éventuels.

Le titre de propriété de M. et Mme [T], lesquels tiennent leurs droits de M. [H] [P] et son épouse Mme [R] [K], selon acte notarié du 5 février 1990, ne fait état de l'existence d'aucune servitude de canalisation des eaux usées au profit du fonds cadastré section [Cadastre 1], ce qui est consécutif au fait que cette convention du 29 août 1986, n'a pas été publiée au service de la publicité foncière.

Il est admis que l'absence de cette formalité puisse être combattue par la démonstration de la connaissance de l'existence de la servitude à la date de l'acquisition du bien immobilier.

Les témoignages de M. [H] [P] et de Mme [R] [K], vendeurs de M. et Mme [T], qui affirment que cette information a été donnée oralement lors de la signature de l'acte de vente, sont totalement inopérants en vertu de la règle selon laquelle nul ne peut s'établir de preuve à soi-même, le vendeur ne pouvant attester de ce qu'il a accompli ses obligations à l'acte de vente.

Quant au témoignage de M. [N] [A] d'août 2020 dont la comparaison d'écriture avec celui établi en 1995 dans le cadre de l'instance en bornage, ne permet pas de remettre en cause le fait qu'il a été rédigé par la même personne, il évoque une discussion avec M. et Mme [T] peu de temps après leur acquisition au sujet des servitudes sur le terrain. Dès lors, il ne rapporte pas la preuve de la connaissance par M. et Mme [T], de la convention instituant cette servitude, à la date de la signature de l'acte d'acquisition, seule de nature à leur rendre opposable la convention du 29 août 1986.

La date à laquelle la convention a été portée à la connaissance certaine de M. et Mme [T], c'est en 1996, au cours des opérations de l'expertise ordonnée par un jugement du 14 janvier 1993, dans le cadre d'un bornage judiciaire.

Le fait que le jugement du 11 septembre 1997 statuant sur ce rapport d'expertise, emporte condamnation de M. et Mme [T] à payer à M. [I] [S], les travaux sur cette canalisation d'évacuation des eaux usées, dont la rupture leur était imputable, et qu'ils aient exécuté le jugement, ne peut emporter la conséquence de leur acceptation de la canalisation d'évacuation des eaux usées.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [I] [S] ne bénéficie d'aucune servitude d'évacuation des eaux usées opposable aux époux [T], a condamné M. [I] [S] à supprimer le raccordement d'évacuation des eaux usées du fonds 1622 au collecteur privé du fonds n° 1824 implanté sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux époux [T], et de ce qu'il a débouté M. [I] [S] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle

M. et Mme [T] qui forment appel incident, réclament la condamnation de M. [S] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des soucis et tracasseries liés au présent litige depuis plus de trois ans.

Il est constant que l'exercice ou la défense à une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, il n'est pas démontré que M. [I] [S] a abusé de son droit de se défendre en justice, dans une intention de nuire à M. et Mme [T] ou sa mauvaise foi ou une légèreté particulièrement blâmable, alors qu'il se prévalait d'une convention dont l'existence est avérée.

M. et Mme [T] seront donc déboutés de leur demande d'indemnisation et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles, l'appel incident sur les frais irrépétibles, d'ailleurs non étayé, étant rejeté.

En cause d'appel, M. [I] [S], qui succombe, sera condamné aux dépens et aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [T].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [S] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [I] [S] à payer à M. [J] [T] et Mme [Z] [B] épouse [T], la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00596
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.00596 ?
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