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20/06/2024 | FRANCE | N°20/12757

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 20 juin 2024, 20/12757


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 225









Rôle N° RG 20/12757 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGVNN







[W] [U]

[V] [U]

[A] [U]





C/



[D] [X] [G] [B]

[M] [Y], [F] [K]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Christel THOMAS



SCP BADI

E, SIMON-THIBAUD, JUSTON





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 01 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03252.





APPELANTS



Monsieur [W] [U]

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me Christel THOMAS, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 20 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 225

Rôle N° RG 20/12757 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGVNN

[W] [U]

[V] [U]

[A] [U]

C/

[D] [X] [G] [B]

[M] [Y], [F] [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christel THOMAS

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 01 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03252.

APPELANTS

Monsieur [W] [U]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [V] [U]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [A] [U]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [D] [X] [G] [B]

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Henri ROBERTY, avocat au barreau de GRASSE

Madame [M] [Y], [F] [P] née [K]

demeurant [Adresse 4]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Henri ROBERTY, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

MM. [W], [V] et [A] [U] sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section [Cadastre 14], sise à [Adresse 5], le premier en tant qu'usufruitier, les deux derniers en tant que nus-propriétaires.

Selon acte notarié du 18 juin 2008, M. [D] [B] a fait l'acquisition d'un petit cabanon en mauvais état cadastré section [Cadastre 9] et [Cadastre 12], sises [Adresse 4], avec la précision que la parcelle [Cadastre 9] provient de la division de la parcelle [Cadastre 15] en deux parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] qui reste au vendeur et que la parcelle [Cadastre 12] provient de la division de la parcelle [Cadastre 7] en deux parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 11] qui reste au vendeur et qu'il est constitué une servitude de passage dont les fonds dominants sont les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 12] et les fonds servants sont les parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11].

Selon acte notarié du 18 juin 2008, Mme [M] [K] et M. [D] [B] ont acquis en indivision une parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 10] et [Cadastre 11], sises [Adresse 4].

Ils ont obtenu les 6 et 7 mai 2008 des permis de construire portant sur l'édification d'une villa et d'une piscine s'agissant de Mme [K], sur la rénovation en garage d'une construction déjà existante s'agissant de M. [B].

Le permis de construire PC n° 00615508V0021 du 6 mai 2008 de Mme [K] a été annulé par jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2012, devenu définitif, pour deux raisons : d'une part la surface hors 'uvre nette du projet litigieux s'établit à 249,20 m² alors que seuls 187 m² étaient encore constructibles sur la parcelle, d'autre part l'adjonction aux constructions existantes, de la villa et de la piscine autorisée par l'arrêté attaqué aura pour effet de porter l'emprise au sol de l'ensemble des constructions à 311,24 m², correspondant à un taux d'emprise au sol de 14,5 %, taux non conforme au taux d'emprise au sol des constructions de 10 % fixé par le plan local d'urbanisme.

Se prévalant de cette décision, MM. [W], [V] et [A] [U] ont, par exploit d'huissier du 24 janvier 2014, fait assigner Mme [M] [K] et M. [D] [B] devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de démolition et aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge de la mise en état à la demande des défendeurs pour d'une part fournir au tribunal les éléments lui permettant de statuer sur l'atteinte alléguée portée au verger protégé et les troubles invoqués par les consorts [U], d'autre part et à la demande des consorts [U], sur le mesurage de la surface imperméabilisée, la vérification que l'emprise au sol des constructions ne dépasse pas de plus de 50 % les dispositions du plan local d'urbanisme, la vérification de la SHON résiduelle sur le terrain.

Le rapport d'expertise a été déposé en l'état en l'absence de règlement de la provision complémentaire de 31 500 euros, sollicitée par l'expert.

Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- débouté MM. [U] de toutes leurs demandes concernant la démolition de l'intégralité des constructions de toutes natures érigées sur la parcelle [Cadastre 10] sise [Adresse 4],

- débouté MM. [U] de toute leur demande dommages et intérêts,

- débouté M. [B] et Mme [K] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné MM. [U] aux entiers dépens hors les frais d'expertise judiciaire,

- condamné M. [B] et Mme [K] aux frais d'expertise judiciaire,

- condamné in solidum MM. [U] à verser à M. [B] et Mme [K] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal énonce que trois conditions sont nécessaires au succès de l'action en démolition en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, que la condition d'annulation préalable du permis de construire est remplie, que la condition que la construction se situe dans une zone protégée est remplie, que la condition de préjudice en lien direct avec l'intérêt que protège la servitude dont la violation est invoquée, n'est pas démontrée par les consorts [U], qui ont la charge de cette preuve, et, qu'il ne peut donc pas être tiré de conséquence du fait que Mme [M] [K] et M. [D] [B] n'aient pas souhaité régler le complément de provision réclamé par l'expert pour établir la preuve de faits dont la preuve ne leur incombe pas.

Le tribunal a considéré d'une part que si le permis de construire stipulait que l'orangeraie existante est à conserver et à conforter, il n'est pas justifié concernant l'orangeraie et l'environnement ou l'imperméabilisation du terrain, d'une violation d'une règle d'urbanisme ni même d'un préjudice, d'autre part que le lien entre le surplus de surfaces construites en violation des servitudes d'urbanisme et les désagréments invoqués par les demandeurs, n'est pas établi.

Par déclarations successives des 22 octobre 2020 (20/10181), 17 novembre 2020 (20/11152) et 18 décembre 2020 (20/12757), les consorts [U] ont relevé appel de ce jugement.

Par ordonnances du 6 août 2021, la jonction des procédures 20/10181 et 20/11152 a été prononcée sous le numéro unique 20/12757.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 21 mars 2024, les consorts [U] demandent à la cour de :

Vu les articles 1, 2 et 4 de la charte de l'environnement instaurée par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la charte de l'environnement, expressément visés par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation,

Vu l'article 3 paragraphe 3 du traité sur l'Union européenne,

Vu les articles 6 et 191 à 193 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme dans sa version initiale ou dans sa version consolidée au 22 octobre 2015,

Vu les articles 544 et 1240 anciennement 1382 du code civil,

Vu le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 18],

Vu la jurisprudence constante de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat,

Vu l'intégralité des arrêts de la Cour de cassation cités notamment ceux des 14 mai 2013, 3 avril 2001, 12 octobre 2005, 21 mars 2019 et 11 janvier 2023,

Vu les arrêts du Conseil d'Etat n° 389798 et n° 386932 respectivement des 13 avril 2016 et 20 juin 2016,

Vu les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme Allard c/ Suède du 24 juin 2003 et surtout Hamer c/ Belgique n° 21861/03 du 27 novembre 2007 aux termes duquel la Cour européenne statuant à l'unanimité « souligne que l'environnement constitue une valeur : elle précise que les impératifs économiques et même certains droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la primauté face à des considérations relatives à la protection de l'environnement, en particulier lorsque l'Etat a légiféré en la matière. Les pouvoirs publics assument alors une responsabilité qui devrait se concrétiser par leur intervention au moment opportun afin de ne pas priver de tout effet utile les dispositions protectrices de l'environnement qu'ils ont décidé de mettre en 'uvre »,

Vu l'intégralité des pièces produites au débat,

- déclarer recevable et bien fondé leur appel à l'encontre du jugement rendu le 1er septembre 2020 par le tribunal de grande instance de Grasse (sic),

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [B] et Mme [K] veuve [P] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [B] et Mme [K] veuve [P] aux frais d'expertise judiciaire,

- infirmer le jugement rendu sur le reste,

Et statuant à nouveau,

- déclarer recevable et bien fondé l'intégralité de leurs demandes,

- constater que le permis de construire PC n° 00615508V0021 du 6 mai 2008 annulé par jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2012 a été, à juste titre définitivement annulé par la juridiction administrative,

- constater que l'action en démolition engagée par assignation du 24 janvier 2014 a bien été engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative,

- juger que l'annulation définitive dudit permis de construire par la juridiction administrative a autorité de la chose jugée,

- dire qu'en vertu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation citée et annexée (arrêt de cassation du 14 mai 2013 ' pourvoi n° 12-15254, 1ermoyen ; arrêt de cassation n° 11FS-B du 23 janvier 2023), l'autorité de la chose jugée de l'annulation définitive du permis de construire ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire statue sur les causes d'annulation du permis de construire qui n'ont pas été relevées par le juge administratif dans la motivation de son jugement définitif d'annulation,

- dire qu'aux termes des dispositions et annexes réglementaires concordantes du plan local d'urbanisme, la construction litigieuse est située dans l'une des zones énumérées au 1° de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme dans sa version consolidée au 22 octobre 2015,

- juger applicables au présent litige tant la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 de la charte de l'environnement, ainsi que l'intégralité des dispositions et annexes réglementaires concordantes du plan local d'urbanisme,

- constater en conséquence qu'à la simple lecture littérale des textes et documents graphiques réglementaires concordants cités, l'orangeraie « strictement protégée » détruite par les travaux litigieux couvrait, avant la réalisation desdits travaux litigieux, l'intégralité de la parcelle objet du permis de construire définitivement annulé par le tribunal administratif de Nice,

- constater notamment que le tribunal administratif de Nice a, à juste titre, définitivement jugé que l'emprise au sol des constructions réalisées s'élève à « 14,5 % » aux lieux et place de l'emprise au sol « strictement limitée à 10 % » par le PLU,

- constater en conséquence que le pourcentage de dépassement de l'emprise au sol est supérieur à 45 % à l'emprise au sol autorisée,

- juger qu'un dépassement de 45 % de l'emprise au sol par rapport à l'emprise au sol « strictement limitée » par le PLU enfreint délibérément ce dernier,

- juger que le dépassement fautif et grossier de l'emprise au sol autorisée par les constructions litigieuses aux lieu et place de « l'orangeraie protégée » cause un ensemble de préjudices directs et certains au fonds voisin lésé (environnement immédiat, vue obstruée, etc'), tels qu'établis dans les présentes écritures et leurs multiples pièces jointes,

- juger que la destruction à plus de 80 % de l'orangeraie protégée consécutive à l'imperméabilisation de plus de 80 % de la parcelle protégée constitue encore un préjudice direct et certain au fonds [U] voisin directement limitrophe,

- juger que seule la démolition desdites constructions est de nature à faire cesser ces préjudices,

- juger également que seule la démolition desdites constructions est de nature à « garantir la prévention de la biodiversité de l'environnement » conformément aux textes constitutionnels de la République française,

- infirmer en conséquence l'intégralité des dispositions dudit jugement, en ce compris leur condamnation inéquitable au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que toutes les constructions érigées en application du permis de construire PC n° 00615508V0021 du 6 mai 2008 définitivement annulé par jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2012, ainsi que les constructions excédant les prescriptions dudit permis annulé, sont illégales et leur sont directement préjudiciables,

- ordonner la démolition immédiate de l'intégralité des constructions de toutes natures érigées sur la parcelle cadastrale [Cadastre 10] (ex [Cadastre 15]) sises [Adresse 4], et ce, conformément au jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2012 ayant définitivement annulé le permis de construire PC n° 00615508V0021 du 6 mai 2008 de Mme [K], ainsi que la démolition immédiate de toutes constructions excédant les prescriptions dudit permis annulé, et notamment la villa de 249,21 m² SHON et la piscine de 60 m²,

- enjoindre à M. [B] et à Mme [K], propriétaires de ladite parcelle, de procéder aux démolitions immédiates des immeubles susmentionnés à leurs frais exclusifs, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- les autoriser à procéder auxdites démolitions aux frais exclusifs de M. [B] et Mme [K] solidairement débiteurs, au cas où M. [B] et Mme [K] ne procéderaient pas auxdites démolitions dans le délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner in solidum M. [B] et Mme [K] à leur régler la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts les indemnisant de la considérable dépréciation de leur maison du fait des préjudices résultant directement des flagrantes et itératives violations du plan local d'urbanisme sanctionnées par le jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2012,

- débouter M. [B] et Mme [K] de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles incidentes,

- condamner in solidum M. [B] et Mme [K] à leur régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] et Mme [K] aux entiers dépens de l'instance.

Les consorts [U] font essentiellement valoir :

Sur la demande de démolition,

- qu'il y a un dépassement illégal d'environ 50 % tant de l'emprise au sol que de la SHON et destruction de 80 % d'une orangeraie protégée par le PLU applicable,

- que les constructions illicites dépassent les prescriptions gravement illégales du permis de construire annulé, au regard de l'imperméabilisation des sols à plus de 80 %, révélées sur google map ou Géoportail,

- que M. [B] et Mme [K] se sont dérobés à l'expertise qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée, de crainte de se voir reprocher leurs multiples violations des règles d'urbanisme en plus des motifs d'annulation du permis de construire déjà intervenue,

- que M. [B] et Mme [K] ont fini par avouer au cours des opérations d'expertise, que le tribunal administratif s'est déjà prononcé, ce qui équivaut à un aveu judiciaire de l'illégalité des constructions illicites (sic),

- que le zonage de l'orangeraie protégée, est expressément détaillé aux pages 18 et 19 du PLU à son article UC13,

- que la Cour de cassation considère qu'il n'est pas nécessaire dès lors que le caractère illicite d'une construction est établi, que le préjudice qu'elle entraine présente un caractère manifestement excessif, pour qu'il y ait lieu à réparation (pourvoi n° 99-11570),

- que les intimés entretiennent la confusion entre la notion de troubles anormaux de voisinage et l'action en démolition prévue par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme,

- dans sa réforme le législateur n'a pas mentionné le préjudice subi, mais a réduit le champ de l'action civile en démolition,

- la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme dans l'affaire Allard contre Suède du 24 juin 2023, n'est pas transposable car la construction des intimés, obstrue leur vue panoramique et que le permis de construire a été annulé,

Sur les préjudices subis,

- qu'ils subissent une obstruction de la vue mer panoramique,

- le procès-verbal de constat d'huissier énonce que depuis le studio situé en bas du terrain, la vue mer est complètement occultée par la villa et sa toiture du fonds voisin,

- depuis la piscine, la vue mer est occultée par la toiture,

- depuis la terrasse du rez-de-chaussée, la vue mer est occultée par la toiture,

- qu'ils subissent des préjudices à l'environnement directs :

- le verger protégé est converti en blocs de béton armé et en vastes surfaces imperméabilisées,

- nouveaux vis-à-vis créés juste en face de la maisonnette, des deux terrasses inférieures et du rez-de-chaussée de leur maison,

- bruit, pollution, promiscuité d'un vaste parking,

- outre l'effondrement du [Adresse 16] résultant des travaux de terrassement qui a fait l'objet d'une procédure, toujours pendante et dont ils ne sont pas parties,

- que l'ensemble constitue des troubles anormaux de voisinage causés directement et uniquement par les constructions illégales,

Sur les demandes reconventionnelles

- que les intimés sont de mauvaise foi,

- professionnels de l'immobilier et gérants d'une dizaine de sociétés civiles immobilières, ils ont feint jusqu'à leur aveu judiciaire contenu dans leurs dires à l'expert, de ne pas comprendre le jugement du tribunal administratif de Nice,

- parfaitement informés de la situation juridique de leurs parcelles, ils ont sollicité et obtenu l'annulation des premiers permis de construire de 2007, pour mieux contourner les dispositions impératives du plan local d'urbanisme en déposant deux permis de construire croisés, croyant pouvoir dissimuler tant le dépassement massif de la SHON résiduelle par une division parcellaire fictive concomitante au dépôt de leurs demandes, que le dépassement persistant de l'emprise au sol de leur îlot de propriété aux lieu et place d'une orangeraie protégée,

- les intimés ont délibérément profité du cancer et de la mort de feue [I] [U] pour bâtir leur immeuble en fraude massive à la loi,

- qu'ils n'ont commis aucune faute en sollicitant l'exécution de la décision du tribunal administratif de Nice.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 14 mars 2024, M. [B] et Mme [P] née [K] demandent à la cour de :

Vu les dispositions l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et celles des articles 544 et 1240 (ex article 1382 du code civil),

Vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (affaire Allard c/ Suède du 24 juin 2003 sanctionnant la Suède pour avoir ordonné la démolition d'ouvrages construits au motif que ces démolitions constitueraient une charge exorbitante au regard de la protection de la propriété qu'offre le protocole n° 1 de la convention européenne des droits de l'Homme,

Vu l'article 1 du protocole n° 1 de la convention européenne des droits de l'Homme,

Vu l'intégralité des pièces produites aux débats tant en demande qu'en défense,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er septembre 2020 par Ie tribunal de grande instance de Grasse (sic), notamment en ce qu'il a débouté les consorts [U] de toutes leurs demandes, fins et conclusions et les a condamnés au paiement en première instance des indemnités de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4 000 euros,

Et statuant à nouveau,

- le réformer pour le surplus, mais seulement en ce qui concerne la charge des frais d'expertise et leurs demandes reconventionnelles rejetées en première instance et les recevant en leur appel incident,

- juger que les frais d'expertise judiciaire seront supportés an titre des dépens par les appelants,

- condamner les appelants au paiement de la somme de 150 000 à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par eux,

- les condamner au paiement de la somme de 8 000 euros d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d'appel,

- les condamner en tous les dépens en ce compris de l'expertise judiciaire.

M. [B] et Mme [P] née [K] soutiennent en substance :

Sur le caractère totalement inopérant des dispositions de l'article 1240, ex article 1382 du code civil,

- qu'il faut démontrer subir un préjudice personnel, en relation directe avec l'infraction ayant motivé l'annulation de l'autorisation de construire,

- il n'y a pas de lien de causalité entre les causes d'annulation du permis de construire et les préjudices invoqués,

- toutes les autres contestations des demandeurs ont été rejetées par le tribunal administratif, à savoir non-respect du verger d'orangers, insuffisance de desserte du terrain, non-respect du retrait par rapport à l'axe des vallons non recouverts, défaut de production des titres de propriété,

- les appelants ont travesti délibérément la décision rendue en ajoutant un motif à la décision d'annulation qui n'en comportait que deux,

- les deux erreurs d'appréciation commises par la mairie de [Localité 18] ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à engendrer un quelconque préjudice aux consorts [U],

- que leur demande d'indemnisation est sans conteste prescrite puisque la villa en cause et la piscine sont achevées depuis le 15 janvier 2011 et donc depuis bien plus de deux années au jour de leur exploit introductif d'instance du 24 janvier 2014,

Sur l'absence manifeste d'un trouble anormal de voisinage,

- s'agissant du verger protégé :

- la preuve de sa destruction à 80 % n'est pas rapportée,

- au contraire l'orangeraie a été protégée et même accrue,

- s'agissant des nouveaux vis-à-vis créés,

- la maison des consorts [U] est située bien au-dessus et à plus de 30 mètres de la façade de leur villa, et du fait de la déclivité du terrain et de la végétation basse du fonds des demandeurs et de celle en partie haute de leur fonds, elle est totalement invisible,

- les demandeurs ne peuvent apercevoir qu'une partie du seul faîtage en tuile,

- s'agissant du bruit, de la pollution et la promiscuité d'un vaste parking automobile,

- la petite aire de stationnement n'est pas visible depuis la propriété des demandeurs, située bien au-dessus car elle est totalement masquée par le petit studio se trouvant au bas de leur terrain,

- s'agissant de la perte de l'exceptionnelle vue panoramique de leur maison,

- cette allégation est erronée, alors que la charge de la preuve pèse sur les demandeurs,

- les demandeurs se réfèrent aux photos prises par l'expert judiciaire, en s'abstenant de les produire,

Sur leur demande reconventionnelle,

- que le seul fondement à l'action persistante et acharnée des appelants, particulièrement angoissante et lourde de conséquences pour eux, réside dans la hargne viscérale et inextinguible qu'ils leur vouent, depuis qu'ils ont eu la coupable velléité de vouloir construire leur villa en contrebas de la leur,

- qu'ils ont été l'objet d'un dénigrement personnel et inutile et au surplus délibérément erroné et calomnieux, notamment sur la destruction du [Adresse 16],

Sur le coût de l'expertise judiciaire,

- que l'expertise a permis de constituer un album photographique permettant au tribunal, comme à la cour de statuer,

- que les appelants ont entendu faire étendre la mission de l'expert, sans en supporter les conséquences financières,

Sur l'arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2023 produit par les appelants,

- que cet arrêt ne fait que rappeler d'anciennes décisions de la juridiction suprême,

- que le principe de proportionnalité s'applique,

- lorsque le permis de construire a été annulé, les constructions étaient déjà terminées et le certificat de conformité de la mairie délivré,

- ils sont de bonne foi,

- l'exécution forcée en nature est impossible car elle entraînerait la destruction de leur résidence principale, alors qu'ils sont âgés de 78 ans.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 mars 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions des appelants comporte des demandes de « constater », « dire » et « juger », qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des intimés, ne contient pas de demande d'irrecevabilité pour prescription, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur la demande de démolition

Aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de l'assignation, « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative (') ».

Il est constant que si ce texte subordonne l'exercice de l'action en démolition à des conditions particulières, l'action en démolition demeure fondée sur la responsabilité civile de droit commun et continue à obéir aux conditions habituelles de cette responsabilité.

Ainsi, la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique, peut servir de fondement à l'action en démolition, dès lors que le demandeur à l'action démontre avoir subi un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation.

En l'espèce, il ressort de la lecture du jugement rendu par le tribunal administratif de Nice, que le permis de construire délivré à M. [B], concernant la parcelle [Cadastre 7], n'a pas été annulé.

Seul a été annulé le permis de construire du 6 mai 2008 délivré à Mme [K] concernant la parcelle [Cadastre 15], en ne retenant que deux moyens tirés :

- du fait que le projet dépasse la surface constructible lorsqu'on y ajoute la construction sur la parcelle [Cadastre 7] détachée il y a moins de dix ans, en application de l'article UC 14 du plan local d'urbanisme,

- du fait que le taux d'emprise au sol est non conforme à celui fixé par le plan local d'urbanisme à l'article UC 9.

Les autres moyens tirés de la violation de la distance minimale de l'axe du vallon et la destruction de l'orangeraie protégée par le plan local d'urbanisme, ont été rejetés.

Il est rappelé que le permis de construire accordé à Mme [K], en zone UCb du plan local d'urbanisme alors applicable du 20 décembre 2006 modifié le 12 décembre 2007, comportait notamment les prescriptions que l'orangeraie existante est à conserver et à conforter et que l'exécution sera conforme au plan paysager et les teintes conformes à la palette de la mairie.

L'article UC 13 du plan local d'urbanisme concernant les espaces libres et plantations, prévoit dans l'ensemble de la zone UC les dispositions suivantes :

« Les surfaces libres de toute occupation du sol, ainsi que les dalles de couverture des aires de stationnement réalisées en sous-sol ne supportant pas de bâtiment en superstructure, devront être traités en espaces verts.

Les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par un nombre au moins égal d'arbres de force 18/20 minimum. Ces arbres doivent être répartis sur le terrain, à ce titre les arbres plantés pour créer les haies ne peuvent être comptabilisés comme arbres de remplacement.

Les arbres fruitiers caractéristiques du patrimoine agreste (agrumes, oliviers, plaqueminiers, etc') ne pourront être arrachés qu'à la condition impérative d'être un obstacle majeur à la construction projetée. Dans un tel cas, chaque arbre arraché devra être remplacé par un arbre de même essence et de force 18/20 minimum. (') ».

Les consorts [U] soutiennent subir une obstruction de la vue mer, ainsi que des préjudices à l'environnement, à savoir le fait que le verger protégé a été converti en blocs de béton et vastes surfaces imperméabilisées, de nouveaux vis-à-vis, du bruit, de la pollution et la promiscuité d'un vaste parking, enfin l'effondrement du [Adresse 16].

S'agissant de l'effondrement du [Adresse 16], Mme [K] et M. [B] produisent le pré-rapport d'expertise déposé dans le cadre de l'ordonnance de référé du 16 juin 2010 rendue à la demande de plusieurs personnes dont M. [D] [B], déclarée commune à M. [W] [U] le 21 janvier 2011. La mission de l'expert a été élargie aux fins de rechercher les causes de l'effondrement et dire si le passage de véhicules de plus de 3,5 tonnes sur le chemin peut être également à l'origine des désordres, ce qui a été expressément demandé par M. [U]. En l'état de ce pré-rapport, seulement deux causes ont été retenues par l'expert : la vétusté de l'ouvrage et les travaux de M. [Z] concernant la réalisation d'une tranchée pour la pose d'un égout.

Les consorts [U] ne démontrent donc pas la réalité du préjudice d'effondrement du [Adresse 16], imputable à Mme [K] et M. [B], ni d'ailleurs son lien de causalité avec la violation de règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique.

S'agissant du bruit, de la pollution et de la promiscuité d'un vaste parking, il est relevé qu'ils visent la construction sur la parcelle [Cadastre 7], dont le permis de construire n'a pas été annulé.

En outre, les consorts [U] ne communiquent aucune pièce de nature à démontrer l'existence de ces troubles allégués, qui ne ressortent ni des procès-verbaux de constat d'huissier produits, ni des photographies Géoportail, ni par suite, leur caractère anormal.

Les consorts [U] ne démontrent donc pas l'existence du trouble anormal de voisinage invoqué dans leurs moyens, le trouble anormal de voisinage étant indemnisable en dehors de toute faute prouvée, à la condition de rapporter la preuve d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, par leur gravité ou leur répétition.

S'agissant de la perte de vue panoramique, les consorts [U] versent aux débats le procès-verbal de constat d'huissier du 10 août 2006 (avant les travaux) et celui du 9 janvier 2018 (après les travaux), ce dernier contenant les constatations suivantes faites depuis la propriété des consorts [U], qui se situe en contre-haut de la propriété [K]-[B] :

- du studio au bas du terrain, vue complètement occultée par la villa et sa toiture et le requérant déclare qu'il a planté des arbres pour voir autre chose qu'un mur et des tuiles,

- depuis la piscine, la toiture de la villa située côté Sud-Est, occulte en grande partie la vue mer,

- depuis la terrasse supérieure, la toiture occulte toujours partiellement la vue mer.

Il ressort de la comparaison de ces procès-verbaux de constat d'huissier et des photographies jointes aux procès-verbaux, que la vue panoramique depuis la parcelle [U], a été modifiée du fait de la construction érigée en contrebas de leur parcelle, notamment depuis la partie basse de leur terrain, dont la vue donne maintenant sur la façade Nord de la maison [K]-[B], en laissant une vue sur la mer derrière le toit de la maison [K]-[B], en se déplaçant vers l'Est du terrain [U], en partie basse. Depuis la piscine située à l'Est de la parcelle, les photographies prises par l'huissier permettent de constater qu'on aperçoit la mer au-dessus du toit de la maison [K]-[B]. Enfin au niveau supérieur, les photographies révèlent que la vue mer, bien que nécessairement modifiée par rapport à la situation antérieure, existe.

Il en ressort que les consorts [U] n'ont plus la vue panoramique qui était la leur, sur le relief descendant vers la mer fortement urbanisé. Cet état de fait résulte de la construction sur le terrain voisin, situé en contrebas, en zone constructible, en vertu du permis de construire annulé, pour le dépassement de la surface constructible et du taux d'emprise au sol.

Les consorts [U] prétendent que les constructions illicites dépassent les prescriptions gravement illégales du permis de construire annulé.

Un expert judiciaire a été désigné par le juge de la mise en état à l'initiative de Mme [K] et M. [B] pour notamment dire si les travaux réalisés sont conformes au permis de construire de Mme [K], indiquer s'ils sont conformes aux règles d'urbanisme applicables sur la commune de [Localité 18] et dans l'hypothèse de non-conformité, les décrire et en préciser les conséquences sur la propriété des consorts [U]. C'est un rapport en l'état qui a été déposé, en raison du refus de Mme [K] et M. [B], qui devaient assumer l'avance des frais de l'expertise ordonnée initialement à leur demande pour obtenir un avis sur les préjudices allégués et le lien de causalité avec les constructions, ont refusé de régler le complément de provision réclamé par l'expert, s'élevant à 31 500 euros, compte de l'élargissement de la mission réclamée et obtenue par les consorts [U].

L'expert judiciaire s'est donc arrêté à la prise de photographies sur les parcelles de chacune des parties.

La charge de la preuve que les constructions édifiées en vertu du permis de construire annulé, ne sont pas conformes audit permis de construire, pèse sur la partie qui allègue la non-conformité, ainsi que la preuve du lien avec le préjudice tiré de la modification de la vue panoramique, soit les consorts [U].

Dès lors, c'est par une juste appréciation du droit et des faits que le premier juge a considéré qu'il ne pouvait être tiré de conséquence de l'absence de règlement du complément de provision réclamé par l'expert pour établir la preuve de faits dont la preuve ne leur incombe pas.

Les photographies Géoportail ne permettent pas de mettre en évidence des non-conformités par rapport au permis de construire accordé à Mme [K], avant d'être annulé. A cet égard, Mme [K] justifie avoir fait une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux, reçue à la mairie de [Localité 18], le 14 février 2011, faisant courir un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis.

En l'état, il n'est donc pas démontré que la construction litigieuse dont le permis de construire a été annulé pour le dépassement de la surface constructible et du taux d'emprise au sol, seules violations des règles d'urbanismes ou des servitudes d'utilité publique certaines, présente un lien de causalité avec lesdites violations.

Les consorts [U] ne démontrent pas non plus l'existence d'un trouble anormal de voisinage en dehors de toute faute prouvée, alors que le terrain situé en contrebas du leur, est constructible et que le caractère grave de la perte de vue n'est pas avéré en l'état des photographies examinées.

S'agissant des nouveaux vis-à-vis créés, ils ne sont pas étayés autrement que par le procès-verbal de constat du 9 janvier 2018, qui révèle seulement que la vue depuis le studio, donne maintenant sur la façade Nord de la maison [K]-[B], laquelle comporte des ouvertures.

Ainsi, il n'est pas démontré de préjudice de vis-à-vis créés, ni de lien de causalité avec la violation de règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique.

S'agissant enfin du préjudice d'environnement lié au fait que le verger protégé a été converti en blocs de béton et vastes surfaces imperméabilisées, sont versés aux débats :

- des photographies Géoportail prises avant la construction,

- le plan paysagé déposé à l'appui du permis de construire annulé, que les consorts [U] reprochent de comporter une sous-estimation flagrante du nombre d'orangers,

- des photographies réalisées après la construction de la villa [K]-[B],

- un document à en-tête du « Mouvement de cueillette solidaire de groupe RENOUER », aux termes duquel il est attesté que l'association a récolté 900 kilogrammes d'oranges amères et 18 kilogrammes de fleurs d'orangers dans la propriété de M. et Mme [B] entre février et mai 2014,

- un procès-verbal de constat d'huissier des 28 janvier et 27 février 2014 réalisé à la demande de Mme [K] et M. [B].

Il en ressort que selon le plan de masse annexé à la demande de permis de construire de Mme [K], sur lequel apparaît le terrain A de 53 m² (appartenant à M. [B]) et le terrain B de 2064 m² (appartenant en indivision à Mme [K] et M. [B]), la parcelle objet du permis de construire annulé, comportait plusieurs espèces d'arbres comptabilisées au total pour 81, dont 53 orangers et 10 oliviers et précisait les arbres à planter dans le cadre du projet, les arbres existants à conserver, les arbres à abattre, les arbres à transplanter et les arbres à arracher. Ainsi, devaient être conservés 70 arbres, dont 51 orangers et les 10 oliviers, 3 arbres à abattre, 10 à planter, 12 à transplanter.

Aux termes du procès-verbal de constat d'huissier produit par Mme [K] et M. [B], l'huissier a comptabilisé :

- sur la partie Ouest, une plateforme en herbe avec divers agrumes : 6 mandariniers, 1 citronnier, 1 mimosa,

- sur l'arrière de la maison : 4 orangers, 4 oliviers,

- sur la partie à droite en entrant pas le portail côté Sud-Ouest : 8 arbres d'agrumes, orangers et 1 arbre mort, 1 palmier et des lauriers,

- sous la maison côté Sud : 5 oliviers, 1 oranger,

- dans la partie de terrain côté Est : deux grandes planches complantées de divers agrumes : 14 arbres agrumes orangers et divers, 4 emplacements de pieds d'arbres morts,

- autour de la piscine : 1 citronnier, 3 orangers,

- dans la partie de terrain au-dessus de la piscine : deux grandes planches complantées de 16 arbres orangers, 1 oranger mort, 1 palmier,

- devant l'entrée de la maison, côté gauche : 6 arbres agrumes divers orangers, mandariniers, pamplemoussiers, 1 bonzaï géant.

Au cours de sa seconde visite, l'huissier a constaté les plantations suivantes : 1 jeune pamplemoussier, 7 jeunes orangers, notamment aux emplacements des anciens qui étaient morts, soit au total 81 arbres comptabilisés.

Cela est confirmé par des photographies sur lesquelles on distingue les planches maintenues à usage de plantations, avec plusieurs arbres encore jeunes sur certaines, ne correspondant manifestement pas à l'exigence posée par le plan local d'urbanisme, imposant des « arbres de force 18/20 minimum. Ces arbres doivent être répartis sur le terrain, à ce titre les arbres plantés pour créer les haies ne peuvent être comptabilisés comme arbres de remplacement (') ».

Par ailleurs, l'huissier requis par Mme [K] et M. [B] indique que « l'entrée en revêtement d'enrobé n'a rien d'une taille pharaonique » et « qu'il s'agit d'un parking d'une dimension tout à fait raisonnable et modeste qui s'étend uniquement sur l'entrée de la propriété en deux petites branches », avec « sur le côté droit, une voie d'accès au garage sous la maison, sur le côté gauche, on accède sur le devant de la maison au niveau de l'entrée principale ».

Cependant les photographies jointes à son procès-verbal, permettent de constater une vaste zone bétonnée en lien avec les violations au plan local d'urbanisme articles UC 9 et UC 14, sanctionnées par la nullité du permis de construire sur le dépassement de la surface constructible et de l'emprise au sol. De même les photographies prises par l'expert judiciaire, tendent à conforter le fait que Mme [K] et M. [B] ont par l'édification de surfaces bétonnées, pour certaines manifestement couvertes d'un gazon synthétique, imperméabilisé une partie de leur terrain, en lien avec les violations aux règles d'urbanisme sanctionnées par l'annulation du permis de construire délivré à Mme [K]. Enfin, la comparaison des photographies Géoportail avant et après la construction litigieuse est révélatrice d'un « bétonnage » important de la parcelle.

Aux termes de la charte de l'environnement intégrée à notre constitution par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, invoquée par les consorts [U], chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi.

Les consorts [U] démontrent l'existence d'un préjudice d'environnement du fait de la construction réalisée en violation des règles d'urbanisme et des servitudes d'utilité publique. Ils sont fondés à réclamer en vertu de leur droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, qu'il y soit mis fin, ainsi qu'une indemnisation, en rapport avec l'importance de ce préjudice à l'environnement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté les consorts [U] de toutes leurs demandes.

Au regard des impératifs environnementaux, dont l'appréciation présente un caractère technique, il convient avant dire droit sur les demandes de démolition et d'indemnisation, d'ordonner une mesure d'expertise avec la mission ci-après précisée.

L'existence d'un préjudice à l'environnement étant caractérisé, dont la nature et étendue restent à déterminer, ainsi que les moyens d'y remédier, l'expertise aura lieu aux frais de Mme [K] et M. [B].

Dans l'attente, il sera sursis à statuer sur les autres demandes, notamment au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté MM. [W], [V] et [A] [U] de toutes leurs demandes ;

Statuant à nouveau,

Dit que MM. [W], [V] et [A] [U] démontrent l'existence d'un préjudice d'environnement du fait de la construction [K]-[B], réalisée en violation des règles d'urbanisme et des servitudes d'utilité publique ;

Dit que MM. [W], [V] et [A] [U] sont fondés à réclamer en vertu de leur droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé qu'il y soit mis fin, ainsi qu'une indemnisation ;

Avant dire droit sur les demandes de démolition et d'indemnisation, ordonne une mesure d'expertise judiciaire et commet pour y procéder :

[E] [R]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Tél : [XXXXXXXX01] Fax : [XXXXXXXX02]

Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 17]

Avec pour mission de :

- se rendre sur les lieux, se faire remettre tous documents utiles,

- décrire la construction édifiée en vertu de permis de construire PC n° 00615508V0021 du 6 mai 2008 de Mme [M] [K], quant à l'emprise au sol de la construction et ses aménagements d'accès, ainsi que ses aménagements paysagers,

- fournir tous éléments d'appréciation sur la situation des parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11] provenant de la division des anciennes parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 15] notamment quant au nombre et l'essence des arbres s'y trouvant,

- indiquer si les travaux réalisés sont conformes aux règles d'urbanisme et aux servitudes d'utilité publique du plan local d'urbanisme qui était applicable du 20 décembre 2006 modifié le 12 décembre 2007 à savoir les articles UC 9, UC 13 et UC 14,

- dans l'hypothèse de non-conformités supplémentaires à celles retenues par le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2012, les décrire,

- préciser pour l'ensemble des non-conformités, les conséquences pour l'environnement dans leur nature et leur étendue,

- préconiser les solutions pour y remédier et en déterminer le coût,

- donner un avis sur les préjudices allégués ;

Fixe à la somme de 6 000 euros (six mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par Mme [M] [K] et M. [D] [B], au greffe de la cour (régie) dans le délai de DEUX MOIS à compter de la présente décision, sans autre avis ;

Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que le conseiller, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité. L'instance sera poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner ;

Dit que lors de la première réunion, ou au plus tard de la seconde réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au conseiller, la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;

Dit que l'expert devra déposer au greffe rapport de ses opérations dans le délai de SIX MOIS à dater de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera copie à chacune des parties en cause ;

Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport ;

Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente ;

Désigne le conseiller de la mise en état de la chambre 1-5 pour contrôler les opérations d'expertise ;

Réserve les demandes, les dépens et les frais irrépétibles.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/12757
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;20.12757 ?
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