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06/06/2024 | FRANCE | N°21/03684

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2024, 21/03684


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

mm

N°2024/ 201













Rôle N° RG 21/03684 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHC43







[A] [T]





C/



[P] [T] épouse [W]

S.A.S. FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE



S.C.I. ANDY

[Y] [X]

S.A.R.L. QUEEN OF SOUTH

[S] [N]

















Copie exécutoire délivrée le :

à :




SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES



SCP SEBASTIEN GUENOT



SCP CABINET BUVAT-TEBIEL



MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Janvier 2021 enregistré au répertoire général ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

mm

N°2024/ 201

Rôle N° RG 21/03684 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHC43

[A] [T]

C/

[P] [T] épouse [W]

S.A.S. FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE

S.C.I. ANDY

[Y] [X]

S.A.R.L. QUEEN OF SOUTH

[S] [N]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES

SCP SEBASTIEN GUENOT

SCP CABINET BUVAT-TEBIEL

MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 16/08104.

APPELANT

Monsieur [A] [T]

demeurant [Adresse 7] - [Localité 11]

représenté et assisté par Me Benoît LAMBERT substitué par Me Jean-Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEES

Madame [P] [T] épouse [W]

demeurant [Adresse 1] - [Localité 12]

représentée par Me Sébastien GUENOT de la SCP SEBASTIEN GUENOT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.S. FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE, dont le siège social est [Adresse 5] - [Localité 11], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Franck MANDRUZZATO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PARTIES INTERVENANTES

S.C.I. ANDY, dont le siège social est [Adresse 13] - [Localité 9], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

Monsieur [Y] [X]

demeurant [Adresse 2] - [Localité 11]

S.A.R.L. QUEEN OF SOUTH, dont le siège social est [Adresse 2] - [Localité 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

Monsieur [S] [N]

demeurant [Adresse 28] - [Localité 10] / BELGIQUE

tous représentés par Me Jorge MENDES CONSTANTE de la SELARL MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, et Mme Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Marc MAGNON, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI et Madame Céline LITTERI

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte authentique en date du 7 décembre 2015, la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE a acquis un terrain sis à [Localité 11], [Adresse 27], cadastré AE [Cadastre 14] à [Cadastre 25], lequel bénéficiait notamment d'une servitude de passage de trois mètres de largeur sur la limite séparative Est de l'ancienne propriété Flandin, et d' une servitude de non aedi'candi sur la moitié Est de ladite parcelle.

[P] [T] épouse [W] et [A] [T] sont propriétaires des parcelles attenantes cadastrées [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 8] sur lesquelles un hôtel a été édi'é.

Par constat d'huissier de justice en date du 20 avril 2016, la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE a fait constater que [A] [T] reconnaissait l'existence d'une servitude sur une largeur de trois mètres, refusait le passage d'un « tuyau » au-dessus du sol de la servitude et en refusait l'accès par véhicule, mais pas à pied. Il a également été constaté que la largeur de la servitude de passage était réduite notamment par la présence de poteaux au niveau d'un portail. Il a enfin été constaté la construction d'une piscine avec plages en béton à un endroit où le sol aurait été surélevé.

Sur la base de ce constat, la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE a, le 25 mai 2016, fait assigner les consorts [T] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, lequel, par ordonnance du 13 juillet 2016, a ordonné aux consorts [T] de permettre l'accès à la servitude de passage pour l'entretien des lieux par la requérante, estimant par ailleurs que le passage à pied d'une largeur de 2,5 mètres était suf'sant.

Appel a été interjeté contre cette ordonnance par la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE.

Par exploit d'huissier délivré le 21 octobre 2016, la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE a fait assigner [A] [T] et [P] [T] épouse [W] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux 'ns notamment d'obtenir la démolition des poteaux qui obstruent selon elle la servitude et de lui permettre d'implanter une canalisation souterraine d'égout en tréfonds.

En l'état de ses dernières conclusions , elle a sollicité du tribunal de :

Condamner les consorts [T] à rendre à la servitude de passage sa largeur de trois mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édi'és et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard sous huitaine à compter de la signi'cation de la présente décision ;

Autoriser la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE au passage d'une canalisation souterraine à titre principal, sinon aérienne à titre subsidiaire sur l'assiette de la servitude ;

Condamner les consorts [T] à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée, construites en violation de la servitude non aedi'candi ;

Condamner les consorts [T] à remettre le terrain à son niveau d' origine ;

Condamner [A] [T] à étêter le mur végétal de cinq mètres de haut, le tout sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter d'un délai de huitaine à partir de la signi'cation de la présente décision ;

Débouter les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, 'ns et conclusions ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir :

Condamner les consorts [T] à lui payer la somme de 5000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au pro't de Maître Franck MANDRUZZATO, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses prétentions, sur le fondement des articles 637 et suivants du code civil, la requérante a fait valoir :

' qu'elle bénéficie d'une servitude de passage de trois mètres de largeur conformément à son acte authentique d' acquisition en date du 7 décembre 2015 et sans aucune restriction quant à son usage, de sorte que les poteaux implantés doivent être enlevés pour rétablir cette largeur et qu'elle puisse y faire passer le tout à l'égout ;

' que le pool house. la piscine, les murets et les plages ainsi que le mur végétal ont été construits par les consorts [T] en violation de la servitude non aedi'candi et par une surélévation du sol sans qu'aucune prescription ne puisse être prouvée par les défendeurs.

[A] [T] a sollicité du tribunal qu' il déboute la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de l'intégralité de ses demandes 'ns et conclusions; la condamne à lui payer une somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, le défendeur a fait valoir :

' que la servitude conventionnelle visée par acte authentique du 7 novembre 1955 n'emporte pas droit d' implanter des canalisations dans le tréfonds conformément aux articles 686 et 702 du code civil ;

' que l'état d'enclave prévu à l'article 682 du code civil n'est pas établi par la requérante, ne lui conférant pas davantage le droit d' utiliser le tréfonds ;

' que les piliers du portail Nord ont été construits il y a plus de trente ans par l'ancien propriétaire bénéficiaire de la servitude, de sorte que la largeur du passage entre les poteaux de la servitude se trouve définitivement 'xée à 2,50 mètres laissant une place suffisante pour les piétons ;

' que la construction de la piscine n'est pas de nature à contrevenir à la servitude non aedi'candi qui vise, selon la commune intention des parties, à empêcher les ouvrages en hauteur ; que la piscine et les ouvrages enterrés ont été construits depuis plus de vingt années sans que le bénéficiaire de la servitude ne le conteste, renforçant le fait que la servitude conventionnelle visait seulement à interdire les ouvrages pouvant masquer la vue ;

' que le mur végétal dont il est demandé la démolition n'existe pas, au contraire de la haie de cyprès, et qu'aucun fondement juridique n'est soulevé à l'appui de cette demande ;

' que le terrain est à son niveau d'origine de sorte que la demande de remise en état sollicitée sans preuve et sans fondement juridique doit être rejetée.

[P] [T] épouse [W] a demandé au tribunal de :

Dire et juger qu' elle est étrangère à la décision de son frère [A] [T] d'entraver le libre exercice de la servitude de passage stipulée dans l'acte de vente du 16 novembre 1955 ;

En conséquence,

Débouter la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de ses prétentions dirigées à son encontre ;

Subsidiairement,

Dire et juger que l'empiétement sur le chemin de l'assiette de la servitude est minime et qu'il ne justi'e pas la mesure de démolition sollicitée des lors que les poteaux des portails ne font pas obstacle au passage prévu par l'acte de servitude ;

Dire et juger que la servitude de passage ne stipule pas une servitude de tréfonds de canalisations et d'évacuation des eaux usées ;

Dire et juger que les servitudes sont d'interprétation stricte en ce qu'elles portent atteinte au droit de propriété;

En conséquence,

Débouter la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de sa demande d'autorisation de passage desdites canalisations après avoir constaté que le fonds de la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE n'est pas enclavé à ce titre ;

Dire et juger, s'agissant des demandes de démolition des ouvrages réalisés selon la demanderesse en violation de la servitude non aedi'candi stipulée en partie Est de la propriété que la preuve du bien fondé des prétentions de la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE n'est pas rapportée ;

Débouter la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de ses prétentions;

Condamner la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La CONDAMNER aux entiers dépens dont distraction au pro't de Maître [M], associé au sein de la SCP GHRISTI [M].

Au soutien de ses prétentions, la défenderesse a expliqué être en indivision avec son frère [A] [T] ; que celui-ci gérait seul la parcelle concernée si bien qu'elle était étrangère aux décisions prises par son frère, ajoutant que l'indivision était contentieuse puisqu'une assignation en licitation partage avait été délivrée.

Au fond, elle a fait valoir que le passage était rendu possible par la largeur de 2,5 mètres et sollicité le rejet de la demande de démolition des poteaux dans la mesure ou le propriétaire du fonds servant était en droit de se clore. Elle a fait observer que la servitude conventionnelle prévue dans l'acte de vente du 7 novembre 1955, en l'absence d'état d'enclave au sens de l'article 682 du code civil n'emportait pas pour la requérante une servitude de tréfonds de sorte que la demande d'autorisation de passage des canalisations souterraines devait être rejetée.

S'agissant de la demande de démolition des ouvrages construits en zone non aedificandi, elle indiquait que la société demanderesse n'établissait pas que les ouvrages édifiés sur l'assiette de la servitude non aedi'candi , notamment la piscine, gênaient sa vue sur la mer.

Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

Débouté la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de ses demandes à l' égard des consorts [T] tendant à:

' rendre à la servitude de passage sa largeur de trois mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édi'és ;

' être autorisée au passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude ;

' remettre le terrain à son niveau d'origine ;

' ôter le mur végétal de cinq mètres de haut.

Condamné [A] [T] et [P] [T] épouse [W], dans un délai de deux mois suivant la signi'cation du jugement à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine. les murets et la plage carrelée et surélevée, construites en violation de la servitude non aedi'candi sur la moitié Est de la parcelle cadastrée n° [Cadastre 8].

Dit que, passé ce délai et faute pour eux de s'exécuter, [A] [T] et [P] [T] épouse [W] seront condamnés à payer une astreinte de 100 euros ( cent euros ) par jour de retard.

Laissé les dépens de l'instance à la charge de chacune des parties.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire .

Rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du11 mars 2021 [A] [T] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions d'intervention volontaire notifiées le 12 juillet 2022 par RPVA, la SCI ANDY, M. [Y] [X], la SARL QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N], Acquéreurs des parcelles vendues par la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLF sont intervenus à l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 29 septembre 2022 par [A] [T] tendant à :

Vu l'article 686 du code civil

Vu la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur,

Déclarer irrecevable l'action de la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE en ce qu'elle vise à obtenir des droits réels attachés à des fonds vendus, sans s'en être réservé la possibilité ;

Déclarer irrecevables les interventions volontaires de la société ANDY, de M. [Y] [X], de la société QUEEN OF SOUTH et de M. [S] [N] ;

En tout état de cause,

Débouter la société ANDY, M. [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N] de toutes leurs demandes ;

Réformer le jugement du Tribunal Judiciaire de Draguignan du 21 janvier 2021, en ce qu'il a condamné M. et Mme [T] à démolir, dans un délai de deux mois, le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et

surélevée, construits sur la moitié Est de la parcelle cadastrée AE n° [Cadastre 8], et dit que passé ce délai et faute pour eux de s'exécuter, M. [T] et Mme [W] seront condamnés à payer une astreinte de 100 € par jour de retard ;

Débouter la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE, la société ANDY, M. [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N] de leurs demandes de démolition de tous ces ouvrages savoir "le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée, construits en violation de la servitude non aedificandi.

Sur l'appel incident de la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE de ses demandes tendant à

' rendre à la servitude sa largeur de trois mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édifiés,

' être autorisée au passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude,

' remettre le terrain à son niveau d'origine,

' ôter le mur végétal de cinq mètres de haut ;

Débouter la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE, la société ANDY, M. [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N] de toutes leurs demandes ;

Condamner la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE, à payer à M. [T] une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamner la société ANDY, M. [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N] à payer chacun à M. [T] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENTS DU GOLFE, la société ANDY, M. [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et M. [S] [N] aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 31 janvier 2023 par la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE tendant à :

Vu les dispositions des articles 637 et suivants du Code Civil.

Vu les actes notariés des 7 novembre 1955 et 7 décembre 2015.

Vu l'existence de la servitude de 3 mètres.

Vu les constats de Maître Nelly Ferraioli des 5 et 20 avril 2016.

Vu le protocole d'accord du 21 novembre 2017 signé entre la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLF et Madame [P] [T].

Vu le jugement en date du 21 janvier 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de Draguignan,

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de Monsieur [A] [T] à l'encontre du jugement en date du 21 janvier 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de Draguignan.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Draguignan en ce qu'il a :

' condamné [A] [T] et [P] [T] épouse [W], dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement, à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée, construites en violation de la servitude non aedificandi sur la moitié Est de la parcelle cadastrée n° [Cadastre 8].

' dit que, passé ce délai et faute pour eux de s'exécuter, [A] [T] et [P] [T] épouse [W] seront condamnés à payer une astreinte de 100 euros (CENT EUROS) par jour de retard.

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE de ses demandes à l'égard des consorts [T] tendant à :

' rendre à la servitude de passage sa largeur de trois mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édifiés ;

' être autorisée au passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude;

' remettre le terrain à son niveau d'origine ;

' ôter le mur végétal de cinq mètres de haut.

En tout état de cause,

Débouter les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, moyens fins et conclusions.

Condamner les consorts [T] à rendre à la servitude de passage sa largeur de 3 mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édifiés et ce sous astreinte de 1000 € par jour de retard sous huitaine à compter de la signification de la présente décision.

Autoriser la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLF au passage d'une canalisation aérienne sur l'assiette de la servitude.

Condamner les consorts [T] à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée construites en violation de la servitude non aedificandi.

Condamner les consorts [T] à remettre le terrain à son niveau d'origine.

Condamner les consorts [T] à ôter le mur végétal de 5 mètres de haut, le tout sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter d'un délai de huitaine à partir de la signification du jugement à intervenir.

Condamner les consorts [T] à 5000 € au visa des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Franck MANDRUZZATO, Avocat aux offres de droit.

Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.

Vu les conclusions d'interventions volontaires notifiées le 30 janvier 2023 par La société ANDY, Monsieur [Y] [X], La société QUEEN OF SOUTH, Monsieur [S] [N], cessionnaires des villas construites par la SAS Foncière d'Investissement du Golfe tendant à

Vu les articles 689, 701, 702, 706 et 707 du code civil,

Vu les articles 9, 328 et suivants du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer recevables et bien-fondés les concluants en leur intervention volontaire ;

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a :

' condamné [A] [T] et [P] [T] épouse [W], dans un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement, à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée, construites en violation de la servitude non aedificandi sur la moitié Est de la parcelle cadastrée n°[Cadastre 8] ;

' dit que, passé ce délai et faute pour eux de s'exécuter, [A] [T] et [P] [T] épouse [W] seront condamnés à payer une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE, aux droits de laquelle viennent les concluants, de ses demandes à l'égard des consorts [T] tendant à :

' rendre à la servitude de passage sa largeur de trois mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édifiés ;

' être autorisée au passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude ;

' remettre le terrain à son niveau d'origine ;

' ôter le mur végétal de cinq mètres de haut.

En tout état de cause,

Débouter les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner les consorts [T] à rendre à la servitude de passage sa largeur de 3 mètres au niveau du portail en procédant à la démolition des poteaux qui ont été édifiés et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard sous huitaine à compter de la signification de la présente décision ;

Autoriser la SCI ANDY, Monsieur [Y] [X], la SARL QUEEN OF SOUTH et Monsieur [S] [N] au passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude ;

Condamner les consorts [T] à démolir le pool house ainsi que les pièces attenantes, la piscine, les murets et la plage carrelée et surélevée construites en violation de la servitude non aedificandi ;

Condamner les consorts [T] à remettre le terrain à son niveau d'origine ;

Condamner les consorts [T] à ôter le mur végétal de 5 mètres de haut le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d'un délai de huitaine à partir de la signification du jugement à intervenir ;

Condamner les consorts [T] à payer la somme de 1 000 euros chacun à la SCI ANDY, Monsieur [Y] [X], la SARL QUEEN OF SOUTH et Monsieur [S] [N] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les consorts [T] aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 10 septembre 2021 de Madame [T] épouse [W] tendant à

Vu le Jugement du 21 janvier 2021,

REFORMER la décision en ce que Mme [T] a été condamnée aux côtés de son frère à mettre en 'uvre les travaux mis à la charge de ce dernier.

Subsidiairement,

JUGER en tout état de cause que la société FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE n'a plus qualité pour agir et la juger irrecevable en son action .

JUGER que la servitude stipulée au profit de la SCI JEAN DES FIGUES avait pour objectif de protéger la vue sur mer depuis le bâtiment propriété de la SCI JEAN DES FIGUES à l'époque en 1955 et que cette servitude ne s'étendait pas aux piscines.

JUGER en tout état de cause que la SCI JEAN DES FIGUES a renoncé au bénéfice de cette servitude.

CONDAMNER tout succombant au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le CONDAMNER aux dépens.

MOTIVATION :

Sur la recevabilité de l'action de la SAS FONCIÈRE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE et sur la recevabilité des interventions volontaires de la SCI ANDY, de [Y] [X], de la société QUEEN OF SOUTH et de [S] [N]:

[A] [T] fait valoir que la SAS FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE qui a revendu ses lots après avoir réalisé son programme immobilier, ne revendique aucune servitude personnelle à son bénéfice qui lui permettrait d'agir malgré la vente mais revendique « pour un fonds » sans avoir aucun droit sur ce fonds. Qu'en vertu de la règle que nul ne plaide par procureur, elle ne peut formuler aucune demande pour ou au profit des fonds bénéficiaires des servitudes litigieuses.

Il ajoute que les intervenants à l'instance d'appel prétendent avoir fait l'acquisition des villas construites par la société FONCIERE D' INVESTISSEMENTS, dans le cadre d'une opération immobilière dont on ignore la nature ; qu'il leur a été fait sommation de communiquer leurs titres de propriété ce qu'ils n'avaient toujours pas fait à la date des conclusions de l'appelant ; qu'à défaut de justifier de leur qualité de propriétaire, ils doivent être déboutés de leur intervention volontaire respective.

La SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE rappelle qu'elle a acquis plusieurs parcelles de terre sises à [Localité 11], [Adresse 27] cadastrées AE [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24], [Cadastre 25] par acte du 7 décembre 2015, pour y édifier plusieurs villas destinées à être vendues ; qu'elle en a vendu deux et que quatre villas devaient être construites, de sorte qu' au jour de l'introduction de l'instance, elle avait qualité à agir.

La SCI ANDY, [Y] [X], la société QUEEN OF SOUTH et [S] [N] répliquent qu'ils produisent les attestations notariées des actes d'acquisition de parcelles bénéficiaires des servitudes revendiquées; qu'ils ont donc qualité et intérêt à agir.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription , le délai préfix, la chose jugée.

L'alinéa 1er de l'article 30 du même code dispose : 'L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.'

L'article 31 du code de procédure civile dispose quant à lui : 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'intérêt à agir a pu être défini comme « la recherche d'un avantage personnel » ou encore comme « le profit, l'utilité ou l'avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur ». La personne a intérêt à agir si la demande formée est susceptible de modifier, en l'améliorant, sa condition juridique.

Si l'intérêt du demandeur, du défendeur ou de l'intervenant, est, en principe, la condition nécessaire et suffisante de la recevabilité de la prétention car il englobe la qualité pour agir, l'attribution par la loi du droit d'agir à une personne qu'elle qualifie, fait exception à ce principe. L'action est alors dite attitrée,

En ce cas, le droit d'agir est fondé non plus sur l'intérêt mais sur la qualité du demandeur: le défaut de cette qualité ( désignée par la loi) qui lui permettrait d'agir sans intérêt personnel, ne pouvant être suppléé par la seule démonstration de l'existence d'un tel intérêt.

Aux termes de l'article 686 alinéa 1 du code civil, «  il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés ou en faveur de leurs propriétés telles servitudes que bon leur semble , pourvu néanmoins que les services établis ne soient pas imposés ni à la personne , ni en faveur de la personne , mais seulement à un fonds et pour un fonds ... »

Il résulte de ces dispositions que l' action en revendication ou en défense d'une servitude appartient au propriétaire du fonds dominant.

En l'espèce, il ressort des attestations notariées versées aux débats par trois des intervenants volontaires qu'ils ont chacun acquis dans un ensemble immobilier situé [Adresse 26] , le Plan de la Tour, un lot supportant notamment une villa et une piscine édifiées sur les parcelles AE [Cadastre 14] et [Cadastre 25] vendues en l'état futur d'achèvement par la société FONCIERE DINVESTISSEMENT DU GOLFE.

Aux termes de l'acte notarié du 7 septembre 2015, la société FONCIERE DINVESTISSEMENT DU GOLFE, avait acquis un tènement d'un peu plus d'un hectare, composé des parcelles AE [Cadastre 14] à [Cadastre 18] et AE [Cadastre 22] à [Cadastre 25], qui constitue le fonds dominant des servitudes de passage, de non altius tolendi et de non aedificandi figurant dans l'acte de vente de la société Jean des Pins au profit de M [C], reçu le 7 novembre 1955 par Maître [B], notaire à [Localité 29].

Il ressort plus précisément des attestations notariées produites par les intervenants volontaires que :

' Le 15 novembre 2021, M [J] [U] a vendu à la SCI DJ INVEST le lot n° 1 de l'ensemble immobilier cadastré AE [Cadastre 14] et [Cadastre 25], composé d'une villa avec annexes, piscine et jouissance privative d'un jardin, outre 233/1000ème des parties communes générales. La société DJ INVEST n'est pas partie à l'instance.

' Le 21 août 2020, la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE a vendu à la SCI QUEEN OF SOUTH le lot n° 4 de l'ensemble immobilier cadastré AE [Cadastre 14] et [Cadastre 25], composé d'une villa avec annexes, piscine et jouissance privative d'un jardin, outre 225/1000ème des parties communes générales.

' Le 25 mai 2016, la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE a vendu à M. [Y] [X] le lot n° 2 de l'ensemble immobilier cadastré AE [Cadastre 14] et [Cadastre 25], composé d'une villa avec annexes, piscine et jouissance privative d'un jardin, outre 225/1000ème des parties communes générales.

' Le 23 novembre 2016, la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE a vendu à la SCI ANDY le lot n° 3 de l'ensemble immobilier cadastré AE [Cadastre 14] et [Cadastre 25], composé d'une villa avec annexes, piscine et jouissance privative d'un jardin, outre 291/1000ème des parties communes générales.

Il résulte de ces attestations notariées que la SCI QUEEN OF SOUTH, M. [X] et la SCI ANDY ont acquis des droits réels immobiliers sur deux parcelles qui bénéficient des servitudes instituées par l'acte du 7 novembre 1955, de sorte qu'ils sont recevables à intervenir à l'instance pour revendiquer et défendre les droits découlant de ces servitudes.

En revanche, M [S] [N], qui ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de l' une des parcelles bénéficiaires des servitudes litigieuses, n'a pas qualité à agir.

Il ressort par ailleurs de l'attestation notariée du 21 août 2022, relative à la vente du lot numéro 4, qu'à la date de l'acte introductif d'instance, la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE était propriétaire du lot en question et donc a minima titulaire de droits réels immobiliers sur deux parcelles bénéficiaires des servitudes revendiquées , de sorte qu'elle avait qualité à agir.

La fin de non recevoir soulevée est en conséquence admise s'agissant de l'intervention volontaire de [S] [N] et rejetée pour le surplus.

Sur les servitudes :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, quelques principes applicables aux servitudes conventionnelles

Selon l'article 686 du code civil, l'usage et l'étendue des servitudes établies du fait de l'homme se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après.

' Les servitudes sont établies ou pour l'usage des bâtiments, ou pour celui des fonds de terre. Celles de la première espèce s'appellent " urbaines ", soit que les bâtiments auxquels elles sont dues soient situés à la ville ou à la campagne. Celles de la seconde espèce se nomment " rurales ".( article 687 du code civil)

' Les servitudes sont ou continues, ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.( article 688)

' Les servitudes sont apparentes ou non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée (Article 689)

' Les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans (Article 690).

' Les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière (Article 691)

' Quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user.

Ainsi la servitude de puiser l'eau à la fontaine d'autrui emporte nécessairement le droit de passage.( Article 696).

' Celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver (Article 697).

' Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit(Article 700).

' Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.(Article 701).

' De son côté, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire, ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier (Article 702)

' Les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user ( Article 703).

' Elles revivent si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user ; à moins qu'il ne se soit déjà écoulé un espace de temps suffisant pour faire présumer l'extinction de la servitude, ainsi qu'il est dit à l'article 707 (Article 704).

' La servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans( Article 706).

' Les trente ans commencent à courir, selon les diverses espèces de servitudes, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues( Article 707).

' Le mode de la servitude peut se prescrire comme la servitude même, et de la même manière(Article 708).

Sur la servitude de passage :

Il résulte de l'acte authentique du 7 novembre 1955 par lequel la SCI Jean des Figues a vendu la partie Nord- Est de sa propriété que la SCI s'est réservée une servitude de passage de 3 mètres de large le long de la limite Est de la parcelle vendue, séparative de la propriété de Monsieur [H], depuis le surplus de la propriété qu'elle conservait et jusqu'à la route nationale numéro 98. La parcelle restant la propriété de la SCI Jean Des Figues n'était pas enclavée puisqu'elle bénéficiait d'un accès à la voie publique sur l'[Adresse 26].

[A] [T] soutient que ce passage de 84 mètres de long constituait un raccourci pédestre de pur confort permettant au vendeur d'aller du terrain de tennis de la SCI, à la plage , sans passer par l'[Adresse 26] qui dessert les maisons , soit un gain de presque 80 mètres à pied.

Il rappelle que ce passage est encadré à ses deux extrémités par deux portails d'une largeur entre piliers de 2,50 m, réalisés par la SCI Jean des Figues préalablement à la division de sa propriété en 1955, l'un au Nord, donnant sur le trottoir de la RN 98, implanté sur le fonds de l'indivision [T]. Il s'agit du portail litigieux dont la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE et les intervenants demandent la démolition. L'autre , au Sud, est implanté sur le fonds dominant.

Il ajoute que l'assiette de la servitude n'a jamais été aménagée en voie carrossable par les propriétaires du fonds dominant, que des arbres ont poussé réduisant le passage, la société FONCIERE d' INVESTISSEMENT DU GOLFE et les précédents propriétaires n'ayant jamais rien fait pour entretenir le passage, comme ils en avaient la charge.

Il fait valoir que le passage a toujours été conçu pour les piétons seulement, comme le démontre la présence de marches avant le portail Nord lequel ouvre sur un trottoir sans aucun aménagement pour permettre la sortie des véhicules.

Enfin , la servitude de passage exclut selon lui une servitude de tréfonds qui n'est pas mentionnée dans l'acte, de sorte que la société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE ou ses ayants cause ne peuvent être autorisés à faire passer une conduite souterraine ni même une conduite aérienne.

La société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE et les intervenants volontaires répliquent que :

' M. [T] n'établit pas que les piliers du portail Nord existent depuis 1955, leur état de conservation étant remarquable pour des ouvrages qui remontent à 70 ans. l' entraxe des piliers du portail Nord réduit la largeur de la servitude.

' M [T] est seul à détenir les clefs de ce portail.

' L'acte de vente du 7 novembre 1955 institue une « servitude de passage de trois mètres de largeur sur la limite Est séparative de la propriété de Monsieur [H], depuis le surplus de la propriété restant à la société venderesse jusqu' à la route nationale n° 98 ».

' Les piliers des deux portails présents sur la servitude sont séparés d'une distance de 2,50 mètres.

' la servitude de passage , telle qu'elle est décrite n'est pas cantonnée au passage des piétons ; elle ne comporte aucune restriction d'exercice. Le passage de véhicules n'est pas exclu par la servitude si bien que le passage de trois mètres doit être rétabli conformément à l'article 637 du code civil.

' les concluants s'estiment également fondés à demander à être autorisés à faire passer une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude.

Étant rappelé qu' une servitude de passage ne confère le droit de faire passer des canalisations dans le sous sol de l'assiette de la servitude que si le titre instituant cette servitude le prévoit( cassation 3ème civ. 14 juin 2018 17-20.280), force est de constater que la servitude de passage instituée par l'acte du 7 novembre 1955 ne prévoit aucune servitude de tréfonds  ni la possibilité de faire passer sur l'assiette de la servitude une canalisation aérienne, ce qui d'ailleurs aurait pour effet de réduire son assiette pour le passage allégué des véhicules.

A cet égard, les pièces versées aux débats , photographies et procès-verbaux de constat, ne mettent en évidence aucun vestige d'une voie carrossable qui aurait été aménagée depuis 70 ans sur l'assiette de la servitude pour permettre le passage de véhicules notamment automobiles. La configuration des lieux va d'ailleurs à l'encontre d'un tel usage . En effet, au delà des arbres et de la végétation qui ont envahi l'assiette de la servitude, ce qui traduit un non usage du chemin au moyen de véhicules depuis plusieurs années, il apparaît que le débouché au niveau de la RN 98 est incompatible avec le passage de véhicules automobiles. Le trottoir de l'autre côté du portail est en effet séparé de la chaussée par une bordure haute au droit du caniveau, destinée à protéger les piétons. Des marches sont par ailleurs visibles de l'autre côté du portail sur le fonds de l'indivision [T]. A l'autre extrémité de l'assiette de la servitude, le portail présent sur la propriété de La société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE et des intervenants volontaires est de même largeur que le portail donnant sur la route littorale, ce qui conforte l'idée que l'assiette de 3 mètres de large de la servitude de passage comprenait la largeur, hors tout, des ouvrages destinés à la clore à l'une et l'autre de ses extrémités.

C'est donc par une appréciation exacte des faits soumis à son appréciation et des droits des parties, que la cour fait sienne , que le tribunal a exclu la démolition du portail Nord et rejeté le passage d'une canalisation souterraine ou aérienne sur l'assiette de la servitude.

Sur la servitude non aedificandi :

L'acte de vente du 7 novembre 1955 comporte, à la suite de l' énoncé de la servitude de passage, la mention d' une servitude non altius tolendi limitant la hauteur des constructions, notamment dans une zone de 20 m en bordure de la route nationale.

A la suite de cette clause figure la mention d'une servitude de non aedificandi ainsi rédigée :

«  la parcelle présentement vendue sera grevée au profit du surplus de la propriété de la société venderesse [']

c)d'une servitude de non aedificandi sur la moitié Est de ladite parcelle ».

Figure sur la partie gauche de l'acte une mention manuscrite «  les constructions devant » non paraphée . En revanche , la mention manuscrite «la moitié Est de ladite parcelle » substituée aux quatre lignes dactylographiées rayées qui prévoyaient d'autres modalités, comporte la signature des parties à l'acte.

En cause d'appel, Monsieur [T] fait valoir que la servitude non aedificandi a été instaurée au profit du fonds supérieur restant la propriété de la SCI Jean des Figues, après cession partielle à la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE. S'agissant d'une servitude conventionnelle, il soutient qu' au delà de sa signification littérale, elle doit être interprétée au regard de la commune intention des parties.

Il fait valoir qu'en 1955, 10 ans seulement après la fin de la seconde guerre mondiale, la partie Nord de [Localité 11] était une zone où n' existaient que très peu de constructions, éparses, et pas de piscines privées. Les parties à l'acte de 1955 n'ont donc pu envisager que la servitude non aedificandi pouvait concerner la création d'une piscine enterrée, non préjudiciable à la vue des fonds situés en amont.

Il s'agissait en réalité de conserver à la villa de la SCI Jean des Figues située en amont, sur la parcelle portant actuellement le numéro [Cadastre 21], au moins une partie de la vue dont elle bénéficiait sur la mer.

Il ajoute qu'en 1955, avant la loi Spinetta de 1978, le sens « d'édifier » se rapportait à l'action d'ériger des bâtiments. Ce n'est qu'en 1978 puis en 2005 que pour des raisons de garantie décennale la notion de bâtiment et celle de techniques du bâtiment ont été remplacées par la notion de construction puis d'ouvrage.

En 1955, une piscine n'était pas considérée comme un bâtiment susceptible d'être « édifié », mais comme un ouvrage de génie civil.

Il conteste par ailleurs la surélévation de la piscine par rapport au niveau du sol naturel et produit des photographies en pièce 14 qui démontreraient le contraire. Il souligne qu'il n'a jamais été soutenu que la piscine, la plage ou le pool house empêcheraient si peu que ce soit la vue sur la mer.

Enfin, il fait valoir que la SCI Jean des Figues a renoncé à la servitude non aedificandi , s'agissant de la piscine , alors qu'elle avait fait stopper la construction d'un angle de l'hôtel empiétant sur l'assiette de cette servitude ; qu' elle n'a jamais protesté contre la construction de la piscine en 1991, ni par la suite jusqu'à la cession partielle à la société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE. Il conclut à une volonté non équivoque du propriétaire du fonds dominant de renoncer à la servitude non aedificandi, s'agissant de la piscine et de ses ouvrages annexes démontables. Il ajoute que la société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE ne peut avoir plus de droits que son auteur.

la société FONCIERE D' INVESTISSEMENT DU GOLFE et les intervenants volontaires répliquent que le premier juge n'a pas procédé à l'interprétation d'une clause obscure, bien au contraire ; que le titre de propriété du 07 novembre 1955 est clair en ce qu'il mentionne l'existence d'une « servitude de non aedificandi sur la moitié Est de ladite parcelle. »

Ils considèrent que Monsieur [T] tente de mettre en relation cette clause et la clause de non altius tolendi prévue également par l'acte de 1955, pour interpréter la première à la lumière de la seconde et en déduire que l'intention des parties était clairement d'exclure sur la moitié Est de la parcelle cédée les bâtiments « aedificandi » c'est-à-dire uniquement les constructions en élévation par rapport au niveau du sol, afin de ne pas masquer la vue de la villa de la SCI Jean des Figues en direction de la mer,

Ils font observer que si l'objectif avait été exclusivement de limiter la hauteur des constructions, il n'y aurait eu aucun intérêt à prévoir une clause de non aedificandi juste après celle de non altius tolendi, ces deux clauses étant distinctes selon le dernier alinéa de l'article 689 du code civil, aux termes duquel : « Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée. »

La clause de non aedificandi ne peut dès lors s'entendre, selon eux, que de l'interdiction de bâtir sur la moitié Est de la parcelle n°[Cadastre 8] et ce, quelles que soient la hauteur et la nature des constructions.

Ils ajoutent que la servitude non aedificandi n'a pu s'éteindre par 30 ans de non usage, dans la mesure où la piscine a été construite en 1991, et que l'appelant ne peut se prévaloir d'une manifestation de volonté non équivoque du propriétaire du fonds dominant de renoncer à la servitude de non aedificandi s'agissant de la piscine et de ses dépendances.

Sur ce , il résulte de l' acte de 1955 que la servitude de non aedificandi ne comporte aucune restriction et vise par conséquent toute construction susceptible d'être réalisée dans la zone qu'elle délimite, y compris une piscine et ses dépendances( pool house, plages, murets etc) qui sont des constructions.

Si au moment de la réalisation de ces ouvrages, en 1991, et par la suite , la SCI Jean des Figues n'a pas élevé de protestation, comme elle l'avait fait en 1976 pour dénoncer un empiétement sur la zone non aedificandi, lors de la construction de l' hôtel par le père des consorts [T], cette attitude ne peut être interprétée comme une renonciation claire et non équivoque au bénéfice de cette servitude.

Cette attitude passive n'a pas eu pour effet, non plus, de priver les propriétaires actuels du fonds dominant du droit de demander le respect de cette servitude qui n'est pas éteinte par le non usage pendant 30 ans, ce délai ayant pour point de départ , selon l'article707 précité, lorsqu'il s'agit d' une servitude continue, le jour où il est fait un acte contraire à la servitude. En l'espèce ce délai expirait en 2021. L'action ayant été introduite en 2016, cette servitude n'est pas éteinte.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition des ouvrages en question . Il convient pour l'efficacité de cette mesure d'impartir aux consorts [T] de procéder à cette démolition dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, et de dire que, passé ce délai, ils seront condamnés à payer une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard, pendant 10 mois.

La SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE et les intervenants seront en revanche déboutés de leurs demandes de remise à niveau du terrain du fonds [T] et d'enlèvement du mur végétal. En effet il n'est nullement établi que le terrain a été remblayé, au moment de la construction de l'hôtel ou de la piscine ni par la suite, à l'exception de la plage entourant la piscine qui devra être démolie. Et la haie d'arbres qui borde la piscine en arrière plan, dont le caractère préjudiciable n'est pas établi, ne saurait être assimilée à une construction.

Sur les demandes annexes:

Chacune des parties succombant partiellement conservera la charge de ses propres dépens.

Compte tenu de l'issue du litige, l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare [S] [N] irrecevable en son intervention,

Reçoit la SCI ANDY, la SCI QUEEN OF SOUTH et [Y] [X] en leur intervention volontaire respective,

Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SAS FONCIERE D'INVESTISSEMENT DU GOLFE,

Confirme le jugement, sauf en ses dispositions concernant le délai imparti aux consorts [T] pour démolir les ouvrages construits en zone non aedificandi, et l'astreinte ,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne [A] [T] et [P] [T] épouse [W], à démolir, dans un délai de six mois suivant la signification de la présente décision, le pool house et les pièces attenantes, la piscine, les murets, et la plage carrelée et surélevée, construits en violation de la servitude non aedificandi sur la moitié Est de la parcelle AE n° [Cadastre 8].

Dit que passé ce délai et faute pour eux de s'exécuter, [A] [T] et [P] [T] épouse [W] seront condamnés à payer une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant 10 mois.

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/03684
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.03684 ?
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