COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 20 JUIN 2024
N°2024/175
Rôle N° RG 20/08549 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGHZW
[C] [H]
C/
S.A.S. LAFARGEHOLCIM BETONS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eric TARLET
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 août 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00402.
APPELANT
Monsieur [C] [H]
né le 29 Septembre 1958 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE- PETIT-TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. LAFARGE BETONS, anciennement dénommée LAFARGE BETONS FRANCE puis LAFARGEHOLCIM BETONS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
sis [Adresse 1]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée de Me Armelle DEBUCHY de la SELAS PERSEA, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère,
Madame Florence TANGUY, conseillère rapporteure,
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
Signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
En mai 2014, la société Maia sols a réalisé une plage en béton coloré autour de la piscine de M. [C] [H] [Adresse 3] à [Localité 4], avec un béton prêt à l'emploi fabriqué, vendu et livré par la société Lafarge en son établissement de [Adresse 5]. le béton ayant été payé par M. [H] directement auprès de la société Lafarge.
Après réalisation des travaux, des réserves ont été émises dans un procès-verbal de réception du 5 juin 2014, concernant un défaut d'homogénéité dans la réception du support ainsi que une fissuration générale importante au niveau de la dalle.
En raison de la non-levée des désordres malgré une mise en demeure du 5 mai 2015, M. [H] a assigné la société Maia sols devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en référé-expertise.
Par ordonnance du 22 septembre 2015, le juge des référés a désigné Mme [T] [E], en qualité d'expert judiciaire puis, par ordonnance de référé en date du 14 juin 2016, les opérations d'expertise ont été rendues communes et exécutoires à la société Lafargeholcim bétons, fournisseur du béton utilisé pour les travaux litigieux.
L'expert a déposé son rapport d'expertise le 1er août 2018.
Le 3 janvier 2019, M. [H] a assigné la société Lafargeholcim bétons devant ce tribunal en indemnisation de son préjudice sur le fondement des articles 1792 et 1641 et suivants du code civil.
Par jugement du 11 août 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :
-débouté M. [C] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
-condamné M. [C] [H] à payer à la société Lafargeholcim bétons, anciennement dénommée Lafarge bétons France, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné M. [C] [H] à supporter la charge des entiers dépens ;
-débouté les parties pour le surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 4 septembre 2020, M. [H] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions remises au greffe le 25 février 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, il demande à la cour :
-Ã titre principal,
-vu la responsabilité décennale incombant à la société Lafarge compte tenu des diligences intervenues lors de la réalisation du béton sur le chantier de M. [H],
-Ã titre subsidiaire,
-vu la garantie de conformité,
-vu subsidiairement l'existence de vices qui ont pu être caractérisés par Mme [E] dans son rapport d'expertise affectant le béton livré,
-vu les articles 1641 et suivants,
-vu encore plus subsidiairement le défaut de délivrance imputable à la société Lafarge,
-de réformer le jugement rendu en date du 11 août 2020 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions,
-de condamner la société Lafarge à payer à M. [C] [H] la somme de 14 076 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en réparation des désordres affectant la plage Nord/Ouest de la piscine,
-de condamner la société Lafarge à payer à M. [C] [H] la somme de 5 000 euros en réparation de l'ensemble des préjudices immatériels toutes causes confondues,
-de débouter la société Lafarge de toutes ses demandes fins conclusions comme irrecevables et infondées,
-de condamner la société Lafargeà payer à M. [C] [H] la somme de 4 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens y incluant ceux d'expertise judiciaire et de référé.
Par conclusions remises au greffe le 24 mai 2022, et auxquelles il y a lieu de se référer, la société Lafarge bétons, anciennement dénommée Lafargeholcim bétons, demande à la cour :
-vu les articles 103, 1641, 1792 et suivants du code civil,
-vu l'article 1134 ancien du code civil tel qu'applicable au litige,
-Ã titre principal,
-de prendre acte du fait que la société Lafarge bétons France (LBF) a changé de dénomination pour s'appeler Lafargeholcim bétons puis, depuis le 11 janvier 2022, Lafarge bétons,
-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 11 août 2020,
-Ã titre subsidiaire,
-de débouter M. [H] de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société Lafargeholcim bétons, anciennement dénommée Lafarge bétons France, sur le fondement de la garantie décennale, des vices cachés, l'obligation de livraison conforme ou tout autre fondement,
-ou à défaut,
-de limiter toute condamnation de la société Lafargeholcim bétons à la somme de 1 000 euros correspondant au remplacement de la fourniture,
-ou à tout le moins,
-de limiter toute condamnation de la société Lafargeholcim bétons, anciennement dénommée Lafarge bétons France, à la somme de 3 000 euros correspondant au montant du préjudice subi par M. [H],
-en tout état de cause,
-de débouter M. [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-de condamner M. [H] à payer une somme complémentaire de 4 500 euros au titre de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2024.
Motifs :
M. [H] réclame l'indemnisation de son préjudice résultant d'une non-conformité du béton livré. Il limite donc ses demandes à la plage nord-ouest de la piscine.
Suivant procès-verbal de réception du 5 juin 2014, il existe deux types de désordres : des fissurations de la dalle et des défauts d'homogénéité du support. Selon l'expert, ces désordres, qui figurent au procès-verbal de réception et dont certains sont évolutifs, sont d'ordre esthétique.
M. [H] impute l'existence de ces désordres à la qualité du béton livré par la société Lafarge.
L'expert a relevé que la toupie 3 avait été livrée trop tardivement pour la mise en 'uvre du béton qui devait intervenir dans les deux heures de sa première gâchée, ce qui ne laissait à la société Maia sols que 10 minutes pour exécuter les travaux de mise en 'uvre d'une durée d'environ une heure.
M. [H] omet toutefois que l'expert judiciaire a conclu que la plage nord de la piscine subissait :
-des fissures transversales, des fissures évolutives qui résultent d'une mauvaise exécution et de non-conformités aux règles de l'art et aux documents contractuels : coulage du béton coloré sur un ancien support en béton fibré devenu autoportant alors qu'il n'avait pas été conçu à cet effet, sans interface adaptée et d'une épaisseur insuffisante, ces malfaçons étant imputables à la société Maia sols qui a réalisé les travaux,
-des craquelures de type faïençage résultant du dépassement du délai entre la première gâchée de béton et 1'heure de livraison, le béton ayant été livré « sec » ;
L'expert ajoute qu'il y a eu un apport d'eau à l'origine de la non-conformité du béton coloré à la norme et à l'origine des fissures.
C'est, à juste titre, que le premier juge a écarté la responsabilité décennale, les désordres étant apparents au jour de la réception puisqu'ils ont fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception.
M. [H] agit, par ailleurs, sur le fondement de la garantie du vice caché. Il rappelle que l'heure de la première gâchée des différentes toupies de béton n'a pas été portée à sa connaissance ni à celle de la société chargée de l'exécution des travaux. Il n'en demeure pas moins que si cette société a estimé le béton trop sec au point d'y rajouter de l'eau, la qualité du béton était à ce moment parfaitement apparente. Il lui appartenait donc de ne pas accepter le produit qu'elle ne pouvait pas mettre en 'uvre dans le délai requis pour un résultat satisfaisant. L'expert impute le rajout d'eau au conducteur du camion de la société Lafarge et précise que ce rajout n'a pu se faire que dans la toupie du camion Lafarge. Ces assertions sont totalement contestées par la société Lafarge bétons et le bon de livraison Lafarge mentionne d'ailleurs que « tout ajout sur chantier non prévu dans la formulation du béton rend le béton non-conforme à la norme NF-EN 206-1 ». Aucun des éléments produits ne permet d'affirmer que le rajout d'eau a été effectué par le salarié de la société Lafarge ou avec son consentement, les pièces produites à cet égard et les dires à l'expert étant totalement contradictoires entre eux.
Enfin, ainsi que l'a relevé le premier juge, les désordres affectant la plage nord-ouest résultent de nombreuses malfaçons dans l'exécution des travaux imputables à l'entreprise. Le lien direct entre le prétendu vice caché affectant le béton et qui serait imputable au fabricant, ce dont M. [H] ne rapporte pas la preuve, et le préjudice résultant de la nécessité de refaire totalement la plage nord est insuffisamment établi, les malfaçons relevées par l'expert dans l'exécution des travaux étant primordiales puisqu'elles génèrent des fissures évolutives qui diminuent considérablement l'usage de l'ouvrage, plus que le simple faïençage.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Lafarge bétons les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Par ces motifs :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [C] [H] à payer à la société Lafarge bétons la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [C] [H] aux dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente,