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20/06/2024 | FRANCE | N°21/00453

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 20 juin 2024, 21/00453


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 226









Rôle N° RG 21/00453 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYOJ







[F] [V]

[A] [N] épouse [V]

[P] [V] épouse [R]





C/



[M] [Y]

[O] [L] épouse [Y]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH

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Me Jérôme PASCHAL





Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 25 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00600.





APPELANTS



Monsieur [F] [V]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Corinne SANTIAGO de la SELARL ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 226

Rôle N° RG 21/00453 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYOJ

[F] [V]

[A] [N] épouse [V]

[P] [V] épouse [R]

C/

[M] [Y]

[O] [L] épouse [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH

Me Jérôme PASCHAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 25 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00600.

APPELANTS

Monsieur [F] [V]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Corinne SANTIAGO de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Nicolas ROSA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [A] [N] épouse [V]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Corinne SANTIAGO de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Nicolas ROSA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [P] [V] épouse [R]

demeurant Lieudit [Adresse 8]

représentée par Me Corinne SANTIAGO de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Nicolas ROSA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [M] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jérôme PASCHAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [O] [L] épouse [Y]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme PASCHAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] sont propriétaires, la première en tant que nue-propriétaire, les deux derniers en tant qu'usufruitiers, d'une parcelle de terrain sur laquelle est édifiée une maison individuelle sur la commune de [Localité 7] cadastrée section E numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 5], lieudit « La Burlière ».

Leur terrain est voisin du terrain appartenant à M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y], propriétaires d'une parcelle de terrain cadastrée section E numéro [Cadastre 6] sur laquelle ils ont édifié une maison individuelle.

M. [V] a déposé à la mairie une demande de déclaration préalable à la réalisation de travaux non soumis à permis de construire en application des articles L. 421-1 et R. 421-1 et suivants du code de l'urbanisme, pour le remplacement des thuyas par un mur en béton d'une longueur de 55 mètres et d'une hauteur de 1,80 mètre, et par arrêté du 26 avril 2017, le maire de [Localité 7] a rendu une décision de non opposition.

Se plaignant de la non-conformité du mur aux prescriptions légales et au plan local d'urbanisme quant à sa hauteur, ainsi que d'un empiétement de la semelle du mur, M. et Mme [Y] ont saisi le président du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains aux fins de désignation d'un expert judiciaire, mais ont été déboutés de cette demande, par ordonnance du 1er mars 2018.

Par exploit d'huissier du 3 juin 2019, ils ont fait assigner Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] devant le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains.

Par jugement du 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a :

- condamné in solidum Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] à procéder aux travaux consistant en :

- la reconstruction du mur séparant les fonds E [Cadastre 6] et E [Cadastre 3] sur sa partie A (rapport de M. [C] [Z]),

- la suppression des talons empiétant sur le fonds E [Cadastre 6] avec vérification de l'existence sur le fonds E [Cadastre 3] d'une semelle suffisante et au besoin réalisation d'un dispositif adapté,

- dit que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant une durée de trois mois, à défaut d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois suivant la signification de la présente décision,

- débouté M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y] de leur demande en paiement de dommages-intérêts moratoires,

- condamné in solidum Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] à payer à M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes des parties,

- condamné in solidum Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a considéré :

- que M. et Mme [Y] ne peuvent demander au juge civil de se substituer au procureur de la République qui n'a pas poursuivi l'infraction relevée dont les éléments constitutifs n'imposent pas nécessairement condamnation au civil sauf à démontrer que ces agissements revêtent un caractère fautif à l'origine d'un préjudice,

- qu'ils se prévalent d'une hauteur anormale du mur mais n'établissent pas une perte d'ensoleillement ou de vue qui serait constitutive d'un préjudice devant induire réparation,

- que la configuration anormale du mur C est qualifiée sans danger à la différence du mur A dont la reconstruction est nécessaire selon l'analyse de l'expert à laquelle les défendeurs n'apportent pas de contradiction sérieuse,

- qu'il existe un empiétement caractérisé par la présence d'un talon sur le fonds [Y] de 12 à 48 centimètres qui constitue une atteinte à leur propriété.

Par déclaration du 12 janvier 2021, Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] ont relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 8 février 2021, les consorts [V] demandent à la cour de :

Vu le jugement du 25 novembre 2020,

Vu les dispositions du code de l'urbanisme précitées,

Vu les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 7],

Vu les articles 1240 du code civil et suivants,

Vu l'article 1383 du code civil,

Vu les articles 16 du code de procédure civile ensemble l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme,

Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile ainsi que l'article 700 dudit code,

Vu la jurisprudence constante,

Vu les pièces versées aux débats,

- déclarer leurs demandes recevables en la forme,

- déclarer leurs demandes recevables sur le fond

- débouter M. et Mme [Y] de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour se substituer au procureur de la République,

- confirmer le jugement rendu le 25 novembre 2020 en ce qu'il a déclaré que M. et Mme [Y] n'exposent aucun préjudice pouvant induire réparation,

- réformer le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu'il les a condamnés à procéder aux travaux de reconstruction du mur sur sa partie A ainsi qu'à supprimer les talons empiétant sur le fonds des intimés en ce qu'il s'est fondé uniquement sur un rapport unilatéral,

- réformer le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains en ce qu'il les a condamnés in solidum au paiement des entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. et Mme [Y] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,

- condamner in solidum M. et Mme [Y] au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais de première instance ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros s'agissant des frais de l'instance d'appel sur le même fondement.

Les consorts [V] font essentiellement valoir :

Sur le respect du plan local d'urbanisme,

- que la clôture de thuyas était exactement de la même hauteur que le mur implanté au même niveau et en remplacement de celle-ci,

- aucun remblaiement n'a été effectué lors de la plantation de la haie de thuyas par leur auteur,

- l'article UD 11 du plan local d'urbanisme de [Localité 7] ne vise que les murs de clôture et non les murs de soutènement, tel que visé dans leur acte de vente,

- la reconnaissance par M. et Mme [Y] devant l'huissier de justice que le mur est un mur de soutènement, constitue un aveu judiciaire,

- que la notion de terrain naturel est difficile à définir de sorte que de simples constatations visuelles ne permettent pas de l'établir,

- la jurisprudence ne prend pas en compte les modifications du niveau du terrain intervenues avant le dépôt de la demande préalable de travaux et sans lien avec les travaux envisagés, sauf à prouver que d'éventuels aménagements ont été réalisés dans un objectif frauduleux,

- le nouveau PLU de la commune de [Localité 7] a repris ces jurisprudences constantes,

- de surcroît, comme le préconise la jurisprudence, en cas de différence de part et d'autre de la clôture, le terrain le plus haut sera pris comme référence,

- ce sont les époux [Y] qui ont excavé leur propriété,

- qu'outre l'absence totale de préjudice des époux [Y], aucune faute ne peut leur être reprochée,

- les époux [Y] tentent d'outrepasser le refus qu'ils se sont vus opposer s'agissant de leur recours administratif,

Sur la prétendue dangerosité du mur,

- que la juridiction de première instance ne s'est fondée que sur un rapport unilatéral produit par l'une des parties pour les contraindre à la reconstruction du mur,

- que le rapport est sujet à caution,

- M. [Z] fait une analyse trompeuse de la situation et affirme que le propriétaire du mur de clôture doit se mettre en conformité avec les autorisations administratives, alors que ni le procureur de la République, ni la juridiction administrative n'ont partagé cette vision,

- M. [Z] n'a pas eu accès à leur fonds,

Sur l'empiétement,

- que le jugement de première instance se fonde uniquement, là encore sur un rapport unilatéral,

- que M. [Z] n'est pas géomètre-expert,

- que Mme [Y] a refusé que le maçon qu'ils ont voulu missionner, accède à sa propriété, alors que cela aurait permis de mettre fin au litige.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 20 mai 2022, M. et Mme [Y] demandent à la cour de :

Vu les dispositions du code civil, pris notamment en ses articles 545 et 640,

Vu celles du code de procédure civile,

Vu celles du code de l'urbanisme,

Vu le plan local d'urbanisme,

- confirmer la décision entreprise, notamment en ses condamnations suivantes :

- « la reconstruction du mur séparant les fonds E [Cadastre 6] et E [Cadastre 3] sur sa partie A (rapport de M. [C] [Z]),

- la suppression des talons empiétant sur le fonds E [Cadastre 6] avec vérification de l'existence sur le fonds E [Cadastre 3] d'une semelle suffisante et au besoin réalisation d'un dispositif adapté ;

- dit que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant une durée de trois mois, à défaut d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois suivant la signification de la présente décision »,

- liquider ladite astreinte,

Y ajoutant,

- dire et juger qu'il appartient aux époux [Y] qui en subissent directement les effets et donc les préjudices de solliciter la démolition et mise en conformité des infractions commises en matière d'urbanisme relevées le 15 septembre 2017, nonobstant l'absence de suites pénales ou d'action menée par la commune, ce y compris concernant le mur en sa partie B,

- dire et juger qu'un tiers s'estimant lésé par une nouvelle construction qui porte atteinte à la jouissance et à la valeur de son bien peut se tourner vers le juge civil, et la théorie des troubles anormaux du voisinage, pour percevoir des indemnités, cela sans demander au juge civil de se substituer au procureur de la République qui n'a pas poursuivi, Jugement page 4, dernier paragraphe, puisque les agissements revêtent un caractère fautif à l'origine du préjudice,

- dire et juger que le mur, (tel qu'il ressort du rapport d'expertise extra juridictionnelle considéré en trois parties distinctes : A. les premiers 20 mètres linéaires, où une surélévation d'un mur existant fut réalisée. B. les 20 mètres linéaires situés au centre, où le mur de clôture est un mur de soutènement récent. C. le mur de clôture récent qui n'est plus un mur de soutènement, le niveau de sol des deux fonds étant identiques.) :

- Mur A : présente un danger,

- Le mur B présentera sous peu un ventre, à cause de la contre-pression,

- Le talon se trouve sur le fonds des requérants, empiètement,

- Mur C : la semelle devrait faire 50 centimètres de large,

- Concernant la hauteur des murs, diminuer la hauteur desdits murs en conformité avec le plan local d'urbanisme,

- ordonner reconstruction du mur en sa partie B (rapport de M. [C] [Z]),

- condamner les appelants à :

- destruction de l'empiètement

- l'enlèvement de la semelle chez les concluants devant être lié à l'assurance de garantie de solidité, en effet l'expertise ayant été unilatérale ils ignorent s'il existe une semelle de l'autre côté et dans le cas contraire selon l'expertise il serait dangereux de le faire sans travaux préalables chez les requis voisins,

- un remblaiement de la terre enlevée après suppression de la semelle en largeur et profondeur et remise en l'état initial,

- planning des travaux établi par avance, M. [Y] exerçant une partie de son activité à son domicile,

- fin de l'état de dangerosité : risque de ventre pour la partie B, et fondations insuffisamment enterrées en profondeur en partie C, et pose d'un enduit à des fins esthétiques,

- mise en conformité du mur quant aux prescriptions légales et issues du plan local d'urbanisme par diminution de sa hauteur, puisqu'ils ont créé un trouble anormal de voisinage,

- condamner au paiement de dommages et intérêts moratoires d'un montant de 5 000 euros pour préjudice visuel, dégradation du cadre de vie dû à la hauteur notamment en sa partie Nord et impossibilité de planter au pied du mur dont l'aspect constitué d'agglos non enduits sont parfaitement inesthétiques (Un mur d'une hauteur de quatre mètres et présentant une façade brute en moellons de couleur grise crée un trouble esthétique (CA Grenoble, 1ère ch., 12 mars 2007 : JurisData n°2007-336228),

- condamner les appelants in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [Y] soutiennent en substance :

Sur la matérialité des faits et partant, l'infraction au code de l'urbanisme,

- qu'ils disposent du procès-verbal dressé par les agents de la fonction publique dans l'exercice de leurs fonctions,

- que les agents ont constaté un remblai de terre entre les points B et D,

- que ces points par leur dangerosité et le préjudice qu'ils créent, constituent un trouble anormal de voisinage pour lequel le juge civil est compétent, nonobstant l'absence de poursuite par le procureur de la République,

Sur le rapport d'expertise non juridictionnelle,

- que M. et Mme [V] s'étant opposés avec succès à la désignation d'un expert judiciaire, refusée en référé expertise, ils ne peuvent leur reprocher d'avoir fait établir un rapport extrajudiciaire,

- qu'avant les travaux les deux fonds étaient séparés par un mur de soutènement de 20 mètres linéaires, bordé d'une rangée de thuyas, à compter de la séparation avec la voie publique, qu'après ce mur de soutènement, un grillage métallique vert, bordé d'une rangée de Thuyas de 39 mètres linaires, séparait les deux fonds, ceci dans l'alignement du premier mur, que le propriétaire du fonds voisin a procédé à la dépose des thuyas et du grillage, puis, courant juillet 2017 a procédé à la construction du mur en remplacement du grillage,

- que M. [Z] a considéré trois parties distinctes du mur et a pu faire ses remarques expertales avant de conclure,

- que la procédure de référé qui n'a pas abouti est particulièrement instructive,

- que la conciliation n'a pas abouti, le constat de carence dressé par M. [U] attestant : « il a été impossible de procéder à une tentative de conciliation, Madame Monsieur [V] [F] faisant fi des directives édictées par le PLU de la Commune de GREOUX LES BAINS. »,

Sur l'empiétement,

- que nous sommes dans le cas particulier d'un empiétement de fonds par récidive,

- qu'il y a une confusion volontaire entre les 20 mètres de mur de soutènement et les 40 mètres de mur nouvellement créé qui n'ont aucune fonction de soutènement,

- que si le mur a bien été implanté en retrait de la limite séparative, les fondations en béton avancent sur leur héritage,

- que l'allégation selon laquelle ils auraient excavé leur parcelle est infondée et ni confirmée par des preuves, ni par M. [E], ni par le géomètre [I], ni par les services de l'urbanisme.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 mars 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions des intimés, comporte des demandes de « dire et juger », qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Il est constaté qu'il n'y a pas de demande d'infirmation à titre incident, dans le dispositif des conclusions des intimés, alors qu'en première instance, ils demandaient par référence à un rapport d'expertise privé, la reconstruction de l'intégralité du mur dans le respect des prescriptions légales et issues du plan local d'urbanisme (partie A, B et C), la suppression de l'empiétement de la semelle du mur et l'indemnisation et que le premier juge n'a fait droit qu'à la demande concernant le mur A et à l'empiétement, en rejetant les demandes au titre du mur C d'une part et du mur B d'autre part, sauf relativement à l'empiétement dudit mur B. Ils sollicitaient également des dommages et intérêts qualifiés de moratoires.

Or, le premier juge n'a fait droit qu'aux demandes concernant d'une part le mur A en ordonnant sa reconstruction et d'autre part l'empiétement de la semelle du mur B, en en ordonnant la suppression en respectant certaines prescriptions de sécurité.

Aucune demande d'infirmation à titre incident ne figure d'ailleurs dans les premières conclusions d'intimés, qui fixent les prétentions des parties.

En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, la cour n'a donc pas à statuer sur les demandes concernant la hauteur des murs, le mur C et les dommages et intérêts moratoires.

Sur les demandes de M. et Mme [Y]

Restent les demandes concernant la dangerosité du mur A et la suppression de l'empiétement de la semelle du mur B.

Il est opposé qu'un rapport d'expertise privé, ne peut pas constituer le fondement exclusif de la condamnation.

Aux termes de l'article 545 du code civil : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Par ailleurs l'article 1240 du code civil énonce que celui qui commet une faute doit réparer le préjudice qui en résulte.

Il appartient à celui qui s'en prévaut de faire la preuve de cette faute, de son préjudice et du lien de causalité entre les deux.

A l'appui de leur demande, M. et Mme [Y] versent aux débats :

- un procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme du 31 août 2017 établi après une visite du 26 juillet 2017, convenue avec M. [F] [V], qui a fait savoir qu'il serait absent mais que le maçon en charge des travaux serait présent : il a été constaté que la construction réalisée n'est pas conforme à la déclaration préalable, sa hauteur mesurée depuis le terrain de M. [F] [V] (terrain naturel par comparaison avec le terrain [Y]) variant entre 1,80 mètre et 2,90 mètres, compte tenu d'un remblai de terre, non déclaré, et enfreint l'article 11 du plan local d'urbanisme qui fixe entre les limites séparative une hauteur maximale autorisée des clôture à 1,80 mètre ; cette procédure transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, a fait l'objet d'un classement sans suite, porté à la connaissance de Mme [Y], le 5 décembre 2017.

- le rapport privé établi par M. [C] [Z], inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 15 mai 2018, qui a procédé à une analyse du mur en distinguant trois parties :

- mur A, sur les premiers 20 mètres linéaires, où une surélévation d'un mur existant, a été réalisée,

- mur B, sur les 20 mètres linéaires situés au centre, où le mur de clôture est un mur de soutènement récent,

- mur C, qui est un mur de clôture récent, qui n'est pas un mur de soutènement, le niveau de sol des deux fonds étant identiques.

M. [Z] conclut que le mur A présente un danger et que sa reconstruction est nécessaire, que le mur B présentera sous peu un ventre, à cause de la contre-pression de la terre et de l'eau, et que le talon du mur se trouve sur le fonds des requérants, que les fondations du mur C sont insuffisamment enterrées en profondeur sans présenter de danger.

- un document intitulé « rectification de la limite entre les parcelles [Cadastre 3] (propriété [V]) et 1988 (propriété [D]) » établi par M. [J] [I], géomètre-expert, en décembre 2004, pour diviser la parcelle [Cadastre 4] en deux parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6], et créer une parcelle [Cadastre 5] correspondant à l'empiétement, par référence à un bornage du 5 juillet 1994, sachant que les consorts [D] sont les auteurs de M. et Mme [Y].

- le procès-verbal de constat d'huissier du 15 mai 2019 auquel sont jointes des photographies, faisant état d'un empiétement des fondations en béton du mur, sur une vingtaine de mètres.

De leur côté, les consorts [V] produisent :

- leur acte d'acquisition du 18 février 2005, de la parcelle [Cadastre 5] précisant que le mur de soutènement édifié entre les deux parcelles [Cadastre 3], propriété [V], et 1988, propriété [D], se trouve être la propriété exclusive de M. et Mme [V],

- des photographies avant et après les travaux de remplacement des thuyas par un mur en béton.

Il ressort de la confrontation de ces pièces et pas seulement du rapport privé établi par M. [Z], réalisé non contradictoirement, mais soumis à la discussion contradictoire des parties, qu'il existait précédemment un mur de soutènement sur les 20 premiers mètres linéaires, que ce mur appartient aux consorts [V], que ce mur a été surélevé (mur A) et prolongé, à la place du grillage et thuyas, par l'édification d'un mur en plusieurs parties :

- un mur en deux parties d'une hauteur allant en diminuant, tenant compte du remblaiement réalisé sur la parcelle [V] et qualifié par suite de soutènement : qualifié de mur B dans le rapport privé de M. [Z] et des murs B et C dans le procès-verbal d'infraction,

- un mur en deux parties d'une hauteur allant en diminuant, sans fonction de soutènement qualifié de mur de clôture : mur C dans le rapport privé de M. [Z] et murs D et E dans le procès-verbal d'infraction.

Le remblaiement est établi à la fois par le procès-verbal d'infraction du 31 août 2017 et les photographies prises au cours des travaux, rendant nécessaire un mur de soutènement, présentant les caractéristiques de nature à assurer sa pérennité.

Selon le rapport privé établi par M. [Z], le mur de soutènement en sa partie A est dangereux et peut s'effondrer par vent violent, car « trop de poids a été ajouté sur le mur existant. Un chainage aurait dû être réalisé à 2,50 mètres de hauteur, à compter du sol le plus bas. Il aurait fallu 3 raidisseurs, un à chaque extrémité, un au centre ».

Quant au mur B, M. [Z] estime qu'à l'avenir, un ventre risque d'apparaître avec la contre-pression de la terre et de l'eau, et que les fondations de ce mur qui empiètent varient entre 41 centimètres et 45 centimètres.

L'empiétement est caractérisé pas seulement par le rapport privé de M. [Z], mais également par le procès-verbal de constat d'huissier du 15 mai 2019 et les photographies annexées, qui permettent de s'assurer de l'empiétement, un filin ayant été tendu par l'huissier entre la borne de géomètre située en partie Sud et le piquet situé à distance intermédiaire de la limite Ouest, et plus exactement à la limite du mur de soutènement d'origine, qui a été surélevé et qui est la propriété des consorts [V].

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [V] à supprimer les talons empiétant sur le fonds E [Cadastre 6] avec vérification de l'existence sur le fonds E [Cadastre 3] d'une semelle suffisante et au besoin réalisation d'un dispositif adapté.

Pour le surplus, la dangerosité du mur A ne ressort que du rapport privé, établi non contradictoirement, le 15 mai 2018, par M. et Mme [Y], seulement après avoir été déboutés de leur demande d'expertise judiciaire en référé, par ordonnance du 1er mars 2018, parce qu'ils n'apportaient alors aucune pièce utile à l'appui de cette prétention.

Il n'est allégué d'aucun désordre depuis la surélévation du mur de soutènement litigieux, qualifié de mur A par M. [Z].

En conséquence, la cour ne peut sur le seul fondement du rapport privé de M. [Z], condamner les consorts [V] à reconstruire le mur A, comme demandé.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné les consorts [V] à la reconstruction du mur séparant les fonds E [Cadastre 6] et E [Cadastre 3] sur sa partie A (rapport de M. [C] [Z]).

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

Aux termes de l'article L. 131-4 du code de procédure civile d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

En l'espèce, le premier juge n'a pas ordonné l'exécution provisoire alors que le jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire de droit, l'instance ayant été introduite avant le 1er janvier 2020.

En outre, partie du jugement est infirmée.

M. et Mme [Y] seront donc déboutés de leur demande de liquidation de l'astreinte fixée par le jugement de première instance.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement

En cause d'appel, il convient de faire masse des dépens et de les partager par moitié entre d'une part les consorts [V], d'autre part M. et Mme [Y].

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas, la jurisprudence admettant la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.

Aucune disposition ne prévoit la solidarité entre les personnes condamnées aux dépens et aux frais irrépétibles, et aucun fondement n'est invoqué à l'appui de la demande de condamnation solidaire aux dépens, qui sera donc rejetée.

Au regard du partage des dépens, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] à la reconstruction du mur séparant les fonds E [Cadastre 6] et E [Cadastre 3] sur sa partie A (rapport de M. [C] [Z]) ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déboute M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y] de leur demande tendant à la reconstruction du mur séparant les fonds E [Cadastre 6] et E [Cadastre 3] sur sa partie A (rapport de M. [C] [Z]) ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y] de leur demande de liquidation d'astreinte ;

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre d'une part Mme [P] [V] épouse [R], M. [F] [V] et Mme [A] [V] et d'autre part M. [M] [Y] et Mme [O] [L] épouse [Y] ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00453
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.00453 ?
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